Je passe par la rue de Namur et je cherche distraitement des yeux le magasin « Séverin » où mon grand-oncle Raoul vendait « les plus belles chemises de Bruxelles ». Sans aucun succès.
Un peu plus tard, j’emprunte la rue de l’Arbre-Bénit où j’accompagnais mon père allant acheter des tubes de peinture à l’huile de la marque Talens. Pas plus de chance.
Ce n’est pas la première fois que je passe par ces rues depuis que j’ai renoué en octobre avec la ville de mon enfance et que je m’efforce de retrouver mes repères d’autrefois. Mais ce qui retient mon attention aujourd’hui, c’est le sentiment très curieux qui s’impose à moi, que mes chances de retrouver ces boutiques, ne diminuent pas à chacun de mes passages, mais au contraire augmentent.
Et je me rends compte alors que cet abruti d’inconscient, incapable de comprendre que le monde change, se préoccupe uniquement de l’amélioration de ma performance, et que si je ne trouve pas, c’est, selon lui, parce que je devrais « chercher mieux » : un peu plus de détermination de ma part me permettrait de découvrir la porte du marchand de couleurs, de la pousser et de dire bonjour à ce bonhomme en cache-poussière gris qui était déjà vieux en 1950. De même, un petit effort de ma part m’ouvrirait les portes de Séverin, où « mon onc’ Raoul », du haut des 131 ans qu’il aurait aujourd’hui, enjoindrait toujours avec la même autorité au visiteur de sa boutique d’acheter « les meilleures chemises de Bruxelles ! ».
Perdu dans cette réflexion, et ayant abandonné dans la rue de l’Arbre-Bénit tout espoir d’acheter à mon tour des tubes de rouge de cadmium ou des bruns terre de Sienne, je me suis penché pour refaire mon lacet quand une voix derrière mon dos a lancé : « Bonsoir Monsieur Jorion : merci pour le blog ! »
Tu vois, abruti d’inconscient : cela ne se serait pas passé de la même manière en 1950 : vas-tu enfin comprendre que le monde change !
P. S. : si la voix derrière mon dos était la vôtre, signalez-le moi : il y a quelque chose que j’ai envie de vous offrir.
Mise à jour 30 août 2013 : la personne en question s’est manifestée et a reçu un splendide exemplaire d’une bande dessinée contribuant du mieux qu’elle peut à la survie de l’espèce.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…