L’actualité de demain : LE MALAISE POLITIQUE GRANDIT, par François Leclerc

Billet invité.

Heureux résultat, l’interdiction des parachutes dorés décidé par un referendum d’initiative populaire en Suisse est-il une surprise ou tout simplement l’accomplissement de ce qui devait finir par arriver et va se poursuivre en Europe ? Car, un profond malaise s’est installé dans les opinions publiques et s’exprime quand l’occasion s’en présente, ou bien quand ce n’est vraiment plus possible, il emprunte les chemins disponibles et prend les formes les plus variées, y compris parfois les pires.

C’est le cas au Royaume-Uni avec la montée en puissance électorale de l’UKIP, ce parti sous la pression duquel se trouve David Cameron et qu’il a traité de « barjots, de cinglés et de racistes ». Ce qui n’a pas empêché celui-ci de devancer les conservateurs lors de l’élection partielle de Eastleigh avec 27,8% des suffrages. Mais l’extrême-droite ne donne pas le ton en Europe, en dépit également de l’apparition en Grèce d’Aube dorée, le parti néo-nazi.

Au cours de ce week-end, les manifestations massives se sont poursuivies en Bulgarie et une nouvelle marée a déferlé au Portugal. Des dizaines de milliers de Bulgares ont manifesté dimanche dans une dizaine de villes contre la corruption et la pauvreté, réclamant « le pouvoir aux citoyens » grâce à une nouvelle loi électorale. Des comités de citoyens se forment dans certains quartiers de Sofia afin de remplacer les partis politiques.

Surprenant par son ampleur, le score du Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo a bouleversé la donne politique en Italie, refusant de jouer le jeu en rejetant les avances de Pier Luigi Bersani, le leader du Parti démocrate. Tandis que les grands mouvements espagnols et grecs butent, comme au Portugal, sur l’intransigeance de gouvernements qui ne tiendraient pas si de nouvelles élections avaient lieu.

Le gouvernement français ne sait pas où aller et peine à masquer les désaccords qui s’expriment en son sein comme en celui des partis qui le soutiennent. Prisonnier d’une cage qu’il a lui-même construite, d’une inflexible logique qu’il voudrait atténuer afin de la rendre supportable. Les représentants du courant social-démocrate, dont la fibre historique est on ne peut plus mince, cherchent les marges de manœuvre avec lesquelles ils étaient habitués de jouer et qu’ils ont perdues. Qu’ils soient au pouvoir ou déjà rejetés dans l’opposition, comme en Espagne et au Portugal, ils ne représentent plus une alternative. Ce qui a également motivé le succès de Syriza en Grèce. Après la quasi-disparition des partis communistes, serait-ce le tour des socialistes de connaître un même déclin ?

À propos d’élections, beaucoup est attendu de celles de septembre prochain en Allemagne, après lesquelles espère-t-on, le gouvernement allemand pourra donner le mou qu’il ne concède actuellement que lorsqu’il ne peut pas faire autrement. C’est le cas pour Chypre, dont le sauvetage ne peut attendre cette échéance, le commissaire Olli Rehn reconnaissant tardivement son caractère systémique. Mince espoir que celui de cette inflexion qui ne résoudra rien. En France, Pierre Moscovici et Arnaud de Montebourg (le ministre du redressement productif) s’opposent publiquement à propos du rôle de la BCE, car la tentation est forte de présenter l’intervention de celle-ci sur le mode de ses consœurs comme la solution miracle à la crise, ne voulant pas voir qu’elle ne règle rien aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon.

Le refus allemand du refinancement du sauvetage des banques irlandaises par le Mécanisme européen de stabilité, qui vient d’être réaffirmé par Wolfgang Schäuble, est la conséquence d’une décision de plus grande portée encore : l’abandon des velléités un temps agitées de déconnecter les dettes des banques et des États. On s’éloigne donc de ce qui était un des éléments de solution de la crise proprement européenne, au nom du refus de toute forme de mutualisation de la dette. Wolfgang Schäuble l’a martelé : c’est à chacun de faire son ménage ! Cela ne mène pas loin.

D’autres tentations encore se développent immanquablement. Les Catalans continuent d’agiter la carte de l’indépendance. Beppe Grillo réaffirme son exigence de la tenue d’un referendum sur l’euro, tout en demandant une restructuration de la dette italienne. Des partis politiques anti-euro allemand et autrichien sont en cours de constitution. C’est inévitable dans une situation où le refus de l’austérité et la dénonciation de la corruption sont omniprésents, sans qu’il émerge des revendications fédératrices autour desquelles des mouvements pourraient se créer avec le sentiment d’être en mesure de l’emporter.

En attendant, la crise politique rajoute à la confusion déjà régnante. Et que ce soit au sujet des bonus ou des parachutes dorés, des gages doivent être donnés, créant le risque que de nouveaux soient alors demandés.

En un an, le taux officiel du chômage a augmenté de 7%, plus de 5 millions d’espagnols étant sans emploi. Le PIB italien est retombé dessous son niveau de 2001, selon l’institut de statistique ISTAT. Le taux de chômage chez les jeunes est de 38,7%.

 

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