L’actualité de la crise : « QUE LES BOUCHES S’OUVRENT, QUE CENT FLEURS S’ÉPANOUISSENT ! »(*), par François Leclerc


Billet invité.

Dans la série l’argent n’est pas là où il devrait être, il est estimé que les entreprises américaines disposeraient d’environ mille milliards de dollars de trésorerie hors du pays, qui échapperaient ainsi à l’impôt. En vertu d’une fraude ? même pas, en application de réglementations du code fiscal !

Ce phénomène serait particulièrement répandu dans les entreprises qui disposent d’actifs intangibles, comme des droits de propriété intellectuelle dans des logiciels ou des produits pharmaceutiques, selon l’organisation Citizens For Tax Justice. Moody’s estime pour sa part que 22 groupes américains dans le secteur des technologies garderaient 70% de leur trésorerie à l’étranger. Parmi les compagnies impliquées, on trouverait aussi bien Google que Microsoft, Apple, Cisco ou encore Pfizer et Forest Laboratories.

La bonne affaire se gâte lorsque ces entreprises veulent rapatrier aux États-Unis ces fonds, car ils sont susceptibles d’être taxés à 35%. Une intense campagne de lobbying a donc été engagée, afin d’obtenir une exemption fiscale au nom de la création des emplois que cela permettrait de susciter. Le chiffre de 2,9 millions d’emplois est même avancé. Un précédent existe : une ristourne avait été accordée en 2004, sans les effets annoncés.

Citizens for Tax Justice multiplie des études convergentes. L’organisation a pu établir la liste des 30 grandes entreprises qui, tout en réalisant d’importants profits, n’ont payé aucun impôt dans la période 2008-2010 en utilisant les trous existant dans la réglementation fiscale. On y trouve tous les grands noms, dont par exemple DuPont, General Electric et Boeing… La liste s’allonge encore si l’on considère les entreprises qui n’ont pas payé d’impôt au moins une année pendant ces deux années : elles sont 78 sur un panel de 280 entreprises étudiées, toutes figurant sur la liste des 500 plus importantes établie par le magazine Fortune.

Le mystère n’a pu être élucidé en étudiant le cas emblématique de General Electric. Car les règles comptables et fiscales ne concordent pas et les chiffres publiés par l’entreprise ne sont que des provisions déterminées en vertu des premières. Quant à elle, l’administration fiscale ne rend pas public les chiffres d’imposition effectifs. Consacrant un article à cestte question, le magazine Fortune s’est plongé dans les méandres des documents comptables publics de l’entreprise sans parvenir à un chiffrage…

L’évasion fiscale ne se résume pas plus à l’imagerie des porteurs de valise traversant les frontières pour le compte des grosses fortunes que les bank runs (les paniques bancaires) ne sont l’unique résultat de l’affolement des petits déposants : ce sont les entreprises qui l’alimentent prioritairement, afin de maximiser leurs profits ou de protéger leur trésorerie. La saga des prix de transfert reste quant à elle à écrire…

L’argumentation des grandes entreprises réclamant la clémence au nom de la création d’emplois rejoint celle des partisans de la poursuite des rabais fiscaux accordés aux grosses fortunes. Ce monde est décidément fait de faussetés arrangeantes, permettant de dénoncer les brebis égarées – ou plutôt les moutons noirs – et de réclamer la moralisation de pratiques présentées comme périphériques alors que l’on découvre au fil de cette crise qu’elles sont au cœur du système.

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(*)Mao Zedong (1893-1976)

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54 réponses à “L’actualité de la crise : « QUE LES BOUCHES S’OUVRENT, QUE CENT FLEURS S’ÉPANOUISSENT ! »(*), par François Leclerc”

  1. Avatar de DALIO
    DALIO

    Si les dirigeants des sociétés cotées, aux Etats-Unis ou ici, affectent leurs bénéfices à des comptes étrangers discrètement pour retarder l’impôt, attendre une amnistie, outre la pratique des prix de transfert, alors peut-on leur accorder la légitimité minimale pour contribuer au débat public?

    Juste pour rappeler que les dirigeants des entreprises participent en France par le truchement de nombreuses instances paritaires consultatives, et parfois décisionnelles (ex en France: UNEDIC, ACOSS, RETRAITES COMPLEMENTAIRES), à la formation de la décision publique. Je n’oublie pas le lobbying à Bruxelles.

    Deux questions en découlent, au moins:
    1 On peut comprendre que les propriétaires protègent leur gains, mais pourquoi laisser croire qu’ils restent nos égaux en leur donnant une voix alors qu’ils dominent, par le maniement international du capital et de notre travail, nos représentants? Le pacte politique et social de 45 paraît largement déformé.

    2 Si les propriétaires ne veulent pas faire pot commun avec les non-propriétaires pour les équipements partagés (routes éducation santé paix sociale, recherche), combien de temps l’Etat, maître du bien commun, restera crédible ? La République longuement construite au cours du 19 ème siècle, sauvée ensuite par le CNR en 45, devient une mascarade.

    l’ancien régime, avec ses privilèges abolis le 4 août 1789, peut il revenir? est-il revenu?

    A t-on parlé sur ce blog de la banque publique d’investissement?

    Merci de vos avis, Dalio

  2. Avatar de rahane
    rahane

    trouver une solution cohérente pour contraindre les riches à investir dans la restructuration civilisationnelle plutot que le profit à court terme semble être la seule voie de développement possible pour avancer.
    et si on soumettait les remises de peine pour fraude fiscale à la conversion d’une partie des fonds inqualifiables dans cet objectif?

    si nous voulons sortir de l’impasse de la barbarie capitaliste il faut prévoir l’annulation de l’équivalent de la peine de mort.

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  1. @ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?

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