L’actualité de demain : LA RESTRUCTURATION S’IMPOSE, par François Leclerc

Billet invité

L’onde de choc se propage comme c’était prévisible, en raison de l’énormité des mesures décidées dans le cadre du plan de sauvetage chypriote et du saut dans l’inconnu que cela représente. Si les dépôts ne sont plus garantis quels que soient leurs montants, le précédent étant créé, que risque-t-il de se passer demain en Espagne et en Italie, où l’on a déjà observé une importante fuite des capitaux des gros investisseurs lors des périodes de grande tension ? Martin Schulz, le président du Parlement européen, n’a pas attendu longtemps pour demander qu’un seuil soit fixé à Chypre, en dessous duquel aucune taxe ne sera prélevé sur les dépôts.

La décision du sauvetage a été finalement prise après avoir longtemps traîné en longueur, la rendant urgente afin d’éviter l’écroulement financier de Chypre et ses conséquences au sein de la zone euro, après que toutes les autres hypothèses aient été repoussées. Ajuster les prêts européens et du FMI à la hauteur des besoins, soit 17,5 milliards d’euros, n’était pas envisageable, car cela dépassait les capacités de remboursement chypriotes. Restructurer la dette souveraine n’était pas une solution, puisque les banques qu’il fallait sauver en étaient les principales détentrices. Restructurer celle des banques posait problème, soit parce que les investisseurs avaient eu le temps de se défausser, soit parce qu’elle était détenue par des banques déjà fragilisées. Le programme de privatisation décidé ne suffisait pas à combler la différence entre les 10 milliards d’euros de prêts accordés et les besoins, au vu du précédent grec.

Il ne restait donc comme possibilité pour augmenter les recettes de l’État que de taxer d’autres dettes toujours présentées comme protégées : celles des dépôts. La dernière situation connue de la banque Laiki, qui date de septembre dernier, illustrait bien cette situation, où ne figurait au passif de son bilan que les prêts de la BCE au titre de l’Emergency liquidity assistance (ELA) et les dépôts. Ceux qui devaient supporter les pertes étaient donc tout désignés.

Le dispositif choisi appelle trois remarques :

1/ Était-il nécessaire de faire supporter le poids de la taxe sur les dépôts aux petits déposants, ainsi qu’aux petites entreprises dont l’impôt sur les bénéfices est par ailleurs également augmenté ? Cela permet de limiter le montant de la taxe auxquels les gros déposant vont être assujettis, à recette constante, comme s’il s’agissait d’une tentative de préserver l’avenir de la place financière de Chypre (et de son statut de paradis fiscal). Une taxe de 10 % n’est en effet pas cher payé pour laver l’argent sale, car tel est le message envoyé aux déposants russes à qui il est demandé de faire la part du feu.

2/ Pourquoi avoir tant tardé à prendre une décision, si ce n’est pour donner le temps aux investisseurs de se désengager d’une exposition qui aurait fait d’eux les victimes toutes trouvées d’une restructuration plus classique ? Une nouvelle fois, ce sont les contribuables qui sont pris au piège et les investisseurs protégés. Les hedge funds ont eu pour leur part tout le temps de spéculer sur la dette obligataire chypriote et d’empocher leurs bénéfices.

3/ Quel est le statut exact, qui semble bien hybride, de cette mesure qui se présente comme une taxe et qui est en réalité un bail in (la conversion des créances en actions et/ou la réduction du montant de ces créances), puisque les déposants vont recevoir en contrepartie des actions des banques où ils ont déposé leurs fonds ?

L’histoire n’est pas finie en raison de ses répercussions, précisément parce qu’il a été réaffirmé avec force qu’il s’agissait d’un cas unique qui ne serait jamais reproduit, la chanson a déjà été entendue…

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