Billet invité.
L’année passée, en revenant d’un concert à Anvers, une erreur d’aiguillage m’a dérouté sur Bruxelles et en traversant ce quartier des affaires politiques européennes, je me souviens m’être dit que cela ressemblait plus à un vulgaire Central Business District qu’au forum romain, où, au moins, les institutions, volumétriquement, en imposaient aux marchands.
Ce reportage de la rtbf.be apporte la confirmation que ce qu’on entendait par « marché unique », c’était le « marché uniquement ». Je regrette l’abandon du nom « écu » pour la monnaie européenne. « Écu » faisait penser à bouclier. Au moins, il ne logeait pas l’Euro des argentiers au coeur du nom Europe. L’Europe et sa monnaie se trouvaient dissociées à l’oreille. L’Euro, c’est une Europe raccourcie. L’un des effets pervers du développement du lobbying (15000 lobbyistes quand même, apprend-on, établis à Bruxelles, tout autour des institutions, comme s’ils en faisaient le siège), c’est l’obligation où se trouvent les organisations à but non lucratif, associations et groupes d’activistes, de se constituer elles-mêmes en lobbies pour contrecarrer les menées des grands patrons.
Le lobbying n’est pas un conseil du politique, comme l’abbé Suger ou le Père Joseph l’étaient le premier auprès des Louis VI et VII, le second auprès du cardinal de Richelieu, mais une pression sur le politique, qui empêche le politique de penser par lui-même, pour autant qu’il ait envie de se creuser les méninges (on découvre que le copier-coller est un vice qui affecta jusqu’au plus célébré des européistes, Jacques Delors). Le lobbying, c’est une minorité qui pense et agit à la place de la majorité, une caste qui cherche à inféoder les intérêts de la collectivité humaine à ses intérêts propres, dans un complet renversement du sens politique.
Ce ne sont pas tant les collusions des technocrates bruxellois avec les milieux d’affaires qui posent problème que le renoncement des politiques à faire de la politique, dans l’acception noble, antique, du terme. Le meilleur moyen de déstabiliser les lobbyistes n’est pas tant d’interdire le lobbying que de renouveler régulièrement, sans possibilité de come back (méthode athénienne qui a fait ses preuves), le personnel politique européen au parlement et surtout à la commission (dont les membres devraient être élus par les peuples européens parmi des candidats qui n’auraient aucunes attaches avec les mondes politique et financier, avec la haute direction entrepreneuriale ou avec les groupes de pression de tous ordres). La valse des têtes leur interdirait d’espérer fidéliser une clientèle (ce qu’est devenue une bonne part de nos représentants).
Donc, communiquer par du lobbying pour battre le lobbying sur son propre terrain, non. On ne rivalise pas avec le diable sans se rendre diabolique soi-même. La rivalité met le pied dans la diablerie. Faire comme Paul fait, en chaire, en blog, en livres, en articles, en conférences, oui. Cela touche le sommet et la base de la pyramide, sans doute plus la base que le sommet, d’ailleurs, mais justement, c’est la base qui fait encore tenir tout le système.
Une réponse à “À PROPOS DE « THE BRUSSELS BUSINESS », par Bertrand Rouziès-Léonardi”
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