Billet invité.
Au moment où des fenêtres s’entrouvrent sur la finance de l’ombre, l’Europe continue de s’enfoncer dans le brouillard. Les ministres des finances réunis à Dublin cette fin de semaine devraient se prononcer sur l’allongement du calendrier de remboursement des prêts accordés à l’Irlande et au Portugal, dont le gouvernement cherche fébrilement à réunir des garanties de sa bonne conduite, après l’invalidation de plusieurs mesures budgétaires par le Conseil constitutionnel.
Simultanément, le gouvernement chypriote annonce que ses besoins de financement sont plus élevés que prévus, passant de 17,5 à 23 milliards d’euros, la différence à sa charge augurant mal de la suite. La Slovénie semble prête à prendre sa succession, ne parvenant pas à financer sur le marché le renflouement de ses banques minées par des créances irrécouvrables, l’Institute of International Finance préconisant de lui accorder sans plus attendre « une aide de précaution ».
Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, a annoncé qu’il allait « batailler » pour que la réduction du déficit public se fasse à un rythme « raisonnable et sensé », ainsi qu’en faveur de la réalisation de l’union bancaire (en anticipation de la poursuite de l’effondrement du système bancaire espagnol). Sur un terrain moins habituel, il a poursuivi en réclamant que l’Europe se dote des « outils sur lesquels d’autres régions du monde peuvent s’appuyer », après avoir salué le changement de politique opéré par la Banque du Japon (qui contribue à la détente sur le marché obligataire européen). La BCE, selon lui, « devrait avoir les mêmes compétences que les autres banques centrales dans le monde ».
C’est le moment que choisi le FMI pour s’alarmer des conséquences qu’aurait un retrait « désordonné » des mesures exceptionnelles prises par les banques centrales, enregistrant la montée des inquiétudes qui se font jour aux États-Unis, y compris au sein de la Fed, devant le risque de formation d’une nouvelle bulle financière. La remontée des taux sur le marché obligataire qui en résulterait toucherait de plein fouet les banques faiblement capitalisées, craint-elle, et la vente des titres de la dette souveraine détenus par les banques centrales aurait le même effet néfaste sur les États. Ce monde est décidément plein de contradictions !
Combien d’années aura-t-il fallu attendre pour que le FMI affirme qu’en Europe « la priorité doit être de continuer à nettoyer le système bancaire en recapitalisant, en restructurant, et si nécessaire en fermant certaines banques » ? C’est ce que vient de déclarer Christine Lagarde, qui a précisé que « même à l’extérieur de la périphérie (sic), le bilan [des banques] doit être réduit et leur modèle économique amélioré », avant de s’attaquer aux banques « sur-dimensionnées » ainsi qu’à un secteur « réticent à abandonner des activités lucratives ». Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, n’a de son côté pu que reconnaître que « la BCE n’a pas de baguette magique. Elle ne peut pas compenser un manque ou une mauvaise allocation de capitaux. C’est quelque chose dont d’autres parties prenantes doivent s’occuper, sous une forme ou sous une autre ».
Tous les regards sont donc tournés vers le gouvernement allemand, dans l’attente qu’enfin il accorde un assouplissement de sa politique que le secrétaire d’État au Trésor américain est venu une fois de plus réclamer, sans succès. Comme il n’est plus attendu de la tenue des élections législatives allemandes de l’automne prochain cette inflexion, que reste-t-il donc a espérer pour ceux qui ne voient une issue qu’en ces termes ? Que les signes de ralentissement qui touchent l’économie allemande s’accentuent ? Cela ne créera pas pour autant les bases d’une stratégie alternative de désendettement, à considérer comment le gouvernement agit avec ses banques.
Suite à d’autres épisodes, la situation délicate de la banque régionale de Hambourg, HSH Nordbank – l’un des grands acteurs mondiaux du financement du transport maritime – confirme que le secteur bancaire allemand n’a pas été épargné. La banque bénéficie d’ailleurs d’importantes garanties publiques, montées en mars dernier à hauteur de 10 milliards d’euros. Mais le gouvernement allemand a fait depuis le début de la crise de son secteur bancaire une chasse gardée, car il est étroitement lié au niveau des Länder aux partis politiques. La Deutsche Bank étant intouchable en raison de sa dimension mondiale. On comprend mieux pourquoi il n’est pas question de changer de stratégie, car cela imposerait de traiter autrement la crise financière.
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VIENT DE PARAITRE : « LA CRISE N’EST PAS UNE FATALITÉ » – 280 pages, 13 €.
Non pas débile, mais bon, juste sous une vidéo qui prend la peine d’être un peu explicative et qui invite…