Billet invité.
La partie non annexée par la Turquie de Chypre pèse 0,15% du PIB de la zone euro, mais elle représente un risque systémique, d’après Jörg Asmussen, membre du comité directeur de la BCE. Refuser d’aider financièrement le pays pourrait avoir un impact sur les banques grecques, déjà très atteintes, et envoyer « un mauvais signal » au moment où le Portugal et l’Irlande s’efforcent de revenir sur le marché, a-t-il fait valoir. Cela donne la mesure de la fragilité extrême de la construction financière de la zone euro…
Mais le gouvernement allemand, en cela fidèle à la position qu’il défend déjà vis à vis de l’Espagne, ne souhaite pas de nouveau plan de sauvetage et tente de justifier son refus en arguant du fait que les banques chypriotes blanchissent à grande échelle des capitaux russes douteux (ce qui fait peu de doute). Il en a résulté des échanges à fleuret moucheté entre Mario Draghi et Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, ce dernier trouvant pour s’abriter une défausse juridique : Chypre ne remplirait pas les conditions pour bénéficier d’un sauvetage, n’étant pas reconnu comme systémique eu égard à sa définition dans la loi allemande adoptée à propos du fonctionnement du MES. Mario Draghi a répliqué que cette question ne pouvait être tranchée que par des économistes, et pas des juristes (ce qu’est Wolfgang Schäuble de formation).
Le relatif répit actuel ne peut décidément pas être comparé à un long fleuve tranquille. Dans le cas de l’Irlande, la BCE vient de rejeter les propositions de restructuration du financement de 30 milliards d’euros sous forme de billets à ordre que le gouvernement avait signé en faveur de la Banque centrale irlandaise – avec l’assentiment de la BCE – afin de renflouer l’Anglo-Irish bank. La banque centrale européenne assimile en effet, non sans raison, le mécanisme gouvernemental soumis à son approbation à une création monétaire. L’opération initiale, tirée par les cheveux, s’inscrivait dans le cadre des mesures d’assistance exceptionnelles (ELA, Emergency Liquidity Assistance) prévues au sein de l’Eurosystème. Les billets à ordre viennent à échéance annuelle chaque mois de mars jusqu’en 2023, pour un montant de 3,1 milliards d’euros à chaque fois. Le FMI avait clairement pris position en faveur de cette restructuration, mais la BCE continue donc d’y faire obstacle. Les efforts pour rendre soutenable la dette irlandaise ne sont pas couronnés de succès, fragilisant la perspective du retour sur le marché.
La décision de sauver les banques irlandaises en les renflouant sur fonds publics est un boulet qui va continuer d’être traîné. A contrario, l’Islande avait comme on s’en souvient refusé de rembourser les épargnants étrangers de la filiale Icesave de sa banque Landsbanki, déclenchant un conflit ouvert avec les gouvernements britannique et hollandais. La cour de l’Association européenne de livre échange (AELE) vient de donner raison au gouvernement islandais…
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