Le prix, comme socle d’une refondation de l’économie, par Zébu

Billet invité.

Le prix est le mécanisme qui permet d’appréhender tous les mécanismes économiques.

Le prix est aussi le ‘lieu’ économique de l’expression des rapports de forces sociaux.

En tant qu’outil d’expression de la proportion ou de son absence, il est aussi l’outil par excellence de l’appréhension de la justice et de l’égalité dans l’échange, selon Aristote.

En ce sens, le prix devrait pouvoir être utilisé comme socle pour refonder une économie dans une perspective politique.

De nouveaux droits économiques pourraient ainsi être définis en lien avec celui-ci :

–       droit de tout acteur économique participant à un prix d’en connaître le prix définitif

–       droit de tout acteur économique de participer à sa définition, au travers d’institutions créées à cet effet

Dans ce cadre, une ‘nouvelle économie sociale’ pourrait être refondée et sans que cette refondation ne se limite qu’à une portion congrue de l’économie, reconnaissant non plus comme actuellement un droit de vote, formel pour les institutions de l’économie sociale, lié à la proportion de richesse détenues pour les entreprises à but lucratif (actions), mais :

–       le droit à la reconnaissance de son rôle effectif dans le processus de création de richesses

–       le droit, qui en découle, de participer à la définition et la répartition de celle-ci, selon des modalités démocratiques qui restent à définir

Dans ce cadre, une ‘nouvelle économie solidaire’ pourrait être créée, reconnue non pas par des statuts juridiques particuliers mais par des pratiques visant à atteindre une juste proportion au sein du prix :

–       proportion des rémunérations versées, sous forme ou non de salaires

–       proportion des rapports de forces sociaux entre les différents acteurs exprimés dans le prix

–       proportion dans l’exploitation (et le recyclage) des ressources naturelles utilisées

–       proportion des intérêts versés pour le remboursement de crédits

Tout ceci pourrait être reconnu par le droit (réglementations, institutions, Constitution) et valorisé par une fiscalité adaptée à ce cadre : modulation de la TVA et de l’impôt sur les bénéfices, variabilité des cotisations sociales, bonus/malus sur les externalités produites, …

Un tel fonctionnement permettrait d’identifier et de mettre à distance la question des intérêts versés au capital, de par une meilleure répartition des richesses avant même qu’une fiscalité ne vienne en aval plus ou moins aisément redresser ce qui est distordu en amont : le recours au crédit, comme substitut de revenu, s’y verrait ainsi amplement réduit.

Un tel fonctionnement devrait aussi permettre de mettre à distance la question du lien entre la propriété et le pouvoir de décision, lien que l’on continue de penser comme indissociable et qui contribue à intriquer comme un nœud gordien la question de la démocratie d’avec la propriété, quand en réalité nous avons là deux questions différentes.

Un tel fonctionnement permettrait enfin de sortir les institutions économiques de l’âge de pierre pyramidal dans lequel elles s’insèrent, où concurrence et autorité en sont les clefs de voute quand coopération et participation devraient en être la charpente.

Un récent sondage démontre que 99% des français (nous retrouvons ici, concrètement, la thématique du fameux « Nous sommes les 99% », ‘d’Occupy Wall Street’ entre autres) considèrent qu’il est important de disposer d’informations sur l’origine géographique des produits alimentaires vendus. Ce besoin de traçabilité peut, doit être apporté par un prix refondé dans le sens d’une économie politique mais permettre aussi à ces consommateurs de devenir réellement acteur au sein des processus économiques, puisque chaque consommateur est aussi producteur.

Les développements de l’informatique permettent cette refondation, tant dans la traçabilité que dans l’expression d’une démocratie économique : la connaissance du prix et de ses éléments constitutifs est nécessaire pour une telle expression et une expression démocratique la garante de cette identification.

Le prix est ce qu’on pourrait appeler avec Marcel MAUSS un ‘fait social total’, soit un objet où toutes les institutions se révèlent, mais aussi l’objet de l’expression de l’individu ou de groupes sociaux en lieu et place de ceux, comme les ‘experts’, qui le déterminent pour ceux qui l’utilisent.

C’est notamment le cas des économistes, qui s’expriment et définissent l’économie en lieu et place des acteurs économiques, économistes qui ont par ailleurs utilisé une ‘science’ non seulement dévoyée mais qui a aussi failli.

Pour tout ce qui fonde nos échanges économiques, nous fonctionnons avec un prix.

Pour le reste, il n’existe pas de prix.

Nous devons préserver et même développer ces espaces hors de prix.

Mais cela n’implique pas pour autant que nous devions méconnaître les fonctionnements des échanges économiques.

A fortiori quand ceux-ci sont accaparés par des économistes qui se révèlent en grande part incapables d’expliciter les causes réelles de la crise actuelle.

Quelle sera le prix, in fine, de notre propre ignorance ?

 

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