Billet invité
Selon des tempos différents, les banques centrales occidentales jouent à quatre mains sur un instrument qui a besoin d’être accordé, exprimant chacune à leur manière leurs incertitudes, leurs dilemmes, et au final leur impuissance. Résultat : leurs politiques divergent dans un monde économique et financier globalisé, le dernier G20 finances n’étant parvenu qu’à affirmer une unité de façade à propos de la formation des taux de change et de la dévaluation compétitive.
La BCE s’inquiète, sa politique de bas taux favorisant la spéculation et la prise de risque qui l’accompagne d’un côté, l’inflation ne cessant de diminuer de l’autre, comme les derniers chiffres allemands et français en janvier viennent de l’établir (respectivement 1,9 % et 1,4 % annualisés). Cela devrait en principe la conduire à simultanément monter et baisser son taux directeur. Moralité : elle ne fait rien.
Assise entre deux chaises, la Fed n’est pas plus assurée, plusieurs « participants » (seuls les « membres » ont le droit de vote) de son comité de politique monétaire s’inquiétant également, d’après les minutes de sa dernière réunion, des « coûts et des risques potentiels découlant d’une poursuite des rachats d’actifs » (l’achat mensuel de 85 milliards de dollars supplémentaires a été décidé le 30 janvier dernier, sans limite de temps et lié à la baisse du taux de chômage). Ils ont également souligné les complications que pourrait susciter l’assèchement sur le marché des liquidités prodiguées par la Fed lorsque le moment en sera venu. Tout en estimant que ces rachats étaient « efficaces » et « stimulaient l’activité économique ». Dans ces conditions, le statu quo l’a emporté et les marchés ont accusé le coup, anticipant un arrêt futur du programme de la Fed.
L’immobilisme a aussi prévalu à la Banque d’Angleterre, mais avec des signaux donnés en sens opposé. Elle a finalement décidé de ne rien faire, tout en étalant ses divisions à l’occasion de la publication du compte-rendu de la réunion de son comité de politique monétaire des 6 et 7 février derniers. Mervyn King, son gouverneur, a voté avec deux de ses collègues sur un total de neuf pour la reprise de son programme d’achats d’actifs (une nouvelle tranche de 25 milliards de livres dans le cadre d’un programme global de 375 milliards de livres, qui a été confirmé), assumant cette prise de position minoritaire pour préparer le terrain à son successeur en juin, Mark Carney. Le Royaume-Uni présente comme particularité dans le monde occidental d’associer la récession à une inflation supérieure à 2 %, un phénomène de stagflation, et la Banque d’Angleterre s’interroge : « comment relancer la croissance ? ». L’objectif serait pour les minoritaires de « rééquilibrer l’économie », ce qui en langage non codé signifier dévaluer la monnaie…
Dans le cas du Japon, enfin, la poursuite d’un programme massif d’achat d’actifs ayant déjà atteint 857 milliards d’euros découle de l’adoption à reculons par la banque centrale d’une cible d’inflation de 2 %. La dévaluation du yen qui en résulte est censée favoriser les exportations, mais elle a aussi pour conséquence de renchérir le coût des importations, dans le contexte d’importants achats de pétrole destinés à pallier l’arrêt de la quasi totalité du parc des centrales nucléaires. Au final, la balance commerciale se détériore au lieu de s’améliorer, comme il vient d’être constaté, et le premier ministre n’a pas d’autre choix que d’exiger de la Banque du Japon qu’elle s’engage encore plus massivement, mais pour quel résultat ?
La Banque Mondiale voudrait bien mettre un peu d’ordre dans tout cela. Kaushik Basu, son économiste en chef, vient de déplorer les conséquences dans le reste du monde de l’injection de liquidités par un seul pays et fait remarquer que si tout le monde en fait autant, l’effet en sera réduit. « Mon intuition est que les pays injecteraient bien moins de liquidités avec une action coordonnée qu’avec des actions menées individuellement » en tire-t-il comme conclusion…
Encore un pas et nous abordons la réforme du système monétaire international !
PJ : « Un lecteur d’aujourd’hui de mon livre Principes des systèmes intelligents » Je pense que c’est le commentateur Colignon David*…