Un jour, ma mère est revenue d’avoir passé quelques jours en Hollande, et nous a trouvés ma sœur et moi, défaits, les yeux rougis. J’avais huit ans, ma sœur, sept. Elle s’est écriée : « Mais qu’est-ce qui s’est passé ? » et mon père, un peu penaud, a dit : « Ben… euh… nous sommes allés voir Une étoile est née… »
On était en 1954 et le film que nous venions de voir était la troisième version filmographique de la même histoire : A Star Is Born : « une étoile est née », avec cette fois-là Judy Garland et James Mason dans les principaux rôles, et George Cukor à la mise en scène, comme il l’avait déjà été dans la toute première version, celle qui date de 1932 et qui est celle dont je parle ici.
L’histoire commune, c’est celle-ci : un homme, une authentique vedette, triomphant mais peu sûr de lui, découvre une jeune artiste dont il fait une star. La jeune femme est sur la pente ascendante, l’homme vieillissant et passablement imbibé, sur la pente descendante.
L’histoire finit très mal dans toutes les versions, sauf dans la plus récente : The Artist (2011) de Michel Hazanavicius, où tout finit par s’arranger. Curieusement donc, c’est la seule version non-hollywoodienne qui se termine par un « happy ending » supposé hollywoodien. N.B. ceux qui ont aimé ce film chaleureux aimeront dans What Price Hollywood ? la scène de l’arrivée des stars pour une avant-première quelconque que The Artist s’est simplement contenté de décalquer (voir la vidéo ci-dessus à partir de 5m25).
Les Éditions Montparnasse, dont j’ai déjà rendu compte d’un documentaire de Gérard Miller sur Lacan, et du remarquable Chronique d’un été (1961) de Jean Rouch et Edgar Morin, me font parvenir six films des studios RKO, dont What Price Hollywood ? est le premier que j’ai sorti de la pile.
What Price Hollywood ? est donc la première version de l’histoire de la femme qui réussit tandis que son mentor tourne à l’épave, et c’est peut-être la plus intelligente du lot, parce que – comme le titre le suggère d’ailleurs – il ne s’agit pas simplement d’un mélodrame psychologique mais aussi d’un témoignage sur la logique terre-à-terre de la mécanique hollywoodienne, de sa « cheapness », de son côté « camelote », de sa participation délibérée et éhontée à la société du spectacle comme on dit aujourd’hui.
Quelques morceaux de bravoure dans ce film de 1932 qui, primo, conserve encore – et ce n’est pas le moindre de ses charmes – certains traits touchants du cinéma muet : une expressivité qui permet d’économiser sur le dialogue, propose secundo, une scène de séduction dont la brutalité, la manière dont l’homme impose son point de vue, même si c’est la femme qui a rédigé le scénario du comportement qu’il aura, fera froncer plus d’un sourcil « féministe », montre tertio, un débordement de la foule lors du mariage, dont la spontanéité chaotique n’a probablement pas échappé à l’œil attentif d’un Jean Vigo, enfin, nous offre quarto, la performance de l’actrice principale, Constance Bennett, chantant sans faille Plaisir d’amour, après avoir annoncé, à titre de précaution : « Le français, ça me rend folle ! »
=================================================
What Price Hollywood ? (1932), de George Cukor, avec Constance Bennett, Lowell Sherman et Neal Hamilton, Éditions Montparnasse, 10 €, en vente le 4 septembre.
4 réponses à “WHAT PRICE HOLLYWOOD ? (1932) de George Cukor”
ce que dit Francisco H ci-dessus est tout à fait vrai, et pourtant on entend très peu parler de cette ténébreuse affaire
Héhé! D’ un coup je me rappelle la scène dans le théâtre du roman de Boulgakov, le Maître et Marguerite.
C’ était hier, on est encore aujourd’ hui, mais du spectacle ça fait longtemps que je suis lassé.
De ce spectacle là s’ entend, un film, un vrai restera toujours un must à mes yeux.
Bientôt demain déjà. ^^
« la société du spectacle » selon « on » ou Debord ? (1967)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Debord
Je sais bien que les films sont bien plus importants que les transferts, mais pour rappel, il faut fuir comme la peste les titres RKO chez les editions Montparnasse, ce sont des transcodes NTSC->Pal d’une qualité plus que douteuse, si vous pouvez vous contenter des sous titres anglais, prenez plutot les zone1…