Billet invité
La bête résiste ! Face aux timides tentatives de réglementer son fonctionnement, le système fait front et marque des points. Les gouvernements, qui reculent, tentent pour leur part d’élargir leurs marges de manœuvre budgétaires. Encore lointaine, la prochaine réunion du G20 sous la présidence russe va leur en donner une occasion (sans garantie qu’ils ne la saisissent), l’OCDE devant présenter à cette occasion un rapport sur la fiscalité des entreprises multinationales, pour lesquelles l’optimisation fiscale n’a plus de secret. Car, dans ce monde plein de contradictions s’exacerbant, les États sont réduits à des extrémités qu’ils pensaient ne pas connaître pour faire face aux obligations qu’ils se sont données sans parvenir à les assumer : il faut faire rentrer des sous pour ne pas trop être dans l’obligation de couper dans les budgets !
La très bonne fortune de Google et d’Amazon a symboliquement mis en évidence comment les entreprises transnationales se jouaient des réglementations fiscales nationales, au détriment d’États mal abrités derrière leurs frontières. Faisant contraste avec les temps de rigueur budgétaire et fiscale du commun des mortels, et contredisant une vision réductrice de paradis fiscaux abritant les seules grandes fortunes évadées, soulignant enfin combien le monde des affaires s’était à son tour affranchi des règles – en s’insinuant dans leurs failles – suivant en cela l’exemple donné par les financiers. Non sans le consentement des gouvernements, lorsque les temps étaient encore cléments.
L’occasion en a été fournie par la croissance des biens intangibles, rangés notamment sous la bannière de la propriété intellectuelle, appellation flatteuse de l’extension du domaine du brevetable et de la propreté commerciale, cet avatar de la financiarisation. Ou bien en utilisant les artifices un peu éculés des conventions de gestion et des prix de transfert. Le tout aboutissant à une dématérialisation des flux commerciaux propice à toutes les manipulations et optimisations fiscales. A également été mise à profit la profonde discordance qui s’est créée entre des réglementations restées nationales et des marchés devenus internationaux, tous les moyens étant bons pour siphonner quand il le faut les profits et les faire réapparaître là où ils sont le moins imposés. Mais aujourd’hui, les batailles font rage entre les gouvernements pour s’accaparer les revenus fiscaux, après avoir baissé à qui mieux mieux les taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises du temps où la moins-disance fiscale faisait loi. Ils sont aujourd’hui pris entre deux feux, voulant à la fois attirer les entreprises et augmenter leurs recettes fiscales. N’ayant comme alternative que d’augmenter les taxes à la consommation au détriment de leur taux de croissance, en accroissant les inégalités de revenus.
Cela renvoie à la tentative inaccomplie de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) d’abaisser toutes les barrières commerciales, que les pays qui n’ont pas émergé – les grands perdants de l’affaire – condamnent comme faisant obstacle à la commercialisation de leur production agricole. Une nouvelle donne du commerce international privilégie désormais, faute de mieux, des accords de libre-échange régionaux. Ceux-ci favorisent des accords indispensables aux chaînes d’approvisionnement de l’industrie, laissant bloqué le reste, c’est-à-dire le cycle de Doha ; la vaine recherche d’un homme providentiel succédant à Pascal Lamy pour prendre la tête de l’OMC symbolisant une relance introuvable des négociations. Le rêve d’une mondialisation parfaite apportant ses bénéfices incontestables a fait son temps. Les accords de libre-échange sont redescendus d’une marche et devenus bilatéraux et régionaux.
Cette machine-là est aussi enrayée, encore un dogme qui fout le camp ! Le moment est propice pour affirmer les principes d’une autre mondialisation, d’une division du travail qui ne favoriserait pas les compagnies transnationales mais contribuerait au développement des sociétés.
2 réponses à “L’actualité de demain : LA ROUE TOURNE, LA MAIN PASSE… par François Leclerc”
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