Vous êtes-vous jamais dit en achetant un livre : « Je n’ai pas le temps de le lire maintenant, mais il viendra sûrement un moment ! ». Eh bien : bonne nouvelle et mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que le moment en question peut vraiment tarder à venir. La bonne nouvelle, c’est qu’il finit par venir.
À l’époque où j’enseignais à l’université de Cambridge, j’ai acheté tout ce qui me tombait sous la main en matière de vieux livres d’anthropologie britannique : Tylor, Westermarck, Lubbock, Maine, McLennan, Lang, Müller ? Bien sûr j’ai tout ça : j’allais chiner et quand un vieux professeur mourait et que ses enfants mettaient dans une boîte des bouquins en se disant : « Personne n’aura jamais plus envie de lire tout ça ! », bibi était là ! Et il n’y avait pas que des auteurs britanniques dans les bibliothèques des vieux professeurs : l’Américain Morgan, les Français de Quatrefages, Topinard, Figuier, j’ai tout ça !
Notez que les enfants des vieux professeurs n’avaient peut-être pas tellement tort, parce que jusqu’ici, je n’ai encore fait qu’une lecture très sélective de cette belle collection, mais pour y découvrir parfois des pépites : les lecteurs de Comment la vérité et la réalité furent inventées (2009) savent le bon usage que j’ai fait de l’« effet Max Müller » de poursuite de l’anomalie.
Mais le moment vient. Je ne me suis certainement jamais dit qu’on me confierait un jour un cours d’éthique de la finance, mais – regardez les rayons de ma bibliothèque ! – quelqu’un au monde a-t-il jamais été aussi prêt que moi ? Milken et les junk bonds ? The Junk Bond Revolution, de Fenton Bailey, The Predators’ Ball de Connie Bruck, Dangerous Dreamers de Robert Sobel. Enron ? Il y a bien sûr le mien : Investing in a Post-Enron World, mais j’ai aussi ceux des autres : Anatomy of Greed de Brian Cruver, Enron. The Rise and Fall, de Loren Fox, Pipe Dreams de Robert Bryce, sans compter le rapport de Human Rights Watch : The Enron Corporation. Corporate Complicity in Human Rights Violations.
Et ceux-là, je les ai tous lus. Enfin presque. Ainsi que ceux des grands historiens américains de la finance, comme Martin Meyer : Bankers, Markets, Nightmare on Wall Street… ou Peter Bernstein : Capital Ideas, Against the Gods…, de Steve Fraser : Every Man a Speculator. A History of Wall Street in American Life. Et puis il y a les petites merveilles : les mémoires de banquiers et les conseils de spéculateurs d’autrefois : Reminiscences of a Stock Operator, d’Edwin Lefèvre, publié en 1923, The Art of Speculation de Philip L. Carret, qui date de 1930, Where Are the Customers’ Yachts ? or A Good Hard Look at Wall Street, de Fred Schwed, publié en 1940 (l’illustration ci-dessous est extraite de ce dernier), The Age of Turbulence, d’Alan Greenspan, etc.
© John Wiley & Sons
Bon, il fallait que je fasse une première liste de lectures recommandées pour mon cours « Stewardship of Finance », fait comme cela, ce n’est pas ennuyeux du tout !
47 réponses à “LES LIVRES QU’ON LIRA SÛREMENT UN JOUR”
héhé, c’est pour vérifier qu’on vous lit jusqu’au bout ?
Non, c’est un bouquin édifiant à lire, vraiment.
“Le copinage capitaliste abonde lorsque les dirigeants gouvernementaux, généralement en échange de soutien politique, accordent systématiquement des faveurs à des individus ou des entreprises privées. Ce n’est pas du capitalisme. C’est de la corruption”, janvier 2012 dans le Financial Times.
Le bouquin est dans le même état d’esprit ?
Disons que c’est un patchwork. Un tantinet de rédemption au détour d’un chapitre, mais on ne se refait pas à 80 prunes au compteur.
Bonne(s) lecture(s) Paul et surtout bon courage !
Jamais entendu parlé des livres que vous citez (serais-je le seul ?), mais par curiosité, j’ai fait une recherche Amazon et je suis tombé sur le commentaire d’un lecteur, daté de 2007 :
Assez intéressant comme point de vue, 5 ans plus tard.
pour le fun qd on est bookiniste:
http://www.dailymotion.com/video/xl91a_black-books-1x1_fun
c’est un peu charognard comme comportement, il y aura du monde à vos trousses pour récupérer vos incunables une fois le glas agité dans votre campagne 😉
Le rôle de voiture-balai de la culture est ingrat.
au fait, rien à voir, mais vigneron aiguise -t-il sa serpe ? (pas pour le raisin, mais pour les incunables 😉
Doit être en train de déchiqueter sa collection des Inrocks à coup de pic à glace (Mathieu)!
Pas loin de 900 numéros, ça prend un peu de temps… 😉
@ Karluss
Les coups de schlague vous manquent ? 😉
Fais moi mal, Vigneron, fais moi mal, envoie moi au ciel
La Mission Haut-Brion a démarré ce matin…
Bonjour !
Pour un mec pas du tout au fait des choses de la finance, comme je le suis, cette liste peut-elle être un bon moyen de m’y mettre ? J’ai jamais eu de cours d’éco (Bac L) et n’ai jamais su par quoi commencer.. Ou les bouquins cités risquent-ils plutôt de me passer trois étages au-dessus, nécessitant pour leur compréhension de maîtriser certaines bases ?
L’économie pour les nuls 😉
Commencez par Le casse du siècle de Michael Lewis.
« et quand un vieux professeur mourait et que ses enfants mettaient dans une boîte des bouquins »…
qui sait un jour de déprime !
Ach… Dommache, dommache…
Vous auriez tiré les enseignements de tout ça avec détermination que vous seriez aujourd’hui dans le camp des méchants nantis.
Non ?
Hors sujet : COLÈRE
Aujourd’hui dans ma petite pme , semaine de rentrée , tout baigne , la crise ont y fait face .Seulement un problème vient d’apparaitre , la fiscalisation des heures sup et les feuilles de paies
Je ne parle pas si oui ou non fiscalisation , mais mis à jour des programmes informatique de compta , un parcours du combattant , voilà deux jours que la personne qui s’en occupe ( avec une patience infinie ) suite à deux mises à jour , et quatre appels téléphonique !!!! la bataille est peut être gagnée ? Et en voulant préparer le mois de septembre pour la suppression de la réduction salariale , on vient de nous annoncer que les décrets ne sont pas encore passés et que l’on verra fin septembre.
http://www.youtube.com/watch?v=DTqvL74dAEw
Vos avez De l’argent,la ruine de la politique,de Michel Surya,à 6€50 .
^^Il a suffi à l’argent de convaincre que la consommation établirait l’égalité pour que nul ne puisse prétendre qu l’égalité s’établirait contre la consommation.Entre toutes les victoires qu’on pouvait craindre , celle-ci est sans doute la plus lourde de conséquences .L’argent a permis que l’emporte toute politique qui se réclamait de lui.Argent et politique ne peuvent plus être distingués .^^
Les livres que je n’achète pas et ne lirai donc pas :
Sade, parce que trop sanglant.
Jorion, trop cher, j’attends l’édition en Pléiade.
J’ai attendu 10 ans avant de m’offrir un balcon en forêt (Gracq) … plus de 17E, chez Corti, un vrai chef d’œuvre d’imprimerie. J’avais commencé à le lire il y a 20 ans et ne l’ai toujours pas fini.
Vous avez perdu votre coupe-papier?
Un balcon en forêt…
C’est bon à ce point que vous ne voulez pas le finir ?
10 ans avant d’acheter, vingt ans pour lire …
Pour le livre de Jorion , n’hésitez pas , surtout , ne l’achetez pas !
Vu votre lenteur , vous mettriez trop de temps à le comprendre .
🙂
Je remarque que ceux qui sont venus trop tôt arrivent aussi trop tard.
Ou presque.
Monsieur Jorion ira dispenser son savoir sur les bancs d’une faculté ; pendant ce temps le monde continuera de s’écrouler et ce qui devait arriver arrivera. On aura passé un drôle de moment ensemble, dans un espace inexistant, enfin si, lancés à pleine vitesse sur des câbles de cuivre. Pschhhittt !
Pourquoi parler au passé ? Le blog ne s’arrête pas, loin de là !
Futur et futur antérieur.
Attention Piotr a acheté un Bled;passé composé.
Ah bon ? Parce que vous pensez que ce blog devrait enrayer sa chute ? Humour involontaire, je suppose…
Enrayer la chute probablement pas (ils auraient du s’y prendre plus tôt), aider à reconstruire (si c’est encore possible), certainement.
Gonflé le crapaud .
Julien, parfois je me demande si le blog était avant Paul Jorion ou si Paul Jorion était avant le blog ; au début il y avait le blog … non ?
@karluss : grande question, mine de rien ! Que faut-il mettre à l’origine d’une histoire ? Les faits qu’elle est censée raconter, ou les connaissances qui permettent d’en parler ? Autrement dit : le Big Bang commence-t-il il y a 14 milliards d’années, ou au moment de son invention/découverte ? La question est-elle spécieuse ? C’est bien possible, je suis incapable de l’approfondir. Elle suggère cependant que le Big Bang, qu’il soit ou non une réalité, a la même origine que les êtres mythologiques, c’est-à-dire qu’on le doit au pouvoir de la narration. (Note : si l’on demande quand le Bib Bang a-t-il commencé, alors une seule réponse possible : il y a 14 milliards d’années. La marque du passé fait déjà entrer dans son histoire, alors que la neutralité du présent laisse en dehors…)
Crapaud, le Big Blog n’est pas une théorie, et sa matière n’est pas noire mais grise 😉
Goldman Sachs se lance dans les bonnes oeuvres : apparemment la sécu des prisonniers est déjà privatisée, restait à parier sur le taux de récidive, c’est fait.
Goldman Sachs to invest $9.6m in New York inmate rehabilitation
Mayor Michael Bloomberg to use Rikers Island as testing ground for private firms to help stop recidivism – and make a profit
http://www.guardian.co.uk/society/2012/aug/02/goldman-sachs-invest-new-york-jail
La banque et la prison associées pour remplacer l’école ! C’est tellement beau.
Un système inverse qui envoyait de pseudo jeunes délinquants dans une prison privée avec la complicité d’un shérif véreux avait fait scandale aux Etats Unis. Qui nous dit qui vérifiera les taux de récidive ?
C’étaient deux juges véreux, si on parle de la même chose : http://en.wikipedia.org/wiki/Kids_for_cash_scandal
Je me souviens vaguement d’un article qui mentionnait le cas d’une adolescente sans problème et bien scolarisée qui avait été condamnée et incarcérée pour avoir dit du mal d’un de ses professeurs sur le net. Certaines privatisations ne peuvent mener qu’à la barbarie.
Bien trop savant tout ça , il parait que la majorité des gens ne comprennent deja plus rien à une simple chanson de Jacques Brel , dans 20 ans avec les smart phone et les tablettes ils passeront leur temps à regarder des vidéos sur youtube , ils ne sauront surement plus lire ni écrire donc incapables de penser
Ce n’ est pas sûr car il y une jouissance à penser. Et celle procurée par le fait de penser est sans doute difficilement remplaçable.
Mais c’ est vrai que l’ oubli d’ une saveur peut survenir rapidement, une ou deux générations suffisent.
Et encourager l’ oubli est un outil subtil qui peut arranger bien des gens.
Honte à moi, je n’aime pas lire, sauf en vacances et je n’ai jamais de vacances. Alors j’achète parfois des livres, aux puces de préférence, mon porte-monnaie m’en sais gré, parce que le titre m’accroche ou je ne sais quoi d’autre. J’achète ceux des amis, en vrai, parce que c’est normal de soutenir ses amis. Il m’est arrivé dernièrement d’acheter aux puces un livre d’anthropologie parce qu’il m’a fait penser à Paul Jorion.
Mais c’était la seule raison, il est peu probable que je le lirai un jour, je n’ai même pas encore lu ceux de mes amis :-)))
Le titre m’a accroché, comme quoi, pour les écrivains du coin, mieux vieux savoir bien choisir ses titres LOL
La fleur létale – Christian Duverger. Economie du sacrifice aztèque.
hors sujet
Reportage sur Goldman Sachs, ce soir sur arte.
Le résumé donne le ton …
Plus qu’une banque, Goldman Sachs est un empire invisible riche de 700 milliards d’euros d’actifs, soit deux fois le budget de la France. Après s’être enrichie pendant la crise des «subprimes», en pariant sur la faillite des ménages américains, elle a été l’un des instigateurs de la crise de l’euro en maquillant les comptes de la Grèce puis en misant contre la monnaie unique. Un empire de l’argent sur lequel le soleil ne se couche jamais, qui a transformé la planète en un vaste casino. Grâce à son réseau d’influence unique au monde, et à son armée de 30 000 banquiers, Goldman Sachs a su profiter de la crise pour accroître sa puissance financière, augmenter son emprise sur les gouvernements et bénéficier de l’impunité des justices américaine et européennes.
On n’y apprend pas grand chose de nouveau, sauf le gros malaise de Jean-Claude Trichet à ce sujet.
Oui je suis d’accord, il ne faut pas jeter les bouquins. C’est la mémoire de notre espèce, c’est notre génome qui est dedans. Le problème c’est l’encombrement. Qu’est-ce que ces millions de tonnes de bouquins veulent dire, au fond? Les infos contenues dans la transmission orale étaient peut-être plus essentielles, en partie (essentiellement?) parce que le support de mémoire était plus naturel. Les modifications du support de mémoire n’ont rien arrangé. De plus en plus sur un support de plus en plus artificiel (culturel?).
Thom: « Je vois le génome comme un dépôt culturel des modes de fabrication des substances nécessaires à la morphogenèse ».
Please, except for Comment la vérité et la réalité furent inventées, is there any kind of « french » translation for one of these books ?
Il y en a peu, et il y en a de moins en moins.
Avec la montée des générations Erasmus, on ne traduira plus les livres écrits en anglais, seulement quelques autres. Enfin, ceux qui ne sont pas des best-sellers.
Permettez-moi de vous signaler l’intervention de Jacques Bouveresse au Collège de France le 12 octobre :
La science, la métaphysique, la religion et la question de leur avenir
pour plus de détails voir :
http://feedproxy.google.com/~r/AutourDeJacquesBouveresse/~3/7d6fK-MXEZU/agenda-jacques-bouveresse-la-science-la.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email
J’offre Liar’s Poker, éd. Hodder and Stoughton, de Michael Lewis pour qui j’ai eu une tocade, à qui vient le chercher à Liège ou Bruxelles ou me paie les frais de port. Très bon état, j’en ai lu douze pages (et j’ai compris le reste.)
guy AT leboutte POINT eu
si on part du postulat que l’économie est une résultante des actions humaines et qu’elle n’est nullement la réalisation d’un plan( toutes les tentatives de plan ayant échoué comme chacun (e) sait) alors ce n’est pas dans les livres d’économie aussi anciens soient -ils que l’on trouvera la compréhension de l’économie à venir( la présente étant en fin de cycle comme chacun peut le constater.)
vous devriez changer de bibliothèque ou de bibliothécaire
ou encore plus simplement faire autre chose que lire
ou vouloir être lu alors qu’il va falloir dire et tacher d’être entendu.