Billet invité.
La montagne accouche d’une souris. Au terme de discussions laborieuses, l’Union européenne a décidé de lancer un programme d’investissement de… 230 millions d’euros, soumis encore à l’accord des gouvernements. Acharnés, les débats ont opposé ceux qui voulaient que ce programme soit ponctuel à ceux qui prétendaient pouvoir répéter la démarche tous les ans. Il a donc été décidé que c’était un « projet pilote ».
Les project bonds sont nés et mal nés. En raison de leur montant dérisoire comme de leur financement, fruit de la réaffectation de crédits communautaires non utilisés pêchés ici et là. L’idée est de mobiliser jusqu’à 4,5 milliards d’euros, grâce à un effet levier, en levant des capitaux sur le marché, avec pour objectif de financer une demi-douzaine de projets d’infrastructures trans-européens. Après avoir raclé ses fonds de tiroir, la Commission propose de renforcer le capital de la Banque européenne d’investissement (BEI) de 10 milliards d’euros afin, selon le même schéma, de mobiliser des capitaux privés. L’ouverture que Pierre Moscovici, le ministre des finances français, pensait avoir décelée lors de sa rencontre d’hier avec Wolfgang Schäuble s’est donc confirmée, et de quelle manière…
Le renforcement de la BEI, la mobilisation des fonds structurels non utilisés et la création d’une taxe sur les transactions financières pourraient selon le ministre français permettre une avancée et donner un cadre au compromis recherché. Mais il est clair que l’on est loin du compte, et que si le « volet croissance » – dont l’adoption est une condition préalable des Français à la ratification du traité de discipline budgétaire – devait se résumer à si peu, ce serait une aimable plaisanterie. Même si était adoptée l’idée qui circule, d’une nouvelle méthode de calcul du déficit, duquel seraient soustraits les investissements structurels, ce qu’il est aventureux de croire.
Il va aussi falloir trouver mieux que les tentatives de recomposition de la droite grecque – avec pour objectif de ravir la première place et la prime de 50 sièges à Syriza – et les déclarations surréalistes (pardon André Breton) de Luis de Guindos (le ministre de l’économie espagnol) qui continue d’affirmer que l’Espagne n’a pas besoin d’aide pour sauver son secteur bancaire sinistré, ou bien de Mariano Rajoy (le chef du gouvernement) qui amuse la galerie. L’Institute of International Finance, qui sait scruter les bilans bancaires, vient à ce propos d’estimer que ce secteur est assis sur 128 à 260 milliards d’euros de pertes.
Si la nécessité d’un compromis franco-allemand est martelée, ses contours sont loin d’être dessinés. Dans la conjoncture actuelle, cette obligation de résultat ne peut se traduire par un accord a minima. Un nouveau tour de chauffe aura donc lieu lors du sommet informel de demain soir.
À Camp David, les dirigeants du G8 nous ont offert une image de supporters accomplis, quelle sera celle que nous retiendrons de leur dîner ? Prudent, Herman Van Rompuy a considéré qu’il n’allait pas permettre « de tirer des conclusions ou de prendre des décisions, mais de se préparer politiquement de la meilleure manière possible à des décisions ». S’adressant aux dirigeants européens avec l’intention de reporter le débat sur les euro-obligations une fois les efforts budgétaires accomplis, il leur écrit : « le temps est venu de mettre plus l’accent sur les mesures plus directement liées à l’encouragement de la croissance et de l’emploi, dans la foulée de notre sommet de janvier ».
Cela commence très petite main et le compte n’y est pas pour Mario Monti, qui vient de déclarer que « sans croissance, la discipline budgétaire est insoutenable ». « On ne peut pas se contenter d’attendre des réformes structurelles et la réduction des déficits pour générer de la croissance », avait-il déjà déclaré en plus incisif à Camp David. Selon l’OCDE, la crise dans la zone euro reste « la plus importante source de risques pour l’économie mondiale », prévoyant pour celle-ci un léger recul de -0,1% de l’activité économique cette année.
En dépit des suggestions appuyées de l’OCDE et du FMI, le gouvernement allemand a clairement maintenu son refus des euro-obligations. La BCE est désormais la dernière ligne de défense, tandis que les élections grecques s’approchent. La banque centrale joue les visionnaires et trace la perspective d’une Europe financièrement plus intégrée, mais la situation des banques espagnoles réclame sans plus tarder des mesures de soutien urgentes, qui impliqueraient de permettre au FESF de les financer directement.
Les dirigeants en sont à « faire bouger les lignes », tandis que la dynamique de la crise les brise.
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151 réponses à “L’actualité de la crise : UN DÉBUT TRÈS PETITE MAIN, par François Leclerc”
Bonjour à tous
Sous le titre »Europe is imploding » sur business insider, dans les commentaires il y a une longue analyse de Niall Ferguson (historien de la finance ) qui vaut la peine d’être lue.
Résumé: l’europe n’a plus d’autre choix que le fédéralisme…. qui était le dessein Mitterrand Kohl en passant par la monnaie ( sans décrire le chemin précis) …sinon c’est le suicide…
Venant d’un anglais eurosceptique c’est intéressant.
Fabriqué en France à partir de gènes « originaires de différents pays de la CEE », je ne puis être que pour! J’ai souvent répété ici combien les luttes fratricides des 27 tribus de la péninsule eurasiatique sont une absurdité criminelle pour nos peuples!
Notre solution, c’est plus d’Europe…. De l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord à Gibraltar! ( CdG – Transhistory Airwords)
Cordialement
Du Cap Nord à Tamanrasset, c’est encore plus mieux.
Oui, enfin, ce n’est pas pour autant que l’OCDE est devenu l’amie des peuples, loin de là. Parce que si elle est emm… du fait que la crise continue parce que toute cette incertitude, c’est pas trop bon pour les affaires, les remèdes proposés sont encore pires que le mal.
Tenez, pas plus tard que hier, l’OCDE se fendait d’une Nième considération sur l’indexation automatique des salaires en Belgique, à détruire d’urgence parce que nuisant à la Très Sainte Productivité, le tout parce que, voyez-vous, les prix de l’énergie augmentant trop fort et trop vite, le mécanisme fait augmenter les salaires, pas bien, pas bien du tout…enfin, ce qui n’est pas bien, ce n’est pas l’augmentation des prix de l’énergie (Sainte Libéralisation, protégez-nous des bolchéviques et autres gauchistes !), bien entendu. Ce qui n’est pas bien, c’est que les salaires suivent le coût de la vie, malheureux !
Et en attendant, le Très Intègre et Pas Corrompu du Tout ni Encore Moins Pourri Jusqu’à la Moëlle PASOK se fait les gorges chaudes que Hollande a reçu ce très cher Venizelos à l’Elysée le lendemain même de son refus de voir Tsipras – au prétexte qu’il n’est que président de parti et pas ministre ou autre chose d’officiel (Venizelos n’étant bien entendu lui non plus plus rien d’autre que le président du PASOK et donc rigoureusement à égalité avec Tsipras sur le plan du statut). Du coup, tous les médias pro-PASOK jubilent, et annoncent que le PASOK sauvera la Grèce (et l’univers, mais avec une priorité toute particulière pour les coffres privés de ses affidés) grâce à une Alliance Sacrée avec Hollande – et donc avec la Fraaaaanceuh.
Pendant ce temps, Aube Dorée se sent pousser des ailes. Hier, échauffourées à Patras quand 350 charmants jeunes gens tous en noir et cagoulés d’une manière ou d’une autre ont décidé, à l’appel de leur parti de faire un peu de nettoyage pour aider l’humanité – cf. les slogans sur le site du gentil petit parti que les médias français, pas farouches pour un sou quand il s’agit d’honnêteté intellectuelle et d’intégrité journalistique aiment tant mettre sur le même pied que Syriza : « Reprenez Patras » ou encore « Faites Justice Vous-Mêmes »…
Très juste, à quoi bon un gouvernement, maintenant qu’il y a gouvernement,
s’il n’est pas capable de faire çà en douce pour le bien, le Très Grand Bien,
des citoyens. Il est tellement ignorant de ses intérêts, le peuple.
Et puis, cette indexation fait désordre: « He! les belges, vous êtes les derniers
à avoir cette chose dinosauresque, va falloir à voir à vous moderniser. »
Le progrès ne se refuse pas, quoi !
La crise persistante et aggravante, façon toboggan, devrait poser
un problème existentiel à l’ OCDE, historiquement un outil
de contrôle US des fonds du plan Marshall, une vieillerie, présente à la Création
à peine évoluée.
Pour les détails, cotés USA-France, voir
« L’influence américaine sur la politique française,
1945-1954 » Irwin M. Wall, Balland,1989.
(1989, c’est bien avant la généralisation des théories du complot.
Irwin M. Wall est un prof d’Histoire hautement respectable:
http://history.ucr.edu/People/Faculty/Wall/index.html )
Bref, à quoi sert l’OCDE ? Prévisions ? coordination ?
Pas mieux qu’un pilier de bistrot informé, à mon avis.
Si elle est productrice de statistiques, quels sont
les prix de revient de ses tableaux ?
Un refuge pour des gens qui s’estiment hautement,
sans lequel ils ne seraient pas grand’chose, au mieux d’obscurs
prof Eco en lycée?
Combien d’économies si l’OCDE est dissoute?
Sûrement, une officine de l’idéologie libérale totalitaire
mise hors d’état de nuire.
Hollande ou la social-démocratie française déjà décomplexée ?
Jacques Généreux par franceinter
Quelqu’un a des infos sur ça :
Si la Cour Suprême exige un parti en bonne et due forme, pourrait y avoir tangage sur le bateau Syrisa…
http://www.easybourse.com/bourse/international/article/22939/alexis-tsipras-veut-negocier-pour-ne-pas-sortir-la-grece-de-la-zone-euro.html
@vigneron :
Cela semble correct. Pas lu dans Athens News, mais une recherche en anglais donne plusieurs références à cette info :
– Keep Talking Greece (pas vraiment un site d’info ou de journal, mais bon) :
– The Guardian :
Ce ne sont donc pas des dépêches d’agences, mais des tweets qui sont à la source de cette info. Pas d’annonce officielle visible. Evidemment, je ne lis pas suffisamment le grec pour suivre le site d’ERT en ligne, ça y est peut-être…
Si les statuts ont été transmis, c’est donc qu’ils ont déjà trouvé un accord entre les douze tendances. No problem à priori.
@vigneron :
En espérant que des manœuvres « bassement politiciennes » (en Grèce, on connaît) puissent soit faire retarder la décision à après le 17 juin, soit faire opposer un refus. Le refus me semble difficile à justifier si des statuts ont bien été transmis et respectent les prescrits légaux en la matière. Par contre, une décision prise un peu tardivement…mais bon, je suis parano ! 😉
Sinon, Syriza vient de dénoncer l’attitude d’une banque grecque – EuroBank – qui semble ordonner à ses employés de ne pas voter Syriza le 17 juin, et ordonner que l’on dise à la clientèle qu’une victoire de Syriza impliquerait qu’ils ne puissent plus retirer de l’argent de leurs comptes bancaires. Inutile de préciser que la banque en question a démenti avec fracas et une extrême célérité…