Billet invité.
L’addition va être salée pour les déposants au dessus de 100.000 euros de Cyprus Bank et de Laiki. Les premiers perdront 60% de leurs dépôts (dont 37,5% convertis en actions) et les seconds la quasi-totalité. Le rôle de base-arrière que Chypre jouait pour les capitaux russes est terminé, en dépit de tous les efforts du président chypriote pour le préserver.
On ne connaîtra probablement jamais les filières qu’ont emprunté les fonds évaporés au dernier moment, mais l’on a une petite idée sur les places qui peuvent les avoir accueillis : le Luxembourg, les Pays-Bas, la Lettonie, l’Autriche et la Suisse, car seule une petite partie des fonds serait revenue en Russie. A noter que les Pays-Bas, qui disposent d’accords fiscaux avantageux avec la Russie, sont au deuxième rang derrière Chypre pour les échanges d’investissements avec Moscou. Peut-être aura-t-on par contre confirmation des noms des hommes politiques chypriotes qui auraient bénéficié de prêts bancaires jamais remboursés car jamais réclamés, dont la liste a été publiée par le journaliste grec Kostas Vajevanis qui avait déjà dévoilé la liste Lagarde impliquant des politiciens grecs.
Pratiquant un mélange des genres qui n’est pas rare, les banques chypriotes rendaient un double service, à la fois voie de transit pour le blanchiment de l’argent sale et lieu d’accueil, via leurs filiales chypriotes, des bénéfices des entreprises russes en mal d’optimisation fiscale (l’impôt sur les sociétés étant la moitié de celui de la Russie). Cela aussi est fini, le régime fiscal très favorable de l’île allant être modifié à la demande des autorités européennes.
Le traitement réservé aux actionnaires et gros créanciers est-il ou non unique, comme Benoit Coeuré et Yves Mersch de la BCE se sont dépêchés de le déclarer à la suite de l’intervention de Jeroen Dijsselbloem qui prétendait en faire un modèle (avant de démentir devant la réaction des marchés) ? Ce dernier a ensuite reçu le renfort du premier ministre finlandais, Jyrki Kaitainen, qui a expliqué : « Partout en Europe nous devrions passer à une économie de marché normale, où les propriétaires et les investisseurs accusent des pertes en cas de faillite bancaire », ainsi que de l’Institute of International Finance, ce qui n’est pas le moindre. Klaas Knot, le gouverneur de la banque centrale néerlandaise, a enfin affirmé à propos de son compatriote que « ses propos se réfèrent à une approche qui est sur la table depuis un moment en Europe. Cette approche fera partie de la politique de liquidation européenne ». Dans ce contexte, la déclaration de Wolfgang Schäuble selon laquelle « Chypre est et restera un cas exceptionnel » apparaît comme un propos de circonstance.
Les péripéties du sauvetage de Chypre ne sont pas terminées, car le gel des capitaux a été décrété afin d’éviter l’effondrement de Cyprus Bank. La Commission, qui n’en manque pas une, a prévenu que « … si les mesures restrictives imposées s’avèrent nécessaires dans les circonstances actuelles, la liberté des mouvements de capitaux doit être rétablie dès que possible dans l’intérêt de l’économie chypriote et du marché intérieur de l’Union européenne ». L’expérience tend cependant à montrer que lever de telles mesures est hasardeux et que le moment en est autant que possible reculé…
Le sauvetage de Chypre a été exemplaire, car il a mis en évidence que la zone euro comportait en son sein plusieurs paradis fiscaux, que l’argent sale faisait bon ménage avec celui pour qui l’on se contente d’utiliser les ficelles fiscales, et que les principes les plus sacrés peuvent être bafoués quand nécessité fait loi. Cela a été le cas avec la mise à contribution des actionnaires et des créanciers au renflouement de deux banques et avec l’instauration de restrictions majeures à la libre circulation des capitaux !
10 milliards d’euros vont rester à rembourser par les Chypriotes. La suite au prochain épisode.
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