L’actualité de demain : LES PRÉCÉDENTS CRÉÉS À CHYPRE, par François Leclerc

Billet invité

Le parlement chypriote a commencé à adopter un ensemble de lois dont on ne connait pas encore le détail ; il est question d’une taxe de 15 % sur les dépôts supérieurs à 100.000 euros, mais cela reste à confirmer. Signe de confiance, une réunion de l’Eurogroupe a été convoquée pour dimanche à Bruxelles afin de ficeler le plan de sauvetage.

L’affaire aura en tout état de cause mis en évidence que la garantie des dépôts est toute relative. Ce que le premier ministre finlandais, Jyrki Katainen, a ainsi commenté : « Dans une économie de marché normale, un investisseur a toujours le risque de perdre de l’argent (…) les propriétaires d’une banque, les investisseurs et les gros déposants – que l’on peut considérer comme des investisseurs – prennent leurs responsabilités d’une manière ou d’une autre ». Sain principe dont on voudrait voir l’application généralisée. Encore ne faudrait-il pas que les déposants soient les seuls à apporter leur contribution au sauvetage de leur banque, mais que les créanciers et les actionnaires soient dans le même cas.

Cela va-t-il régler le problème pour autant ? C’est peu probable, car la contribution au PIB (17,5 milliards d’euros) des banques et des services financiers à l’économie de Chypre est de 45 %. Mêmes restructurées et financièrement renforcées, les banques chypriotes vont devoir faire face un effondrement de l’activité économique et à la chute de leurs dépôts qui nécessitera de les laisser sous perfusion de la BCE. C’est pour limiter le choc qu’il a été demandé au gouvernement de geler les sorties de capitaux une fois les banques rouvertes. Anticipant la suite, Moody’s a déjà baissé à Caa3 la note de Bank of Cyprus, Cyprus Popular Bank (Laiki) et Hellenic Bank et annonce se préparer à recommencer.

Une infrastructure s’était progressivement mise en place, permettant d’accueillir des capitaux provenant d’abord du Liban, puis ensuite du Royaume-Uni, et enfin de la Russie et de pays d’Europe de l’est. Sans préjudices de pays moyen-orientaux avec lesquels Chypre a toujours eu des liens étroits. Une législation d’inspiration anglo-saxonne, un taux d’imposition sur les sociétés très favorable, des juristes de qualité : les conditions étaient réunies pour que Chypre devienne une base arrière de l’économie russe, le lieu où se brassaient les capitaux privés et publics de toutes origines avant d’être réinjectés dans le circuit normal.

Comme d’autres, ce paradis fiscal était donc accepté au sein de l’Union européenne, ayant un rôle fonctionnel dans le système financier : celui d’être un point de rencontre entre sa vitrine et sa cave. Mais le sauvetage de Chypre met pour la première fois à contribution la finance de l’ombre. Fallait-il que la cause soit désespérée ! Subissant une ponction de 15 % qui reste dans les normes de coût des opérations de lavage de l’argent sale (après avoir bénéficié pour leurs dépôts de taux d’intérêt dépassant 6 % l’an), les investisseurs en question s’en remettront toutefois .

Deux précédents auront été créés à la faveur de la crise chypriote : les dépôts ne sont pas sanctuarisés et la finance de l’ombre peut être taxée.

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