L’actualité de demain : L’IRRÉVÉRENCE S’IMPOSERAIT-ELLE PARFOIS ? par François Leclerc

Billet invité.

Le suspens est à son comble dans l’attente de la diffusion dimanche sur BBC Radio one de son hit parade intitulé « The Official Charts Show ». « Ding Dong! The Witch is Dead » (La sorcière est morte) devrait y figurer comme le veut le principe, car ses ventes ont explosé. Or le disque est rien moins qu’une actualité puisqu’il s’agit d’une chanson chantée par Judy Garland, encore adolescente, à partir d’une scène de The Wizard of Oz, l’un des premiers films en couleur, sorti sur les écrans en… 1939 !

Les milieux comme il faut crient à la manipulation politique, en raison de la transparence de l’allusion à la disparition de Margaret Thatcher, surnommée durant toute sa carrière politique, « The Wicked Witch » : la méchante sorcière, par la partie de la population britannique qui n’appréciait guère celle que l’on appelait chez ceux qui, au contraire, l’aimaient, « The Iron Lady » : la dame de fer.

Tony Hall, le PDG de la BBC, a rétorqué que cette diffusion relèverait d’une décision éditoriale et non politique, une manière de revendiquer son indépendance après que ses journaux d’information ont tenu les propos de circonstance avec les voix qui s’imposaient. Mais était-ce tenable ?

La musique a toujours joué un rôle important quand les autres voies permettant d’exprimer la révolte sont bouchées, issue restant pour la faire connaître et la partager. Le Royaume-Uni de Margaret Thatcher n’a pas failli dans ce domaine, creuset d’une formidable explosion musicale dont nous avons hérité avec bonheur. Les protest songs n’ont pas manqué dans les années 80, dont les auteurs aujourd’hui se rappellent au bon souvenir de celle qui en a été l’inspiratrice. On se souviendra du délicat « Tramp the Dirt down » (piétinez la tombe) d’Elvis Costello et du prémonitoire « The Day that Thatcher Dies » (le jour où Thatcher mourra) du groupe The Larks. Morissey, le leader des Smiths, n’avait pas été en reste avec « Margaret on the Guillotine ». C’était le bon temps, mettra-t-on au crédit de la défunte, car ses épigones ne parviennent même pas à susciter une haine aussi forte et tenace.

Bobby Gillespie, un grand nom du rock britannique, fils d’un leader syndical écossais, a rappelé en cette occasion comment la grande grève des mineurs avait été écrasée par Margaret Thatcher en 1984, et que les mines avaient fermé, créant une misère noire. Mais il ne s’est pas contenté de réveiller le passé : « Thatcher n’est pas morte, elle est juste partie. Car toutes les politiques qu’elle a mises en œuvre, les privatisations, les attaques contre l’État-providence, la santé, le système éducatif, sa guerre contre la classe ouvrière, se sont poursuivies sous les gouvernements Major, Blair, Brown jusqu’à aujourd’hui ». Ajoutant à ce propos : « Le gouvernement de coalition met en place des choses dont elle n’aurait pu que rêver, car à son époque la classe ouvrière et les syndicats étaient importants et puissants ».

Dans le pays, les larmes n’ont pas seulement exprimé une peine convenue à la disparition de la fille de l’épicier qui s’était faite elle-même. À lire les reportages effectués chez les anciens mineurs du Nord, que l’on rencontre réunis dans leurs « working men’s clubs », elles ont aussi été de joie. « Si son corps est incinéré et qu’il n’y pas de charbon pour la crémation, désolé, mais ce sera sa faute » a commenté l’un d’entre eux.

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