L’AGENCE DE NOTATION FITCH FERAIT-ELLE PREUVE DE – COMMENT DIRE ? – MAUVAISE VOLONTÉ ?

J’ai écrit autrefois dans l’un de mes billets qu’il viendrait un moment où les gouvernements qui sont jusqu’ici passés en sifflotant sous les fourches caudines de la finance, se rebelleraient. J’espère que ce moment est enfin venu, l’agence de notation Fitch ayant poussé le bouchon un peu loin avec un enthousiasme qui doit faire fulminer en ce moment-même un certain nombre de ministres des finances européens.

J’ai rédigé, c’était avant-hier, un billet où je dénonçais la politique qui s’est instaurée depuis 2007, selon laquelle la prime de risque comprise dans un taux d’intérêt n’est plus considérée comme étant là pour amortir le risque du prêteur mais est devenue un simple bonus que le prêteur s’accorde – avec, il faut bien le dire, la caution enthousiaste des autorités, et en particulier de le Commission européenne, qui s’apprête à inscrire ce principe dans le fonctionnement du Mécanisme européen de stabilité (MES).

La Commission européenne a reçu hier le renfort de l’agence de notation Fitch. Par le truchement de l’une de ses représentantes dont le nom mérite de passer à la postérité : Mme Bridget Gandy, qui a en effet fait savoir que la notation que l’agence accorde aux banques des pays européens dans leur ensemble, repose sur une supposition « au niveau 99,5% » que dans le sauvetage d’une banque par un État, ses créanciers seront remboursés intégralement : « Si un pays européen important devait léser les créanciers d’une banque en difficulté, ceci modifierait fondamentalement la manière dont nous évaluons les banques [européennes]. »

Foin de l’Acte d’intervention adopté aux Pays-Bas en juin 2012, spécifiant qu’en cas d’intervention de l’État pour venir au secours d’une banque en détresse, les actionnaires et les créanciers des banques seront solidairement mis à contribution par une conversion des créances en actions. Foin de la prime de risque comprise dans le taux d’intérêt étant considérée véritablement comme « une prime de risque » : les mauvaises habitudes ont été prises et il s’agit désormais d’une aubaine, au caractère obligatoire, accordée au prêteur (on n’est pas vite gêné – mais pourquoi le serait-on aussitôt longtemps que les gouvernements s’inclinent sans broncher ?). Les propos de Mme Gandy étaient sans équivoque : si un gouvernement européen sort du rang, Fitch entend bien que ceux des autres pays de la zone rappellent le contrevenant à la raison !

La question se pose aujourd’hui-même à propos de la nationalisation par l’État néerlandais de la quatrième banque en importance du pays : SNS Reaal, un « bancassureur » qui doit encore 750 millions aux contribuables de ce pays, et qui est désormais insolvable en raison de son engagement massif dans l’immobilier espagnol. Coût de l’opération : 3,7 milliards d’euros, soit 1,6% du déficit public du pays. Non pas que le gouvernement des Pays-Bas ait pris cette décision de gaieté de cœur : sa préférence allait à une mutualisation des pertes par un consortium des autres banques néerlandaises (Rabobank, ING et ABN Amro), mais c’est la Commission européenne qui a interdit en janvier cette manière de faire parce que le risque serait, selon elle, trop concentré désormais dans un secteur financier réduit à un nombre trop faible de participants aux Pays-Bas.

J’ai souvent dénoncé l’incompétence des milieux financiers mais ceci n’exclut pas les cas de mauvaise volonté délibérée. Fitch, par les propos malheureux de sa représentante, Mme Gandy, se rapproche dangereusement de ce cas de figure. Il s’agit très certainement d’un malentendu, et je suis sûr que la direction de Fitch rappellera à l’ordre Mme Gandy dans les heures qui viennent. Si ce n’était pas le cas, je ne serais certainement pas le seul désormais à être – comment dire ? – extrêmement désappointé par les interférences grossières de l’agence de notation dans le fonctionnement des États. Le mot « désappointé » est fort sans aucun doute, mais il me semble approprié.

 

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