Originellement publié le 19 janvier 2008.
I
Notre génération
Il n’y a peut-être jamais eu de génération sur le compte de laquelle et à propos de laquelle on a plus menti, déformé, trafiqué, que celle de 68. Ce travestissement se fait au nom de l’histoire et des données politiques (écroulement du communisme), au nom aussi du destin de quelques-uns qu’on a sommairement désignés comme les représentants officiels d’une génération politiquement vaincue mais culturellement gagnante. Ceux-là, dont les noms courent sur les lèvres des gens informés, seraient les incarnations durables de l’événement, les porteurs de sa mémoire, les détenteurs de son sens. Le dérisoire de la chose est trop évident pour s’y arrêter. Cette génération est démocrate, elle est tolérante. On pourrait laisser encore se perpétuer le mensonge s’il ne concernait que le petit nombre de personnes intéressées par l’imposture de ceux-là qui, par un besoin étrange, prennent sans cesse la pose de qui a vécu “ les événements de 68”, de l’intérieur et au plus profond de leur intimité. Ces personnalités sont de tout temps, de tout lieu. Mais cette génération n’est pas seulement tolérante, elle est patiente. Elle a laissé dire, elle continue de laisser croire. Elle s’est faite souvent silencieuse. Elle sait aussi mépriser, et même beaucoup, ceux qui prétendent depuis trente ans parler en son nom, faire boutique et profit, gagner en puissance et en visibilité sur la mémoire de 68, sur le trafic de la mémoire de 68. Mais cette longue patience a un coût, cette générosité a un coût. Laissant dire, laissant faire, nous avons laissé confondre patience et repentance, mépris et humilité, générosité et complaisance. La génération 68, pour le dire simplement, était assez bonne pour endosser la responsabilité de tous les maux de la société, pour prendre sur elle tous les torts du monde, pour porter le manteau d’infamie. Laissant dire, cette génération, devenue très humble, devenue modeste, s’est laissée faire, s’est laissée interprétée. Prise au piège de son propre mythe, de son héroïsme juvénile de sa sainte pureté, de son sens du sacrifice, de ses rêveries, de ses utopies. Parce qu’elle a rêvé, parce qu’elle a déliré parfois sans doute, parce qu’elle a été mystique comme l’a dit Péguy à propos d’une autre génération, parce qu’elle a vécu un temps l’insurrection comme l’état permanent du quotidien, elle devrait rétrospectivement payer, elle devrait se charger du poids de tout ce qui est dérive, destruction, pourrissement dans une société qui irait tellement mieux s’il n’y avait pas eu 68. Ce faux historique, nous le payons mais, avec nous, ce sont toutes les générations après nous qui le payeront.
Ce serait une sérieuse défaillance de notre génération si nous laissions passer, si nous laissions accroire plus de trois décennies plus tard une telle interprétation, ce serait un abîme ouvert aux effets politiques immenses sur les nouvelles générations, celles de maintenant et de demain, que de laisser dire que tout ce qui se produit de néfaste dans cette société, tout ce qui s’y effondre est dû à 68, au laxisme, à la permissivité, à la destruction des tabous et des interdits. Nous laisserions croire que la droite la plus libérale et la gauche la plus répressive, ou que la droite la plus répressive et la gauche la plus libérale, ont toutes deux raison quand elles condamnent 68, qu’elles ont raison de vouloir faire table rase de 68, d’en effacer le souvenir, d’en occulter le sens, d’en faire l’origine absolue de tous les maux et de tous les vices. Nous les laisserions exercer leur grande revanche, cette revanche tant attendue depuis plus de trente ans, cette vengeance froide pour tous les coups reçus et surtout pour le ridicule profond qui leur colle au dos depuis plus de trente ans, elles qui courent après un événement qui les a déclassées et démodées depuis cette date. Oui, nous continuerions à laisser penser que c’est à 68 qu’on doit la délinquance, l’insécurité, le chômage, la précarité, la société du spectacle et de la consommation, et même le capitalisme sauvage, enfin tous les malheurs dont sont victimes surtout les plus pauvres et tous les mutilés de la vie si nous ne nous décidions à faire le bilan exact de nos existences.
L’enjeu dépasse notre génération. Nous pouvons bien savoir que nous n’avons pas été ce qu’on dit que nous fûmes, nous n’engageons pas seulement notre génération quand nous laissons se répandre l’idée que nos vies furent de longues erreurs chèrement payées par tous. Nous pouvons bien savoir, nous sommes nombreux à savoir que nos vies n’auront pas été ce qu’on dit qu’elles furent et continuent d’être. Nous savons mieux que personne pour avoir vécu cette histoire, notre histoire, parmi les nôtres, avec les nôtres, et pour être de ceux qui n’ont pas trahi leur jeunesse, que nous n’avons jamais été ce que les porte-parole autorisés de 68, ceux qu’il faut bien hélas appeler les exploiteurs de 68, disent que nous avons été. Nous savons, et nos vies le prouvent, que nous n’avons pas été les profiteurs irresponsables, cyniques et indifférents que l’on se complait à stigmatiser.
Ceux qu’on désigne comme les “ soixante-huitards ” auront au fond laissé deux images contraires et complémentaires. D’abord, jusqu’au début des années 80, ce fut le cliché réactionnaire des “ enragés ” : nous étions des naïfs, des énervés, des décervelés, des hystériques, des utopistes dont il fallait toujours se méfier, du moins si nous étions de ceux qui n’avaient pas fait une complète autocritique publique et dénoncé la criminalité foncière de nos idéaux juvéniles à la manière des soi-disant “ nouveaux philosophes ”. Il est vrai que venant d’un Mesmer, d’un Barre, d’un Guichard ou d’un Pasqua, ou encore d’un Marchais ou d’un Séguy, une telle haine têtue était un hommage à nos jeunesses rebelles et nous l’avons toujours prise ainsi. Elle s’est prolongée ici ou là, au Figaro bien sûr et même parfois dans l’Humanité, dans les feuilles de choux paroissiales, dans les éructations du Front national, et elle a toujours été un hommage à nos fidélités. Ce cliché réactionnaire classique a laissé place au cours des années 80 à un cliché réactionnaire moderne. La haine a changé de style, l’argument est devenu plus subtil, plus pervers, plus retors. La haine, au cœur de la conception dominante, ce qui constitue à vrai dire l’essence même de la conception dominante, s’est comme moulée sur le capitalisme échevelé en se donnant un ton révolutionnaire, en se dotant d’un accent affranchi, en se retournant. Elle a dressé le tableau de “ soixante-huitards ” qui seraient parvenus à contrôler les armes du pouvoir, embourgeoisés, enrichis, corrompus par le pouvoir sous toutes ses formes et par la quête de notoriété. Elle a dépeint des arrivistes sans scrupules, des gens de réseaux et de magouilles, des intrigants et des courtisans prêts à toutes les contorsions pour assurer leur puissance et leur “ visibilité ”. Le message au moins était clair à l’adresse de ceux qui pouvaient avoir gardé quelque fidélité à 68 : “ vous voyez bien que vous êtes restés dupes, vieux faux adolescents trompés, vous vous rendez compte enfin que vos chefs historiques, vos dirigeants, vos porte-parole sont depuis longtemps devenus comme les autres, que le monde reste le monde et que vos illusions, vos rêves rancis avec lesquels vous nous avez trop longtemps ennuyés, sont maintenant dissipés ; vous voyez bien qu’il n’est qu’un seul monde, celui-là que vous vous acharnez à dénoncer en vain, ce monde qui est là pour toujours fait de cette pâte humaine éternelle que nous ne voulez pas reconnaître, celle du pouvoir, de l’égoïsme, de la rivalité, de la concurrence”.
Et il est vrai que nous pouvions les voir, sur les écrans, les « retournés » discourir sur le monde comme il va, les voir, les nouveaux chefs, les nouveaux rangés, domestiqués, disciplinés, “ dans la ligne ” comme toujours ? N’illustraient-ils pas à la perfection ce que disaient nos pères et parfois nos professeurs ? Ne réalisent-ils pas ces sinistres prédictions de ce nous deviendrions quand nous aurions guéri de nos jeunesses, ce destin inéluctable qu’ils nous promettaient quand nos quarante ans témoigneraient contre nos vingt ans. Ne sont-ils pas les incarnations du renoncement que la sagesse du monde annonce aux adolescents rebelles ? Nous sommes nombreux pourtant à n’y prêter nulle attention. Nous avons mieux à faire et, s’il nous arrive d’entendre par hasard la voix des transfuges, c’est d’une manière qui devrait faire rougir ceux qui se font les donneurs de leçon. Notre génération n’est pas faite de ces quelques chefs permanents, de ces porte-parole qu’on présente comme les “ anciens soixante-huitards ” et qui ne représentent rien d’autre que leur propre vanité. Car ceux-là n’ont rien été en 68, ou plutôt ils ont été pris dans un mouvement qui les a de toute façon dépassés. Ils n’en ont pas pris la tête, encore moins en ont-ils été les cerveaux. Car 68 n’a pas eu de chefs, de maîtres, d’interprètes officiels et même officieux. Ces chefs supposés sont devenus chefs après, et se sont laissés traiter comme tels après. Ils sont venus après, ils ont géré l’image et le sens après. Ce sont des gens d’après. Mais sur l’instant, quiconque aurait prétendu dicter sa loi aux événements aurait été immédiatement regardé comme un imposteur. Quiconque prétendrait aujourd’hui avoir joué personnellement un rôle décisif ou même seulement important serait un imposteur d’après. 68 est depuis toujours le nom de l’imprévisible et de la démocratie radicale. Tous les témoignages un peu authentiques le disent : pas de chef d’orchestre, pas de complot, pas de secret. Ce fut une irruption soudaine, une “ irruption au sommet ” comme l’a écrit un jour Henri Lefebvre. Et qui prétend aujourd’hui avoir maîtrisé l’irruption ? Ce mouvement sans chefs, sans direction, imprévisible et sans programme, a fait d’autant plus peur qu’il sortait du cadre connu de la revendication, de l’opposition, et même de la révolution ? Ce qui explique aussi que nombreux furent ceux qui tentèrent de le faire rentrer à tout prix – quitte à accentuer sa mésinterprétation- dans les cadres établis, délimités et contrôlés par les organisations qui préférèrent le bien connu à l’immaîtrisable. 68 est le nom de ce qui un jour a fait peur et qu’il a fallu maîtriser en le remisant dans le folklorique, l’anecdotique ou le bien connu.
Ce mouvement, et c’est sa force quasi mythologique, est resté ouvert aux interprétations. Il est resté aussi disponible aux récupérations, aux trafics et aux édulcorations. C’est sa grande faiblesse politique. Quand il a cessé de représenter la “ répétition générale ”de la révolution communiste à venir, qu’est-il resté de lui ? Peut-être seulement l’image confuse de l’aspiration des jeunes à vivre mieux, à vivre libres, à faire la fête, à écouter des radios que l’on voulait libres, à lire un journal qui, tous les matins, leur dirait combien ils sont merveilleux et combien ils ont été depuis le printemps 68 l’incarnation de l’avenir, combien ils ont eu raison de se révolter hier et combien le monde est à eux aujourd’hui, combien ils sont heureux de vivre dans ce bel Occident dont ils sont les beaux enfants…
Le narcissisme a englué la portée politique dans un contentement stérile qui s’est résumé à cette petite idée : “ 68 a gagné ”. D’où l’on pouvait déduire qu’il fallait s’y faire, s’adapter à un monde qui était le fruit d’une victoire et accepter que les « représentants » de 68 parlent de cette victoire avec assurance et fatuité, puisque la culture était conquise, puisque les moeurs étaient révolutionnées, puisque la presse et la littérature étaient quasi libérées.
Troc fabuleux quand on y pense quarante ans plus tard. Que s’est-il donc échangé là ? On a concédé à cette génération la culture, une fraction plutôt de la culture, la moins rentable, une petite part de la musique, du cinéma, du théâtre on nous a même laissé une place, certes un peu marginale et folklorique, dans la politique puisqu’il faut bien que dans la démocratie de marché toutes les opinions aient leur place. Mais les dominants, les vrais, les bonnes vieilles dynasties française de l’Etat et de l’Argent, n’ont consenti à ce partage que si elles gardaient évidemment l’essentiel, la divine Administration et la force de frappe de l’Entreprise. Troc extraordinaire puisque, nous cédant une mince part de la culture et tout ce qu’il fallait de supports à la propagande modernisatrice, nous avons pu servir à quelque chose, être enfin et malgré nous utiles à l’économie capitaliste, aux fabuleux gains de productivité, par nos discours et nos valeurs, “ en libérant les énergies ”, en débarrassant les entreprises de leurs vieux contremaîtres ringards pour les remplacer pour les souriants DRH, en aidant en somme au “ changement social ” et au “ déblocage de la société ”. De sorte que le plus beau fruit de 68 a pu sembler n’avoir jamais été que cette contre-révolution rampante qui, d’une façon fort subtile, a assoupli et “ flexibilisé ” le capitalisme antique. Dix ans à peine étaient passés que des précurseurs proclamaient déjà que cette fausse révolution n’avait jamais été que l’irruption de la modernité américaine dans la vieille France trop longtemps arrimée à l’Ancien Régime, que notre génération avait été bien dupée en apportant son efficace concours à la “ modernisation ” générale des rapports humains. Dix ans à peine étaient passés que 68 sonnait déjà comme cette entrée dans une modernité qui bénéficierait d’abord à ces classes qui s’étaient farouchement opposées à 68 (dont quelques-uns de leurs représentants avaient pathétiquement manifesté aux Champs-Élysées pour tenter de sauver le vieux monde ébranlé). Dix ans après, nous étions dépeints comme ces enfants de la consommation et de la scolarisation de masse, placés à l’avant-garde non point du prolétariat comme nous l’avions imaginé, mais de ces “ nouvelles classes moyennes salariées ” partant à l’assaut de la prospérité et de la civilisation des loisirs. C’est ainsi qu’ayant voulu malgré nous répéter deux fois l’histoire, nous aurions donné tête baissée dans la farce, n’y manquant même pas le martyrologue révolutionnaire. Mais la farce avait sa vraie figure, sa puissance sociologique, sa portée politique. Derrière les masques figées de Lénine, de Trotsky, de Mao, il y avait aussi le vrai projet de qui ne désirait rien tant que la liberté des moeurs, la démolition des institutions, des interdits, la libre circulation et la libre concurrence des idées et des désirs. En un mot, un « libéralisme très avancé ». Giscard aurait été, selon cette interprétation, le véritable représentant de 68, celui qui en aurait réalisé avec le plus de consistance le message libérateur authentique. Oui, Giscard ! 68 devenait le premier acte du triomphe du libéralisme dans tous les domaines, dans celui de la presse comme dans celui des mœurs. De sorte encore que beaucoup de ceux qui eurent vocation de faire des journaux et beaucoup de ceux qui eurent partie liée avec l’économie de la presse et des médias en général, beaucoup de ceux qui s’engagèrent dans la publicité, dans la communication, dans la grande et libre circulation des idée, n’eurent de cesse de répandre la bonne nouvelle de la libération ( le mot même devenant le titre de ce journal emblématique qui allait chaque matin rappeler l’évangile des vainqueurs de 68, de ceux qui se disant vaincus étaient en réalité les vrais vainqueurs), ce dont certains d’entre nous, il faut l’avouer, finirent par se persuader tant l’idée avait des vertus consolatrices. Quelle consolation de se dire que nous n’avions pas vécu notre jeunesse pour rien, que nos belles années n’avaient pas été gaspillées et dispensées en fêtes et en luttes inutiles, que ces belles amours et ces beaux combats dont nous sommes sans doute parfois nostalgiques, que nos joies, nos fêtes, nos grandes idées nocturnes avaient eu un sens, qu’elles avaient eu des conséquences, qu’elles avaient irradié dans toute la société, embelli la vie, amélioré les institutions, etc. Ainsi, selon les significations positives que l’on s’est plu à en donner longtemps, la liberté avait partout gagné, l’individu était devenu toujours plus autonome, toujours plus “ lui-même ”, toujours plus l’être idéal du choix et du désir. L’individu, qui avait en quelque sorte 68 pour origine absolue, s’était rendu suprêmement frivole et disponible à toutes les aventures lesquelles étaient, filiation avec les frissons de Mai oblige, “ au coin de la rue ”. Le risque pouvait alors devenir la valeur supérieure, le mode de vie le plus souhaitable, la façon la plus intense de vivre son existence. Si les adolescents avaient voulu tout casser et faire sécession au grand dam des anciens, il ne s’agissait plus que de palpiter, de vibrer, de « larguer les amarres ». La vie devenait navigation solitaire au milieu des orages loin des anciens parapets. Sans statuts, sans contraintes, sans filets. Le grand idéal du rimbaldo-capitalisme.
Mais ce triomphe de 68, dans la parousie du libéralisme avancé bientôt relayée par le néo-libéralisme, sonnait mal aux oreilles de certains parmi nous, de tous ceux surtout qui trouvaient que la “ bonne nouvelle ” de la libération avait un goût bien acide tant elle déviait de ce que nous avions cru faire, tant elle ressemblait peu aux choix, qui précisément n’en étaient pas, aux obligations plutôt et aux devoirs qui nous avaient guidés et amenés là où nous en étions dans la vie réelle telle que nous la menions. Nous ne nous reconnaissions guère dans cette bonne société nouvelle dont le journal qui prétendait s’adresser à nous et nous représenter donnait tous les matins les échos, les rumeurs et les éclats. Nous ne vîmes d’ailleurs bientôt plus dans ce journal que la déformation, quand ce ne fut la trahison, de ce en quoi nous avions eu foi, de ce sur quoi nous avions fondé nos existences, sans toutefois renoncer définitivement à nous infliger de temps à autre un bref mais déplaisant rappel. Mais ce dégoût n’était jamais que l’exutoire d’un sentiment plus confus. Nos élans s’émoussaient. Les amitiés s’agaçaient, les fidélités se dénouaient, les amours s’effilochaient. La grande communauté invisible qu’un moment d’histoire avait constituée se dispersait. Certains n’y survécurent pas. Parmi notre génération, de grands dons, de superbes énergies, de merveilleuses joies déclinèrent. Il y eut des morts. Pour les autres, survivant, il en fallait peu, des riens, un mot ici, une nuance là, pour que le lien se défît, pour que le différend s’installât. Des constellations disparurent, des démarcations eurent raison de vieilles amitiés d’adolescence. Personne ne comprenait très bien le pourquoi de ces distances, de ces discordes, personne ne saisissait pourquoi cette génération se fragmentait, se divisait contre elle-même, du moins jusqu’au milieu des années1990, jusqu’à décembre 1995, moment crucial où le principe de la division apparut alors beaucoup plus clairement, plus de quinze ans après le commencement du partage. C’est plus tard, après coup, que se révéla la disjonction des devenirs possibles de notre génération, coupure qui avait commencé en silence, sans que personne n’en ait eu vraiment conscience. C’est avec ce second événement, avec 95, qui ne ressemblait extérieurement pas du tout à 68, que notre génération fit apparaître sans doute possible ses lignes de fracture qu’elle avait tues jusque-là par fidélité, par nostalgie ou par lâcheté. C’est à ce moment-là que notre génération se montra comme ce qu’elle était devenue : une fausse collectivité, une communauté illusoire, une génération fantôme. Et c’est en cet instant de l’histoire sociale et politique que notre génération s’est ouvertement brisée en ces deux parties inconciliables qui avaient depuis longtemps fomenté chacune leur voie, leur style, leur morale. C’est en ce point que notre génération est devenue un simple nom, un label pratique, une catégorie d’université, voire une simple indication démographique, c’est là qu’on a pu vraiment saisir que depuis longtemps déjà elle avait cessé de signifier politiquement, qu’à l’exception de certains nostalgiques arrimés à leur jeunesse disparue, elle n’était plus sur la scène publique qu’un argument publicitaire. Notre génération, ce que nous avons cru peut-être qu’elle avait été, était morte comme telle, opposée à elle-même et dispersée. Et cette sorte de fracture, comme on a pu s’en rendre compte peu à peu, n’avait pas seulement concerné les destins sociaux et culturels, elle avait atteint en son centre l’identité symbolique de la gauche, elle l’avait détruite au point que la gauche s’était transformée, sans que ses responsables ne s’en aperçussent, en un grand vide. Cette décomposition symbolique de la gauche a sans doute plus d’une cause. Mais l’une d’elle, non des moindres, est de n’avoir jamais pris au sérieux le sens de 68 et les conséquences de cette défaite dans les décennies suivantes.
Cette fracture qui a cassé d’abord notre génération puis a contribué à défaire la gauche tout entière sépare les vainqueurs des vaincus, ou plus exactement ceux qui se sont crus les vainqueurs et ceux qui se vivent toujours comme les vaincus. Affaire de style, de choix, de morale. Disposition sans mots à aller dans un sens ou dans l’autre. Il y a ceux pour qui les événements de 68 ont été comme l’entrée dans un monde qu’il fallait aménager pour eux. Qui était fait pour eux, pour leurs désirs, leurs envies. Vaste espace d’expression, de réalisation, de libération d’eux-mêmes. Monde fait exactement à la mesure de leur désir de puissance et de leur appétit de “ réussite ”, ou plutôt monde qu’ils avaient cru fait pour eux, qu’ils ont même cru dominer, dont ils ont pensé devenir les maîtres. Faut-il dire que les vainqueurs de ce genre sont les vaincus réels, des vaincus qui s’ignorent tant “ réussir ” de cette façon, ce qu’ils appellent “ réussir ”, suppose adaptation, conformité, souplesse. Les vainqueurs sont les natures habiles à la manoeuvre, les gens à l’aise, d’une aisance de qui va partout et parle la langue de tout le monde. Les vainqueurs parmi nous, disons-le, ce sont ceux qui, du gauchisme ont retenu une formidable leçon d’aisance et de mépris, qui ont compris en cyniques et plus vite que d’autres, combien la “ culture bourgeoise ” était une foutaise, que la bourgeoisie la plus vraie, celle de l’argent et du pouvoir, n’avait rien de cultivée, qu’elle n’avait pour toute culture que celle des chroniques informées des magazines dans lesquelles elle s’admire et se conforme. Les cyniques ont compris qu’il y avait de belles parts à prendre sur le marché des idées, de l’art, de la morale, de la posture philosophique. Ils ont vite saisi que la bourgeoisie prise en masse – de laquelle il faut excepter quelques rares spécimens – était une classe avide d’idées simples, d’histoires faciles et d’audaces contrôlées. Masse réunie de cadres et de possédants à la direction des affaires sérieuses, elle n’a pas de temps à perdre à l’étude et demande surtout d être stimulée sans être gênée. Elle veut donc ses artistes et ses penseurs “ courageux ” mais convenables. Pour ce genre de fonction, une bonne formation marxiste dans la jeunesse d’un bon fils de famille ne nuit guère. Elle est même recommandée. Une telle éducation aide à comprendre sans phrases que si le temps de l’accumulation et de la conservation permettait hier les loisirs de méditation et les lenteurs de conversation, le temps de la finance et de la gestion ne permet plus que les consommations hâtives de produits sommaires. Certains parmi nous, aidés par une certaine qualité préformée, ont senti la période nouvelle et les chances qu’elle leur offrait de devenir les faire valoir distrayants mais apparemment profonds de la grande classe des affaires, laquelle prête à tirer les “ enseignements ” de 68, voulait incarner contre la vieille garde réactionnaire gaullo-pétainiste, le monde décomplexé de la communication généralisée et de l’anti-tabou total. Ce fut donc le tournant Giscard, le bel âge de la décontraction dans les moeurs et de la déconstruction dans les idéaux. La nouvelle grande classe hybride de bourgeois rentiers et salariés voulût donc faire jeune, vendre et acheter jeune, s’habiller et penser jeune, vivre continûment jeune du berceau à la tombe. Elle entendit intrépidement libérer la parole, puisque c’était ce qu’elle avait retenu de 68, et faire de la communication de masse l’universel ciment de la société ouverte et transparente. La “ prise de parole ” n’était plus l’événement rompant l’oppression quotidienne, elle devenait le régime ordinaire de régulation des relations humaines. Elle n’était plus l’avènement public d’une vérité refoulée mais le mode d’animation d’une société faisant de la parole individuelle la langue de tous et de celle-ci un chaos d’intimités plus ou moins sordides et d’expériences plus ou moins absurdes. Il suffisait au fond de transformer d’anciens révolutionnaires en nouveaux administrateurs de la communication sociale pour que la religion de la parole sans limites pût s’établir.
L’arrivée de la gauche au pouvoir acheva la mutation en supprimant les derniers scrupules. Ralliant le parti moderne sans avoir l’air de trahir les anciennes promesses, celles que l’on s’était faites à soi-même, il devenait louable de renier tranquillement sa jeunesse avec le sens du devoir accompli. On pouvait même avec bonne conscience chanter victoire à chaque recul électoral des communistes, à chaque abandon gouvernemental des objectifs sociaux, à chaque virage droitier du programme économique de la gauche. Le vrai révolutionnaire n’est-il pas au fond celui qui a l’immense courage de rompre avec le “ vieux monde ” ? N’est-il pas celui qui sait se “ libérer ” des utopies et même tourner le dos à la classe des prolétaires ? La libération changea de sens et le journal du même nom figura le reniement en clamant que la crise était bien belle quand elle mettait à bas les derniers remparts qui abritaient encore les prolétaires du grand souffle de la liberté économique. L’ère de Mitterrand commençait à peine qu’on voyait s’inverser toutes les significations et tous les engagements : progrès voulait dire régression, socialisme finance et démocratie corruption. Les vainqueurs, ceux qui se croyaient les vainqueurs, signèrent alors de bon cœur le contrat de ralliement à la société ouverte, transparente, libérale qui s’offrait devant eux comme le champ de réalisation de leurs promesses de toujours faire le bien et de dire toute la vérité. Le grand ralliement avait son mot d’ordre “ modernisation ”, son levier “ liberté des médias ”, son principe “ plus de tabous ”. Ce fut alors que se répandit l’idée que 68 avait gagné, que 68 avait triomphé des archaïsmes, que 68 se réalisait dans les médias libérés et les moeurs affranchies. Les vainqueurs, en ces commencements de l’époque mitterrandienne, peut-être l’une des pires qu’aient connue les classes populaires depuis longtemps, se convainquirent que leur part n’était pas mince dans cette heureuse modernité et qu’en conséquence ils avaient sans doute mérité places en vue et nutriments divers au grand banquet de la société libérée. Quant à la critique, ils se dirent qu’elle était un pur “ ressentiment ” puisqu’ils avaient lu Nietzsche.
68 n’avait ainsi été qu’une grande promesse d’avenir, une sorte de mise à l’heure de la France, une mise en conformité avec le capitalisme nouveau, de sorte que certains qui, en leur jeunesse, avaient été gauchistes, barthésiens, foucaldiens, situationnistes pouvaient se muer en publicitaires ou bien en conseillers du patronat français, sans avoir une seule seconde l’impression d’avoir rallié l’ennemi, notion qui, d’ailleurs, semblait avoir perdu tout sens dans ce nouvel univers qui se voulait avant tout pacifié et uni, qui avait refoulé toute idée de conflit des classes, notion qui avait naturellement cessé de valoir dans les catégories des vainqueurs absolus et définitifs.
Que 68 fût une victoire est donc une proposition fondamentale. Elle a constitué la ligne de démarcation la plus nette entre les deux camps invisibles et irréconciliables qui composent notre génération. Car le terme même de “ génération 68” est devenu un produit fallacieux de la publicité, un drapeau exploité jusqu’à la trame par les militants de la démocratie et du marché. C’est cette formule-là qui montre le mieux que notre génération est historiquement brisée, finie comme telle, radicalement inexistante comme réalité politique significative et comme tissu consistant d’amitiés réelles. Divisée entre vainqueurs et vaincus, entre ceux qui se croient les vainqueurs et ceux qui se savent les vaincus.
On a souvent écrit que 68 avait gagné mais c’était pour mieux critiquer “ l’héritage ”. Ce n’est là qu’une vérité bien partielle, une demi-vérité, une apparence de vérité. Ce qui a gagné n’est pas 68, mais l’exploitation de 68 et, surtout la haine de 68. C’est un anti-68 qui a gagné. Et quand les vainqueurs croient avoir gagné, quand ils croient avoir vaincu, c’est encore une illusion. Car ceux qui se présentent comme les vainqueurs de 68 sont de faux vainqueurs. Proclamer que 68 a gagné, c’est se tromper sur 68.
Il est une autre manière de penser 68, dans les actes et dans les vies de ceux qui ont été fidèles à 68. Une manière tout opposée aux grands récits des témoins officiels. Cette autre façon de penser 68 n’est pas écrite au grand livre des vainqueurs, elle s’inscrit plus discrètement dans les marges et dans les notes de bas de page de l’histoire : dans les existences fidèles à 68. Enjeu majeur. Les vainqueurs sont surtout des gagnants de la mémoire. Ils ont voulu resserrer 68 dans un printemps sympathique, oubliant les ondes provoquées, après, et parfois, longtemps après, dans toutes les vies transformées. Car 68 n’est rien d’autre que les vies marquées par ce qui s’est décidé en 68. C’est dans cet enjeu vital que se détermine aujourd’hui et comme à rebours le sens de 68, partant, le sens des vies qui se sont décidées en 68. Laisser aux vainqueurs le contrôle de la mémoire serait à la fois trahir ce qui est arrivé et trahir tous ceux qui en ont été marqués à vie. C’est pourquoi il importe de ne pas se laisser déposséder de l’événement qui a décidé de notre vie. Il importe, oui, de ne pas laisser dire aux vainqueurs ce que fut notre génération, ce qu’elle a fait, ce qu’elle a espéré, ce qu’elle a réussi et ce qu’elle a raté. Ce serait comme nous suicider historiquement, ce serait laisser derrière nous inentamé le règne des menteurs.
II
Notre défaite
D’être ainsi les vaincus, les politiquement vaincus, nous l’avons, du moins certains d’entre nous, assumé à notre façon, nous l’avons même revendiqué souvent. Contrairement à la thèse qui veut que l’existence détermine la conscience, ce ne sont pas nos vies qui ont déterminé cette conscience de la défaite, c’est notre choix, ou plutôt toute notre histoire qui nous a conduits à être d’un camp plutôt que d’un autre. C’est le fait d’aller dans le sens de la défaite plutôt que dans celui de la victoire qui a décidé de notre existence et de son sens. Car, à bien y regarder, et en considérant tous ceux qui ont pris l’autre chemin, qui nous aurait empêché de faire de la communication, de la publicité, des romans faciles, du journalisme de sensation ? Nous avions les atouts, les talents. Nous n’en avions pas le goût. Plus d’un qui a partagé notre jeunesse a “ réussi ” à se hisser dans la vie, tant le militantisme a souvent développé les qualités de bagout et de manœuvre si nécessaires pour parvenir dans ces mondes de « réussite ». L’obscénité de ces mondes a souvent suffi à nous en écarter. La répulsion quasi-instinctive que nous avons ressentie et que nous ressentons encore pour l’exploitation des talents que certains avaient révélés après 68, le dégoût pour ces vies trahies que l’on dit réussies est telle que nous n’avons jamais eu vraiment d’excuse pour ceux qui n’ont pas été révulsés par l’exercice des fonctions les plus serviles que réserve cette société à ceux qui choisissent de s’y conformer.
Notre morale, aussi paradoxale qu’elle puisse paraître à ceux qui n’ont pas connu cette histoire, a consisté à nous mettre du côté des vaincus, sans honte et même avec une certaine fierté non pas d’être vaincus mais de ne pas être parmi les vainqueurs satisfaits. Tel fut le point de bifurcation. Ce pas n’était pas la suite d’une décision réfléchie, elle résultait souvent d’une paresse, d’un refus poli ou d’un échec qui nous ont épargné d’accéder à quelque fonction avantageuse. Tout s’est ainsi passé dans une certaine obscurité, une demi-conscience, selon des voies un peu mystérieuses, comme s’il s’était agi d’une distillation progressive séparant les vainqueurs et les vaincus, ceux qui ont accepté le monde et ceux qui ont continué de le refuser.
Le mot même de choix dit bien mal ce dont il s’agit. Choisir, c’est accepter ou refuser ce qui arrive par une certaine disposition intérieure. C’est par elle que certains se sont retrouvés du côté des vaincus et d’autres du côté des vainqueurs. S’il y a quelque chose que l’on peut appeler “ génération 68 ”, si un phénomène de ce genre existe, il est bien dans cette séparation.
Il s’agit donc d’examiner ce que fut la défaite que certains d’entre nous ont assumée, ont choisi d’assumer sans que jamais n’ait été prise une « décision » consciente en ce sens. Au fil des années, il nous a fallu faire des choix, de ces petits choix qui n’avaient l’air de rien et qui engageaient tout : études, carrières, quartiers, unions, famille, et avec cela, goûts, loisirs, relations, milieux, idées. Les tentations d’une vie « adulte », les petits pas dans « l’installation », les désarrois politiques : tout semblait prescrire de se replier sur ce que certains cyniques appelaient des “ objectifs de réalisation personnelle ” et des “ modes d’accomplissement de son potentiel individuel ”. Toute une partie de notre génération a reculé sous la force des circonstances et sous le poids des « philosophies nouvelles » qui faisaient des utopies et même de la seule idée du progrès social des rêveries absurdes et dangereuses. Durant les vides et glaciales années 80, la politique devint si médiocre et si corrompue que s’en soucier encore revenait à se salir. Amours, enfants, nouvelles études, livres, voyages : ces années furent souvent pleines de recommencements pour tous ceux qui en avaient la ressource, elles furent souvent des renaissances, des secondes jeunesses tardives dans le climat changé. Certains, il est vrai, n’y survécurent pas. Trop marqués, ils sont morts de n’avoir pu renaître à une autre vie. Trop inadaptés au cours nouveau, ou s’y adaptant de façon désespérée – par la drogue par exemple-, ils disparurent presque logiquement. Ces années furent donc emplies de bonheurs et de malheurs qui avaient en commun d’être des bonheurs et des malheurs privés. Elles furent pleines d’événements de vie privée, mais elles furent vides collectivement, peu à peu coupées de tout idéal commun. Ces années furent presque partout celles des frilosités et des frivolités, du cauteleux bureaucratique et du scandaleux financier. Le renoncement et le sérieux furent partout mis à l’ordre du jour. Le refus du rêve et le réalisme d’adaptation furent érigés en dogmes politiques. Les écrivains de l’ordre moral prirent leur revanche. Les malins connurent leur heure de gloire. La gauche, ou plutôt ce qui continuait à s’appeler ainsi malgré les désaveux répétés du « peuple de gauche », devint de plus en plus réactionnaire et de plus en plus moderne. On convint alors, en aparté, que le socialisme était devenu une idée morte en Europe.
Tout nous poussait, surtout la victoire de Mitterrand, à devenir en masse les vrais vainqueurs et à prendre notre revanche comme les gourmands qui pensaient avoir mérité une belle part taillée dans le gros gâteau du pouvoir fraîchement conquis. Tout semblait conduire à nous faire accepter comme vrai le monde qui nous entourait, le monde réel qui offrait toutes sortes d’opportunités avantageuses pour qui du moins aurait le talent de les exploiter. Tous, nous étions conviés à passer du côté de ceux qui sont aux meilleures places du grand banquet de la société. Nous n’y avons pas tous été, loin de là.
C’est un peu comme si nous avions dû vivre enfermés pendant ces années-là, nous qui avions plutôt le goût pour les aventures et les épopées, nous qui nous pensions prédestinés pour les ruptures et les bonheurs puissants. C’est comme s’il nous avait fallu renoncer à voir au loin, et, en renonçant à cette faculté de projection, comme si nous ne pouvions plus exister pleinement et parler vraiment, exilés dans un continuel présent. Et ceci parce que nous avons constitué une génération très intensément, très complètement politique comme on n’en a pas vu depuis et telle qu’on n’en verra peut-être pas de sitôt.
Nous avions été éduqués par la politique et voilà qu’elle s’était soudain dérobée. Nous sommes donc restés suspendus, « en l’air », privés de notre sol. De la politique vraie, il ne fallait plus être question, il ne fallait plus rien en attendre. Toute espérance était soudain comme abolie. Une sorte d’orthodoxie molle envahit la place et enlisa la critique. De faux rebelles commencèrent à défiler sur les écrans et dans les librairies. Le seul tabou, le grand tabou portait désormais sur la possibilité d’une égalité parmi les hommes, et sur une fin imaginable du capitalisme. La politique était morte et laissait le champ à la colonisation générale des intérêts particuliers comme à la gestion monétaire de l’injustice. La politique abolie, tout était donné comme impossible historiquement, sauf l’éternel présent à perpétuer : le journalisme de sensation et d’optimisme chantait la liberté de dire à peu près n’importe quoi, mais surtout l’air du temps ; le commerce exultait en prévision des profits colossaux de l’économie intégrale de marché ; les vieux tenants de la puissance d’État se prenaient pour des “ pilotes ” d’une société conçue comme une entreprise. La politique abolie, il ne restait que des individus privés. Privés surtout d’espérance, de sens, d’action. Enfermés dans leurs préférences privées, leurs racines communautaires, leurs nostalgies rances, leurs vieilles querelles de famille et de voisinage. La politique abolie, la bêtise s’étendit par les voies de la communication de masse. Argent et stupidité brutale de la modernité se mirent à régner universellement. La politique abolie, nous, la dernière génération vraiment politique, nous faisions partie du superflu, du déchet comme tous ceux qui ne s’accommodaient pas du nouveau cours non politique du monde. Notre défaite semblait complète, radicale. Nous n’existions plus comme génération politique parce que nos ennemis avaient tué la politique, le sens et le nom même des idéaux qui faisaient la substance de la politique. Notre génération a pris fin avec la politique.
Notre défaite remonte donc à loin et elle est profonde, radicale. Elle touche aux conditions mêmes de toute lutte possible, au sens de toute lutte. Ce n’est pas seulement un échec de la lutte, une défaite ponctuelle face à de plus puissants comme le camp populaire en a connu beaucoup dans l’histoire. Ce fut bien sûr cela, une défaite de ce genre, suivie d’une revanche sans pitié ni scrupule des éternels propriétaires. Mais c’est aussi une défaite plus grave, une défaite du possible renversement du cours du monde, une défaite du sens de la lutte. C’est seulement sur cette défaite si profonde que pouvaient vraiment prospérer sans entraves toutes les petites et grandes perversions liées au pouvoir, toutes les petites et grandes corruptions liées à l’argent. Notre désarroi fut donc à l’échelle de cette défaite, nous qui avions cru remettre la politique authentique, la grande politique avec ce qu’elle porte de liberté vraie, au centre de la vie de tous, nous qui avions cru si souvent détruire la médiocrité, le morne et le vide des vies trop adaptées au “ système ” par la nouvelle espérance qui nous mobilisait et nous détournait du “ métro-boulot-dodo ”, comme nous disions très naïvement peut-être – mais la naïveté est souvent le défaut de ceux qui ne sont pas entièrement soumis à la force des choses ou pas encore corrompus par les biens du monde. C’est que nous pensions qu’il fallait être dans l’excès de ce quotidien trop pauvre, qu’il fallait rester éveillé pour ne pas sombrer dans le lourd sommeil qui recouvrait l’existence collective tournée vers le travail routinier et la consommation absurde. Nous ne voulions pas que l’homme soit quantité, c’est-à-dire quantité négligeable.. C’est ainsi que la politique de l’idéal qui nous soutenait devait tout ranimer, donner une nouvelle couleur aux plus simples aspects de la réalité, un nouveau goût aux choses les plus communes. Les mots alors avaient du poids. Il nous semblait que nous savions dire. Et il nous paraissait qu’entre le dire et le faire, une harmonie familière devait toujours demeurer.
Mais sans doute étions-nous trop sûrs d’avoir avec nous non pas certes la “ société ” ni même la majorité de cette société, mais au moins l’une de ses fractions importantes. Quelques-uns des plus alertes, des plus combatifs, des plus volontaires des ouvriers et des salariés passèrent de notre côté sans doute, mais l’essentiel de ce qu’on appelle les « classes populaires » continuèrent d’être encadrées par les grandes bureaucraties. Notre isolement fut grand. Et nous n’étions ni des saints ni des héros. Parmi nous, il y en eut beaucoup qui, portés par la nouvelle espérance collective, n’y croyait individuellement qu’à moitié. Chez presque tous, les forces du “ rangement ” étaient déjà actives. Double aspiration, double voie, double vie. Il y avait les pressions vers le bon métier, les “ bonnes places ” comme on disait encore à cette époque, pour faire plaisir aux familles, pour ne pas se fâcher entre proches, pour ne pas gâcher les efforts consentis par les parents dans les études de leur progéniture. Et puis il y avait les aspirations plus purement politiques, qui dépendaient pour leur ardeur de leur extension au plus grand nombre. Mais ce qu’il faut bien appeler une vocation, comment aurait-elle pu garder sa force initiale s’il n’y avait pas, s’il n’y avait plus propagation du mouvement mais au contraire repli général devant l’agressivité de l’Etat et surtout devant ce formidable chantage du chômage de masse, devant cette crise qui aura été une arme idéale du nouvel ordre des choses.
Ce fut sans doute ce qui accéléra la décantation. La vie pauvre rattrapa bien des généreux, celle des séductions, propositions, avantages, titres et honneurs à destination des héritiers qui acceptèrent avec plus ou moins de bonne volonté la transmission d’une vie si abondante en biens de toutes sortes. Ce ne furent parfois que des compromissions d’apparence, des acceptations superficielles. Cette décantation progressive mit peu à peu de côté les plus purement politiques d’entre nous, ceux qui restèrent militants. Mais la plupart ne furent ni des militants ni des renégats. Peut-être furent-ils la majorité ceux-là qui sont les invisibles de l’histoire de notre génération.
Ces invisibles restèrent à l’écart des organisations de gauche déclinantes. La mort lente du communisme dit réel, expression tragi-comique si l’on y pense, ne les concerna qu’indirectement, eux qui n’avaient cessé de ridiculiser la prétention du parti dit communiste d’incarner le moindre espoir d’émancipation, ce parti (c’est-à-dire bien sûr son appareil) qui avait tant fait pour enliser et finalement étouffer l’explosion politique en 68. Nous, les invisibles, n’avons pas versé une seule larme devant l’agonie du « communisme réel » car nous savions comment l’appareil du parti dit communiste avait détruit depuis fort longtemps le vrai sens de la révolution ouvrière tout en continuant de capter la foi de millions et de millions de gens parmi les plus dominés de la société. Mais de cette mort grotesque, avec ces ouvriers de l’Est se précipitant vers les pays capitalistes, nous n’en avons pas tiré gloire à la façon de gens qui ont eu raison depuis longtemps car nous devinions sans doute que la fin des régimes staliniens ne serait pas nécessairement la renaissance de l’espoir révolutionnaire.
Notre défaite n’est pas directement liée, malgré les apparences, au lamentable échouage du « communisme réel ». Nous en subissons les effets mais ce n’est pas notre échec. Ce qui a échoué, c’est une certaine contrefaçon de la révolution, une certaine contre-révolution qui a pris le peuple à revers. Ce n’est pas la révolution, ce n’est pas l’idée de la révolution qui est morte, c’est un système pervers qui s’est écroulé comme il était inévitable qu’il s’écroulât. Ce qui explique que nous ne sommes pas complètement abattus par cet effondrement, que l’histoire n’a pas éteint en nous les feux de l’avenir, comme aurait pu dire le vieux Jaurès. Nous savions depuis longtemps que ce système ne valait rien, nous connaissions la nullité absolue et l’immense mauvaise foi des gens qui dirigeaient ces appareils, « apparatchiks » que nous ne confondions pas avec les militants de base et les électeurs qui eux y engageaient souvent toute leur colère, leur foi et la morale la plus humaine. Mais nous savions aussi que jamais nous ne pourrions nous lier vraiment avec ceux qui, au nom d’un même idéal ou, plutôt, au nom d’un idéal homonyme, ont fait exactement le contraire de ce que l’on pouvait espérer du mouvement ouvrier, que jamais nous ne pourrions avoir la moindre confiance dans ceux qui tant de fois ont sauvé le capitalisme et qui, tant de fois, ont enterré toute révolution authentique en acceptant les miettes de pouvoir qu’on leur laissait, en enveloppant leur résignation devant le discours capitaliste, il faut bien le dire, dans une dialectique à quatre sous qui voulait que l’universelle salarisation, que l’universelle expropriation, que l’universelle subordination à la grande machine économique dans laquelle l’être humain ne vaut guère plus qu’un ustensile était un moment nécessaire dans l’histoire de l’émancipation de l’humanité ( sans parler du “ socialisme à la française ”, expression heureusement oubliée par les nouvelles générations, mais qui nous faisait quand même bien rire en son temps). Maintenant que toute cette absurdité soi-disant dialectique est décidément abolie, il nous reste l’amertume de considérer le spectacle d’un mouvement en ruine, épuisé, divisé, déserté, incapable de faire le moindre vrai retour critique sur le passé. Oui, nous regardons étonnés cet immense échouage du mouvement ouvrier mortellement marqué par son autarcie mentale, son infécondité historique, son aveuglement volontaire, son inertie, et nous restons encore stupéfaits devant le grand froid des appareils, leurs structures sclérosées, leurs pratiques routinières.
Notre défaite n’est pas du même ordre que le lent dépérissement des appareils stériles. Notre défaite tiendrait plutôt à notre précocité, à notre anticipation du temps des désastres. Cet échec du communisme n’est pas le nôtre, cette agonie n’est pas celle de notre génération mais celle d’une politique d’avant 68, qui est définitivement morte en 68 sans longtemps le savoir et même sans le savoir encore tout à fait (comme le prouve toujours le stock apparemment illimité des “ rénovateurs ”, des “ refondateurs ” et des “ reconstructeurs ” du cadavérique parti dit communiste quand la mort clinique est depuis longtemps proclamée). Nous n’avons rien à voir avec le cauchemar du cadavre qui ne veut pas quitter la scène, qui en veut encore un peu plus, histoire de se survivre par l’inusable répétition des mêmes méthodes. Le parti ultime rempart contre le capitalisme ? C’est exactement ce troc sordide entre stalinisme et capitalisme que nous avons refusé. Nous n’avons pas admis cette façon de faire accepter aux militants leur soumission ni aux salariés leur asservissement, leur universelle expropriation, leur universelle subordination dans la grande machine économique. Maintenant que cette absurdité est anéantie, nous avons sans doute l’amertume de ceux qui n’y ont jamais cru et qui surtout n’ont jamais tenté de la faire croire aux autres. Nous considérons avec un certain effroi cette autarcie mentale, cette rigidité imbécile, cette soumission des intellectuels et semi-intellectuels à l’organisation moribonde.
Notre défaite, notre échec n’est pas cette lente agonie. Notre défaite, notre échec tient à notre précocité. Nous ne sommes pas venus trop tard comme certains le disent, nous ne sommes pas la “ dernière génération ” à y avoir cru, nous sommes la première d’une nouvelle époque, la première d’une série d’autres. Notre échec, s’il est amer, précisément s’il est amer, tient à ce que nous sommes venus en un temps où la décomposition du monde commun n’était pas encore suffisamment avancée, où la mutilation de la vie n’était pas encore aussi manifeste qu’aujourd’hui. Nos mots n’étaient pas encore prêts, trop vieux pour l’idée neuve, trop neufs pour les idées vieilles. Nos mots étaient décalés, d’emprunt, et disaient parfois même le contraire de ce qu’ils signifiaient. Quand nous parlions un étrange marxisme, quand nous dénoncions la misère et l’oppression, nous étions encore et nous n’étions déjà plus dans la croyance progressiste ancienne, nous avions rompu, mais sans en avoir l’entière conscience, sans en détenir la formule, nous avions rompu avec la vieille idée « dialectique » selon laquelle la libération était au bout de la plus complète aliénation au marché universel, que la plus grande liberté était au bout de la plus générale des contraintes productives. Nous disions, au contraire, que c’était déjà maintenant et ici que la forme capitaliste de l’existence était intenable, que l’on avait toutes les raisons de ne pas tenir, qu’il n’y avait aucun prétexte pour différer l’occasion de gagner un tant soit peu de liberté contre la nécessité économique, contre la contrainte du travail, contre l’ignoble bêtise qui commençait de jaillir à flot continu des journaux, des radios, des télévisions. Et c’est cela même qui faisait que notre politique n’avait rien à voir avec le “ communisme ” des staliniens, qu’elle avait tout à voir avec la dissidence des intellectuels de l’Est et avec les révoltes des ouvriers et des étudiants de RDA, de Pologne, de Hongrie, d’URSS, de Chine. Ce qui était alors en jeu dans cette étrange période – dont il nous semble parfois que nous l’avons rêvée – n’était rien de moins qu’une révolution mondiale contre les deux versions rivales du “ bonheur économique ” qui se partageaient alors les représentations du monde, contre les deux versions infernales de l’organisation moderne bureaucratique et marchande. La révolution que nous désirions refusait l’une et l’autre en se refusant à jouer l’une contre l’autre. Et cette politique de révolution mondiale poussait aux conclusions radicales les leçons du siècle, disant que la liberté n’était pas plus à l’Ouest qu’à l’Est, qu’elle était de partout mais différemment niée, qu’elle était d’ici et de toute part, sans concession “ dialectique ”, sans cynisme militant. Cette révolution que ne préparait aucun programme avait la liberté pour principe, pour moyen et pour but. Non pas la liberté factice et illusoire des petits ego qui lisent chaque matin dans leur quotidien combien ils sont libres dans l’Occident libre, mais la liberté plus difficile, la difficile liberté des êtres humains à vivre ensemble sans vouloir vivre soumis. Être ensemble mais débarrassés des frayeurs, des fatalités, des idoles protectrices, des sauveurs indiscutables. C’est de cette liberté que nous avons fait notre raison. Et de cette raison même, notre existence en a été son fidèle entretien, sa garde vigilante, son soutien et sa mémoire. C’est bien depuis cette raison de liberté que nous avons pensé et agi. C’est cette liberté active, pratique, immanente à notre existence, qui permet justement de penser que notre échec n’est pas celui qu’on pense, que nous avons été vaincus parce que nous avons cherché une certaine liberté et refusé une certaine autre, que nous avons opté pour la voie difficile et laissé aux autres la plus facile, la plus conforme. C’est à partir de cette raison de liberté que nous avons choisi notre vie, nos amitiés, nos engagements, nos goûts contre les destinées aisées, programmées, attendues.
Notre plus grand succès au fond, c’est d’avoir voulu ce qui nous est arrivé, d’avoir choisi plutôt de perdre d’une certaine manière que de gagner d’une autre qui nous déplaisait. Notre liberté, c’est d’avoir refusé la destinée bourgeoise, d’avoir tenu bon dans ce refus de la destinée bourgeoisie, d’avoir tenu la position, quelles que soient les variations et les altérations inessentielles, et non seulement d’avoir tenu la position mais aussi d’avoir entretenu en l’exerçant activement le principe de cette liberté vraie et authentique, d’avoir ainsi tenu par l’amitié surtout, par le sens de la vie collective, par le goût des idées, par le partage des livres et le plaisir de l’entretien amical et toujours relancé, par le goût des expériences puissantes, créatrices et collectives, qui nous protégeaient des joies pauvres, faibles, épuisantes, évidantes, de la consommation et de la carrière.
Beaucoup d’entre nous ont tenu bon. D’autres n’ont pas attendu, certains autres n’ont pas eu la patience, beaucoup ont voulu la récompense de cette patience, ont voulu la rémunération des vertus de cette patience qu’ils ont prise pour du sacrifice, ont cherché la rétribution de cette patience qui par le capital, qui par le pouvoir, qui par la visibilité ; nous avons tenu bon parce que nous avons su créer les conditions de ce maintien de la position: un terrain ferme, une certaine assurance, une certaine indépendance, une certaine stabilité pour tenir la position. Aussi a-t-il fallu donner le change, faire ce simulacre de carrière qui nous permettait de ne pas dépendre des circonstances et des puissances nuisibles, des petits chefs et des propriétaires. Ceux parmi nous qui ont tenu bon se sont rarement prolétarisés et s’ils le furent un temps, ils se sont défendus des formes les plus dégradantes de la prolétarisation.
Nous avons été vaincus sans que cela ait à voir avec notre réussite ou notre échec professionnel, notre réussite ou notre échec sentimental et familial. Nous avons été vaincus politiquement, ce qui ne nous aura pas empêchés de réussir d’une certaine façon nos vies et même parfois de paraître parfaitement conformes à la moyenne des gens de notre âge, du moins aux yeux de ceux qui ne savent pas l’histoire de cette défaite, de ceux qui ignorent qu’elle est due au fait que nous sommes venus trop tôt, que nous anticipions les temps de fer qui allaient venir, en affirmant péremptoirement qu’il fallait sans délais changer le cours du monde, qu’il fallait non pas changer de société mais de civilisation et cela alors que les populations croyaient encore à l’expansion de cette civilisation matérielle que les idéologies et les technologies promettaient illimitée et sans contrepartie, qu’elles promettaient unilatéralement heureuse et sans envers. De sorte que, dans le principe même de notre contestation, il était presque assuré que nous ne pouvions être entendus, que nous ne pouvions qu’être mal entendus, non pas seulement parce que nous parlions de façon confuse et brouillonne mais parce que ceux à qui nous parlions, tous ceux que nous voulions convaincre (le peuple, les ouvriers, les salariés ou même plus proches nos parents et nos professeurs), ne voulaient et ne pouvaient – sauf peut-être une minorité- entendre ce que nous disions : que produire toujours plus et consommer toujours plus, que vouloir accumuler les choses au prix d’un travail éreintant et d’une vie mutilée n’était pas le summum du bonheur ; que l’important était et demeurerait les relations entre les individus, lesquelles étaient abîmées par un quotidien pauvre, bureaucratisé, fonctionnalisé, marchandisé, ce qui nous faisait passer pour de sales petits rêveurs coupés des réalités ordinaires, à côté des besoins et des envies des gens simples. Nous avions beau montrer notre bonne volonté et même notre engagement direct– parfois il est vrai un peu compassionnel – dans les luttes contre les inégalités et les injustices, nous ne pouvions empêcher qu’on nous prît pour des utopistes coupés des réalités des « vrais gens ». Notre défaite a commencé par cet isolement, un isolement renforcé par les forces d’inertie dites de gauche. Mais, de toute manière, notre isolement était inévitable tant ce que nous disions à l’époque était inassimilable, foncièrement étranger à la période, en avant sur les temps à venir et non pas en retard comme les repentants le disent parfois. Nous n’étions pas “ en avant ” des masses mais “ en avance ” sur le temps. Nous étions en avance, mais avec des mots du passé, incapables de parler autrement qu’avec des mots du passé. Comme les révolutionnaires de 1830 ou de 1848 qui ne pouvaient parler autrement qu’avec la langue de 1789, nous ne pouvions éviter de parler la langue de la révolution prolétarienne forgée au XIXe siècle, la langue de la révolution d’Octobre 17 quand il était manifestement trop tard, même si c’était peut-être juste un peu trop tard. Nous étions bien, en ce sens, les derniers d’une longue période, les derniers d’une longue et glorieuse lignée dont nous aimions la geste ; mais nous étions aussi et du même coup, d’un seul tenant, les premiers à commencer une autre histoire, les premiers qui ne chanteraient plus les lendemains heureux, les premiers qui annonceraient l’époque de la dernière chance pour modifier le cours des choses ; les premiers à annoncer la nécessité d’une réorientation du parcours de l’Occident et de l’humanité qu’il entraîne. Nous étions donc les derniers et les premiers à la fois, tendus jusqu’à nous briser parfois entre cet achèvement et ce commencement, perdus dans nos mots entre les références anciennes et les devenirs dans lesquels nous étions engagés. Mais comment aurions-nous pu savoir que nous étions, non pas les derniers comme depuis on n’a cessé de le répéter pour nous déconsidérer, mais les premiers ? Comment aurions-nous pu deviner que nous étions en avance alors qu’on n’a depuis cessé de nous répéter que nous étions en retard, que nous étions des attardés politiques et sociaux ? Nous ne pouvions nous en douter tant que nous n’avions pas vécu cette vie qui fut la nôtre, de cette histoire que nous avons vécue, tant que nous n’avions pas vu ce déroulement implacable de nos plus sombres prévisions, non pas la victoire du fascisme et de la dictature militaire, mais quelque chose de plus lent, une décomposition beaucoup plus progressive de tout l’horizon du progrès, des coordonnées de la démocratie et de l’humanisme, une sorte de glaciation progressive de la société de plus en plus rongée par les intérêts cyniques et les mécanismes glaçants de l’efficacité et du profit, de plus en plus organisée par les systèmes de protection des privilèges de l’argent et du pouvoir, avec l’enrobement des discours raisonnables de ceux qui croient que ce n’est jamais-là qu’une marche vers la modernité heureuse et que seuls d’incorrigibles soixante-huitards peuvent encore s’y opposer, croient encore possible de réinventer une certaine morale, une certaine justice alors qu’il y aurait tant d’indications sur l’impossibilité de toute bifurcation – absence de classe révolutionnaire, inertie générale, pulvérisation des liens sociaux, anesthésie hédonique, etc – et sur la nécessité d’un accommodement avec le monde tel qu’il va.
III
Notre vie
Il nous fallait traverser la période glaciaire, la décomposition des idéaux et des cadres sociaux ; il nous fallait toucher le fond du cynisme général pour comprendre que nos vies, nos résistances, nos gestes, nos propos, nos actes, nos œuvres, nos choix surtout, à tous les moments cruciaux, témoignaient que nous avions bien été en avance quand on nous disait en retard, que nous étions des précurseurs de la nouvelle révolte à venir et non les spectres des révolutions éteintes. Il nous fallait ces épreuves et ces convocations pour comprendre peu à peu que nous avions terminé un certain cycle des révolutions pour en ouvrir un autre, au milieu de la plus grande confusion des langues et des idées, dans des tempêtes mentales et intellectuelles parfois ; pour saisir peut-être aussi que le nouveau cycle ne serait pas de même nature, qu’il serait sans doute plus tragique encore du fait qu’il engageait la vie même, la vie physique et la vie subjective, la valeur de la vie plus encore que son sens : une vie dans la machine à broyer.
Et nous étions peut-être d’autant plus affectés par ce cynisme généralisé qu’il mimait nos attaques contre la société autoritaire, qu’il semblait reprendre nos combats pour libérer la société de ces innombrables petites chefferies despotiques, alors qu’il ne faisait évidemment que les renouveler et les rebaptiser, qu’il paraissait encenser nos nomadismes heureux pour mieux défaire ce qui dans l’ancienne société était le système de protection des plus faibles. Et s’il est vrai que nos expérimentations pour découvrir de nouveaux modes de vie défaisaient les rapports établis et affaiblissaient les institutions, elles n’avaient certainement pas pour visée de détruire les seules barrières derrière lesquelles pouvaient s’abriter les plus faibles. Certes, nous avons sans doute contribué par un effet que nous ne voulions pas à détruire ce qui encombrait la route de la marchandisation, car toute attaque portée contre les vieilles structures de l’Etat, de la famille, de la religion a aidé la mise en forme capitaliste de la société et d’autant plus que, par une illusion historique dont nous nous apercevrons plus tard, nous tenions que toutes les institutions étaient “ au service ” de l’argent général. Mais nous combattions d’abord l’argent général, nous combattions aussi et peut-être surtout le règne de l’argent général sur toute la société. Et c’est ce qui ne nous sera pas pardonné, ce qui doit être escamoté d’abord et moqué ensuite. Utopistes, rêveurs, petits-bourgeois ou juifs allemands, peu importent les insultes de ceux dont le souci principal était de faire tourner la grande machine à broyer : elles visaient l’attaque que nous avons alors porté à l’essentiel, le règne total de l’argent général sur la planète et l’existence. Et c’est cela qui nous a définitivement constitué en précurseurs de ces révoltes à venir. C’est bien cela qui ne nous sera pas pardonné.
C’est notre extrême souci de quitter la vieille peau de l’homme ancien – ce souci qui nous faisait les héritiers de toutes les rebellions du passé, de toutes les rébellions chrétiennes en particulier, bien avant même le mouvement ouvrier – qui nous a fait comprendre ce qu’est ce dépouillement imposé par la révolution capitaliste, cette mise à nu qui laisse l’individu exposé à l’exploitation la plus brutale que nous connaissons aujourd’hui, que nous commençons à reconnaître aujourd’hui. Nous voulions le nouvel homme, mais ce que nous avons vu, c’est ce dépouillement, cette mise à nu, la destitution des moyens de la défense sociale. Mais quoique on en ait dit après, notre idéal n’était pas celui-là, nos expériences de vie et nos attaques ne visaient pas le triomphe de l’individu absolu, le règne des intérêts cyniques et des impulsions d’enrichissement et d’oppression, la victoire des pulsions brutes ; nous ne voulions pas le triomphe de l’individu, nous ne cherchions pas cette espèce de libération absolue qu’on nous a reprochée par la suite, dont on nous a accablé depuis. Nous ne voulions pas la victoire de l’individu neuf et brutal, la brute néo-libérale toujours à l’affût des occasions de duper son prochain en lui faisant croire que c’est pour lui faire toujours plus plaisir qu’on le trompe. Non, nous ne voulions pas le triomphe de l’égoïsme pur, celui de l’argent, du pouvoir, de la visibilité. Nous voulions comme tous les révolutionnaires changer l’homme, et pour le changer, reconstruire la grande maison humaine. Ce qui supposait cet effondrement des vieux murs, cet écroulement des anciens cadres qui supportaient le vieil homme, dont nous voulions changer la vie, en prenant le risque de théoriser l’animal sans freins, sans loi ni morale. Mais ce n’était point le but, c’était le moyen qui ainsi s’absolutisait chez certains. Ce n’était pas le but, juste un passage obligé dans des expériences fécondes de décomposition radicale des règles ordinaires de la vie sociale où devaient s’abolir sentiments de possession, d’appropriation ou de territorialisation. Il était question en effet de fuite et de traverse, de partage et de don. C’était comme un passage obligé vers de nouveaux milieux, de nouvelles lois, de nouveaux savoirs, tout un nouvel âge de l’homme que nous voulions réinventer. Décomposer, accélérer la décomposition d’institutions faillies pour aller plus vite vers des institutions nouvelles, régénérées, qui ne feraient plus de l’oppression et de l’inégalité leur ressort occulte, leur raison cachée, leur principe réel. Nous n’entendions pas décomposer la construction humaine mais faire de celle-ci ce qu’elle n’avait jamais été, une demeure harmonieuse rendant à chacun la part de reconnaissance et de liberté qui devait lui être tenue. Utopie révolutionnaire des plus banales mais qui jamais ne s’est identifiée, sauf chez quelques absolutistes, à la pure et simple décomposition de l’humaine construction, encore moins à la décomposition marchande de l’habitat commun. Il suffirait d’ailleurs de revenir sur la place que nous accordions dans notre existence vécue, pratique, à la culture, à l’art, à la littérature à la musique pour récuser toutes les accusations de nihilisme individualiste qui nous ont été portées par la suite. Nous ne voulions pas la lutte de tous contre tous, l’arrivisme, le monde des rats acharnés à survivre. Nous cherchions autre chose : d’autres liens humains, d’autres “ rapports entre les gens ”, des vies qui ne seraient pas dominées par l’argent et le pouvoir. Nous étions des sortes de purs, mais d’une pureté cependant non ascétique, une pureté d’une grande rigueur dans la poursuite des désirs, sur lesquels “ il ne fallait pas céder ” selon une célèbre formule lacanienne. Une ascèse du désir, portée par toutes les raisons de ne pas céder aux forces répressives, aux habitudes, aux héritages. Une ascèse qui aurait pu donner un effet d’une autre ampleur avec plus de temps, de puissance, de relais. Nous voulions d’autres institutions, d’autres modes de vie, d’autres règles que nous n’avons pas trouvées d’ailleurs, que nous avons souvent perdues en route, qui se sont évanouies, qui ont été enfouies sous l’énorme discours qui a recouvert presque tous les témoignages, les signes, les écrits, de notre mouvement. Et dans cette déroute, nous nous sommes aussi égarés plus d’une fois en perdant de vue le fil de notre jeunesse, ne sachant plus très bien comment se sont arrangés les moments de nos vies, comment se sont pris les tournants, comment nous nous sommes retrouvés à faire ce que nous avons fait, à vivre avec ceux avec qui nous avons vécu, à penser ce que nous avons pris l’habitude de penser. Le fil lui-même n’indique pas seulement la sortie du labyrinthe, il suit aussi le labyrinthe. Si bien qu’arrivés au moment des bilans, nous ne savons plus très bien ce que nous avons fait de nos vies, nous ne comprenons plus très bien ce qu’a été cette révolte et ce que nous en avons fait, où elle a pu se loger dans notre être même, ce qu’elle a fait de nous pour autant qu’elle a été une dimension de notre manière d’exister. Nous ne voyons plus bien les rapports exacts entre les périodes de notre existence, comme si nous avions vécu plusieurs vies différentes, des sortes de segments détachés les uns des autres, des phases successives mais étrangères l’une à l’autre, avec la conscience vague que “ c’était avant ” , que “ c’était autrement ” , que “ cela n’avait rien à voir ”. Nous avons même le sentiment corrélatif de n’avoir pas à justifier un passé qui était mort pour tous, qui n’avait pas eu de suite, d’écho, de tradition. Nous n’avons pas été les anciens combattants qu’on dit souvent que nous sommes restés ; qu’au contraire, nous n’avons jamais vraiment voulu revenir sur notre jeunesse ; que nous avons laissé dire, que nous avons laissé calomnier, que nous avons laissé trahir sans trop nous indigner; que nous avons méprisé tous les renégats officiels ; que nous avons ignoré les professionnels de “ Mai 68 ”, les représentants du retournement et de la récupération, tous ceux qui ont revendiqué avec délectation leur passé glorieux. Nous n’avons pas passé notre existence à nous vanter. C’est peut-être la véritable distinction entre les fidèles et les autres, distinction paradoxale qui veut que seuls les “ anciens combattants officiels ”, les retournés et les repentis ne cessent de se vanter de leur participation à “ Mai 68 ”, alors que nous avons mené d’autres combats qui nous empêchent de considérer “ Mai 68 ” comme le moment sacré, l’Événement unique qui devrait être entouré du respect que l’on doit aux moments exceptionnels. Et nous avons toutes les raisons de nous défier de ceux qui se vantent, de ceux qui s’enroulent dans le drapeau de la révolte, et qui sont comme fixés, figés, statufiés, qui parlent de Mémoire pour mieux justifier leur amnésie et leur inertie pratique, tels de vieux rentiers de la révolte comme il y en eu de toutes les guerres, de toutes les résistances, de toutes les révolutions. La seule et véritable distinction est celle qui sépare ceux qui n’ont cessé de se vanter et de se justifier, de se pavaner et de s’excuser, ou plus simplement, d’en parler, et ceux qui ont fait de leur vie une continuation fidèle, discrète, silencieuse même, d’une jeunesse ainsi accomplie. Rester fidèle, vivre le passé au présent, on le comprend, est alors tout le contraire de sacraliser un passé comme s’il était en dehors de soi, simple support de nostalgie ou bien outil d’une promotion personnelle. Ce passé, précisément en le vivant au présent, nous ne l’appréhendions pas comme passé du fait même qu’il était en nous, que nous l’avions incorporé, qu’il était ce qui nous avait constitués, formés et modifiés. Ces périodes que nous vivions, ces combats et ces dérélictions, nous semblaient d’autant plus étranges que nous portions en nous ce qui était du passé et ne pouvait jamais nous apparaître comme tel dans notre existence, ce passé qui n’était pas dehors mais une force en nous, et non pas un moyen de prestige social. Nous n’étions pas renvoyés au passé comme s’il demeurait extérieur, nous ne pouvions le voir, le disséquer, le réfléchir et pas même vraiment le dire, de sorte que nous avons laissé dire, nous avons laissé parler de notre jeunesse, nous avons laissé quelques-uns en dire tout le mal qu’ils en pensaient, nous avons laissé les innombrables interprétateurs interpréter en tous les sens, nous avons laissé les commentateurs commenter en tous les sens, comme si cela ne nous concernait pas, comme s’il nous suffisait de vivre avec cette vérité incorporée qui se prolongeait en nous, seule valeur à nos yeux incomparable, seul témoignage authentique du sens de l’événement que nous portions en nous, précis d’histoire vivante incarné selon une sorte d’orgueil suprême, dans une sorte d’effacement de nous-même dont nous ne nous rendions même pas compte. Et ceci du seul fait que nous continuions, nous, d’avancer et par là de tenir, nous ne cessions de persévérer dans le tracé, accomplissant la tâche à laquelle nous avions été invités, avec le souci de préserver quelque chose du précieux trésor, objet indéfinissable, idée pure, Forme souveraine, qui nous avait fait ce que nous étions devenus, mais sans pouvoir l’atteindre et l’apercevoir. Et ce qui est trésor, c’est notre vérité, la nôtre, non pas personnellement nôtre, la nôtre comme bien commun, comme ce qui seul pouvait faire lien et nous faisait vivre avec, pour les autres, en direction des autres. Un bien commun qui aurait en somme désigné nos engagements, modifié nos trajectoires, imposé nos ruptures, tracé nos seuils de compromis, suscité nos colères essentielles. Ce bien commun qui nous poussait, nous le cherchions partout dans l’amitié. Nous ne le trouvions pas nécessairement dans des retrouvailles rituelles, souvent vidées de toute présence du passé commun, mais dans certains moments de création en commun, qui répétaient les affirmations primordiales, et où nous sentions le mieux cette qualité de rapport qu’on appelle amitié comme vérité partagée d’une même histoire, ce qui explique aussi que c’est souvent moins avec des contemporains exacts que nous éprouvions le mieux cette qualité qu’avec d’autres, que nous retrouvions engagés dans les mêmes combats, dans les mêmes créations, sur les mêmes lignes de vie que les nôtres. De sorte que nous avons été au cours de notre existence les conservateurs actifs et créatifs, les acteurs d’une conservation vivante de ce trésor mal identifié et sans nom qui ne se rendait souvent perceptible que par nos silences, nos retraits, nos abstentions, nos intentions de ne pas en être, nos décisions de ne pas donner dans ce qui se proposait de plus facile (l’enrichissement, le pouvoir, la visibilité). Ce qui était au fond les manifestations d’un refus de vivre heureux selon les normes consacrées du bonheur obligé, refus lui-même provoqué par la volonté aveugle et sourde, puissance ignorée de nos choix, de préserver ce bien commun. C’est ainsi que par cette simple série des refus s’est dessiné un certain style d’existence que nous partageons, dont on dégagera peut-être un jour les traits distinctifs mais qui, à coup sûr, a constitué notre seconde nature collective qui nous a fait appartenir à une société d’amis, à la communauté de ceux qui ont tenu les positions comme une chose naturelle, comme une chose qui va de soi. C’est justement cet “ il va de soi ” des engagements et des refus, cet “ il va de soi ” des amitiés et des hostilités qui est notre éthique sans traité, silencieuse mais exigeante, discrète mais intraitable. Elle se témoigne aux rendez-vous que des amis ne sauraient manquer et qui font que là où il le faut, quand il le faut, nous nous sommes retrouvés et nous retrouverons encore à la même place, du même côté, du même camp. Elle se montre, cette éthique silencieuse, au fait que tout a vieilli sauf ce principe commun qu’il n’est pas d’événements touchant l’essentiel de ce que nous sommes sans que nous ne nous sentions convoqués à venir là où les autres viennent aussi pour nous reconnaître fidèles à notre histoire. Et c’est bien cela qui manifeste, mieux que tout, l’existence réelle dans l’histoire de 68, la preuve que 68 a réellement existé, qui montre qu’un événement a eu lieu, donnant naissance à la communauté réelle lentement prouvée par la générosité des signes et la précision des rendez-vous. Et cette seule exactitude suffirait à prononcer que quelque chose est vraiment arrivée, que 68 ne s’est pas résumé à quelque chahut de jeunesse, à quelque désordre épisodique mais a constitué une Ouverture, bloquée certes depuis, mais toujours active. L’événement est prouvé par ses suites, par les liens qui se nouent dans le sentiment d’amitié pour le bien commun. Comme s’il avait donné naissance à une métaphore constituante, un tenant lieu vivant qui fait office de principe indestructible de générosité entre nous et qui fait que, par delà la variété des existences et la distance des lieux, au même moment, répondant aux mêmes urgences, nous étions toujours présents aux autres dans le sentiment commun d’un devoir devant l’intolérable. Que nous fûmes toujours très loin des coteries, des clans et des réseaux, cela se démontre au fait que ce n’est pas l’intérêt qui nous a associés mais l’amitié qui nous a rassemblés. Nous fûmes plutôt une communauté discrète, respirant le même air et conspirant des idées voisines, sentant presque instinctivement l’odieux et l’abject, suivant ensemble comme aveuglément un certain pôle, obéissant à une certaine aimantation de l’idéal par lequel nos vies avaient depuis longtemps pris leur axe.
Ce ne fut pourtant pas sans défauts et sans abandons. De cette communauté discrète et ouverte, invisible et transversale, il en fut beaucoup qui s’en allèrent et se fondirent dans le magma des petites solitudes de la société, beaucoup dont nous n’entendîmes plus parler et quelques-uns dont nous eûmes même quelque honte. Le sceau de cette communauté discrète et ouverte, invisible et transversale est, comme je l’ai dit, le principe vivant de générosité qui est le secret de ce qu’on est en droit d’appeler rigoureusement une “ génération ”. La fidélité n’est pas soumission à un modèle unique, ce qui serait une façon de se figer dans une identité. Ce n’est pas le souvenir comme celui qui vient soudain à regarder une vieille photo hasardeusement sortie des cartons. Ce n’est pas une réunion d’anciens combattants, qui rassemble des morts qui jouent les survivants et des vivants qui veulent bien se prendre un moment pour des morts rejoignant les morts. Ce n’est même pas, ce n’est peut-être surtout pas une question d’appartenance politique, syndicale, de vote. Ce n’est pas le degré de notre éloignement respectif d’avec les doctrines et les organisations politiques auxquelles nous avions éventuellement adhéré autrefois. Ce qui fait peut-être le trait le plus distinctif de notre communauté de génération est le refus de sélectionner nos indignations, nos colères, nos résistances selon un critère d’appartenance idéologique, ethnique ou religieuse. Ce qui fait notre plus constante et notre plus singulière particularité est la propriété de nos refus, l’universalité souveraine de nos refus qui fait que nous n’avons jamais fait dépendre d’appartenances militantes, politiques ou religieuses notre refus des injustices, des massacres, des oppressions. Un mort est un mort, un prisonnier politique est un prisonnier politique. Ce qui irrémédiablement nous a toujours séparé des staliniens, des nationalistes, des libéraux, des tiers-mondistes, etc. Ce qui irrémédiablement nous a séparés des communautés fermées et totales, exclusives et sectaires. Aucun meurtre n’annulera un autre meurtre, aucun crime ne sera justifié par un autre crime. Au fond, c’est comme si nous continuions à nous relier les uns aux autres par la structure d’un refus non sélectif, par le refus d’un refus sélectif qui est le lot des positions ordinaires, c’est-à-dire ordonnées selon l’ancienne loi du talion et le sens moderne de l’histoire. Et il y a bien d’autres manières qui nous unissent dans le secret de notre communauté invisible, et qu’il faudrait décrire si l’on avait du temps, comme cette détestation de la posture d’autorité, notre recul immédiat devant la chefferie et ses signaux de primates, comme notre éloignement de tout ce qui fonctionne à l’ego si cher à l’époque.
Mais il faut aller à l’essentiel maintenant, à ce qui, dans nos vies si diverses en apparence, constitue l’expérience commune et néanmoins séparée d’un destin collectif, à ce qui fait seul authentique trait d’union entre nous, à ce qui plutôt, et inversement, permet seul de réunir nos existences dans une expérience commune de fidélité, je veux dire une conduite éthique et politique commune qui ne se formule guère socialement mais se traduit en actes élémentaires et distingue ceux qui témoignent de cette fidélité incarnée et active et ceux qui témoignent d’un abandon, d’une autre voie, d’une autre expérience qui est venue se superposer et s’imposer par après, par-dessus l’expérience de 68. Quelle est donc cette expérience active et continuée qui définit le mieux ce qu’aura été le sens de notre génération sinon le refus obstiné de passer du côté de ceux qui dominent par les moyens communs, ordinaires et, la plupart du temps, bornés du pouvoir, c’est-à-dire par l’argent, la hiérarchie et la notoriété ? 68, c’est le nom du refus de cette jouissance du pouvoir au nom de joies plus sublimes et plus denses. Ce n’est pas que nous ayons fait voeu de renoncer aux biens terrestres, au contraire, c’est plutôt que par leur médiocrité, ces petites jouissances nous ont semblé ne pas mériter autre chose que le plus grand mépris. Mais est-ce même toujours cette disposition au mépris des aspirants à la visibilité, à la fortune, au commandement qui nous a fait refuser les carrières et les accumulations ? Ce n’est peut-être pas même la considération des passions plus hautes qui nous a guidés que la double passion de l’égalité et de l’indépendance, d’une certaine fraternité et d’une certaine liberté, qui n’avaient rien à voir avec ce qui nous paraissait être le mensonge de ce monde. Car ce que nous avons refusé le plus obstinément, le plus sourdement, de la façon la plus têtue et au fond la plus incompréhensible, ce sont ces réalités basses de la course à l’argent, à la domination hiérarchique, à la renommée. Mais plus que tout, ce dont, de la façon la plus vitale, nous avons fait l’expérience aura été une vie qui sans détester le plaisir a tenté d’échapper aux formes les plus détestables de « plaisirs » de consommation qu’offre une société organisée comme celle qui nous a été imposée. Notre expérience aura sans doute mis en pratique de la manière aussi subtile que possible le refus des positions les plus exposées à l’oppression subie et le refus des positions les plus exposées à l’oppression exercée. De sorte que si l’on avait les moyens -ce qu’à Dieu ne plaise- d’embrasser statistiquement la somme de tous les trajets que constituèrent l’ensemble de nos existences, on s’apercevrait sans doute que les « positions moyennes » furent les plus nombreuses et que les positions les plus hautes ne furent atteintes que sous condition de ne pas déroger à certains principes d’égalité et d’indépendance. Pour le dire autrement, la passion la mieux partagée qui nous a constitués malgré tout comme génération est un refus des jouissances les plus sordides du pouvoir, une hostilité à l’égard des dominations sociales et politiques, quelles qu’elles soient. Ce n’est pas donc tant une sociologie plate des positions sociales qu’une description (à vrai dire impossible) de la multiplicité des positions morales et politiques à prendre et à tenir dans les conflits microscopiques ou les combats macroscopiques auxquels nous avons été convoqués dans les trente ou quarante dernières années qui pourrait nous définir comme génération. La question n’a pas été tant d’acquérir une position que de tenir une position, ou plus exactement le problème qui fut le nôtre a consisté à acquérir une certaine position professionnelle et sociale qui fût en même temps une certaine position dotée de sens moral et politique sur le terrain de la lutte générale. Ceux qui dans la plupart des occasions où il leur fut donné de prendre position, de choisir leur camp, de partager un combat, ont choisi l’opposition à ceux qui exerçaient un pouvoir de façon abusive, mensongère, exclusive, despotique, ou qui l’exerçaient de sorte à ce que cela renforce les situations d’oppression et d’inégalité – la forme et l’effet allant généralement ensemble-, ceux donc qui n’ont pas donné leur appui au côté dominant des relations de pouvoir mais ont cherché plutôt à l’affaiblir, à le miner, à le réduire, à le saboter par tous les moyens possibles, ceux-là sont vraiment restés fidèles à l’esprit d’une génération, rebelles aux chefferies anciennes et modernes, qu’il s’agisse de petits ou de grands chefs, qu’il s’agisse de patrons, de bureaucrates, de politiciens locaux, de ministres, de magistrats, de journalistes, d’enseignants, d’experts, enfin de tous ceux qui sont en situation d’exercer un despotisme quelconque. Quelles que furent par conséquent nos occupations, quels que furent les domaines de nos expériences et de nos fonctions, nous avons eu pour commune fidélité le refus de l’exercice oppressif du pouvoir. On dira sans doute, et l’on n’aura pas tout à fait tort, que cette ligne de conduite donna aux pires l’occasion de gagner les postes les plus propices à l’emploi de leurs volontés de pouvoir, de leurs pulsions d’emprise, de leurs petites ou grandes perversions. Il ne serait guère difficile en effet de montrer que la dégradation morale des dirigeants en maints domaines, et pas seulement dans l’univers des rapports de pouvoir économiques -structurés depuis longtemps par la pire espèce de domination-, mais désormais dans presque tous les domaines, et tout particulièrement dans les domaines économiques, médiatiques, politiques, syndicaux, intellectuels, universitaires, est corrélative de la sorte de désistement que nous avons manifesté à l’égard des positions les plus favorables l’exercice de l’oppression. Et il faut bien dire que si la situation fut extrêmement favorable pour les pires, elle obligea de plus en plus les autres à leur abandonner des positions oppressives à mesure que les rapports de pouvoir devenaient presque partout des répliques des rapports économiques les plus durs, c’est-à-dire des rapports d’instrumentalisation des objets humains en vue d’un profit personnel, qu’il soit matériel, symbolique ou, la plupart du temps, les deux à la fois. Mais on aurait tort dans un autre sens de penser que ce grand désistement ne fut qu’une défaite produite par un lâche refus de combattre, par une sorte d’irresponsabilité collective. Il donna le signal, si l’on peut ainsi dire, d’une transformation des modes de pouvoir dans les organisations sociales dans le sens d’une perversion générale. A mesure que cette perversion a crû dans les relations de pouvoir – et ceci à mesure de l’importance des processus objectifs et mécaniques de domination, de la croissance des relations d’intérêt, de l’expansion des structures d’action efficace sur le modèle de l’entreprise-, à mesure donc que la perversion a crû au long des chaînes de pouvoir, plus il nous est devenu impossible de tolérer ces formes d’oppression en voie de généralisation, et plus nous avons cherché des voies de traverse, des échappatoires, des refuges partout où cela nous était possible, tout en donnant le change, comme il convient de le faire dans les structures de pouvoir. Et cela n’a pas été sans effet. Sans parler de la manière dont nous avons échappé aux asservissements les plus variés, du seul fait de la solidité de notre expérience passée et de nos dispositions acquises – ce qui nous fait craindre pour les autres, et surtout pour les jeunes moins bien armés et plus malléables – , il faudrait évoquer l’effondrement des grands systèmes oppressifs qui s’étaient construits au nom et en prévision de la nouvelle société libérée, structures intenables et impossibles aujourd’hui, vidées de toute énergie collective. Il faudrait aussi évoquer la portée de ce désistement dans l’impossibilité de stabiliser les rapports de manipulation dans l’entreprise, les médias, l’université, l’administration. Autrement dit, sans faire beaucoup de bruit, laissant les autres faire du bruit, nous avons sans doute contribué à miner certaines des vieilles formes oppressives et à résister aux nouvelles formes perverses du pouvoir.
On objectera les mille exemples de ralliement aux formes les plus visibles du pouvoir dans ses divers champs d’exercice. On citera tel nom qui vient immédiatement aux lèvres pour incarner le funeste destin du reniement et du ralliement. On évoquera toutes les sortes de canailles, du pur cynique à la belle âme, qui se sont érigés en donneurs de leçon, en juges des élégances et des vérités, en prophètes de malheur et en conseillers du prince. Mais ceux-là ne sont jamais que des effets de surface, avec toute l’amplification ondulatoire que leur donnent les médias mais avec aussi justement toute la superficialité qui est tout leur être. En profondeur, dans l’obscurité des hauts fonds, la chose fut assez différente, car la corruption n’y fut que lointaine, affaiblie, contradictoire, sans moyens réels. Et c’est dans ces profondeurs, si l’on poursuit la métaphore usée, que nous avons choisi plutôt de nous garder en choisissant et en entretenant des relations d’une autre teneur, d’une autre consistance, d’une autre qualité. On ne saurait trop répéter que notre résistance ne fut justement qu’une résistance à ce qui finalement a gagné. Mais ce qui a gagné ne l’a été que superficiellement, provisoirement, malgré les énormes forces mises en jeu qui auraient dû nous briser depuis longtemps si nous n’avions pas été aussi résistants et qui nous briseront demain si nous n’y veillons pas. Mais notre résistance continue, discrète et sourde, nos fuites, nos échappées hors des emprises perverses, tout cela a pénétré loin, s’est étendu à d’autres qui n’avaient pas la même expérience- et tout particulièrement à ceux qui longtemps furent emprisonnés dans les vieux appareils staliniens, bloqués par les vieilles bureaucraties désormais en état d’anémie avancée, et qui, en dehors quelques déchets irrécupérables, sont désormais plus libres de combattre autrement et de penser plus librement leurs nouveaux combats.
IV
Notre fin
Nos vies sont donc des votes selon la pratique consciente du double front, puisqu’on ne combat jamais un mal politique par un autre mal politique, que les maux politiques sont solidaires et les luttes contre eux aussi ; que combattre un mal politique implique de combattre l’autre aussi, du même pas. Nos vies obéissent toujours à l’obligation de lutter sur deux fronts et jamais sur un seul à la fois, elles répondent du plus profond d’elles-mêmes à l’impératif de combattre en même temps le capitalisme et la bureaucratie, le marché tout puissant et l’Etat oppressif, l’Occident impérial et les bigoteries archaïques qui le contestent. Toujours deux fronts. Tenir les positions sur les deux fronts sans céder sur aucun. Et ce n’est pas que nous ayons été parfaits de ce point de vue, nous qui, par exemple, avons laissé proliférer des sectes totalitaires et des micro-bureaucraties stériles, toutes ces petites organisations qui n’avaient pas grand chose à envier au grand parti mortifère de la classe ouvrière. Mais, avec 68, nous avons commencé quelque chose d’essentiel, nous avons commencé par nous battre à l’intérieur, de l’intérieur de notre camp, contre les enkystements despotiques et les emprises oligarchiques. Nous avons désigné les zones à investir, les dérives à endiguer, les dangers à éviter, zones, dérives, dangers qui concernaient des phénomènes jusque-là soigneusement voilés par toute une tradition dite progressiste, et surtout la maladie du pouvoir qui a dévasté tout le mouvement du socialisme. C’est en ce sens que 68 n’est pas du passé, que 68 n’est pas dépassé. C’est en ce sens que nous n’avons pas été seulement la dernière génération d’Octobre, la dernière génération anti-capitaliste, seulement anti-capitaliste, mais que nous avons été aussi la première génération de 68 à la fois anti-capitaliste et anti-bureaucratique.
En ce sens, quelles que soient nos situations, que nous ayons été de telle ou telle profession, de tel ou tel milieu (encore que nos choix supposés n’ont pas été faits par hasard), nous avons témoigné par nos vies mêmes de l’existence d’une communauté qui n’a pas besoin de se déclarer pour exister. Non pas une communauté du passé, que relierait une mémoire, mais une communauté de sursauts, de rebonds, qui se retrouve quand il faut. Nous ne sommes pas du passé, nous avons été, nous sommes, comme dirait Nietzsche, des enfants de l’avenir, qui ont cru et croient encore souvent à un avenir possible, qui ont cru et croient encore que quelque chose d’autre est possible, ou mieux encore qui, n’y ayant jamais cru ou n’y croyant simplement plus, n’en font pas une condition pour agir car, pour nous, la nécessité du combat ne dépend pas des chances de la victoire. Athées en tout, nous ne nous accommodons pas, nous ne nous raccommodons pas, nous ne nous réconcilions pas. Nous voulons rester fidèles à ce qu’il y a d’avenir dans le passé qui nous a fait, toujours fidèles à ce qu’il y a d’espoir, même quand nous pensons que le changement est impossible, dans le seul fait de se battre contre l’intolérable du présent. Qui sait, peut-être, à ce titre seul, resterons-nous une génération dans la mémoire des générations futures.
On pourra tout nous reprocher, et d’abord d’avoir brouillé les traces, au point d’avoir laissé croire que nous n’étions qu’une image. Vieux clichés, icônes, parades, nostalgie nauséabonde. On pourra nous reprocher de nous être laissé peindre en traîtres de nos irruptions, en repentis de nos amours, en oublieux de nos jeunesses. Mais ce n’est pas que ce nous fûmes. Je pense à nous, tous les nôtres, visibles et invisibles, dans la multiplicité de nos destins, si éloignés des pathétiques narcissismes. Nous fûmes gens ordinaires en apparence, répondant à nos qualités et à nos titres, accomplissant nos fonctions requises. Intégrés, aurait dit le discours d’autrefois. Mais nombre d’entre nous, un nombre indécidable, un nombre considérable fut bien autre chose que la somme de reniements que certains aimeraient toujours lire dans le cours des vies simples. Ce que nous fûmes, c’est l’envers de cette image, c’est l’autre côté de cette histoire, c’est le côté d’ombre, l’obscurité dont a eu besoin la sourde et discrète résistance, la sourde et discrète subversion. Nous avons choisi de ne pas faire de bruit mais nous avons continué, et nous avions pour continuer besoin de ne pas faire de bruit, nous avons continué discrètement et sourdement, quotidiennement. C’est bien pourquoi nos ennemis, les ennemis de 68 continuent de nous haïr, continuent de vouloir nous supprimer de l’histoire, cherchant à pirater nos idées, à vampiriser nos engagements, à les simuler tout en les stigmatisant. C’est pourquoi ceux-là qui nous haïssent font encore et toujours de 68, du fantôme de 68, leur obsession maladive, la source de leur ressentiment, la menace à laquelle il leur faut à tout prix parer. Ils n’auraient pas cette hargne monotone, cette rage même, s’ils n’en voulaient à ce qui a survécu de 68.
Car 68 ne veut rien dire d’autre qu’une autre vie est possible. 68 veut dire l’inacceptable de cette vie-ci, ce qu’il faut refuser dans cette vie maintenant et ici, ce qui est intolérable. Ce qu’il y a d’inassimilable dans 68, est cette puissance de refus qui continue de parcourir les existences, les institutions, les discours. 68, c’est l’affirmation tranchante du refus, c’est la déclaration d’un contretemps collectif. C’est ce grand refus qui continue d’effrayer, le désir qui pourrait encore surgir qu’il y ait autre chose de possible. Mais 68 c’est le nom de ce désir.
Notre temps est maintenant passé, il faut céder le passage. D’autres viendront qui poursuivront les luttes, qui retrouveront nos mots peut-être, qui joueront leur partie dans les convulsions du monde. Nous aurons été ce chaînon provisoire d’un temps tout aussi provisoire, sans privilège et sans créance. Nous avons fait ce qui se proposait comme notre devoir. Nous avons des raisons de ne pas nous en vanter, qui ne sont généralement pas celles qu’on croit. Nous avons tenu les positions, communauté discrète et invisible.
Chacun est maintenant convié au miroir de sa jeunesse, regardant avec sérénité ou stupeur ce que l’âge a fait d’un visage qui autrefois rayonnait et qui a fini trop souvent par s’éteindre avec les sombres petites compromissions des vies canalisées. Nous sommes nombreux à avoir le sentiment d’un échec ou, au moins, d’un inachèvement. Nous avons vu de telles régressons et vécu de telles glaciations que nous ne savons plus que dire aux nouveaux venus. Résister le plus qu’ils peuvent à ces temps de fer, sans doute. Mais qui connaît vraiment son crédit pour le dire ? Chacun de nous est en droit de se demander s’il a été à la hauteur de sa jeunesse. Et chacun sera seul à connaître la réponse.
160 réponses à “PIQÛRE DE RAPPEL : Insistance de 68, par Christian Laval”
Voilà une piqûre qui fait du bien…en particulier à l’enfant né peu après – que je suis – de parents totalement imperméables à ces « évènements », comme l’on dit parfois pudiquement.
Ce passage en particulier:
La vigilance, toujours…
Merci.
Cela me hérisse toujours d’entendre désigner comme d’anciens « chefs » soixante-huitards ces imposteurs autoproclamés et médiatisés qui siègent dans nos ministères ou au Parlement Européen Le mouvement de 68 n’avait pas de chefs . Dans chaque ville, les décisions étaient prises en AG par un vote à mains levées .
Sont restées fidèles à leurs idéaux humanistes de 1968 les communautés de soixante-huitards qui, refusant la récupération du mouvement par le consumérisme capitaliste, sont parties occuper des petits villages abandonnés du Massif Central et qui continuent d’y faire vivre modestement leurs familles , sans la moindre invasion publicitaire – pas de télé mais une grande biblio-vidéothèque collective- de leur potager, de leur verger, de la vente de quelques légumes , de leur miel et des fromages du lait de leurs chèvres. Les crises financières glissent sur eux sans les atteindre . Quand on passe voir ces amis de jeunesse, on se met à reprendre confiance en l’espèce humaine .
Ne pas confondre, ce n’est pas mai 68, c’est le mouvement Hippie.
Le mouvement Hippy fut un mouvement américain contre la guerre du Vietnam et pour un retour aux valeurs humanistes . Il fut récupéré par les rapaces qui exploitent le domaine artistique, musique et mode .
En France, le mouvement Hippy ne fut qu’un prolongement superficiel éphémère du mouvement américain, imposé par le milieu de la mode, les majors du disque etc …Rien à voir .
Par contre les soixante-huitards fidèles à leurs idéaux et déçus par la retombée citadine du mouvement de 68 vivent toujours modestement en particulier dans le Massif Central, les Cévennes, en Ardèche, Lozère et …dans d’autres coins isolés de la France profonde, des hameaux alors abandonnés, qu’ils ont fait revivre .
Mianne, je résume : c’est pas Cohn-Bendit le « fidèle à 68 » mais Bové ? Ah merde ça marche pas, l’est bien passé par le Larzac, Ellul, toutes les objections, les chèvres et les Paysans Travailleurs mais l’a bien fini à Strasbourg…. C’est ballot hein ?
N’ayant pas connu 68, je ne me hasarderai pas à donner des bons et des mauvais points définitifs aux uns et autres.
Je me bornerai juste à constater l’importance qu’a eu sur ma famille d’origine ouvrière qu’à eu cette période. 68 a littéralement divisé en deux leur vie en leur ouvrant l’esprit, comme ils le reconnaissent eux même.
Et pourtant cela n’empêche pas leur admiration continuelle pour de Gaulle.
Pourquoi Bové ?
Pas plus Bové que Cohn-Bendit ! Sans représentants ni chefs autoproclamés . Isolés, indépendants et heureux de vivre modestement leur idéal entre familles de copains .
Vous et votre besoin de représentants officiels n’avez décidément rien compris !
La maison bleue accrochée dans la prairie Mianne ? Lizzard et Luc, Psylvia, Mianne, m’attendez pas.
Sur les faits, la coïncidence de 68 avec la fin des 30 glorieuses est pour le moins étonnante. De même, à peu de choses près, avec la fin des conflits de décolonisation. C’est un peu comme si cette révolution venait clore une période de grands changements auxquels elle n’a en rien participé.
Il est un peu tard pour se dédouaner du laxisme tant souhaité en 68, et qui a maintenant essaimé dans tous les domaines de la société.
1968 – 30 = 1938, vénérable et regrettée année du début des dites trente glorieuses ? S’il fallait démontrer le bien-fondé des allégations de l’auteur visant à dénoncer les diverses formes de récupération de l’étiquette soixante-huitard, vous venez de donner un fameux coup de main.
Les trente glorieuses, c’est grosso modo la période qui va de la libération au premier choc pétrolier (on la fait finir avec l’entrée en récession courant 74).
1968, c’est bien la fin des trente glorieuses : le chômage, qui était inexistant jusqu’en 1966, connaît dès 1967 une hausse certes relativement lente mais continue. Chirac crée alors l’ANPE.
En 1968, les baby-boomers commencent à sortir du système pour s’insérer dans le marché du travail. On a nos premières générations « massivement » diplômées. En fait, c’est à cette époque que l’idée de mobilité dans l’échelle sociale (l’ouvrier qui gravit les échelons et qui devient cadre après 20 ans de bons et loyaux services dans la même boîte) s’estompe. On valorisera la promotion sociale inter-générationnelle. Celle-ci est dorénavant en panne…
En 1968, les ménages sont massivement équipés : tout le monde a par exemple un frigo… les achats de remplacement se font rares car les industriels ont fait l’erreur de fabriquer des biens dont la durée de vie était trop longue. Les stratégies de marketing visant à segmenter la clientèle ne sont qu’à leurs premiers balbutiements.
Mai 1968, c’est l’essoufflement d’un modèle qui a marché pour reconstruire un pays qui était en ruine au sortir de la guerre, traumatisé par la Collaboration et la guerre d’Algérie, vivant sous la chape de plomb gaulliste. Par la suite, on a bricolé des solutions pour faire durer le système. Faire diminuer la durée de vie du frigo a été très pratique, mais ce n’était qu’un pis-aller.
Par analogie, en 1971, les USA mettent fin à la convertibilité or-dollar pour les mêmes raisons (faire durer leur hégémonie) et passent progressivement au régime des changes flottants (accords de Jamaïque) dans ce même esprit de bricolage, de parasitage même…
@Mor
C’est une approximation, le renouvellement des générations étant un phénomène plus ou moins lissé dans le temps. Je ne récupère rien du tout, je ne fais que mettre sur une frise historique divers événements qui sont très proches et qui certainement ne peuvent pas être analysés indépendamment les uns des autres.
Oui, bien sur, je sais… je sais surtout que rapprocher le curseur, à coup de marteau, de 1968 permet de l’éloigner d’autant de 1980, année du retour triomphal de l’ultralibéralisme.
Par ailleurs, ce nombre 30 ne signifie pas grand chose car il inclut les années des dons massifs US, jusqu’aux années 1950-51. Si vous rognez aussi par l’autre bout et faites passer la fin de cette trentaine d’année du choc pétrolier de 73 à 68, il ne nous reste plus que de maigres 17 glorieuses.
D’autre part, je ne peux comprendre cette appellation de glorieuses autrement que comme une apologie à un système qui ne pouvait que nous conduire là où nous sommes arrivés, donc pour moi c’est une connerie manipulatoire et aussi un autre sujet, celui de la nature de la croissance.
Encore du blablabla mai 68. Fidélité à quoi? à qui surtout? Des frustrations d’enfants gâtés, des revendications pour être calife à la place des califes. Et des foules de gogos trop contents de faire l’école buissonnière et de s’encanailler. Combien d’entre les « enfants de 68 » étaient conscients de ce que certains meneurs proclamaient et exigeaient? Je suis de cette génération, j’ai vécu ce printemps-là. Et ce billet de rappel me rappelle plutôt tous les détournements de valeur, les compromissions, les tournevestes, les p’tits bourgeois universitaires devenus des bourgeois-à-la-papa. Grande imposture depuis 44 ans et nostalgie de vieillards égarés dans un mirage de jeunesse.
La précipitation vous joue un vilain tour : vous n’avez pas matériellement eu le temps de lire le texte. Je le sais : j’ai commencé à le relire avant de le mettre en ligne et je n’ai pas encore terminé. Revenez-nous quand vous l’aurez lu.
@ Gyps
Vous parlez de ces imposteurs de fils à papa qui comptaient sur la famille et les relations d’icelle pour rattraper les cours séchés, qui passaient leurs examens en douce et qui siègent maintenant dans les ministères et au Parlement Européen. Pour moi ce sont des imposteurs, ces soixante-huitards autoproclamés .
Les vrais, ce sont les autres, ceux qui n’ont jamais renié leur idéal .
et ont raté leurs examens
Ce sont les élites qui émanent de cette génération qui ont globalement failli. Faire le procès de cette génération n’a pas de sens…
Ces élites proviennent d’horizons divers : certains étaient à Occident et d’autres appartenaient (par exemple) à la gauche prolétarienne. Parmi ces derniers, l’échec politique de mai 1968 leur ont fait développer une rancune tenace contre ces « prolétaires qui se contentent d’une augmentation du smic ».
Ce n’est pas tant mai 1968 qui est à honnir, mais c’est ce qu’a fait cette élite qui avait la vingtaine à l’époque et qui a pris le pouvoir dans les années 1980.
Pour le monde intellectuel, tout le monde connaît ces imposteurs : « les nouveaux philosophes ».
Il y a une autre chose qui m’est désagréable et qui n’est pas inhérent à mai 68 : c’est cette capacité de récupération qu’a le système : quand des publicitaires réussissent le tour de force de récupérer Debord, je me dis qu’il faudra brûler certaines idoles, même à contrecœur, pour trouver du nouveau.
Le « système » n’a que 2 leviers mais ils sont très puissants : l’argent et la satisfaction des orgueils (celle-ci prend évidemment différentes formes). En lui-même, il n’est pas si fort.
L’albatros
[ces imposteurs « les nouveaux philosophes »].
Des noms !
Pignouf
Donnez moi un levier …
(l’argent pour commencer, après on verra)
@François78
« Des noms ! »
Une indication : il détient le record des tartes à la crème reçues en pleine poire. Ce n’est pas pour rien que Le Gloupier (belge lui aussi) en a fait sa proie de prédilection.
« Donnez moi un levier … »
Mes moyens sont modestes, désolé.
d’autres ont dit que les deux leviers étaient la faim et l’argent .
on peut essayer d’être riche en supprimant sa faim 🙂
Jean-Pierre Chabrol, Le Canon Fraternité
En 36 le Pouvoir a eu de belles heures
J’avoue qu’arrivé vers le milieu du 3ème chapitre, j’ai commencé à trouver cela un peu long…
Mais je crois que j’avais saisi le principal.
En 68, je portais encore des couches (lavables?), mon père qui avait 25 ans, travaillait déja depuis un dizaine d’années à l’usine et ce printemps là, bien sûr, ils étaient en grève.
Il m’a toujours parut quelque peu amer concernant cette période comme si, en tant qu’ouvrier, il s’était un peu senti trahi ou abusé. Je ne sais pas bien pourquoi. C’était en province. Il devait déja être syndiqué. Loin, sans doute, des revendications des étudiants parisiens.
Après il a continué à pointer…
Faudra que j’essaye de lui en reparler.
« Il y a une autre chose qui m’est désagréable et qui n’est pas inhérent à mai 68 : c’est cette capacité de récupération qu’a le système : quand des publicitaires réussissent le tour de force de récupérer Debord, je me dis qu’il faudra brûler certaines idoles, même à contrecœur, pour trouver du nouveau. »
Il a été impossible de récupérer Marx, qui au fond a décrit la société dans laquelle il vivait et ses conséquences à très long terme. Les capitalistes s’en sont bien inspirés…
Comme il est impossible de récupérer Debord qui n’a fait que décrire la société dans laquelle il vivait et ses conséquences à long terme. Les capitalistes s’en sont bien inspirés aussi…
Le grand ami de Marx, Engels, était le fils d’un grand bourgeois qui l’aidait bien financièrement.
pour pouvoir décrire la société il faudrait vivre dans un désert sans rien . là, vous y verriez comme elle est dans son état indescriptible et sa vanité.
mais le sel y a un gout amer .
Bonjour Eric,
Allez faire un p’tit tour sur ce billet de Paul J daté du 12 août en hommage à Luc de Heusch (1927 – 2012). P’têt déjà fait ?
Notamment pour y regarder ce très bon film : Une pensée sauvage
[ Aucune société n’est idéale, faut bien se débrouiller avec ce que les ancêtres nous ont légué, se débrouiller avant tout, et survivre à l’océan d’imbécilités dont on veut nous convaincre comme la réalité. ] LdH
merci octobre .
on aimerait bien vivre tranquillement . mais si on observe le monde , passé ou présent on est contraint de réagir sinon, on est emporté et n’y comprend rien, dépassé par les évènements et leur violence, nés d’une certaine méchanceté des hommes , et non des conditions naturelles .
la chine ancienne est douée pour la cruauté et l’oppression , mais les aztèques n’étaient pas en reste , et combien de civilisations sont elles fondées sur le sang qu’on fait couler . Chez nous cela emprunte la forme financière . l’argent n’étant en fait que le temps et la vie des gens livrés aux devoirs , cela revient à un sacrifice . mais insidieux . empoisonnant les consciences . et qui a l’allure de la justice . de vérité donc .
on pourrait faire un parallèle entre la réalité que représente l’argent, le travail , les obligations matérielles , avec l’essence des « personnes » , les états d’esprits qui dictent les choix , orientent les pensées . comme si le corps , entité étrange dont chacun est doté n’était pas en soi un « travail » , ou un outil , un moyen , et non une fin . un terme .
le corps bafoué esclave suscite toujours une violence en retour, dans un cercle vicieux .
sans aucun doute , et sans exception la liberté est souhaitée par tout le monde , mais nul ne sait plus trop comment y parvenir . ce qui fait que la planète de proche en proche est prisonnière de ses démons . ce n’est plus de la civilisation, c’est un monde déséquilibré pris par lui-même . ( si toutefois il y eut une civilisation digne de ce nom , ce dont je n’en sais rien ) .
demain ? un monde meilleur ? plus doux . peut-être . ce qui me semble vital pour la suite , parce que les conditions qui sont présentes, à tous les niveaux , hé bien, ne sont pas évidentes à assumer pour nos « enfants » , c’est lourd si on inverse pas les tendances .
mais cela ne se fera pas sans modification des visions et des sentiments, etc. des échanges . et de la conscience de soi .
la méchanceté , c’est sans doute cet enfermement de l’égo à qui « on » ne laisse rien .
ou alors voir qui est « on » ?
cordialement .
Pour moi, qui suit de la génération des petits frères des chevelus en basket qui se faisaient massacrer par les CRS, le tournant de 68 fut, en fait, 73. Je pense, en effet, que c’est le choc pétrolier – et la douche froide de réalité économique qu’il supposât – , conjugué à l’échec fulminant du timide soubresaut soixante-huitard de cette année, qui a définitivement refermé le couvercle du système sur les jeunes têtes qui cherchaient innocemment de l’air frais.
S’il y a une génération responsable du désastre, c’est donc la mienne, coupable d’abandon de rêve en danger et de trahison à la morale de leurs aînés dont je partage les principes exposés par l’auteur dans le paragraphe :
Excellent…
La guerre du Vietnam était aussi un enjeu qui pouvait brouiller les cartes, aux USA…
Et si l’on arrêtait de substancialiser les générations
De toutes façons, l’important ce ne sont pas les 40 années qui viennent de s’écouler (s’écrouler ?), ce sont les 40 années à venir.
Moi, ex baby boomer, très inquiet pour mes petits enfants.
Et si chacun d’entre nous commençait par assumer la part de responsabilité des conséquences de chaque infime battement d’ailes de papillon qu’il a donné dans le bordel planétaire ? Les 40 années à venir seront les conséquences des précédentes qu’il vaudrait donc mieux ne pas oublier si on veut pouvoir prévoir quelque chose avec une marge d’erreur acceptable. Ou alors, c’est le nihilisme à la Noé, chacun son arche !
@ mor
oui . et ce en fonction de la densité de son portefeuille . parce que dès lors qu’on touche à cette manne , on doit assumer les poisons qu’elle colporte .
Permettez-moi de douter de cette doxa qui veut que chacun de nous soit responsable du gaspillage ambiant et qu’il suffirait de couper l’eau en se brossant les dents pour que cela s’arrange. C’est un peu simpliste non ?
Ce qui me parait simpliste est de penser que le vice du système pourrait se résumer au gaspillage. Ne ressentez-vous pas comme la carence d’une doctrine économique cherchant à concilier, à la fois, l’épanouissement des individus et des liens sociaux ? Moi si, et en chercher le chemin n’a rien à voir avec couper de l’eau avec les dents.
D’autre part, pourriez-vous essayer de réprimer le réflexe, très tendance, de reprocher une doxa quelconque, constamment ?
Oui, le communisme aussi est/était plein d’utopie, de lendemains qui chantent. Et s’il a échoué, ce n’est pas parce qu’il contenait les germes de l’échec, mais parce qu’il a été récupéré, détourné..
Ce que je crois : non, les idéaux de mai 68, comme le communisme, ne contiennent pas intrinsèquement des germes d’échecs. Oui ce sont de belles utopies. Oui ; ils ont été récupérés et détournés (de manière différente …).
Ces idéaux ont échoué (plus ou moins) parce qu’ils n’étaient pas adaptés aux sociétés réelles et à la nature humaine telle qu’elle est (ou a leurs évolutions « naturelles » par percolation extrêmement lente). Tout ce qui ne part pas de ces réalités ne peut qu’être imparfaitement mis en œuvre, et quelquefois de façon délétère.
L’auteur se dédouane et dédouane les « vrais » soixante-huitards, comme si les idéaux portés et les mouvements n’avaient eu aucune conséquence. Cela est à mon avis faux, il y a eu une évolution vers la « nouvelle société ». La permissivité (le laxisme ?), le relativisme sont devenus des principes, comme de nouveaux idéaux, nous verrons où ils nous mènent (je suis gentil en employant le futur). Je ne parle pas du consumérismee qui m’apparaît comme un récupération, mais sur un terrain rendu fertile.
Même s’il est peut-être trop tôt pour faire une analyse détachée, il y a des coïncidences (des unités de temps et de lieux) troublantes, comme le fait remarquer Pignouf 1ER.
Mais je suis un conservateurs pourri salement encroûté qui manque d’objectivité ; je me soigne, mais très doucement et très lentement, à dose homéopathique..
@François78 : « non, les idéaux de mai 68, comme le communisme, ne contiennent pas intrinsèquement des germes d’échecs »
« Ces idéaux ont échoué (plus ou moins) parce qu’ils n’étaient pas adaptés aux sociétés réelles et à la nature humaine telle qu’elle est […] Tout ce qui ne part pas de ces réalités ne peut qu’être imparfaitement mis en œuvre, et quelquefois de façon délétère. »
Ce n’est pas la première fois que je vous vois dire une chose et son contraire dans deux phrases qui se suivent. Vos contributions commencent toujours par une petite phrase dans l’esprit du blog mais que vous ne pensez pas le moins du monde et finit dans le plus pur esprit réactionnaire et beauf. C’est bien entendu là votre véritable opinion. Au final, votre contribution est contradictoire à souhait, possède un certain effet hypnotique et vous faites passer subliminalement le véritable message réac de fond.
C’est un vieux truc de publicitaire.
Les soixante-huitards ?
« Tuez-les tous, Dieu (le modèle barbu et chevelu) reconnaitra les siens ! »
Ah! Ils savaient y faire en 1209!!
Comment empêcher toutes nos utopies d’un monde meilleur de se faire récupérer par des intérêts mercantiles ? C’est là le gros problème . Une loi interdisant la vente des produits dérivés LOL ?
Merci pour ce rappel. Bien à vous M Jorion .
pareil, et encore je viens de LIRE que la partie 1….
Bon, si je comprends bien, le tort des idéologies soixante-huitardes est d’avoir eu raison trop tôt.
Tandis que les méchants communistes « staliniens » à qui nous devons en France les acquis du CNR et la plus grande partie de la résistance sont mis sur le même plan que les pires oligarques.
Certes le monolithisme du PCF de Thorez et Duclos fut un problème. Néanmoins, j’invite les contempteurs du PCF de cette époque à se demander ce qui dans l’idéologie et l’organisation de ce parti faisait qu’il avait une si grande implantation dans la population à laquelle il apportait une protection réelle. Sans nier la pertinence de certains des propos de l’auteur sur certaines des idées de 68, notamment la remise en cause du productivisme, je l’invite à réhabiliter la génération 45 à qui nous devons infiniment plus. Le Pôle de Renaissance Communiste en France et le courant Faire vivre le PCF ont en la matière des réflexions non sectaires adaptées à notre époque.
Voir aussi le texte d’Alvaro Cunhal, six caractéristiques fondamentales d’un parti communiste:
http://lepcf.fr/Six-caracteristiques-fondamentales
Par quel mystère le communisme stalinien aurait été bénéfique en France et si criminel en Espagne (voir la vie et les actes d’André Marty) ?
Une victoire (petite mais néanmoins), M Laval, par ce billet vous avez fait sortir du bois un délicieux spécimen de néo-néo-néo …-rénovateur du PCF, un jeune mâle en pleine bourre apparemment et qui plus est.
Prenez le comme une confirmation du bien-fondé de votre analyse, comme un hommage renouvelé à votre résistance au quotidien depuis 40 ans.
T’façons j’ai toujours eu un faible pour les petites résistances des vaincus, beaucoup moins pour la Résistance des vainqueurs.
Ne nous faites pas passer les vessies pour des lanternes. Si on doit quelque chose c’est aux luttes de prolos (grèves de 1936, 1946-47, 1968, etc.) pas aux dirigents du PCF.
De qui est la formule « Il faut savoir arrêter une grève » ? … De Maurice Thorez. Quel protecteur !
Je me ris du contresens historique qui dissocie les mouvements de grève et de résistance des prolétaires du PCF qui leur a donné la conscience de classe et les organisait.
Comme s’il s’agissait de choses qui étaient tombées du ciel, peut-être grâce aux syndicalistes de FO trotskystes financés par la CIA?
D’autre part, je réponds à ces gauchistes qui reprochent au PCF d’avoir été trop mou en 45
que les troupes américaines étaient présentes en France, que le PCF convainquait un français sur trois, audience importante mais insuffisante pour remporter une guerre civile. Regardez ce qui s’est passé en Grèce. Il n’y a pas de raison qu’en France cela se fût passé autrement. Le PCF a donc choisi la paix et les acquis du CNR pour le peuple français.
Voilà ce que nous devons au PCF: la sécurité sociale, la retraite par répartition, des nationalisations massives.
C’est sûr, sans le PCF les prolos auraient été perdus, bêtes comme ils sont. Il n’y a plus de PCF bon débarras. La conscience des prolos existait avant le PCF.
« Voilà ce que nous devons au PCF: la sécurité sociale, la retraite par répartition, des nationalisations massives. » Vous allez me faire verser une larme. 70 ans de mensonges, de calomnies, etc. Aux ordres de Moscou et rien d’autre. On l’a échappé belle.
les gauchistes anti-communistes qui font le jeu des capitalistes, voir des fascistes,
cela n’a rien de nouveau.
Voilà deux textes traitant de ce sujet:
http://www.comite-honecker.org/divers_109.htm
http://www.jacquesmagnin.fr/lacroix-riz.htm
Chacun connaît la phrase de B. Brecht parlant des résurgences possibles du nazisme : « il est toujours fécond le ventre dont a surgi la Bête immonde ».
Mais combien savent que cette phrase ne dénonce pas seulement le fascisme et l’extrême droite, ce qui est le minimum qu’on puisse attendre d’un démocrate décent. En réalité la phrase de Brecht pointe les CAUSES du fascisme, le « ventre fécond » dont surgit périodiquement la réaction brune pour plonger l’univers dans des torrents de sang.
Et le marxisme nous aide à « nommer » ce « ventre fécond » où germe en permanence le monstre qui prit hier la forme de l’hitlérisme et qui prend aujourd’hui un visage d’autant plus inattendu qu’il se farde le plus souvent aux couleurs de l’ « antitotalitarisme ».
Le premier nom de ce « ventre fécond » dénoncé par Brecht est « EXPLOITATION CAPITALISTE ».
Quand la crise mondiale du capitalisme s’aiguise et se chronicise tout à la fois, la classe capitaliste est contrainte de lancer une offensive générale contre les travailleurs et les peuples.
Tantôt cette offensive se réclame de la « résorption de la dette », tantôt elle prend prétexte du « salut de l’euro », mais son résultat est toujours le même : faire payer les pauvres. Et comme ceux-ci finissent tôt ou tard par ne plus pouvoir payer, comme l’exploitation du travail se durcit jusqu’au harcèlement patronal dans les usines et les services, comme les médicaments ne sont plus remboursés, comme les retraites de plus en plus tardives permettent au mieux de survivre, comme des millions d’ouvriers sont privés d’emploi par les délocalisations, comme le « président de tous les Français » poussé par le MEDEF envisage froidement de sucrer les indemnités chômage de ceux qui ne se feront pas « former » (à 58 ans ?) et de mettre une TVA « sociale » ( !!!) sur les produits de première nécessité pour « sauver l’euro », un jour la coupe est pleine ; cessant de s’indigner stérilement, le peuple s’insurge, comme c’est déjà le cas en Grèce et dans d’autres pays de la Belle Europe « post-soviétique ».
Alors, pour tenir en main, ou plutôt en joue, toute cette « populace » qui n’en peut plus de travailler toujours plus pour gagner toujours moins, il faut bien que la grande bourgeoisie « démocrate » resserre l’étau de son invisible dictature de classe en utilisant tout l’arsenal répressif disponible. Et c’est ainsi que la France ferme ses écoles et se couvre de prison, que la vidéo-surveillance filme chacun de nos gestes, que l’appareil répressif d’Etat enfle à vue d’œil , que l’armée s’entraîne officiellement à la lutte « contre-insurrectionnelle », que « l’armée européenne » sous pilotage « otanien » reçoit le droit de tuer en cas d’émeute, que la chasse aux immigrés devient permanente, qu’il devient « héroïque » de tenir des positions syndicales de lutte dans certains secteurs de la production, que les médias sont totalement fermés à tous ceux qui, sur des positions de classe, entendent dénoncer le capitalisme et sa sacro-sainte « construction européenne », etc.
Le second nom du « ventre » dénoncé par Brecht est l’anticommunisme et plus encore, l’antisoviétisme à retardement.
On n’entend nullement par anticommunisme le fait tout naturel de discuter avec esprit critique, sur la base des faits et des archives historiques scientifiquement dépouillées, la réalité des expériences socialistes issues de la Révolution d’octobre, mais la criminalisation systématique, la diabolisation méthodique, la chasse aux sorcières et la persécution policière quand les circonstances le permettent, de tout ce qui s’est fait sous les plis du drapeau rouge dans la période qui va de 1917 à nos jours.
Ainsi, à lire les manuels d’histoire en usage dans nos lycées, il ne s’est jamais RIEN passé de bon en URSS. Stalingrad était sans doute le nom d’un « goulag » et Youri Gagarine était probablement chargé de surveiller des « politiques » du haut de son spoutnik…
Petit test à faire autour de soi, y compris auprès de personnes qui se croient cultivées : quels sont donc les noms des ministres français qui, de 1945 à 1947, ont signé les décrets portant création de la Sécurité sociale, des retraites par répartition, du code du travail, des comités d’entreprise (1) ?
Qui a signé les textes portant création du statut de la fonction publique et du statut du mineur (2) ? Qui a « nationalisé la lumière », Renault, les Charbonnages (3) ? Qui a restauré la Recherche scientifique nationale (CNRS, CEA) (4) ?
Qui a relancé l’Education nationale sur la base de conceptions humanistes qui font encore autorité aujourd’hui dans le monde entier (5) ?
Qui a rédigé le programme du Conseil National de la Résistance, qui fait encore aujourd’hui autorité dans les milieux progressiste (6)
Non seulement 99,9999% des élèves sortant de l’école « laïque » ignorent le nom de ces ministres et de ces militants communistes sortis de la Résistance et de la clandestinité (1 : Croizat, 2 : Thorez, 3 : Marcel Paul ; 4 : Joliot-Curie ; 5 : Henri Wallon ; 6 : Pierre Villon, en contact permanent avec Jacques Duclos), mais beaucoup d’ « historiens » de profession, dont certains, particulièrement glauques et minables, s’évertuent même à cracher sur l’héroïque Guy Môquet, quand ils ne traitent pas ce jeune martyr de « collabo » !
Or l’anticommunisme « européen » prend aujourd’hui une forme virulente et de plus en plus répressive.
En Europe de l’Est, des nostalgiques de l’extrême droite raciste sévissent des pays baltes à la Hongrie, de la Pologne à la Tchéquie. C’est une loi de l’histoire : plus les communistes sont criminalisés, plus les fascistes sont banalisés. Et c’est peu dire que l’U.E., qui cherche à mettre en place un arsenal législatif pour criminaliser les communistes, FERME LES YEUX sur le fait que, dans la « libre » Pologne de Donald Tusk, on peut écoper de deux ans de taule si on sort avec une chemise « Che Guevara ».
En Hongrie, le drapeau rouge est interdit et la « Garda magyar » héritière du sanglant Régent Horthy, l’allié indéfectible de Hitler, défile à Budapest.
En Tchéquie le pouvoir a engagé un processus d’interdiction de la JC et du PC (près de 20% des voix), et tout à l’avenant en Roumanie, Albanie, Bulgarie, etc..
La finalité de cet anticommunisme est toujours la même : forclore la révolution, diaboliser les luttes de classes et les grèves, faire croire qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme… et le cas échéant justifier la répression contre tous ceux qui contestent l’Europe de Maastricht, construite par le grand capital sur les ruines du camp socialiste.
Cela dit, même si cette UE badigeonnée de bleu, de vert, de rose pâle et de rouge très, très, très clair, se donne pour le fin du fin de la démocratie, les peuples voient de plus en plus clair sur sa vraie couleur : le brun.
Qu’est-ce dont, sinon une Euro-Diktature, que cette « troïka » formée par le FMI, la BCE et la commission de Bruxelles, qui dicte à la Grèce ou à l’Italie la composition de leur gouvernement respectif ?
Qu’est-ce que cette Europe supranationale qui vise les budgets des Etats nationaux avant même que les parlements desdits pays n’aient au moins fait semblant d’en discuter ?
Qu’est donc cette Europe « démocratique » où les noms de Robespierre, de Marx, de Lénine, de Rosa Luxemburg, de Gramsci, sentent le souffre, alors que les très cléricaux et fascisants « pères fondateurs de l’Europe» sont encensés et que la simple idée de consulter le peuple grec par référendum produit un frisson d’horreur généralisé ?
La vengeance des peuples n’est pas moins terrible quand elle se mange froid.
Dans toute l’Europe de l’Est, EXPERIENCE FAITE des deux systèmes, socialiste et capitaliste, les peuples revotent massivement pour ceux qui se réclament du communisme quand ils ont la liberté de le faire : non pas parce qu’ils auraient oublié les défauts des anciens PC des pays de l’Est, mais parce que le bilan catastrophique du capitalisme fait ressortir tout ce qui, sous les régimes précédents, semblait aller de soi : plein emploi, médecine et éducation gratuites et de qualité, quasi-gratuité des logements, rythme « humain » du travail, affirmation de la culture et de la langue nationale, sécurité et dignité générale de l’existence des « petites gens »…
En Europe occidentale aussi, les « petites gens » sont de plus en plus nombreux à comprendre que le capitalisme n’est pas l’issue mais le problème, que le monde était meilleur pour l’ouvrier et l’employée, pour l’institutrice et le paysan, pour l’étudiante et le retraité, quand le camp socialiste était fort, quand les partis communistes de masse n’avaient pas peur de se proclamer marxistes, quand les syndicats se réclamaient fièrement de la lutte des classes et non de la hideuse « construction européenne »…
Alors oui, l’AUTRE ventre est toujours fécond qui, tôt ou tard, enfantera non plus de la Bête immonde du fascisme, mais de l’Oiseau de feu de la Révolution.
Et pour que ce temps couleur cerise revienne vite, aidez le vaillant Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe qui, depuis près de 20 ans, démontre avec ténacité que l’anticommunisme partout et toujours, pave la voie de la pire réaction !
Georges GASTAUD,
philosophe, secrétaire du Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe, auteur de « Sagesse de la révolution » (Temps des cerises).
Oui. Non, mais c’est vrai, en dépit du caractère un peu scolaire de la démonstration, on doit la sécu, la retraite par répartition et les lois de nationalisations aux communistes. Merci les communistes. Par contre, PRCF, tu prétends t’approprier le communisme, mais à mon avis, le communisme n’appartient pas qu’aux communistes ni à ton prétendu « courant », « pôle », « machin-chouette », chez Paul Jorion, on aime Marx mais on a passé le cap du crépuscule des idoles. D’ailleurs, le communisme est une chose trop sérieuse pour le laisser aux communistes.
« les gauchistes anti-communistes qui font le jeu des capitalistes, voir des fascistes,
cela n’a rien de nouveau. »
Effectivement, rien de nouveau depuis le guerre d’Espagne et le sabotage des collectivités par les communistes aux ordres de Moscou. Sans parler des barricades en mai 1937 à Barcelone pour éliminer les anarcho-syndicalistes et le POUM.
Traiter ceux qui ne sont pas d’accord de « gauchistes » et dire qu’ils feraient le jeu des capitalistes et de faschistes ce n’est pas nouveau non plus. Cela fait partie de votre rhétorique, heureusement sans le moindre effet de nos jours.
Votre école de pensée (et de pouvoir) a des millions de morts sur la conscience, un peu de descence.
A l’apéro, pour les gourmets :
, ça s’invente pas ça non plus…
@Leo,
Le PRCF n’ a jamais eu la prétention de détenir le mot communisme.
Il a juste vocation à apporter son concours pour faire renaître dans ce pays un parti communiste de masse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il s’appelle pôle et non parti.
D’autre part dissocier Marx du mouvement communiste est un contresens puisque Marx
est l’auteur du manifeste du parti communiste. La nécessité d’un parti communiste pour transformer le monde n’est donc pas un détail de la marxiste, mais au contraire en est un élément fondamental.
@Léo
lu sur un forum marxiste-léniniste
Pas de révolution sans théorie révolutionnaire, sans organisation révolutionnaire disait un certain Lenine. Peut être voulait il nous prévenir que la rébellion sans projet ni organisation serait automatiquement récupérée et manipulée depuis les centre du pouvoir impérial.
En fait quand on dit génération 68 , on commet un abus de langage . on confond jeunes et adultes
pro 68 d’une part (une minorité ) et anti 68 ( une majorité) d’autre part . Si bien qu’on pourrait dire
qu’avoir fait mai 68 s’applique aussi à ceux qui si sont opposés .
C’est comme la résistance en 40-45 , il y avait aussi les collabos plus nombreux , et surtout les
opportunistes encore plus nombreux .
En outre comme pour les pro-68 et les pro-résistance on désigne par là toute une gamme d’attitudes et d’opinions .
j’ai une amie prof de portugais et de linguistique qui m’a dit un jour avoir préparé un bon tour à ses étudiants
elle a pris soin d’écrire entièrement son cours en n’utilisant jamais de négation ou de tournure négative. au bout d’un 1/4 d’heure l’amphi somnolait, et certains s’étaient même endormis…
onononononblablablabla et reononon et reblablabla et re ononon et rebla
une très grosse crise de nostalgie en ce moment sur le blog
le souvenir de 68 pour secouer la foule amorphe?
un petit coup de woodstock
un coup de pied au cul peut-être?
une fessée?
2012
allo ici la terre…
et pas mal de – de 20 ans
ah de not temps mon bon msieur, la r’bellion ç’avait un aut’ goût!
très beau texte, trop de mots mais pourquoi pas. Du capitalisme et de la bureaucratie, oui sûrement mais surtout du dépassement de ces deux valeurs, d’où croyance en des traders honnêtes et des politiques meilleurs encor…Ce texte est le résumé d’un rêve qui a mal tourné mais qui n’est pas fini et qui pose grâce à son auteur une analyse dialectique de chaque solution finalement pas assez de mots.
Un long texte pour se rassurer…. Malheureusement, je ne vois pas la seule leçon à tirer de ce qui est bel et bien un échec, non répréhensible, comme toute erreur, tant qu’elle n’est pas répétée : toute révolution est récupérée par ceux qui veulent le pouvoir. Par conséquent réfuter toute espèce de verticalité, c’est se condamner à ne pas choisir ses chefs et n’avoir aucun contrôle sur eux.
Il n’y aura pas d’homme nouveau mais il peut y avoir une société différente, au moins pour un temps. Les libertaires, parce que je crois qu’ils n’assument pas le refus de toute contrainte, au contraire des libertariens qui eux s’en prévalent sans complexe et plus consciemment, alors même qu’elle peut pourtant s’inscrire dans le champ positif, ne peuvent avoir la solution. Ils n’ont pas été en avance, ils se sont trompés et continuent de s’aveugler. Comme le souligne lucidement, sur ce point, l’auteur, cette erreur d’appréhension de l’humanité a contribué à saper le seul instrument fiable, s’il est en de bonnes mains, de protection sociale et des libertés, tant collectives qu’individuelle : l’Etat.
Voilà pourquoi les anarchistes de gauche se feront toujours rouler par les anarchistes de droite en même temps qu’ils se révèlent souvent un poids politique bien encombrant pour la gauche jacobine, prise entre les deux feux de la social-démocratie néolibérale et le sabotage indirect des libertaires. Heureusement et comme le dit également l’auteur, finalement plutôt pertinent si l’on excepte le regard sur l’utopie, cette génération 68, dans sa définition politique, n’a plus rien à apporter et ne participera pas au changement. Si elle s’y tient, elle n’aura pas à être condamnée…
Excellent. Entièrement d’accord avec Nicks
On se doutait tous que vous pourriez vous entendre.
Nicks ? Nicks ? Faut répondre – gentiment – au camarade PRCF, c’est marqué dans les statuts. Déconne pas Nicks. T’as un beau micheton qui mord et l’bouchon qui plonge, ferre bordel !
@PCRF
Au risque de vous peiner quelque peu, je ne suis pas communiste, bien que sympathisant Front de Gauche mais tendance PG. Je suis de gauche, jacobin et promoteur du centralisme démocratique à la française. Cela n’empêche pas que vous puissiez être d’accord avec moi sur le constat, qui me paraît relativement de bon sens.
@Vigneron
Causez toujours monsieur le submersible ! (elles ne vous ont pas trop abimé l’autre jour les grenades sous-marine à propos de GS ? )
@Marlowe
On ne s’étonnera pas de vos aveuglements si vous ne savez même pas ce qu’est le stalinisme. Pourriez vous vivre sans votre foi ? J’en doute…
@Paul Jorion
Est ce que le fait que d’une part les ultra-libéraux, d’autre part, les libertaires, me qualifient de stal’ ne vous porte pas à méditer un peu sur ma véritable position politique et sur l’analyse comparée schématique que j’ai pu faire de ces deux engeances ? Je ne suis pas loin du CQFD…
Tu sais quoi Nicks ? Le pire c’est que t’es même pas une caricature de ceux pour qui tu roules. juste une pâle copie ronéotypée.
@Vigneron
Mais pourquoi êtes vous si méchant ? 🙂 Par ailleurs vous savez pertinemment que je ne roule pour personne et c’est ce qui vous agace le plus je crois. En général, ma constance finit par faire disjoncter mes adversaires et j’ai déjà un ou deux trophées en ce qui vous concerne…Bon, ce sera tout pour aujourd’hui, la modération a encore le droit de se croire en vacances…
Des trophées ? Mazette qu’es aco ?… J’ai pas d’ça chez moi dans l’entrée ni au grenier, par contre les oreilles, la queue – et même les cornes des cornus, ça fait de bons additifs au compost 100% végétal spécial jardin d’curé, après passage au broyeur, évidemment.
@ Nicks
« Mais pourquoi vous êtes si méchants »
Parce qu’ils ne parviennent pas à vous amener à prendre conscience de vos erreurs de jugement.
Peut-être parce qu’ »ils » n’y tiennent pas. Aussi. Peut-être parce qu’ »ils » tiendraient davantage à vous utiliser comme le lieu de ce qu’ils rejettent, auquel cas parvenir à vous montrer vos erreurs reviendrait à se priver de ce lieu comme matérialisation de ce qu’ »ils » dénoncent et en miroir, de leur propre identité. Ça arrive.
Les attaques ont cela de paradoxal que tout en fixant les termes du désaccord, elles renforcent les systèmes de défense.
Or, je pense que trop tourné vers sa propre défense, on en oublie de comprendre et surtout de chercher à comprendre, pas à pas, le pourquoi du désaccord. Que veut me dire l’autre ?
Je pense qu’il faut chercher à comprendre le sens des désaccords qu’on vous oppose, et lâcher un peu sur les défenses, dans votre esprit veuille-je dire.
A partir de là me semble-t-il, on peut commencer à avancer dans ses représentations.
Autrement dit, essayer ne serait-ce que pour l’expérience, de penser à côté de ce qu’on a l’habitude de penser, de lâcher un peu sur une croyance, un principe. Au début, ni trop près ni trop loin, juste assez de distance, puis un peu au-delà. A la manière d’un travail de laboratoire, marcher en crabe, aller voir comment ça fait d’aller penser par là. Des fois qu’on aurait des choses à y comprendre. Parfois, c’est très à la périphérie de nos centres que nous découvrons que nous pouvons renoncer à certaines choses centrales auxquelles nous tenions, et en être très heureux.
Ainsi nous avançons dans nos représentations. ^^
Mais parfois les attaques servent aussi de prétexte à celui qui est attaqué. Je ne vous vise pas en disant ça, je n’en sais rien, je l’observe par ailleurs. Prétexte à se cacher derrière un discours défensif plutôt que de prendre à bras le corps le fond du désaccord, au moins en son esprit. Le tout étant de ne pas être dupes de ces combats au fleuret. Surtout quand il s’agit moins de penser que d’être soucieux de l’image qu’on donne. A tort ou à raison d’ailleurs. Mais s’il est vrai que nous devons penser aux meilleures solutions, n’hésitons pas à faire un petit tour par le laboratoire.^^
@Muche
Heu j’ignore si vous suivez mes interventions, mais la première partie de mon message était second degré et la deuxième à circonscrire aux « débats » auxquels je participe sur ce blog. Pour le reste, si je peux bien évidemment commettre des erreurs de jugement, là n’est bien évidemment pas un objet de correction des contradicteurs auxquels je faisais allusion et qui sont des adversaires. Je cible plus particulièrement ceux qui avancent masqués et dont le jactant est la figure la plus caricaturale.
Je ne suis pas très sensible au discours sur l’ouverture politique. Ca ne marche que pour diluer les rapports de force aux profits de la pensée dominante. Je ne suis pas un agneau de l’année… Le discours politique doit provoquer son lot de frictions. C’est dans ce champ que doit se cristalliser la violence de la société, sinon elle gangrène tout.
Staline n’est pas mort.
Eeeeuuh… même un défenseur acharné du service public comme moi ne peut s’empêcher de voir dans ces remarques l’éternelle doctrine de l’Etat formel. L’Etat, l’Etat, l’Etat, mais de quel état tu parles, Nicks? L’état, ce n’est rien d’autre qu’un machin qu’on invoque comme on invoque Dieu, ça ne veut rien dire si l’on ne parle pas de la réalité qu’il y a derrière, ce n’est pas un « instrument de protection sociale et des libertés » aux « mains » que quelques uns! La seule manière d’organiser la protection sociale et les libertés, c’est que l’Etat soit aux mains de tous, ça s’appelle la république sociale, et on ne peut pas prétendre en faire un « instrument » sans être trompé par un biais qui confond technique et politique, et qui juge la politique à raison de sa « fiabilité », c’est-à-dire de son infaillibilité, alors que les humains sont faillibles et que cela devrait être inscrit dans toute constitution authentiquement libre. On serait sinon à deux doigts du capitalisme d’état, et c’est un état invivable de la société où chacun de ses membres est considéré comme du « capital humain ». On le voit: c’est ce qui se passe aujourd’hui, c’est exactement la conception de nos élites européennes.
Si l’affreuse bureaucratie centralisée est remplacée par des systèmes administratifs décentralisés, capables de générer à la fois émancipation et liberté directement sous le contrôle des fonctionnaires-citoyens au service de l’intérêt général, où les professeurs, les ingénieurs, les techniciens et les chirurgiens commandent en première partie aux administrations par la participation directe à la direction de leurs services avec l’aide de hauts fonctionnaires qualifiés, que les citoyens eux-mêmes (comme usagers) les dirigent en deuxième partie, alors oui, l’état pourquoi pas. ça s’organise, constitutionnellement, ça s’appelle la république sociale, pourquoi pas sous des formes nouvelles qui rappelleraient l’anarchie ou l’autogestion débarrassées de leurs aspects romantiques. Quelque chose comme ça, faut pas enfermer l’avenir dans des cases, mais un peu d’imagination bon sang! Si c’est pour flanquer le système des partis de ces hauts fonctionnaires tous puissants qui organiseront toute la vie sociale d’en-haut, pardon, mais je crains que PRCF n’aie rien compris à la notion d’émancipation sensée tout de même faire partie de son vocabulaire. Staline est mort, si Marlowe, il est mort et enterré physiquement, t’en fais pas: mais il n’est pas enterré politiquement, c’est clair on est d’accord, la bête bouge encore (Barroso, Draghi, en sont de bons exemples de réincarnation politique). Des bourrins, jte dis! Opposer réalisme et utopie, c’est exactement ce que font les néolibéraux quand ils nous disent There Is No Alternative. Cela résulte d’un manque d’imagination typique des classes bourgeoises. Et de PRCF qui semble apprécie l’idée de Nicks, au nom d’un combat politique stérile contre l’anarchie qui est en réalité un vivier d’idées nouvelles.
@Leo
Le centralisme démocratique est à mon sens la seule façon de concilier la protection et l’unité. Comme vous y faites allusion, l’autogestion ne résiste pas deux semaines aux forces centrifuges de la différenciation et la verticalité me paraît a priori incontournable. Ce constat posé, il est tout de même possible d’édifier une société tendant vers l’égalité, impliquant les citoyens sans pour autant se laisser aspirer par les lubies décentralisatrices qui nous montrent ailleurs, en Espagne, en Belgique notamment, qu’elles servent essentiellement à concentrer les égoïsmes ou à faciliter le jeu des néolibéraux.
L’Etat, c’est la structure, c’est la trame socialisante issue de la socialisation, celle qui contrebalance l’animalité humaine. L’important, c’est de la gérer convenablement et de la faire la plus durable possible, sachant qu’elle sera corrompue un jour ou l’autre car il n’y a pas de système se voulant pérenne qui ne conduise aux privations de liberté.
Il y aurait quelques mesures simples pour optimiser le jacobinisme qui a plutôt bien fonctionné dans notre pays : interdiction du cumul des mandats, pas de responsabilités politiques sur une période continue de plus de 15 ans (par exemple), interdiction du pantouflage, recours à la démocratie directe au premier échelon local, comités citoyens de supervision des services publics etc…
L’anarchie n’est souvent bien malgré elle qu’un réservoir d’énergie qui peut contribuer à faire sauter le couvercle, mais pas à réaliser des solutions fonctionnelles. Ce billet en est une des illustrations. Les libertaires se feront toujours voler leurs révolutions faute de vouloir accepter l’humanité comme elle est et en abandonnant de ce fait, toutes ses potentialités politiques et le progressisme social qui peut s’y attacher.
Oui, enfin, dans la pratique, c’est pas aussi binaire que ça…
@Léo
Bien sûr que non, ce n’est pas aussi binaire, mais le discours politique est là pour s’assurer le nombre, sans lequel il n’y aura jamais de pratique. Ensuite on passe aux nuances…
Laval,
Z’aviez pas besoin de lui pour en apprendre sur les néo-stals, mais avouez que les avertissements sans frais du permanent du FdG sur le blog (sans frais pour le moment mais n’y revenez pas ! ) sont assez croquignolets non ? Je vous vois sourire, z’en avez vus d’autres et plus sévèrement burnés, vous faites bien.
Hein?
@Léo
Le vigneron de l’entre deux eaux, a une petite dent contre ceux qui l’ont depuis longtemps démasqué. Vous comprendrez…Cela dit, je suis effectivement sympathisant FdG et jacobin déclaré.
Nicks. Repens toi mon enfant et tu ne seras pas condamné.
Trois DUDH plus dix DDHC et c’est marre, sors ta main d’sous ma soutane et va jouer avec tes camarades,amen.
Contente d’avoir enfin quelques réponses à mes questions. Contente aussi d’avoir pu vous lire jusqu’au bout, sans sauter sur mon clavier à chaque paragraphe.
J’aurai aimé avoir autant d’espace que vous pour m’exprimer, mais je ferai comme d’habitude. Je me contenterai d’un commentaire. Ce à quoi nous avons droit, tout de même. ce à quoi nous avons travaillé toute notre vie d’adultes pour l’obtenir. Durement, et encore aujourd’hui. Tous les jours. La possibilité de vous entendre parler. Intimement, courageusement. Certes.
Mais aussi celle de vous répondre.
Surprenant, non ?
« Je » réponds en disant «vous». Vous pour la « génération 68 », moi pour celle d’après. Alors ne le prenez pas directement pour vous. Uniquement pour adapter votre discours à ce que vous aurez compris éventuellement.
Je m’en tiens à ce que vous dites à la fin. Car c’est ce qu’il y a de plus important. Aussi, je commence par là. Par le côté «underground» de votre lutte depuis mai 68.
Je commence là pour pointer ce qu’il y a de plus dur à entendre, c’est à dire à ne pas entendre. La seule chose que je trouve « underground » dans votre lutte, c’est votre silence… absolu sur nous. Sur notre génération. C’est à dire votre avenir.
Vous oubliez que vos petits-enfants, avant d’être les « petits nouveaux » à qui vous auriez quelque chose à dire si… ont d’abord été élevés par nous.
Or vous ne mentionnez votre avenir que dans une seule petite phrase, en parlant de vos « familles ». Vos petits-enfant en ayant mérité trois. Il y a un léger mieux. Mais en fait, vous ne parlez que de vous. De votre présent et de votre passé. Pas de votre avenir.
Uniquement pour en avoir peur. Vous avez peur pour les génération futures, point. D’ailleurs, nous n’avons retenu de votre éducation que ça. Votre peur pour nous. Vous n’avez jamais eu confiance en nous. D’ailleurs, nous n’existions pas. Et c’est toujours le cas.
Quand on parle de générations normalement, on cite au moins celle d’avant et celle d’après. Mais non.
Alors, si cela peut vous rassurer, ceux qui détestent mai 68 n’ont aucun intérêt. Ni pour nous, ni pour nos enfants, ni pour l’Histoire. Qui s’écrira bientôt comme vous en rêviez. Cela ne doit pas vous motiver pour écrire. Tout ce qui leur donne de l’importance n’a pas d’intérêt. Il n’y a d’intéressant que la fin. J’en reviens donc à votre lutte « underground ».
Comme c’est un terme anglais, je devrais dire «clandestine» pour vous faire plaisir. Mais je préfère le mot « underground » qui a transcendé toute notre jeunesse et notre vie d’adulte que vous ne connaissez pas. Un mot qui vous est parfaitement étranger.
Mais le mot « clandestin » aussi vous est étranger. Ce sont vos parents qui l’ont utilisé alors qu’ils vivaient, avec vous dans les bras, dans la terreur. Une terreur que vous n’avez jamais connue. Mais je ne vais pas prétendre comme vous, que vous ne la connaîtrez jamais. Je cite :
« La politique abolie, nous, la dernière génération vraiment politique, nous faisions partie du superflu, du déchet comme tous ceux qui ne s’accommodaient pas du nouveau cours non politique du monde. Notre défaite semblait complète, radicale. Nous n’existions plus comme génération politique parce que nos ennemis avaient tué la politique, le sens et le nom même des idéaux qui faisaient la substance de la politique. Notre génération a pris fin avec la politique.
»
Qu’est-ce que vous appelez « politique » vraiment? Parce que, désolée, mais celle que je connais n’a pas pris fin avec vous. Au contraire. Et elle est de plus en plus présente. Pour chacun de nous. Jeunes ou vieux.
Tout le monde s’empare de la chose publique en ce moment. Pas vous ? C’est de cela dont vous parliez ?
Si j’avais le quelconque espoir de vous voir sourire de satisfaction en disant que votre combat n’a pas été vain, je dirais aussi que vous pouvez être fiers de nous. Mais je rêve.
De toute notre lutte « underground », celle qui s’effectuait librement avant que les autorités ne s’emparent de nos ordinateurs en emportant aussi les écrans pour les donner à leurs agences de renseignement, vous n’avez retenu que les grèves de 95.
Bref, je pourrai en dire des tonnes, mais je ne ferai que me répéter. J’ai déjà posté tout ce que j’avais à dire là-dessus.
Pour l’instant.
Au cas où vous me répondriez. Mais je rêve.
ça m’a l’air d’être un peu ça. Il écrit comme si mai 68 avait été le tombeau de la génération 68 vaincue. Après moi demerden-Sie sich.
Merci pour ce texte intéressant que je dois imprimer pour lire ! (et éventuellement commenter)
Beau texte, qu’il faut examiner phrase par phrase,
pour en approuver – en nuancer – en critiquer (à faire en solitaire, bien sûr).
De beaux commentaires, aussi, chacun méritant, comme ci-dessus, sa réponse.
Mais passons au-delà des mille et une polémiques possibles.
Beaucoup ont leur force, ce qui ne justifie en rien
la surprenante acrimonie de certains, parfois ici, surtout ailleurs.
Une question alors revient, têtue, obsédante, déchirante peut-être…
Pour en parodier un autre :
« De quoi cet « acharnement » contre ce malheureux « 68 » est-il le nom ?
Des réponses vont nous apparaître tour à tour,
sensibles, argumentées, s’appuyant sur bien des sciences légitimes.
Souvent justes, certes, et pourtant toujours étrangement insatisfaisantes.
Et l’une se dévoile, qui me glace :
cet acharnement
NE VISE-T-IL PAS À « TUER » EN SOI TOUTE « JEUNESSE » ?
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/mai_68/article_georges-marchais_030568.asp
Mfffpppllleuh! Peuh! Franchement, sur le fond, je suis d’accord. Le PRCF est pas débile sur tout et peut produire des choses intéressantes, je suis un lecteur avide d’Annie Lacroix-Riz (par exemple). Mais notre seul parti, c’est la classe travailleuse, ne l’oublie pas. Or, le côté bureaucratique-doctrinaire du PC de cette époque pue la mort (quant au PC d’aujourd’hui, qui voulait trouver « une utilité » dans la majorité présidentielle, ne sent plus rien du tout). Si vous voulez recruter des gens comme moi, va falloir que le communisme change de gueule et de références historiques.
Léo (Les hurlements d’ ? ),
ben moi inversement j’ai longtemps été un consumeur avide de Riz Lacroix (bleu, normal quoi) mais j’suis passé à l’OCB (blanc, normal quoi) de Bolloré.
Salut Léo,
Le PRCF a fait une analyse de certains défauts des bureaucraties des PC de l’époque.
Une solution aurait été d’attribuer des instances de décision aux productifs, avec des mandats limités pour tout le monde. De plus, une culture du débat au sein des partis aurait dû être plus encouragée sans tomber dans le révisionnisme.
« attribuer des instances de décision aux productifs »
Les productifs vous disent merci Monseignor.
« De plus, une culture du débat au sein des partis aurait dû être plus encouragée sans tomber dans le révisionnisme. »
Monseignor est trop bon.
c’était il il y a 43 ans.1968.
papa: ben tu sais 68 je bossais comme apprenti dans une boucherie, les étudiants sont passés et ils ont dit au patron ‘tu fermes ta boutique pendant la manif ou on va tout péter’… ça m’a fait un jour de vacances. fin de citation.
fils: 68 c’est surtout le départ de de gaulle, chef de la résistance française exilée à londres et pourtant farouchement opposé à l’hégémonie anglo-saxonne, à en devenir gênant.
des fois je m’demande si c’est du fait 68 que je suis obligé de rappeler à ma femme quand je vais la chercher complètement bourrée après une soirée dans les pubs du centre-ville avec ses copines qu’il y a à peine 40 ans c’était encore assez mal vu qu’une femme fume en présence de son mari. ah les revendications féministes, ça n’a jamais de fin… pour me venger je l’opprime tous les jours de ma présence masculine.
et il faut bien le dire, 68 c’était aussi le temps où le terme génération avait encore un sens, tandis qu’aujourd’hui avec l’immigration de masse c’est – communautarisme – qui prévaut. un réel succès.
bref 1968 reste quand même un mouvement de petit(e)s bourgeois(es) pour tout un tas de gens.
difficile de ne pas faire de parallèle avec des révolutions oranges.
mais dommage que sous prétexte d’en corriger les erreurs, les forces les plus réactionnaires relèvent la tête.
Heu, non, je proteste… 10 millions de grévistes qu’étaient des prolétaires quand même…
@ methode 17 août 2012 à 01:42
C’est-vrai, le monde change parce qu’il évolue sans cesse, à l’image de tout élément de l’univers auquel nous appartenons, individuellement et collectivement. Il n’est cependant pas inintéressant d’observer, en prenant suffisamment de recul, qu’il existe une constance fondamentale applicable, à la fois à la période de l’après deuxième guerre mondiale, qui a vu naître les 68ards et la période actuelle de grande guerre commerciale mondiale, entraînant de grands bouleversements mondiaux, susceptibles même d’entraîner une troisième guerre, civile et mondiale, cette fois.
La constance, pour toute nouvelle génération, est de croire qu’en ignorant le peu de ce que les anciennes avaient compris, elle allait elle, faire nettement mieux que celles qui l’ont devancée. Les hommes sont des nains et le poids qu’ils représentent dans l’évolution du monde est dérisoire.
Qu’avaient compris et vécu, les 68ards de ce que leurs prédécesseurs avaient eux-mêmes appris, vécu et retenu de l’expérience d’une vie et de toutes celles qui l’avaient précédée? Très peu de chose. Les 68ards étaient à peu près comme leurs prédécesseurs au même âge, des êtres en devenir à qui il restait tout à apprendre.
Si on leur avait appuyé sur le nez, comme aurait dit mon grand père, il en serait sorti du lait.
De fait, tout ce qu’ils savaient et ce qu’ils croyaient, c’est ce que leurs enseignants et autres idéologues leur avait dit qu’il faudrait faire pour que tout aille mieux. Est-ce que toutes les conséquences des changements préconisés, avaient été analysées ? Certainement pas ?
Avaient-ils vu les conséquences des slogans qu’ils prononçaient ou taguaient un peu partout ?
« Il est interdit d’interdire » n’était-il pas un message destructeur de société, incitant à l’anarchie, au désordre, et de fait à la régression accélérée par perte de conscience du fait qu’il ne peut pas y avoir de société civilisée sans règles et donc sans interdits.
« Jouissons sans entrave » est un peu de la même veine. Si ce slogan pouvait s’appliquer au domaine sexuel, rien n’empêchait de l’appliquer dans tout un tas d’autres domaines, y compris économique, lequel déverrouille tous les autres grâce à l’argent capable d’ouvrir toutes les portes pour jouir pleinement, y compris en ayant recours à l’endettement.
« CRS SS » complétait à merveille la panoplie pour que rien ne manque à l’effondrement sociétal. Le moins possible d’interdits et d’entraves et, pour faire respecter ce qui reste, des représentants de l’Etat que l’on s’emploie à déconsidérer lorsqu’ils font ce pourquoi la démocratie les missionne.
Les 68ards ont maintenant suffisamment vieilli pour mesurer les effets de leur révolution et …….. s’expliquer devant les nouvelles générations.
« Jouissons sans entrave » est un peu de la même veine. Si ce slogan pouvait s’appliquer au domaine sexuel, rien n’empêchait de l’appliquer dans tout un tas d’autres domaines, y compris économique, lequel déverrouille tous les autres grâce à l’argent capable d’ouvrir toutes les portes pour jouir pleinement, y compris en ayant recours à l’endettement. »
Et vous dans le genre grotesque avec vôtre slogan répété ad nauséam ici : « Le spermatozoïde capitaliste » vous avez des leçons du comment « Jouir » à donner aux autres ? Certainement pas.
Doit bien exister des sites de maniaco-dépressifs plus appropriés pour exprimer cette chose.
Sauf que l’histoire n’est pas un tribunal. Puisque nous sommes des humains et que l’un des constats que l’on peut tirer de l’histoire est son irréversibilité, il faudra bien pardonner, ou même s’abstenir d’avoir une vision policière de ce qui s’est passé. Cela reviendrait à enjoindre aux enfants de juger leurs parents. N’est-ce pas en soi un chef d’inculpation historique? Nous sommes tous égaux, j’insiste: la génération de mai 68 n’est pas morte, elle a donné ce qu’elle a pu, dans les circonstances qui étaient les siennes. Dans une société de classes comme la nôtre, les solidarités de classes sont peut-être plus fortes que les guerres des générations. Je ne m’imagine pas un instant juger le passé d’une génération vaincue qui se relève et ose écrire ce que Christian Laval a écrit. C’est un acte de courage, tout de même que de reconnaître des erreurs dont on ne peut être véritablement comptables (est-on responsable de l’air du temps?), surtout à notre époque où les élites économiques et politiques sont en train de s’enfoncer dans des certitudes absurdes. Il redore le blason de la soi-disant génération 68, nous faisant oublier ce Daniel Cohn Bendit qui a osé comparé Orban à Chavez, Daniel Cohn Bendit, qui – lui – continue à s’enfoncer dans les mêmes lubies libérales-libertariennes. Errare humanum est, perseverare diabolicum.
@Léo
Le perseverare, c’est précisément ce que je pointais dans le billet et qui m’a valu la qualification de Staline ressuscité. Ce qui me frappe, c’est que précisément les acteurs de 68 n’ont rien appris, aussi bien ceux qui ont dévoyé les idéaux que ceux qui s’y accrochent sans s’apercevoir que leur fondement même est erroné, alors qu’en descendant de quelques degré, on pourrait trouver des solutions viables. Cela dit, c’est précisément cette attachement radical à l’absence de contrainte qui, à mon sens, bloque toute remise en cause salutaire et fait le jeu des libertariens, en faisant de l’Etat l’ennemi absolu. Hors si aucune structure n’est désirée, alors elles seront imposées par les plus forts soit localement (néo-féodalisme) soit à plus grande échelle (dictature)…
Léo,
décidément c’est le topic du jour chez rénovateurs associés réviseurs de Mai, Nicks, PRCF, Léo, même Jduc qu’est prêt à jouer les avocats d’la partie civile… Marvelous vraiment le tribunal popu. Laval doit en être tout retourné, ce qui change rien et tout à la fois.
c’est noté pour les conséquences délétères de 68, jducac.
mais si vous permettez, toujours selon vous, étant donné qu’une médaille a deux faces:
quels en sont les côtés bénéfiques?
question légitime.
@ methode 17 août 2012 à 17:06
Quel a été l’apport bénéfique de 68 dites-vous ? Je n’en vois qu’un, bien maigre. Celui d’avoir libéré la parole de ceux (celles) qui, antérieurement, attendaient d’avoir atteint un âge nettement plus mûr pour exprimer leur volonté, leurs revendications. Le malheur, c’est qu’en parlant avant d’avoir appris à réfléchir et à juger de la validité de ce que l’on peut dire d’intelligent, à mon avis, en général pas avant la trentaine, la plupart du temps on dit des bêtises fondées sur des utopies.
Les 68ards ont été pour la plupart de grands enfants manipulés par ceux qui étaient sensés leur enseigner le savoir et la sagesse et qui se sont servi de leurs élèves pour tenter de faire passer leurs propres rêves. Les rêves d’individus déconnectés des réalités de la vraie vie, du fait de leur statut protégé d’enseignants. Des rêves d’apprentis sorciers qui œuvraient à démolir, sans réfléchir aux conséquences de leurs démolitions.
Quarante cinq ans après, cela donne Amiens.
Rien n’est inventé. C’’est ce dont a spontanément témoigné ici JPC.
http://www.pauljorion.com/blog/?p=40525#comment-352297
La rébellion, ils l’ont obtenue. Quant à l’autonomie visant à s’affranchir des tutelles et des dépendances, ils peuvent encore y travailler. En France 90% de notre déficit commercial provient de la facture pétrolière.
http://lexpansion.lexpress.fr/economie/ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-deficit-commercial-record-de-la-france_281887.html
jducac,
c’est court.
faut-il vous rappeler l’ignominie de la seconde guerre mondiale? le système ancien avait failli. les universitaires et les psy avaient s’étaient compromis parmi les premiers et massivement. ces professeurs, faillibles comme tous, avaient-ils une autre option que la tabula rasa? rien n’est moins sûr.
vous faites des gens de votre génération et de celles précédentes des parangons de vertus aujourd’hui perdues. vous vous trompez. j’ai aussi des aïeux, je connais des ‘pti vieux’. eh bien j’ai pu observer ceci : ces fameuses générations n’étaient pas confrontées à la différence et leur belle civilité ne résistait pas longtemps à la confrontation avec l’étranger… ce qui explique la facilité avec laquelle des peuples se sont fourvoyés dans des idéologies criminelles.
ces générations avaient un niveau de violence (et d’éducation) comparable à aujourd’hui dans les quartiers où des gens issus de sociétés sous-développées s’installent. mieux contenue en interne. mais désastreuse à l’étranger.
« La plus grande grève générale qui ait jamais arrêté l’économie d’un pays industriel avancé, et la première grève générale sauvage de l’histoire ; les occupations révolutionnaires et les ébauches de démocratie directe ; l’effacement de plus en plus complet du pouvoir étatique pendant près de deux semaines ; la vérification de toute la théorie révolutionnaire de notre temps, et même çà et là le début de sa réalisation partielle ; la plus importante expérience du mouvement prolétarien moderne qui est voie de se constituer dans tous les pays sous sa forme achevée, et le modèle qu’il a désormais à dépasser – voilà ce que fut essentiellement le mouvement français de mai 1968, voilà déjà sa victoire. (…)
Le mouvement des occupations, c’était le retour soudain du prolétariat comme classe historique, élargi à une majorité des salariés de la société moderne, et tendant toujours à l’abolition effective des classes et du salariat. (…)
Les ouvriers, en faisant la grève sauvage, ont démenti les menteurs qui parlaient en leur nom. »
Le commencement d’une époque. Article collectif de l’Internationale Situationniste, paru dans le numéro 12, septembre 1969.
Les 12 numéros de la revue sont disponibles chez l’éditeur Fayard et sur le site :
http://i-situationniste.blogspot.fr
+1
@Marlowe
Deux semaines…Ca devrait faire tilt…
christian laval,
jolie romance,
je ne vois pas les choses ainsi.
ou plutôt je vois l’alliance d’une partie de la petite bourgeoisie prolétaire avec la grande bourgeoisie avisée de la victoire des état-unis donc de l’american way of life, destinée justement au prolétariat. les anglo-saxons depuis la grande charte ont une tradition de limitation et de décentralisation du pouvoir ayant l’avantage de limiter les mouvements révolutionnaires en s’alliant, notamment et au fur et à mesure de son enrichissement, une partie de ce qu’on appela plus tard le prolétariat. en france ce n’était pas le cas et le choc a laissé des traces.
68 représente un achèvement, la victoire définitive du fric sur le titre, malgré tout entamé en france par (à peine) deux siècles de révolution quasi-permanente mais ponctués de rechutes (restaurations, empires). mieux vaut être un riche commerçant qu’un petit vicomte désargenté.
sur ce sujet le dernier roman de frédéric beigbeder est intéressant: un roman français. ou comme il l’écrit lui-même: comment des monarchistes catholiques sont devenus des capitalistes mondialisés. j’ajouterais et comment ils ont du s’allier une partie du prolétariat sous la pression créative des jeunes états-unis, où comme chacun sait c’est le compte en banque qui définit la préséance et tout est à construire. au fond la destinée bourgeoise ne fut pas refusée par la génération 68, juste relookée.
pour les autres, les drogués, on peut légitimement se demander d’où est venue toute cette came comme ça d’un seul coup… un peu comme l’opium en chine – peut-être. quoi qu’il en soit il est toujours intéressant que cette sous-classe s’endorme. le lumpenprolétariat, et le tiers-monde, étant là pour souligner à quel point les français dits ‘de souche’ sont devenus en masse de parfaits petits bourgeois rentiers, bohèmes ou pas.
shocking !
Bonjour, Je n’ai pas encore tout lu de ce papier fort intéressant, car il y a déjà longtemps que je pense qu’il y a tout à revoir dans l’histoire des années 60-70. J’étais alors jeune lycéen, certe dans un établissement privilégié du Jura où se pratiquait un système particulier d’équipe de 12 formée de seconde, première et terminale, avec une bonne dose d’autodiscipline, avec cours le matin et l’après-midi sport ou activité (poterie, sculpture, journalisme, théâtre, etc.) Nous n’avions rien de révolutionnaire gauchiste ; nous étions plutôt tournés vers la vague hippie californienne, vers des penseurs comme Alan Watts, Krisnamurti, puis Marcus, Illich et bien sûr nous lisions Kerouac, Ginsberg, Henri Miller, Herman Hesse. Il me semble donc que l’on a complétement oublié cette contre-culture rarement étudié (Voir Théodore Roszak) et qui était plus écologique que communiste. Il y a aussi le rôle des Yippies de Jerry Rubin qui transforme sa contestation en Yuppies, devenant ainsi l’un ceux qui ont récupéré la mode hippie pour mieux vendre leur salade et être un fervent reagien. Voilà en quelques mots de quoi réfléchir sur ces années que l’on fustige trop vite tant à gauche qu’à droite.
Avec du recul, (ça sera pris , bien sur pour un argumentaire réactionnaire):
Le mouvement 68 , du moins le coté violence urbaine et attaque aux codes sociaux, etait une dynamique qui s’attaquait aux rites anciens et au modèle societal morcelé porté jusqu’a là par le modèle agraire ….
On peut , en caricaturant , dire que les 68tars (j’en fus ), en tant qu’ allié objectif, a l’ insu de leur plein gré, …ont abattu les derniers vestiges de la structure archaique originelle .
Structure rigide de rites (bien dégagé derriere les oreilles …mixité scolaire ..). La Modernité qui cachait en fait l’acces au consumérisme est un attrait qui devient suffisant pour mettre a bas les interdits et hierarchisations rigide des structures familliales , villageoises etc …L’ individu prenant conscience qu’ il peut etre « anonyme » (n ‘ayant pas de compte a rendre aux structures intermediaires) veut mettre a bas ces contraintes qu’il juge aliénantes …Sans se douter qu’on ne quitte une aliénation que …pour une autre ..Une autre qui n’a pas forcément été rodée par des millénaires ….
Le coté refus de la modernité et de ses lustres , recherche d’ une vie simple et entiere (ne pas perdre sa vie a la gagner), caricaturé par les impuissants par l’image de chèvres et de Larzac, est , me semble t il, le coté lucide du mouvement 68 …Lucide sur l’impasse du système et sur l’ optimisation de l’individu avec son environnement .
IL y a du vrai
A mettre en relation avec ce que Michea dit de la « structure archaique originelle » pour le socialisme d’avant l’affaire Dreyfus, encore séparé de l’influence des notables politiques progressistes de l’époque (les Jules Ferry et alii)
(voir les videos de l’historien Guillemot sur les archives de la TSR)
…
Voici une liste de quelques vidéos d’Henri Guillemin:
http://archives.tsr.ch/index-guillemin?sort=modification.date+desc
http://gillemin.blogspot.ch/2011/11/tous-les-videos-de-henri-guillemin-sur.html
Attention, c’est du lourd !
http://archives.tsr.ch/dossier-avantguerre/avantguerre-colonialisme
http://archives.tsr.ch/dossier-avantguerre/avantguerre-occident
@Timiota.
Il me faut écouter celà .
Mon approche rejoint me semble t il , celle de Zyzek dans « réhabiliter l’ intolérance » …a savoir que les libéraux avaient interet a niveler les altérités de tous niveaux (altérité des individus , des groupes et des pays…pour revenir a un individu « standard » , consumériste idéalisé , sans foi ni loi .
Pour réaliser l’agrégat globalisé il fallait supprimer les ciments anciens , rites structurants les groupes de chaque niveau .
La question qui se pose c’est que si l’ on pose comme « vérité » que l’individu n’existe pas sans son groupe de référence, a quel niveau d’ optimisation ou de dégradation va t il survivre dans une méga structure ou ses intérets importent peu (hormis la survie du consommateur) .
un texte visionnaire de georges marchais:
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/mai_68/article_georges-marchais_030568.asp
Georges Marchais
« De faux révolutionnaires à démasquer »
Comme toujours lorsque progresse l’union des forces ouvrières et démocratiques, les groupuscules gauchistes s’agitent dans tous les milieux. Ils sont particulièrement actifs parmi les étudiants; à l’Université de Nanterre, par exemple, on trouve; les « maoïstes », les « Jeunesses communistes révolutionnaires » qui groupent une partie des trotskistes; le « Comité de liaison des étudiants révolutionnaires » lui aussi à majorité trotskiste; les anarchistes; divers autres groupes plus ou moins folkloriques.
Malgré leurs contradictions, ces groupuscules – quelques centaines d’étudiants – se sont unifiés dans ce qu’ils appellent « Le Mouvement de 22 Mars – Nanterre » dirigé par l’anarchiste allemand Cohn-Bendit. Non satisfait de l’agitation qu’ils mènent dans les milieux étudiants – agitation qui va à l’encontre des intérêts de la masse des étudiants et favorise les provocations fascistes – voilà que ces pseudo-révolutionnaires émettent maintenant la prétention de donner des leçons au mouvement ouvrier. De plus en plus on les trouve aux portes des entreprises ou dans les centres de travailleurs immigrés distribuant tracts et autre matériel de propagande.
Ces faux révolutionnaires doivent être énergiquement démasqués car, objectivement, ils servent les intérêts du pouvoir gaulliste et des grands monopoles capitalistes. Un des maîtres à penser des gauchistes est le philosophe allemand Herbert Marcuse qui vit aux États-Unis. Ses thèses peuvent être résumées de la façon suivante: les partis communistes « ont fait faillite », la bourgeoisie a « intégré la classe ouvrière qui n’est plus révolutionnaire », la jeunesse surtout dans les universités « est une force neuve, pleine de possibilité révolutionnaire » elle doit s’organiser « pour la lutte violente ».
Bien entendu, les adeptes de Marcuse, chez nous, doivent tenir compte de la force, de l’influence du Parti Communiste Français et de la combativité de la classe ouvrière.
Mais tout en y mettant des formes, ils portent leurs coups contre notre parti – et la CGT – et cherchent à mettre en cause la rôle fondamental de la classe ouvrière dans la lutte pour le progrès, le démocratie, le socialisme.
Les thèses et l’activité de ces révolutionnaires pourraient prêter à rire. D’autant qu’il s’agit, en général, de fils de grands bourgeois – méprisants à l’égard des étudiants d’origine ouvrière – qui rapidement mettront en veilleuse leur flamme révolutionnaire pour aller diriger les entreprises de papa et y exploiter les travailleurs dans les meilleures traditions du capitalisme.
Cependant on se saurait sous-estimer leur malfaisante besogne qui tente de jeter le trouble, le doute, le scepticisme parmi les travailleurs et notamment les jeunes. D’autant que leurs activités s’inscrivent dans le cadre de la campagne anti-communiste du pouvoir gaulliste et des autres forces réactionnaires. De plus, des journaux, des revues, des hebdomadaires – dont certains se réclament de gauche – leur accordent de l’importance et diffusent à longueur de colonnes leurs élucubrations.
Enfin et surtout, parce que l’aventurisme gauchiste porte le plus grand préjudice au mouvement révolutionnaire.
En développant l’anti-communisme, les groupuscules gauchistes servent les intérêts de la bourgeoisie et du grand capital.
Le Parti Communiste Français est le meilleur défenseur des revendications immédiates des travailleurs manuels et intellectuels. Il représente une force essentielle dans le combat pour éliminer le pouvoir des monopoles et de lui substituer un régime démocratique nouveau permettant d’aller de l’avant dans la voie du progrès social de l’indépendance nationale et de la paix. Il est le meilleur artisan de l’union des forces ouvrières et démocratiques et de l’entente entre tous les partis de gauche, condition décisive pour atteindre des objectifs. Sans le Parti Communiste, il n’est pas de véritable gouvernement de gauche, il n’est pas de politique de progrès possible.
Mais notre Parti n’a pas comme seul objectif de lutter contre la malfaisance politique du pouvoir des monopoles et de lui substituer un authentique régime démocratique. Effectivement, il lutte pour l’abolition du capitalisme et l’instauration d’une société socialiste où sera bannie à tout jamais l’exploitation de l’homme par l’homme. Pour une société qui réalisera l’entière égalité sociale de tous ses membres et où le but de la production ne sera plus le profit d’une petite minorité mais la satisfaction des besoins matériels et culturels de tous.
Pour atteindre ses objectifs notre Parti Communiste fonde son action avant tout sur la classe ouvrière qui est la force sociale décisive de notre époque. La grande mission historique de la classe ouvrière est de liquider le capitalisme et d’édifier le socialisme, seule société véritablement humaine. Il en est ainsi parce que la classe ouvrière ne possède toujours aucun moyen de production, qu’elle est la classe la plus exploitée et par conséquent la seule classe véritablement révolutionnaire jusqu’au bout. Il en est ainsi parce que les conditions mêmes de développement de la production font que la classe ouvrière est la mieux organisée, la plus disciplinée et la plus consciente.
Les pseudo-révolutionnaires de Nanterre et d’ailleurs auront beau faire, ils ne changeront rien à cette réalité historique. D’ailleurs, c’est bien la classe ouvrière qui a donné naissance au système socialiste qui libère l’homme de toute forme d’exploitation et d’oppression et assure progressivement la satisfaction de ses besoins matériels et culturels. Au système socialiste qui apporte tout son appui à la lutte des peuples pour leur indépendance nationale. Au système socialiste qui, par son exemple, convaincra toujours plus les travailleurs des pays capitalistes qu’il est de leur intérêt de s’engager dans la voie du socialisme.
Ces vérités élémentaires qui prouvent que le Parti Communiste Français est en France le seul parti révolutionnaire, dans le bon sens du terme, nous devons le rappeler énergiquement à ces pseudo-révolutionnaires. Nous devons aussi leur rappeler ces paroles d’Anatole France à l’intention des intellectuels : « Pour combattre et vaincre nos adversaires rappelez-vous, citoyens, que vous devez marcher avec tous les artisans de l’émancipation des travailleurs manuels avec tous les défenseurs de la justice sociale et que vous n’avez pas d’ennemis à gauche. Rappelez-vous que sans les prolétaires, vous n’êtes qu’une poignée de dissidents bourgeois et qu’unis, mêlés au prolétariat, vous êtes le nombre au service de la justice. »
Mais il est bien évident que nous ne confondons pas les petits groupuscules gauchistes s’agitant dans les universités avec la masse des étudiants. Au contraire, ceux-ci bénéficient de notre entière solidarité dans la lutte qu’ils mènent pour la défense de leurs légitimes revendications contre la politique désastreuse du pouvoir gaulliste dans le domaine de l’éducation.
Les étudiants ont besoin du soutien actif des travailleurs, c’est pourquoi ils doivent s’appuyer sur eux dans leur combat. Et la classe ouvrière a le plus grand intérêt d’avoir à ses côtés les étudiants en lutte pour leurs propres objectifs et pour ceux qui leur sont communs.
En effet, pour autant qu’elle a un rôle décisif à jouer dans la lutte pour le progrès, la démocratie et le socialisme, la classe ouvrière ne saurait prétendre y parvenir seule. Elle a besoin d’alliés. Les étudiants, la jeunesse en général, sont parmi ces alliés indispensables. C’est pourquoi il faut combattre et isoler complètement tous les groupuscules gauchistes qui cherchent à nuire au mouvement démocratique en se couvrant de la phraséologie révolutionnaire. Nous les combattrons d’autant mieux que nous ferons toujours plus connaître les propositions du Parti et sa politique unitaire pour le progrès social, la démocratie, la paix et le socialisme.
Un grand moment de stalinisme.
Marlowe, tu veux dire: « grand moment d’imbécilité »?
Léo, l’un n’empêche pas l’autre, bien au contraire, cul et chemise même.
Bien sûr, vigneron, c’est juste pour souligner la diversité de l’explication, soit idéologique, soit comportementale! Facile de combattre l’imbécilité, dur de combattre le stalinisme.
On a retenu (avec l’Histoire) que « l’anarchiste allemand » du brouet moscovite du prometteur Jôjô. A juste raison. Remarque bien qu’il était difficile de traiter DubÄek d’anarchiste allemand au même moment et l’écharde était autrement profonde, grosse et virulente..
Ajusteur qu’il était le Jôjô ? L’a bien fait d’faire politique, plus adapté au mascagnage à la masse d’cinq kilos comme job.
Merci pour la piqûre de rappel Monsieur PRCF. Globalement positif.
Ne nous sortez pas les cadavres s’il vous plaît. Georges Marchais aux ordres de Moscou qui justifait l’invasion de l’Afghanistan et qui parlait de bilan « globalement positif » concernant l’URSS. Un homme dangereux.
Vous, les vieux militants situationnistes, communistes, socialistes révolutionnaires, il est impossible que vous vous revendiquiez d’une quelconque philosophie sociale appréciable en un -isme, à la lecture de ce texte, du moins si vous l’aviez vraiment lu comme je l’ai lu. Vous avez un passé militant, un présent militant mais pas d’avenir. Effectivement, vous ne savez que dire aux nouveaux venus, alors vous vous empêtrez dans des machineries intellectuelles, ce brouhaha de concepts qui sonnent creux, vos belles conceptions vides et vos belles philosophies ringardes. Voilà: je fais partie de ces nouveaux venus, j’ai 23 ans, et le monde qui vient s’approche comme un grand mur d’eau arrivé en bout de course, prêt à s’effondrer sur ma petite gueule. Ce texte vient de m’apprendre beaucoup de choses, parce que je me rends compte qu’un membre de la génération 68 a – pour une fois – été capable de lire sa génération.
Je n’y ai bien sûr pas compris grand chose, je suis un ignorant comme tout le monde, mais probablement pas beaucoup plus que son auteur dont l’intelligence historique surpasse toutefois – et de loin – celle que ma petite cervelle droguée aux nouveaux médias m’a permis d’avoir. Hannah Arendt explique régulièrement dans ses ouvrages que le processus vital est le plus puissant processus de toute société. Les générations nouvelles – les neoi – arrivent dans un monde qui était là avant eux, monde qui résiste à cette pression continuelle des nouveaux venus qui arrivent et révolutionnent le monde, et devront tôt ou tard le laisser dans un état moins bon ou meilleur qu’à leur naissance. C’est la vie, comme on dit dans cette vieille fRance. « Dans une démocratie, chaque génération est un peuple nouveau, » comme l’écrivait Tocqueville; mais y a-t-il une démocratie quelque part et y a-t-il un peuple aujourd’hui? J’ai plutôt l’impression que ma génération est en train de se fracasser contre la pyramide des âges, et que nous n’aurons pas ce désagréable privilège d’avoir une existence politique un jour, ni en vainqueurs, ni en vaincus, le champ de bataille nous étant fermé, ni même que nous pourrons faire le bilan de ce que nous avons ou n’avons pas fait. Seuls, nous ne pouvons rien faire. Nous ne pourrons compter que sur l’improbable grève générale de 10 millions de travailleurs. (Les patrons, ya que ça qu’ils comprennent: le portefeuille.)
On a beau espérer ou agir, ce monde est un monde de vieux qui ne veut pas de nous. Aujourd’hui, bien sûr, non seulement les garçons peuvent coucher avec les filles, mais les garçons peuvent coucher avec les garçons: les précaires couchent de toute façon avec des précaires, génération 69 et génération McDo, voguant entre « manque de nécessité » et « désespoir du possible ». Plus d’un quart des jeunes de ma génération est au chômage, mais le dépucelage précoce comporte de plus en plus de champions. Moi, je suis étudiant, je mène une vie d’assisté dans une économie de loisirs: mes parents ont investi dans mes études. Ils me disent: « à ton âge, on commençait avec rien ». Quelle chance suis-je sensé avoir? Moi aussi, j’aimerais bien partir dans la vie le coeur léger, avec rien. Sans avoir à me charger d’un emprunt étudiant comme de plus en plus de jeunes de ma génération (et encore, imaginez outre-atlantique les victimes de ces nouveaux subprimes), j’ai le sentiment de partir dans la vie déjà criblé d’une sorte de dette morale à l’égard des générations passées. Au surplus, notre époque pue la guerre mondiale en devenir. De drôles d’odeurs – désagréablement familières pour les amoureux de l’histoire – remontent de l’égout jusqu’à mes naseaux sensibles. Pardon, mais l’antifascisme retrouve une actualité toute européenne. On nous charge de la nécessité de réussir pour satisfaire aux espoirs de la génération précédente qui a échoué, et s’est reproduite à l’identique au risque de reproduire ses propres échecs, avec les mêmes méthodes qui conduisent inévitablement au naufrage. Tiens, l’une de mes amies a eu son diplôme en école de commerce l’an dernier: elle est aujourd’hui croque-mort. « A 7000€ l’année, tu imagines? » Arendt disait aussi que ce qu’il y avait de commun dans la génération 68, c’est qu’ils étaient nés précisément au lendemain de la chute de la première bombe atomique. Derniers enfants d’un monde qui signifiait encore quelque chose, première génération qui a vu naître l’époque d’une potentielle destruction totale du monde dans lequel ils étaient nés. C’est la vie, vieille jambe!
Que voulez-vous? J’essaie d’aimer le monde tel qu’il est, avec la bombe nucléaire et les biotechnologies, même si les injonctions au succès, à l’argent, aux honneurs, à la gloire, au modèle diffusé sur les grandes chaînes publiques et privées de la télépoubelle, me semblent aussi insipides que la baguette du supermarché, aussi douteuses que la sauce pesto Barilla (par ailleurs fabriquant d’armes) ou la boîte de maïs Bonduelle saturées de phtalates. Ma génération est née alors que la chute de l’URSS était pratiquement accomplie: la guerre froide et le paléolithique ont pour moi quelque chose en commun, c’est que je ne les ai jamais connus. Plus d’histoire, disaient-ils. On m’a enseigné l’Union européenne comme on enseignât autrefois Staline aux petits soviétiques, ou Mao aux petits Chinois. J’ai reçu l’éducation bien-pensante du bon social-libéral. Ma professeure d’économie en classes préparatoires avait fait sa thèse sur la génialissime invention de l’ordo-libéralisme allemand, témoin du passage de l’Europe allemande à l’Allemagne européenne dans une Europe américaine: j’ai tracé pendant des mois des courbes d’offre et de demande sur des feuilles à carreaux, le lundi, en écrivant des formules que je retenais par coeur, avant d’être amené à lire le manuel anticommuniste de mon professeur d’histoire. Soixante ans plus tôt dans la Russie soi-disant soviétique, on m’aurait appris le matérialisme historique en faculté de marxisme-léninisme. Mes parents faisaient leur compte tous les week-ends, en retranscrivant les tickets de caisse au bisphénol A sur un logiciel informatique édité par Microsoft. Bons propriétaires d’une petite-bourgeoisie de banlieue pavillonnaire endettée jusqu’au coup, ils m’ont appris à faire les comptes, à comprendre « la valeur de l’argent » là où je ne voyais que le prix de la vie. Et il y avait dans mon biberon comme un parfum de discipline budgétaire. Bien sûr, cela peut vous faire rire, mais toute ma génération a connu la crise, parce que de tous temps, mes parents m’ont parlé de la crise, de tous temps, la télé m’a parlé de la dette publique et du déficit de la balance commerciale. Mon enfance s’est terminée le jour où j’ai entendu la musique de Mickey 3D, « il faut que tu respires ». Si vous aviez l’obligeance de l’écouter, vous comprendriez. Bonjour l’ambiance. (http://www.youtube.com/watch?v=IEexx5BR5eY)
Du coup, quand je lis les communistes, socialistes, situationnistes, écologistes, je me dis: comment osez-vous encore nous parler sur ce ton? Christian Laval a bien raison de signaler l’immense difficulté qu’il y a à nous parler. Quelle différence, dites-moi, entre les satanées courbes d’offre et de demande sur les petits carreaux bleus de mon cahier de – haha – sciences économiques et vos jesaispasquoi-ismes? La vérité s’enseigne dehors, en marchant, disciples guidés par le maître, pas à pas, étape par étape, méthodiquement, DANS le monde, PAR le monde, POUR le monde, pas contre, en dépit, je sais pas quoi, discours des « malgré-nous » de l’histoire. Mais non, décidément, entre la télépoubelle et le situationisme, vous voyez une différence là où je n’en vois pas: c’est proprement abject et déplacé, vous comprenez. Comme disent les jeunes de notre génération: « vous êtes lourds! » Oui! Vous commencez à nous peser grave. Souffrez qu’on vous engueule. Normalement, c’est aux anciens de faire l’éducation des jeunes, et de nos jours, c’est nous qui apprenons aux vieux le tri sélectif. Je vais vous dire: mes parents votent comme moi. Oui, je vote: on fait ce qu’on peut. Je leur dis de voter EELV, ils votent EELV. Je leur dis de voter Front de Gauche, ils votent Front de Gauche, même s’ils m’avouent à demi-mot ensuite que « tout de même, on a le droit d’être riche ». Greuh! Est-on toujours obligé de se sentir les parents de ses propres parents à dire: « la vraie richesse, c’est pas l’argent », « mieux vaut vivre pauvre avec un salon rempli d’amis que riche à cravacher comme un con dans un bureau qui pue la moquette au pétrole, pour gagner de l’argent qui servira à rembourser les crédits contractés pour une maison trop grande avec un écran plat à la noix qui ne mérite qu’un gros coup de massue en plein milieu »? Yeux ronds qui clignottent: ils ne comprennent pas. « Tout de même, on a le droit d’être riche! » Tout de même, je préfèrerais que l’argent n’existe pas…
Au fond, est-ce si difficile de parler en termes simples de la vie que d’employer vos -ismystificateurs? Si les soixante-huitards vaincus comme Christian Laval pouvaient nous aider à faire ce travail tout simple, mais hautement subversif en soi !, de dire les choses de manière aussi simples et spontanées que ça à leurs contemporains, y compris de manière un peu naïve et superficielle, non-doctrinale et non-doctrinaire, ce qu’ils ressentent, la justice, l’égalité, la beauté du monde quand il reste des fleurs à contempler, au lieu de jouer les morts par anticipation à faire d’improbables bilans qui sont normalement le monopole des biographes et des déclamateurs d’éloges funèbres, franchement, ça aiderait à se sentir moins seul et à respirer. Merci!
Je me permets de corriger : le terme situationnisme n’existe que comme désinformation de ce qu’a été l’Internationale Situationniste, le temps qu’elle a existé.
Le terme situationniste, comme nom, doit être réservé aux membres du groupe pour le temps où ils ont été membres de l’organisation.
Ne pes comprendre cela est au mieux une erreur, que je corrige régulièrement, ou une volonté falsificatrice qui discrédite celui qui l’affiche.
@leo
Si tu regarde la date originelle (2008), ce texte est sortit en plein sarkozisme, sans doute après ses attaques contre mai 68, responsable-de-tout-les-maux-du-monde, et avant/pendant l’éclatement de la crise financière. Il ne parle donc pas du présent/futur, mais du passé, donnant la version de l’histoire de ceux qui n’ont rien renié depuis et qui sont rester fiers de ce que fut mai 68.
Oui notre monde n’est plus le leur, et oui il va falloir le comprendre/réinventer sans/malgré eux (comme ils réinventèrent le leur malgré/contre leur parents), mais c’est ce 68art-isme (dsl) qu’ils nous laisse en héritage et dont il faut ce rappeler, humain et libre, sans compromission…
Salut Léo, juste pour info, j’ai 27 ans. Ce n’est pas pour autant que je considère qu’il faille se passer des outils idéologiques précieux du marxisme-léninisme qui est une science humaine vivante, plus apte à prédire tous les problèmes que nous avons connaissons que les lubies anarchisantes qu’on peut lire ici et là. D’autre part, il sera nécessaire un jour d’avoir une connaissance plus objective de ce qu’était vraiment la vie dans l’ancien bloc socialiste, loin d’être l’enfer dont on cherche à nous faire croire. Une éducation de grande qualité, des activités de loisir pour tout le monde, peu de criminalité, pas de sans-abri, pas de peur du lendemain, tout le nécessaire pour mener une vie décente, en tout cas pour ce que je sais de la RDA et de l’URSS. Cela n’empêche pas qu’il y avait des défauts dans ce socialisme-là, dans ses problèmes à gérer une économie complexe. Mais une réflexion existe pour savoir comment on aurait pu faire pour améliorer ce socialisme. En tout cas, ayant des amis en ex-RDA, jeunes et moins jeunes, je peux te dire qu’on a de ces expériences une lecture , certes critique, mais bien moins caricaturale que ce qu’on cherche à nous faire croire.
27 ans et déjà si vieux !
À PRCF,
Revisiter de manière moins caricaturale ce que fut le « socialisme du réel », d’accord.
Mais repartir ici de textes de G.Marchais n’est vraiment pas le meilleur des moyens
(je sais de quoi je parle, comme l’on dit).
Malgré tout, cette volonté est belle.
Mais ATTENTION AUX Å’ILLÈRES qui vous guettent !
À
@PRCF. Vive l’œuvre de Marx! Vive l’œuvre de Lénine! A mort le marxisme-léninisme… Non, le marxisme-léninisme est déjà mort. Il faut entrer en période de deuil, maintenant PCRF et revenir à la vie politique. Les idéologies et les débats doctrinaux sont infrapolitiques et tout ce qui est infrapolitique sera balayé par la crise systémique du capitalisme. Car au-delà des mots, nous nous retrouverons dans la rue avec les anars et les cheveux longs de Woodstock. Et les militants communistes seront de la partie.
27 ans ! Ça tombe drôlement bien. Assez vieux pour être plus vieux qu’un jeune de 23 et assez jeune pour être jeune comme lui. Le « hasard » fait bien les choses décidément.
@ Léo
Il me manque des billes pour faire des liens à partir de ce que tu/vous dis mais ça m’intéresse vivement. Infrapolitique donc? Pourrais-tu/vous^^ expliciter davantage ce que tu entends par là ou donner des liens ?
En fait je devine qu’il y a peut-être un lien à faire avec cette préoccupation des historiens à vouloir faire une histoire sociale du politique. Pour laquelle Gérard Noiriel donne quelques angles d’approche:
« Dans la socio-histoire, il y a une démarche […] qui est de dire méfions-nous de la théorie parce qu’on a trop vu des gens qui annonçaient sans arrêt des théories comme ça qui allaient tout expliquer, et qui finalement se cassaient la figure ont fini par s’affronter dans des polémiques stériles etc .. »
« Retrouver le passé dans le présent »
« Démarche méthodologique qui va permettre de retrouver le passé dans le présent des acteurs du passé .»
« Quand on nous dit État-nation, prolétariat, Eglise, tout ce que vous voulez, le rôle du socio-historien, fidèle à Max Weber, retrouver les individus et les liens qu’ils vont former entre eux pour former des idéologies ».
Il en parle longuement ici:
http://www.dailymotion.com/video/xf2mqk_gerard-noiriel-et-la-socio-histoire_school
PS: d’accord avec lui en particulier pour dénoncer l’insuffisance des rapports entre journalisme et sciences sociales. (J’ajouterais science tout court).
Bravo Léo.
La relève est là ;-), bien vivante. Impressionnante.
Ce texte de la philosophie GNU pourrait t’intéresser : http://www.gnu.org/philosophy/economics_frank/
Aurait sa place dans une anthologie votre manifeste!
Vous êtes bien équipé pour la bataille, c’est essentiel.
D’accord en ce qui concerne la prose, j’ai 63 ans et j’aurais du mal à arriver à ce niveau, en ce qui concerne les idées vous avez encore des progrès à faire et surtout être moins présomptueux.
Votre regard sur les choses est tronqué et vous vous trompez en croyant que c’est un problème de génération alors que c’est un problème de système qui nous concerne tous jeunes comme vieux.
Comme rendez vous en enfer, attention aux oeillères.
« Nous, nous, nous », « notre génération », « notre défaite », « notre plus grand succès »…, encore une vision dominée par une assignation de sujet, source de tous les amalgames, de toutes les confusions, justification de toutes les interprétations.
Le patriotisme de groupe, d’entreprise, ou de génération, comme le patriotisme national, est une escroquerie intellectuelle en plus d’en être une sur les plans social et moral. Bien sûr il offre à bon compte une satisfaction de notre fond grégaire ou social, qui est certes un des deux avantages sélectifs de l’espèce, à côté du mix cérébralisation-station debout-pouce opposable-langage-culture, mais est-ce une raison?
Un des vrais défis que posent les temps géologiques à notre espèce est sans doute de faire pièce à la grégarité aveugle, et donner une place sans illusion à l’irrédentisme de la conscience individuelle.
La véritable escroquerie intellectuelle, c’est de traduire le « nous » comme un bas instinct grégaire, alors qu’il est la représentation de soi comme semblable à tous les humains. Car oui, « nous les humains », de cette génération, de ce groupe, de cette classe, responsabilité de soi vis-à-vis de ses égaux, réponse individuelle aux multiples collectifs humains dans l’unité du genre humain, « nous » ultime, véritable place de la conscience individuelle sans laquelle la conscience individuelle se prend pour conscience divine au-dessus des humains « grégarisés », pasteur observant ses brebis, ultime escroquerie d’une domination qui se cache derrière les traits d’une liberté factice.
Le « nous » serait « la représentation de soi comme semblable à tous les humains » …?
Le problème c’est que je ne me sens pas représenté par le nous de cet article.
Et que chacun peut développer son interprétation en disant « nous ».
De quel droit, de quelle autorité, avec quelle compétence, quelle justesse ?
Il est très rare que le nous d’un sujet quelconque ait une véritable portée universelle. Sans illusion, veux-je dire. C’est bien ça le problème. De temps en temps un poète, oui.
À mes yeux, votre ‘« nous les humains », de cette génération, de ce groupe, de cette classe, responsabilité de soi vis-à-vis de ses égaux, réponse individuelle aux multiples collectifs humains dans l’unité du genre humain‘ a des accents d’acrobatie mentale, mon cher Léo. Inévitablement.
La vraie justesse, c’est dire « je » . Si d’autres ensuite se reconnaissent, un nous aura existé – éventuellement dans l’illusion, toujours possible, comme l’observation des foules le montre quotidiennement.
Ah que cela m’agace d’entendre, devant l’écran géant d’un café, de pauvres jeunes fauchés, s’écrier « nous avons gagné ! », devant des stars surpayées qui donnent des coups de pied dans un ballon,!
. Ils ont gagné quoi, ces pauvres jeunes , à part le fait que le fric du pays sert à engraisser les sponsors et les organisateurs de ces jeux du cirque au lieu d’améliorer leurs conditions de vie ?