Billet invité.
Résumons le compte-rendu de François Leclerc sur les négociations bruxelloises à propos de Chypre. Un paradis fiscal a été démasqué et mis à mort au sein de la zone euro. Concrètement, les déposants inconnus qui se faisaient grassement rémunérer pour blanchir leurs capitaux en euros perdent officiellement leurs avoirs au-dessus de 100.000€.
Comme l’annulation des dépôts en euros ne suffit pas à éponger les pertes des banques chypriotes, la troïka accorde à l’État chypriote un méga-crédit pour porter les pertes bancaires directement dans le budget public. Évidemment, on ne dit pas que le bouclage de ce plan de restructuration des banques chypriotes est financé par un « déficit budgétaire » chypriote de 60 % du PIB : pas 0,6 %, ni 6 % mais bien 60 %.
La « bad bank » est un habillage comptable pour ne pas afficher la réalité des comptes publics chypriotes : au lieu de dire 60 % de déficit en 2013, on va dire 6 % de déficit supplémentaire pendant 10 ans ou 0,6 % pendant 100 ans. Un déficit qui s’ajoute à l’explosion du déficit primaire qui résulte de la disparition de la première activité économique de l’île de Chypre : le blanchiment des capitaux « off shore » en « légalité » de l’euro.
La restructuration du capitalisme financier à Chypre, c’est pour le moment le transfert des actifs toxiques qui valent 0 des comptes bancaires vers les comptes publics. Comme l’explosion de la dette publique chypriote est pur bavardage financier sans contrepartie économique réelle, c’est bien la BCE et le FMI qui reprennent la perte chypriote dans leurs comptes. Mais cette belle construction financière ne trompe que ceux qui veulent être trompés : peut-être quelques responsables politiques…
L’essentiel est bien sûr ailleurs : le capitalisme financier global a commencé à s’euthanasier. L’accumulation d’actifs toxiques dans le système financier mondial hors-sol est tel qu’il faut désormais annuler les dépôts des riches pour maintenir un semblant de liquidité bancaire. Toute la ploutocratie mondiale est en train de réaliser qu’il va être impossible d’échapper à la faillite sans séparer l’économie réelle de la spéculation monétaire.
Avant que la réalité ne devienne trop visible et pendant que les « autorités monétaires internationales » discutent leur « story telling », les banques chypriotes mettent à l’abri les avoirs de leurs meilleurs clients dans les banques en euros qui ne sont pas domiciliés à Chypre. Ces transferts de fonds sont absolument indétectables puisqu’ils consistent à réécrire des contrats de dépôt non écrits où le compte est géré par un ordinateur qui n’est plus à Chypre mais à Paris ou Francfort. Alors qu’en réalité l’ordinateur est à Bangalore, à Singapour ou sur… mars !
La globalisation financière qui privatise toute réalité économique par la « libre circulation des capitaux » est morte. Soit les banquiers vont récupérer l’intégralité du pouvoir politique et il n’y aura plus d’économie réelle pour fournir une contrepartie à l’économie financière. Soit les États nationaux et internationaux vont être rétablis et le capital va être à nouveau soumis à la loi et à la fiscalité.
La balle revient dans le camp des peuples et des citoyens. La richesse est potentiellement à nouveau la récompense du travail et de la citoyenneté, donc de la délibération politique du droit et de l’application économique de la Loi. Que vont faire les citoyens de leur nouveau pouvoir ?
La réponse est dans l’économie politique de la monnaie. Si les citoyens veulent juger de ce qu’ils font et négocier entre eux le prix des biens qui en résulte, ils exigeront de leurs institutions publiques et de leurs gouvernements que la monnaie soit l’outil de leur souveraineté.
La monnaie sera constitutionnellement définie comme unité de compte du capital financier des gouvernements ; capital défini comme responsabilité personnelle agrégée des titulaires de charges publiques ; capital dont l’objet sera l’application économique de la loi aux territoires et au marché régulés par la citoyenneté.
Si les citoyens ne s’intéressent qu’à leur compte en banque, ils seront réduits en esclavage par les entrepreneurs financiers qui leur diront ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour avoir droit à son salaire de subsistance.
3 réponses à “CHYPRE, LE DÉBUT DE LA FIN, par Pierre Sarton du Jonchay”
[…] CHYPRE, LE DÉBUT DE LA FIN, par Pierre Sarton du Jonchay […]
[…] CHYPRE, LE DÉBUT DE LA FIN, par Pierre Sarton du Jonchay […]
[…] CHYPRE, LE DÉBUT DE LA FIN, par Pierre Sarton du Jonchay […]