Billet invité
Un rideau de fumée entoure les résultats de la réunion ministérielle à propos de la Grèce, que les déclarations officielles ne contribuent pas vraiment à dissiper. François Hollande a cru ainsi pouvoir estimer que « la résolution de la crise grecque allait permettre de lever tous les doutes sur l’avenir de la zone euro », ce qui lui sera immanquablement rappelé !
En premier lieu parce que tout repose sur des projections du taux de la dette publique par rapport au PIB éminemment sujettes à caution, comme l’expérience l’a montré. Continuer d’appuyer le raisonnement sur de tels calculs témoigne pour le moins d’une certain dose de désinvolture. En second parce que les chiffres qui sont affichés pour les besoins de la cause sont faux !
Un document dont le Financial Times fait état montre que le taux de la dette par rapport au PIB résultant de l’application du cocktail de mesures décidées devrait aboutir en 2020 à 126,6 %, et non les 124 % annoncés. Un détail qui a son importance quand on sait que cette question était au centre des désaccords avec le FMI et qu’un compromis a été passé, qui n’a pas été divulgué. Il est en effet omis de préciser, pour justifier le chiffre de 124 %, qu’un nouvel allégement de la dette devra intervenir d’ici cette lointaine échéance, dont il n’est pas fait expressément mention. Cela pourrait être le cas, est-il murmuré, lorsqu’un excédent budgétaire primaire sera dégagé en Grèce (ce qui ne pourra pas intervenir, en tout état de cause, avant la tenue des élections allemandes). Mais, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.
Le plus gros mensonge est ailleurs : ils ont déjà franchi le Rubicon ! Il a été possible – au prix de très laborieuses discussions – d’éviter de devoir afficher des pertes et de reconnaître que la Grèce ne pourra jamais rembourser dans leur totalité les crédits qui lui ont été accordés et qui viennent d’être discrètement augmentés (pour racheter sa dette via le FESF). Ni les diminutions des taux d’intérêt, ni le report du versement des intérêts, ni le rachat par le gouvernement de sa dette sur le marché, ni enfin la modification du calendrier de remboursement, toutes formules qui ont été utilisées pour éviter d’effacer une large partie de la dette, ne régleront la question… Toutes ces astuces d’illusionnistes ne masquent pas qu’une restructuration en bonne et due forme vient d’être opérée, qui doit encore être approuvée par le Parlement allemand (à suivre).
Un des tours utilisé risque d’ailleurs de mal se passer. Car, dès l’annonce qu’un rachat sur le marché de la dette grecque était envisagé, les cours de celle-ci ont immédiatement grimpé, rendant l’opération beaucoup moins avantageuse et diminuant le soulagement qui en était attendu, le différentiel entre le prix de marché et d’émission diminuant. C’est ce qui a fait dire à Christine Lagarde que « moins nous en parlons, mieux cela vaut », mais dire cela était déjà de trop ! Il fallait une certaine candeur pour croire que les hedge funds, en embuscade, qui avaient refusé de participer à la restructuration précédente, n’allaient pas profiter de l’occasion pour prendre leur bénéfice au maximum… Pour leur part, les banques grecques, qui ne pourront pas refuser de participer à l’opération – et qui sont de grosses détentrices de la dette – voient leurs plus-values potentielles fondre, alors qu’elles attendent déjà d’être renflouées, ce qui ne va rien améliorer. Elles ne sont rassurées que sur un seul point : pas question de nationalisation !
Ce dont il est question, c’est qu’il va falloir un jour ou l’autre reconnaître des pertes au niveau des États européens, un obstacle de plus au désendettement stratégique affiché. Les montages financiers qui ont permis de financer les plans de sauvetage seront fragilisés, eux qui s’appuyaient sur des garanties pour fabriquer du hors bilan…
En toile de fond, l’OCDE vient de rendre publiques ses dernières prévisions. Elles intègrent une nouvelle détérioration de la croissance dans les 34 pays qui en sont membres. Un seul chiffre résume l’ensemble : il était encore question en mai dernier d’un taux de 2,2 % pour 2013, il serait plutôt de 1,4 %… Le monde vit désormais avec deux épées de Damoclès au-dessus de la tête : la récession qui s’approfondit en Europe et celle qui menace aux États-Unis, si le « mur budgétaire » n’est pas évité. Pier Carlo Padoan, l’économiste en chef de l’OCDE, appelle à éviter tout « assainissement excessif des finances publiques à court terme » des deux côtés de l’Atlantique.
Mais pourquoi ne convoquent-ils pas un G20 pour en finir, comme ils savent si bien déclarer l’avoir fait ?
81 réponses à “L’actualité de la crise : ILS ONT FRANCHI LE RUBICON ! par François Leclerc”
La mondialisation connaît une nouvelle pression par le bas, la remise en question d’une exploitation de la pauvreté dans d’autres pays du monde (comme la Chine avec ses industries) et du vide législatif environnemental en pleine crise écologique mondiale n’est pas au centre des débats, ce qui montre que le progrès social et écologique ne sont pas des données du capitalisme moderne. Le coût du travail et la compétitivité se sont imposés comme les « solutions » économiques futures pour résoudre la crise de redistribution des revenus actuelle.
Cependant malgré les débats constants sur le coût du travail, il est impossible pour un pays quelconque de faire compétition avec un rapport de 1 salarié sur 20 ou plus, et comme il est de facto exclu économiquement de parler d’un renforcement de l’industrie nationale ou locale pour protéger ses salariés et ses entreprises face au dumping social, salarial et fiscal des pays qui exploitent cette pauvreté. On réduit le champ au coût du travail, qui même s’il était baisser, ne pourrait de toute façon concurrencer ses types de dumpings.
Ses baisses successives qui se sont passés sur des années, avec de multiples baisses des droits, à transférer ses sommes colossales (qui se chiffre à plus de mille milliards parfois) vers les dividendes des hyper-riches, des actionnaires et des banques. Ses derniers profitent déjà de la manne de la mondialisation, c’est avantager ceux qui le sont déjà, et réduire le niveau de vie de ceux qui ne pourront de toute façon espérer une quelconque possibilité de concurrence pour entrevoir une possibilité de conserver à l’avenir des centaines de milliers d’emplois (les chiffres de l’industrie sont très parlant sur les pertes subies).
Outre le fait que les possibilités (ou les volontés) politiques sont quasi-inexistantes dans ce rapport, le système des élections (la démocratie participative) ne mutent pas aussi rapidemment que celui des lois économiques, de plus il n’y a pas de réel changement puisque la souveraineté nationale et locale n’ont aucune influence sur les institutions financières comme le FMI ou la Banque Mondiale.
Le coût du travail dans les pays qui subissent une délocalisation de pans (parfois) entiers de leurs industries ou de leurs services, devient le seul débat puisque toutes les autres possibilités sont exclus ou ne seront pas mise en oeuvre pour diverses raisons. La compétitivité devient alors le discours pour faire oublier que les capacités de concurrence ne sont pas réalisables, et que de toute façon les lois économiques ne vont pas dans ce sens, puisqu’il s’agit de compétitivité financière avec des lois qui avantagent, ceux qui peuvent en bénéficier avec comme outil de rentabilité la mondialisation par le nivellement vers le bas des populations, et avec pour objectif une plus forte concentration des richesses, sans que les frontières ou les problèmes nationaux n’interfèrent pour faire plus de profits.