LE RÉGIME FISCAL FRANÇAIS DES DIVIDENDES ET DES PLUS-VALUES MOBILIÈRES, par Zébu

Billet invité.

 Les dividendes sont moins fiscalisées en France aujourd’hui que les plus-values mobilières.

 Auparavant, les dividendes étaient taxés forfaitairement (PFL = prélèvement forfaitaire libératoire), le taux étant passé de 18% à 21% de 2008 à 2011 ou intégré dans la déclaration des impôts sur le revenus mais avec un abattement de -40% et la possibilité de déduction fiscale forfaitaire maximum par couple (quelques milliers d’euros par an). Au total, pour les revenus issus des dividendes ne dépassant pas un certain seuil (disons 10 000€), la fiscalité demeurait très faible, du fait du PFL et des déductions.

Le fameux abattement de -40% se justifiait, prétendument, parce que les bénéfices étaient déjà fiscalisés par l’IS (impôt sur les sociétés), ce qui est injustifiable, parce que :

1/ le chiffre de 33% avancé est celui des entreprises réalisant un CA > plus de 700 000€/an et un bénéfice >38000€ : dans ce cas, la fiscalisation n’est que de 15%

2/ surtout, étant donné le très grand nombre de niches fiscales permettant de déduire fiscalement du bénéfice des sommes pour présenter le bénéfice imposable, on sait que la plupart des grandes entreprises, notamment multinationales cotées en bourse (CAC 40) ont un IS moyen de 8%

De sorte que l’abattement est largement profitable pour les revenus versés sous forme de dividendes, même avec une taxation des cotisations équivalentes en 2013 à 15,5%.

Le PFL à 21% permettait lui, pour les plus gros revenus une taxation globale à 21% + 15,5% des cotisations (et même moins avant), globalement de 35% : largement inférieur à la taxation des hauts revenus, notamment de la dernière tranche, si on tient compte des impôts + cotisations sociales (*).

Ce PFL est supprimé pour les revenus 2013 et qui plus est, une taxation à la source reste prévue, comme pré-compte à faire valoir sur l’IR (maintenant obligatoire).

De même, les cotisations sociales sont prélevées sur le brut déclaré et non plus sur les dividendes imposables comme avant, ce qui permet de s’assurer qu’au moins les cotisations sociales ne seront pas concernées par les abattements et déductions diverses.

Et si l’abattement est maintenu à -40% alors que les déductions forfaitaires (couples) sont supprimées, les revenus sont ensuite directement imposables sur l’IR.

Pour les plus-values mobilières par contre, le PFL était de 24% + 15,5% en cotisations sociales.

En 2013, le PFL est supprimé pour une application au barème progressif de l’IR mais des déductions progressives selon la durée de détention et forfaitaires pour les ‘créateurs d’entreprises’ sont possibles. Comme pour les dividendes, les cotisations sociales porteront maintenant sur les plus-values brutes, avant déduction de la durée de détention.

Cette notion de durée de détention est douteuse, prétendument pour ‘inciter’ la détention longue de titres : ceci ne changera rien à la plus-value et à son montant si c’est le cas.

Dans le cas inverse, les moins-values peuvent être intégrées comme déductions fiscales sur les revenus et ce pendant 10 ans !

En clair, si vous faites des pertes, ces pertes viendront compenser vos bénéfices futurs et ce sur une durée assez longue pour que vous fassiez un bénéfice : la notion de bénéfice assuré fiscalement, en quelque sorte.

En conséquence, avant 2013, les plus-values mobilières étaient plus taxées que les dividendes (24% contre 21%) mais elles l’étaient de manière forfaitaire et bien moins que les revenus du travail pour les tranches hautes.

Surtout, les revenus provenant des dividendes pouvant bénéficier de l’abattement fixe + semi-fixe, sous prétexte d’imposition à l’IS (en moyenne de 8%), permettant de défiscaliser quasiment la totalité ou très faiblement pour des revenus moyens.

A partir de 2013, tous ces revenus seront :

– soumis à l’IR

– soumis à prélèvement sociaux sur le brut et non plus sur le revenu imposable

– l’abattement forfaitaire des dividendes est supprimé mais celui des 40% maintenu

– les moins-values restent de mise fiscalement

Au total, du fait de la faible imposition en moyenne des sociétés à l’IS (celles qui sont cotées en bourse en tout cas), les dividendes restent moins imposées que les plus-values mobilières mais uniquement si on raisonne annuellement car :

1/ des déductions forfaitaires progressives fonction de la durée de détention augmentent l’attractivité des plus-values par rapport aux dividendes (-40% au-delà de 6 ans, comme pour l’abattement des dividendes)

2/ il faut raisonner en plus et moins-values, sur 10 ans car les moins-values viennent se déduire fiscalement

En gros, ce que l’on gagne à court terme en dividendes et qu’on ne gagne pas (forcément) en plus-values, on le retrouve à moyen terme (6 ans) avec les plus-values, fiscalement.

En clair : à un moment ou un autre, on bien obligé d’y gagner !! (surtout avec ‘l’assurance fiscale’ des moins-values)

Comme le dit La Tribune du 14/01/2013, on peut effectivement parler d’un ‘bouleversement’ fiscal, que ce soit pour les dividendes comme pour les plus-values mobilières. A commencer par le prélèvement des cotisations sociales qui porteront sur les revenus bruts et non plus seulement imposables, l’accompte de paiement avec retenue à la source et l’assujettissement de ces revenus du capital au barème progressif de l’impôt sur le revenu, l’impôt le plus juste qui soit.

2013 est donc bien une ‘rupture’ fiscale par rapport aux années précédentes, bien que le taux de taxation forfaitaire ait augmenté de manière importante ces dernières années, crise budgétaire aidant.

Mais augmenter la taxation pour combler des trous ne fait pas une politique fiscale juste, qui semble être la voie empruntée fiscalement par le gouvernement actuel.

Reste qu’il y a encore du chemin à faire sur cette voie de l’égalité de traitement des revenus face à l’impôt du capital vis-à-vis du travail, notamment en supprimant l’abattement semi-fixe de 40% pour les dividendes, en créant un abattement ‘au réel’ : l’imposition effectivement acquittée par les sociétés serait ainsi divisée par le nombre de titres, l’imposition par titre devenant ainsi un abattement ‘au réel’ à faire ensuite valoir dans la déclaration des dits revenus.

Et de comprendre que les plus-values mobilières, issues de la spéculation (paris sur la variation des prix) sur les marchés financiers, ne doivent pas être valorisées fiscalement, ni maintenant ni dans le temps, prétendument parce que les titres sont détenus plus longtemps (cela ne modifie absolument en rien le fait que ces marchés soient spéculatifs ni même le fait que ces montants puissent être très importants et renforcer l’inégalité de répartition des richesses de départ), encore moins parce que des moins-values seront à ‘faire valoir’ sur 10 ans (!).

On n’a jamais vu les salariés pouvoir faire état fiscalement de ‘moins-values’ dans leurs revenus du fait du chômage.

Et pourtant, ils ne spéculent pas et prennent aussi beaucoup de risques.

Sans doute devraient-ils parier sur les marchés financiers leur propre chômage : ils bénéficieraient au moins d’avantages fiscaux si celui-ci devait advenir …

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(*) Pour être objectif, les revenus issus de salaires bénéficient aussi de nombreuses niches fiscales et d’un barème progressif par tranches, ce qui réduit l’impact de l’impôt sur les revenus salariaux. Sauf pour les revenus les plus élevés du capital, qui eux, continuaient à bénéficier d’une ‘flat tax’ en lieu et place d’une imposition progressive.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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