Billet invité
Certains iront disséquer un accord encore tout frais.
On pourrait bien plutôt disséquer le cadavre encore fumant d’une Chypre décédée non pas au champ d’honneur mais équarrie à la boucherie européenne : comme d’autres ont vendu de la viande de cheval pour du boeuf, on fera passer cet accord pour ce qu’il n’est pas.
Et il y aura encore tromperie sur la marchandise, puis un nouveau scandale à venir.
En premier lieu, cet accord n’est certainement pas la définition d’une stratégie européenne.
C’est au contraire l’exposition à tous de l’absence de cette politique européenne, laquelle est déterminée par une banque centrale indépendante, un organisme financier ‘multilatéral’ et un pays de l’UE.
La position qui tint lieu de viatique à l’UE, stopper ‘l’économie-casino’ (selon l’expression désormais consacrée comme un élément de langage bien diffusé), ne se construisit qu’une fois la crise survenue : nul n’entendit souffler ce puissant discours il y a quelques jours encore, preuve s’il en est de l’état politique de préparation lorsque la Troïka est partie au front.
Pire, le ‘projet de taxation’, qui a créé un précédent dont nul ne peut dire ce qu’il produira, n’existe plus sous cette forme. Il est remplacé par une restructuration du secteur bancaire chypriote.
Hormis l’incompétence noire et/ou un hybris (une volonté de puissance sans limites) déplacé contre un si petit état aux si puissants amis que révèle un tel aboutissement, il y a lieu aussi de noter que cette ‘réorientation’ permet, une fois encore, de se passer de l’accord de la représentation nationale puisque l’accord ainsi ficelé permettra de ne pas solliciter le parlement chypriote.
On appréciera à sa juste valeur la portée toute politique de ce nouveau message en direction des peuples européens …
En second lieu et sans même parler du blocage des capitaux, qui est lui aussi un précédent (c’est simple : la Troïka génère la nouvelle réalité chaque jour, tel un deus ex machina), on pourrait entonner les trompettes et faire résonner les hautbois. Un paradis fiscal est mort !
La sale bête que voilà …
Sauf que ces nouveaux chevaliers de la finance propre vont maintenant devoir se confronter à leur production. Car de paradis fiscaux en UE, il n’en manque pas, à commencer par le Luxembourg.
Car de son absence de définition d’une politique commune, la Troïka, qui vécut pourtant en bon terme avec le monstre en l’abritant sous son aile, devra affronter le ‘fly to quality’ qui s’opérera à partir d’aujourd’hui, non seulement à Chypre, non seulement dans les nombreux paradis fiscaux de l’UE mais partout en UE, où les ‘investisseurs’ vont commencer à réfléchir si avec de tels ‘partenaires’, qui créent sans cesse leurs propres règles selon leur bon vouloir ou les résultats hasardeux de leurs ‘décisions’, il est encore possible d’avoir confiance.
Et pendant qu’on tressera des lauriers à des généraux incompétents, que l’on restructurera le vaincu (Vae Victis !), on finira bien par sentir l’odeur un peu particulière d’un corps qu’on brûle, le corps mystique du régime économique en cours : la confiance.
On pourrait, on devrait s’en réjouir, qu’un tel carnage ait eu lieu aux paradis fiscaux.
Mais, à la vue de tels généraux, il y a tout lieu de penser que cette bataille est le fruit improbable d’aventuriers va-t’en-guerre sans boussole, embourbés dans leur élan et sauvés par le sacrifice de leur victime et tout lieu de penser qu’on ne peut pas tirer quoi que ce soit de bon dans une telle ‘chose’ pour l’avenir.
Si l’on fouillait dans les entrailles de Chypre, on y verrait le départ massif des riches non-résidents vers des cieux plus cléments et plus sûrs, maintenant ou plus tard, peu importe, et que l’on ne les y reprendra pas de sitôt.
La question n’est pas de porter le fer ou non contre les paradis fiscaux. Elle est de se préparer en conséquence à une guerre qui vient d’être déclarée et dont personne ne mesure la portée.
La fleur au fusil et les guêtres pleines de boue, au front, Komrad !!
2 réponses à “SUR UN CADAVRE ENCORE FUMANT…, par zébu”
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