Billet invité.
Va-t-il falloir revenir sur le dernier en date des plans de sauvetage, celui qui a été conclu dans des conditions fort mouvementées à Chypre ? Cela semble tout à la fois inévitable mais peu probable dans l’immédiat, bien que ce soit ce que vient de demander son président, Nicos Anastasiades.
Il constate que l’économie de son pays « est précipitée dans une profonde dépression, annonçant une nouvelle progression du chômage et rendant la consolidation fiscale encore plus difficile ». En conséquence, il demande l’assouplissement des mesures déjà décidées, le principal établissement financier – la Banque de Chypre (BoC) – étant en particulier durement atteint, non sans conséquences sur l’activité économique. Sans explicitement demander une rallonge financière, le président chypriote souhaite qu’une partie des aides d’urgence de 9 milliards d’euros de l’Eurosystème (Emergency Liquidity Assistance – ELA), initialement reçues par la banque Laïki et depuis sa fermeture au bilan de la BoC, soit convertie en obligations à long terme. Il met en cause ce soutien (« abusif » est le terme juridique, car il est intervenu alors qu’il était déjà clair que Laïki n’était pas solvable). Le point est sensible, car il rejoint la critique faite par le FMI à propos de l’insolvabilité de la Grèce, dont la reconnaissance a selon ce dernier trop tardé.
Le tour de la Grèce se rapproche également, une nouvelle restructuration de la dette étant inévitable bien que repoussée au plus tard possible. Ce ne sont pas l’échec de la privatisation du groupe gazier DEPA et l’arrêt brutal de la télévision publique qui y feront obstacle. En Irlande, toujours présentée comme le bon élève, le Portugal ne l’étant plus, les choses ne s’annoncent pas si simples. « La reprise économique n’est pas bien installée et les risques relatifs à la viabilité de la dette demeurent », a déclaré David Lipton, numéro 2 du FMI, qui a débloqué une nouvelle tranche de l’aide financière prévue. Il a appelé les autorités à mener un « examen complet » de la qualité des actifs des banques et à adopter si nécessaire les « remèdes appropriés », car elles compteraient plus de 25% de créances douteuses et continuent à subir des pertes. Seule solution, qui va devoir également attendre : réévaluer le rythme de réduction des déficits et aider au retour sur le marché du pays. Il serait question à ce sujet d’accorder une ligne de crédit préférentielle. Michael Noonan, le ministre irlandais des finances, a par ailleurs obtenu que l’évaluation de la situation des banques nationales soit repoussée à début 2014, tout en expliquant par avance qu’elles n’avaient pas besoin d’être recapitalisées…
Remis en perspective, les plans de sauvetage ne répondent pas à leur attente, pourrait-on une nouvelle fois constater, lassés de cette évidence. Mais ce ne serait pas totalement exact : ils ont en effet eu pour effet de faire porter toute l’attention sur la crise de l’endettement public et d’escamoter celui du privé. Ce qui est un paradoxe si l’on considère non seulement le cas de l’Irlande, mais aussi celui de l’Espagne et même du Portugal (dont les perspectives « demeurent sombres » et où les risques sont « élevés » pour le FMI, qui joue décidément les empêcheurs de tourner en rond). La dette publique de l’Italie, aux banques très fragiles, a quant à elle des origines beaucoup plus lointaines.
En référence à la masse des actifs douteux logés dans les bad banks, on vient d’apprendre que la Slovénie va encore l’augmenter, en créant une structure de ce type à son tour, et qu’il en est aussi fortement question pour RBS au Royaume-Uni, ce qui reste à confirmer. Du côté de Bruxelles, les retards à propos de l’union bancaire continuent de s’accumuler en raison de la volonté allemande de minorer au maximum son engagement financier. Le gouvernement tourne totalement le dos à ce qui avait été décidé il y a un an, chargeant désormais prioritairement les États du poids des recapitalisations des banques à venir, au lieu de les en soulager. Ce qui ne peut manquer d’inciter les uns comme les autres à continuer à masquer les pertes. Ce pas en arrière, qui intervient alors que la marge de manœuvre de la BCE est devenue très réduite, est-il vraiment de circonstance ?
L’Eurogroupe se réunit demain pour décider de la contribution du MES au renflouement des banques, qui ne pourra pas intervenir avant l’été 2014, une fois le superviseur unique opérationnel sous l’égide de la BCE. La question de la rétroactivité sera au cœur des discussions, intéressant particulièrement l’Espagne et l’Irlande. Une réunion de l’Ecofin (à 27) suivra pour définir les règles de recapitalisation ou de liquidation des banques qui, en tout état de cause, ne seront applicables qu’en 2018. Qui sera impliqué à part les actionnaires fait l’objet de points de vue très divergents, néanmoins tous sont d’accord pour affirmer que les contribuables ne seront plus mis à contribution. D’ici là, les banques les plus mal en point sont priées de se débrouiller avec leurs comptables pour patienter. La formule des bad banks peut y aider.
PS : A propos de mon précédent billet, je partage pleinement l’analyse sur la dissociation du travail et du revenu de Paul Jorion. Je crois l’objectif du plein emploi de moins en moins réalisable au fur et à mesure que progressent les avancées technologiques et privilégie donc la seconde des solutions qu’il évoque : une rémunération de base pour tous, dissociée du travail.
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