L’actualité de demain : QUAND ON N’AVANCE PAS, ON RECULE ! par François Leclerc

Billet invité.

A Moscou en cette fin de semaine, l’enjeu est d’enrayer la spirale des dévaluations compétitives engagées afin de trouver de nouvelles sources à la croissance, une fois constaté le danger d’une « volatilité excessive » qui finalement nuit à l’économie. Mais comment ? Alors que les ministres des finances du G20 engagent une farouche bataille de mots à propos de la guerre des monnaies, qui devrait se conclure par un communiqué final scruté à la loupe pour y trouver un sens, le principe de la fixation des parités sous la haute autorité du marché est réaffirmé tout en préconisant la « coordination » des politiques monétaires nationales, comprenne qui pourra !

D’autres chantiers ne sont pas inactifs. C’est le cas en France, à propos de la séparation des activités bancaires, l’un des fleurons de la régulation financière qui continue de faire débat à l’Assemblée nationale. Mais c’est toutefois d’une autre enceinte que vient de sortir l’information décisive, à l’occasion de la conférence de presse destinée à présenter les résultats de BNP Paribas. Son directeur général, Laurent Bonnafé, a voulu marquer un point en déclarant : « il n’est pas étonnant que ce véhicule [qui accueillera les activités menées par la banque pour son propre compte] soit de petite taille », en référence à la déclaration de Frédéric Oudéa, le Pdg de la Société Générale, qui avait précédemment chiffré à environ 1% du produit net bancaire le poids des activités à isoler, à en croire toutefois le projet de loi. En effet, et selon lui, «le modèle des banques françaises n’est absolument pas porté sur le compte propre à vocation spéculative ».

Contredisant par avance cette spéculation sur l’ignorance – dans la logique bien comprise du métier de banquier – Gaël Giraud s’est appuyé sur les données de la Banque des règlements internationaux (BRI) dans une excellente tribune publiée hier par Le Monde. Sur les 8.000 milliards d’euros de total de bilan des banques françaises, 10% sont en relation avec le financement des entreprises et 12% avec celui des ménages. Vu sous un autre angle, sur les 47.000 milliards d’euros d’activités associées aux produits dérivés de BNP Paribas (cela tombe bien), 44.000 milliards n’ont pas pour contrepartie une entreprise de l’économie réelle. Ce qui représente tout de même 22 fois le PIB français, fait-il incidemment remarquer.

Mais cette chronique passerait à côté du meilleur, si elle ne rendait pas compte du brillant avenir promis aux décisions du sommet des chefs d’État et de gouvernement de juin dernier. Il était question, rappelons-le, de désamorcer la grenade que représente l’interconnexion de la dette publique avec celle des banques. D’avatar en avatar, où en sommes-nous ? Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, vient de convaincre ses collègues de la zone euro : le Mécanisme européen de stabilité (MES) n’a pas été conçu pour renflouer les banques mais les États, il faut donc limiter au strict minimum son aide directe aux banques, le chiffrage est en cours. Poursuivant sa campagne électorale qui met en cause la responsabilité des banques, le SPD allemand est quant à lui opposé à toute recapitalisation de celles-ci par le MES – financé sur fonds publics – et préconise une prise en charge par le secteur bancaire, sans autre succès probable que d’aboutir à faire proscrire l’intervention du MES par Angela Merkel, car la question est politiquement sensible.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Un document de travail du FMI préconise que le projet d’union bancaire comprenne une assurance commune des dépôts et la recapitalisation directe des banques par le MES « le plus rapidement possible ». Le document va nettement plus loin et préconise de centraliser la procédure d’Emergency Liquidity Assistance (ELA) de l’Eurosystème, dont a bénéficié l’Irlande, sous les auspices de la BCE. Ce qui reviendrait à faire soutenir les banques d’un pays en difficulté par leur banque centrale nationale, leur prêteur en dernier ressort, qui s’appuierait non plus sur l’État son actionnaire, mais sur la BCE. Chassez la mutualisation d’un côté, elle revient de l’autre au galop !

On en revient toujours aux banques centrales, taillables et corvéables à merci quand on ne sait pas quoi faire. Alors que le débat sur leurs missions et leur indépendance – dont on commence, il serait temps, à reconnaître le caractère très relatif – se poursuit. Olivier Garnier, économiste en chef de la Société Générale, a dans l’AGEFI hebdo cette magnifique formule qui dit tout : « leur indépendance leur permet d’aller au-delà de leur mandat ».

Reste la taxe sur les transactions financières qui vient de faire l’objet d’une coopération rapprochée de onze membres de l’Union européenne. C’est du solide, direz-vous ? Présentée comme incontournable pour La City où se joue l’essentiel de la partie, le Royaume-Uni ne faisant pas partie du club, la taxe va être l’occasion d’un nouvel assaut de créativité financière afin d’y échapper… On n’en sort pas !

 

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