L’actualité de demain : LA GUÉRISON IMAGINAIRE, par François Leclerc

Billet invité.

Comment les banques se portent-elles réellement ? La BCE ouvrant le guichet du remboursement de sa première opération de prêt à trois ans (LTRO), le montant qui un an après allait être remboursé par anticipation faisait l’objet de spéculations. La BCE a aujourd’hui révélé que 278 banques vont rembourser 137 milliards sur les 486 milliards d’euros empruntés en décembre 2011. Mais l’on ne sait toujours pas qui a emprunté et qui a remboursé parmi les 800 banques qui ont bénéficié du LTRO, sauf quand elles l’annoncent elles-mêmes.

Comment l’interpréter ? Certains y voient la manifestation de l’amélioration de la situation des banques, bien que seulement plus d’un gros quart des fonds empruntés soit remboursé, d’autres s’inquiètent de la stigmatisation qui pourrait en résulter pour toutes celles qui ne s’y engagent pas. En tout état de cause, cela met en évidence que le secteur n’est pas homogène – ce qui n’est pas une nouveauté – et que seules les banques réputées les plus solides ont retrouvé un accès au marché interbancaire à de meilleures conditions, en raison des nouvelles initiatives prises par la BCE entre-temps. Vu l’étroite dépendance des banques entre elles, cela ne donne pas l’image d’un système bancaire en sortant renforcé…

Les banques qui ont remboursé la BCE n’avaient plus besoin de ces fonds pour s’être entre-temps désendettées, ou bien parce qu’elles avaient emprunté à la BCE comme si elles souscrivaient à une police d’assurance ; elles avaient intérêt à les rembourser en dépit du taux modique auxquels ils ont été empruntés, car depuis juillet 2012 ils ne rapportent rien une fois déposées à la BCE. Celles qui peuvent se prévaloir de ce remboursement vont également pouvoir se présenter sur le marché dans de meilleures conditions. Pour elles, l’objectif est aussi de ne pas se retrouver, plus tard et toutes en même temps, sur le marché pour se refinancer. Enfin, elles vont ainsi récupérer le collatéral apporté en garantie à la BCE, dont elles ont besoin pour garantir d’autres opérations plus rentables.

Rejoignant l’appréciation de Fitch, Moody’s fait entendre une musique dissonante à propos de la santé des banques. Selon cette dernière, les établissements italiens, espagnols, irlandais et britanniques ont besoin de renforcer leurs fonds propres pour faire face à des pertes potentielles sur leurs crédits et nettoyer complètement leur bilan. Moody’s en précise la raison : « Certaines banques ont dans les années passées repoussé la prise en compte de leurs pertes sur des opérations de crédit, notamment en les restructurant. Cette stratégie (souvent tolérée par les régulateurs) a permis de gagner du temps, avec pour conséquences de limiter la capacité des banques à consentir de nouveaux crédits et de créer des risques pour les créditeurs des banques européennes ».

HSBC, Barclays, RBS et Lloyds sont dans le collimateur de la Banque d’Angleterre, tandis que la FSA, leur régulateur, analyse actuellement les calculs internes de la mesure de risque des banques, annonçant pour mars prochain des conclusions qui pourraient impliquer des recapitalisations. Une étude de Fitch a par ailleurs montré comment l’évaluation des portefeuilles de prêts immobiliers hypothécaires des banques britanniques était plus favorable qu’auparavant, en dépit de la hausse du chômage et du contexte économique médiocre.

On est encore loin d’une opération vérité, mais une petite musique se propage lentement selon laquelle les banques européennes – et pas seulement celles des pays de l’Europe du sud – sont loin d’être aussi vaillantes qu’elles ne le prétendent. L’orchestration du remboursement partiel du LTRO, dont la deuxième phase est prévue à partir du 27 février prochain, va momentanément la couvrir. Mais il restera à envisager un nouvel LTRO pour les banques qui ne pourront au terme de l’opération en cours se refinancer sur le marché, dans deux ans…

 

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