CIRCUITS COURTS, VENTE DIRECTE ET CONSTRUCTION DES PRIX, par Jean-Claude Balbot, « paysan durable »

Billet invité. Il n’y a pas plus belle récompense bien entendu pour un chercheur que voir son travail théorique repris « sur le terrain ». Voir aussi ici, de Jean-Claude Balbot et Goulven Le Bahers : « Produire trop, pour produire assez ? ».

Quand nous nous sommes intéressés l’an dernier à la question de l’accès pour tous à la nourriture, nous avons fait un constat : le système agro-industriel ne pouvait mettre la nourriture à disposition de tous sans intervention des pouvoirs publics. Nous en avons conclu à l’échec de cette politique agro-industrielle dont le dogme initial est la volonté de nourrir le monde, et la référence ultime le plus grand volume produit.

Lors d’un contact avec des usagers d’un centre social nous avions constaté que, producteurs en vente directe, nous vendions à des prix qui leur rendaient nos produits inaccessibles. A l’issue de cette rencontre l’un de nous, maraîcher, a fait remarquer que dans la communauté d’origine de sa compagne en Inde, personne ne proposerait à la vente de la nourriture que d’autres ne pourraient acheter.

Une telle affirmation va à l’encontre de la doxa économique dominante depuis quelques siècles selon laquelle le prix est formé par la confrontation de l’offre et de la demande à travers des mécanismes maintes fois décrits. Le comportement des hommes semble « résister » à la loi puisque d’une part, ici, l’intervention publique semble nécessaire pour « corriger » cette loi et que d’autre part, ailleurs, certains s’exonèrent du profit maximum comme objectif économique.

Si cette loi ne nous permet pas de saisir le mécanisme de la formation des prix, quels sont alors les facteurs autres qu’économiques qui interviennent dans la constitution du prix ?

C’est alors que nous avons découvert le travail de Paul Jorion qui, à la suite de l’observation des ventes de poissons en Bretagne et en Afrique il y a quelques années, avait fait le même constat et en avait tiré des enseignements dont nous commençons à mesurer l’importance et l’intérêt pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la vente de gré à gré dont les circuits courts sont souvent une illustration.

Pour qu’il y ait un marché il faut qu’il y ait un acheteur et un vendeur. Pour qu’il y ait un acheteur, il doit avoir les capacités d’acheter et pour qu’il y ait un vendeur il faut que la vente lui permette de survivre. Dans notre situation nous pouvons même souhaiter que l’un et l’autre voient durablement ces conditions remplies. Le prix à payer pour un produit va s’établir entre deux bornes. L’une, inférieure, est le prix de revient du bien vendu : vous ne pouvez durablement vendre en dessous de ce prix sans disparaitre du marché. L’autre, supérieure, est le prix au dessus duquel la subsistance de l’acheteur est mise en cause, au-dessus duquel il ne pourra durablement acheter. Au-delà de ces bornes le marché s’évapore par disparition d’une des parties. Entre ces deux bornes l’échange existera, plus ou moins satisfaisant pour l’un ou l’autre.

Il revient aux deux parties d’évaluer ces bornes ; la sienne et celle de son « partenaire ». Il ne faut pas que l’acheteur veuille faire descendre le prix en-dessous du prix de revient du vendeur et inversement le vendeur ne peut pas espérer un prix supérieur au prix de subsistance de l’acheteur. Les intérêts des partenaires sont antagonistes mais solidaires. Ce n’est plus de la mesure du prix des choses dont il est question mais de la mesure dans le prix des choses.

Entre deux bornes se forme le prix par la mobilisation des ressources de chacun, dans un rapport de force auquel participent les quantités d’offre et de demande mais pas seulement et sans doute pas surtout. Ce sont par exemple la bonne renommée des uns et des autres, le rang social des uns et des autres, les relations de parenté, même éloignées, la fatigue ou l’impatience d’une des parties, des aléas de santé et bien d’autres éléments « subjectifs », non quantifiables facilement. L’on pourrait dire que sur un marché, acheteurs comme vendeurs ont au moins deux impératifs : vendre à un prix permettant leur survie, et faire bonne figure, tenir son rang.

Paul Jorion s’est penché sur l’établissement des prix dans les ventes de gré à gré de poissons sur les campements côtiers des pécheurs nomades d’Afrique de l’Ouest. Ce sont les femmes qui achètent les poissons à l’arrivée du bateau. Si le pêcheur se met en tête de vendre une proportion importante des captures à une seule acheteuse qui pourrait offrir un prix plus élevé, la colère des autres femmes se manifeste. Elle se justifie par la nécessité pour ces femmes « d’écouler une quantité minimum de marchandise…. afin de se procurer, grâce à l’argent obtenu, les produits indispensables à la survie du ménage » Le pêcheur y cédera car, plus que son revenu immédiat, c’est son statut à terme dans la communauté qui lui importe.

Dans les années 60 s’impose l’idée que pour qu’un prix se constitue « objectivement », il faut que les éléments subjectifs que nous venons d’évoquer s’évacuent du processus. La vente aux enchères anonymes s’imposerait alors : criée, cadran… L’invisibilité des acteurs permettrait aux vendeurs de tirer meilleur parti de la vente. Or c’est le contraire qui s’est produit : quand on laisse la détermination du prix à l’acheteur, celui-ci tombe au plus bas, au niveau de subsistance du vendeur et il y demeure !

Disons que l’expulsion du vendeur des mécanismes de vente constitue une spoliation, mais est aussi le reflet du rapport de force, inhérent à l’économie libérale, entre producteurs d’une part et transformateurs et distributeurs d’autre part. La vente aux enchères anonyme a eu pour conséquence d’attribuer la plus-value à l’acheteur. Elle est, sans doute, une des causes de la disparition des paysans dans ces trente dernières années. En rétablissant des circuits courts nous avons pour ambition de récupérer cette plus-value. Et pour cela, nous mettons en œuvre, sans le formuler, des éléments identiques à ceux que Paul Jorion observait au Bénin. Nous savons que nos clients « achètent le paysan avec le produit » et nous pouvons supposer que leur intérêt à la survie du paysan est alors plus fort. Ce d’autant plus que nous lui procurons un statut social valorisant : faire ses courses au marché ou se faire livrer du vin ou de la viande de « son » petit producteur permet d’afficher un certain art de vivre.

Si les éléments fondateurs du statut social ne sont pas identiques en Afrique et en France, les logiques qui les mobilisent lors des échanges de gré à gré sont les mêmes.

Que pouvons-nous retenir de ces constatations pour ce qui nous concerne ?

A. Le système agro-industriel à l’œuvre aujourd’hui en France ne permet pas au marché d’exister pour deux raisons – qui ne sont pas sans lien – les prix de revient de la nourriture sont trop élevés et les revenus des consommateurs ne le sont pas assez. Dès lors, pour que l’échange puisse exister, la puissance publique est obligée d’intervenir. C’est le rôle des subventions à l’agriculture qui font baisser le coût de revient de l’alimentation, et des politiques d’aide alimentaire qui relèvent le seuil de « subsistance de l’acheteur » dont nous parlions plus haut.

B. Nos clients des circuits courts en Europe payent par l’achat un prix généralement plus élevé que dans d’autres circuits de distribution. Ils payent en plus comme tout le monde par l’impôt, les aides directes et indirectes et les externalisations de coûts, dont bénéficient tous les paysans. Double peine ! Pour quelle justification ? Est-ce le cas dans d’autres pays ?

C. Dans nos prix de revient, dont on sait qu’ils sont une des bornes d’un échange marchand bien tempéré, quelle est la part liée au remboursement de prêts ? Cette part est de la capitalisation que nous faisons payer au client ; ne doit-t-elle pas être réduite au minimum ?

 Les circuits courts, et la vente directe tout particulièrement, en ce qu’ils rétablissent la vente de gré à gré, de face à face, doivent nous permettre d’appréhender cette notion de mesure dans les prix et de nécessaire réciprocité dans les échanges.

De l’augmentation des volumes, nous savons qu’elle est sans justification et vouée à l’échec. La transition écologique des modes de production est engagée et, peu ou prou, continuera. C’est bien de la maitrise de l’équitable allocation des ressources dont nous devons nous emparer, pour nous assurer que les politiques agricoles y prennent leur part. Pour cela nous avons entre autres besoin de comprendre et de maitriser les mécanismes de construction de nos prix. Le prix des produits agricoles est un reflet des processus qui engendrent la pauvreté et la dépendance des paysans et d’une partie non négligeable, et en augmentation, de la population.

Ces propos sont une approche incomplète et une incitation à rendre plus robustes nos positions.

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Rappel bibliographique : Paul Jorion, Le prix, Broissieux : Éditions du Croquant, 2010

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121 réponses à “CIRCUITS COURTS, VENTE DIRECTE ET CONSTRUCTION DES PRIX, par Jean-Claude Balbot, « paysan durable »”

  1. Avatar de louise
    louise

    Le samedi matin c’est le marché dans ma ville.
    Producteurs et/ou distributeurs locaux, il n’y en a qu’UN qui propose ses produits à des prix défiant toute concurrence : un producteur de pommes ! 0,80 à 1,20 € le kg !!
    Pas tout à fait local, je pense qu’il doit faire au moins 100 km pour venir.
    C’est aussi le seul à repartir à vide.
    Les autres sont des petits maraîchers, culture traditionnelle donc non bio, mais les légumes sont cultivés dans de la vraie terre et meilleurs au goût.
    Il y a aussi un grossiste qui fournit les distributeurs du coin.
    Donc pour les fruits, légumes, et les plants de tomates et autres salades les prix sont plus élevés sur le marché qu’à « l’inter » du coin, sauf une exception.
    Pour la viande même constat, elle est meilleure certes, mais plus chère.
    Les fromages idem, sachant que vous pouvez trouver du chèvre local dans la GD moins cher que sur le marché !!
    Donc, la ménagère qui dispose de 50 € pour faire ses courses et nourrir la famille pour la semaine, elle a vite fait ses comptes !
    Le « il vaut mieux manger moins et manger mieux » c’est pour ceux qui ont les moyens de manger !
    Les autres essaient de se nourrir le moins mal possible, avec quelques épées de Damoclès suspendues au-dessus de leur tête : est-ce que je peux me permettre d’acheter 4 steacks, sachant que je vais recevoir la facture (edf, gdf, loyer, téléphone …….), ben non, alors ce sera pot au feu ou poulet à 3 € le kg, avec un peu de chance, je pourrai en faire deux repas.

    1. Avatar de kercoz
      kercoz

      @Louise :
      L’avis d’ un « potager » :
      Pas de viande …trop de légumes en ce moment : fèves et radis …velouté de gousses de fèves et asperges ……pommes de terre nouvelles /petits pois et carottes a la sauce roquefort …… creme aux oeufs , fraises natures …… …vous pensez trop viande pour vous nourrir …meme si ce soir je programme une gaterie ‘pied de porc » et ce WE: riz de veau ….
      La réalité c’est que l’autonomie partielle légumiere coute du temps , ..pas tant en culture , mais en récolte et en cuisine …. et que vivre ainsi , induit un stress du fait d’ un délestage pris sur le putain de « boulot » …stress idiot car ce « travail » n’est financierement pas necessaire .

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Tain ! T’as déjà des patates nouvelles ? Avec l’avril qu’on a eu ? Tu les fous sous tunnel ou quoi ?

      2. Avatar de kercoz
        kercoz

        J’ai des rouges deja bien formées, je pensais les arracher pour faire de la place aux tomates et autre courgettes ….meme un peu petites , mais elles sont bien formées …plantées début mars .Pas assez de place pour des patates de stock…juste pour les « nouvelles » a la bretonne , cramées au beurre noir et plein de sel …cuisine bio , quoi ! (les pré cuire un peu a l’eau avant) .

      3. Avatar de chabian
        chabian

        à louise : au marché, on trouve de tout, aussi des détaillants venant de grossistes qui viennent de loin ou de la revente de produits presque périmés, etc. Au panier des producteurs, l’éleveur bio nous fait une bonne réduction sur le prix ‘point de vente directe’.
        Et on est tous à faire des compromis pour rentrer dans son budget (et dans les 24 heures d’une journée…).

        à Vigneron : j’avais des patates nouvelles dans mon panier de producteurs au 9 mai.

      4. Avatar de arkao
        arkao

        Il y en a qui ont de la chance de ne pas habiter dans le Nord. Facile les légumes primeurs quand on est à l’abri des saints de glace. Pas de problèmes de soudure, on dirait.

      5. Avatar de vigneron
        vigneron

        Début mars… C’est vrai qu’t’es dans les saloperies de graves d’Haut-Brion toi… On a eu deux pets de gelée en avril et la semaine dernière y gelait encore blanc à Bazas, vise un peu…

      6. Avatar de kercoz
        kercoz

        Je tente toujours qqs patates des fin fevrier debut mars ……si ça menace vers les seins de glace …je butte les premieres feuilles avec du BRF …De toute façon , je n’enterre presque pas le plant , je couvre de BRF …le plus curieux , c’est que que les patates s’enterrent ttes seules !

      7. Avatar de Renou
        Renou

        Dans le Léon, cette année c’était mi-avril les nouvelles. Mais bon c’est le Léon…
        @kercoz, «  cramées au beurre noir et plein de sel …cuisine bio , quoi ! « 
        Du beurre noir et plein de sel, bio?… Poisons « bio » alors…
        Inutile de saler les nouvelles et l’huile d’olive est ton amie.

      8. Avatar de kercoz
        kercoz

        @Renou …Les règles sont faites pour etre transgressées ….c’etait de l’ humour bio . sur que c’est pas trop digeste …mais c’est un rite printanier délicieux .

  2. […] background-position: 50% 0px ; background-color:#666666; background-repeat : no-repeat; } http://www.pauljorion.com – Today, 8:06 […]

  3. Avatar de Leboutte

    Bonjour,

    Merci pour votre billet. Je vous fais quelques observations dans le désordre.

    L’éviction du producteur est effectivement une plaie de la commercialisation agricole aujourd’hui. S’en prendre aux acheteurs surpuissants de la production agricole nous renvoie à des questions de politique générale et de classes sociales, à celle du pouvoir tout court accordé aux pouvoirs économiques dans une démocratie qui serait redevenue censitaire (Jorion) ou n’aurait jamais cessé de l’être (autres auteurs…)

    La manipulation du citoyen lambda, réduit aux statuts d’affolé du salariat et de consommateur aveugle, n’est pas moins grave.

    Par ailleurs le bradage des productions agricoles subventionnées des pays riches provoque la ruine, et pour une part l’assassinat, des paysans dans les pays pauvres. Les exemples sont innombrables, et Jean Ziegler en particulier en cite d’abondance, du maïs étatsunien qui a ruiné les campagnes haïtiennes depuis quarante ans, aux légumes subventionnés, originaires de l’Union européenne, mis à la vente sur le marché de Dakar à un prix inférieur à celui qui permettrait au paysan sénégalais de vivre ou de survivre.

    Enfin le fait que les circuits courts soient plus coûteux pour l’acheteur final montre bien que ce modèle ne peut représenter, en l’état, une solution globale.
    Ces consommations ne deviennent-elles pas des, ou ne s’ajoutent-elles pas aux, signes de différenciation et d’appartenance sociale ?
    Par exemple, comment peut être assumé le rapport personnel direct entre le producteur et l’acheteur dans ce modèle, si la transaction entretient deux modes d’existence inégaux, le vendeur dans la précarité et l’acheteur dans un confort du type « classe moyenne » plus ou moins supérieure, ou l’inverse ?

    J’ai du mal à voir dans les circuits courts autre chose qu’une démarche individuelle inévitable dans certains milieux peu ou prou éclairés – il faut bien honorer sa propre conscience ! -, mais tout à fait anecdotique sur le plan global. Sur ce plan, la problématique reste à peine écorchée, et la question des moyens reste entière…

    Cordialement !

    1. Avatar de Jean-Luce Morlie
      Jean-Luce Morlie

      @Leboutte

      Je vous cite une réflexion trouvée sur transrural-initiatives

      Les salariés = variable d’ajustement

      Les coopératives agricoles ont sans doute été avant-gardistes sur le plan social. Mais, elles ne le sont plus . Dans l e s secteurs de s c é r é a l e s e t du l a i t notamment, les salariés ne veulent pas ê t r e l a « v a r i a b l e d ’ a j u s t e m e n t » p assa n t a p r è s l a rémunération des coopérateurs paysans. «Entre la politique salariale de Danone et Sodiaal, c’est le jour et la nuit», s’exclame Christian Claude, responsable s y n d i c a l i s t e F G A – C F D T . I l d é n o n c e d e s g r i l l e s salariales où nombre de grades sont «collés au
      SMI C» e t s ’é tonne des campagnes de publicité m e n é e s p a r l e s coopératives sur les métiers ,fortement subventionnées, alors que les compétences internes ne sont pas valorisées ni encouragées.

      http://www.transrural-initiatives.org/numero-241-250/TRI265dossierj.pdf

      Le déficit démocratique de l’économie sociale est peu analysé; le fait que les vocables de l’économie solidaires aient le vent en poupe n’arrange pas les choses. Dans la crise, les collusions entre les nomenclatures locales et les entrepreneurs sociaux locaux ne vont pas manquer à se fortifier « pour sauver la « philia ».

      Dans ce cadre, je crains que « la formation du prix », en dehors de l’idéologie de l’offre et de la demande, ne soit instrumentalisée comme validation d’une réorganisation sociétale sur base des rapports de forces existants.

      Peut-être pour des raisons différentes de vôtres, l’utilisation idéologique spectaculaire du monde agricole me paraît évidente, la propriété sera attaquée (régulée) au niveau du logement du petit propriétaire de logement locatif, mais non pas sur la propriété terrienne. Il s’agira en effet de donner un os idéologique à ronger aux foules urbaines et de leur donner à manger en conservant le socle de l’agro business, c’est-à-dire, le groupe social des 19% propriétaire de plus de + 10ha qui occupent 59,3%.des exploitations agricoles. Les 43% de propriété agricole (-20ha ) qui occupent seulement 4, 6% de la superficie agricole, seront chargée de faire mousser la solidarité, mais comme sauce de leur intérêt à garder le patrimoine dans la famille tout en occupant la main d’œuvre inoccupée. Que restera-t-il d’autre ?

      Je ne crois pas qu’un « changement de cadre » suffise, car après tout, tandis que certains préparent leurs radeaux, d’autres préparent leur débarquement délictueux, afin de racheter la Grèce et aussi « leur Grèce » à bas prix . Comme « outil pour penser », l’économie » laisse derrière elle un grand vide, et le politique ne va pas mieux, à moins que de réaffirmer le credo d’un retour à la lutte des classes frontales, comment progresser dans l’analyse des rapports sociaux entre groupes, et notamment comment penser le groupe social qui prospère sur le rapport social de redistribution, redistribuer l’abondance ou la rareté, c’est toujours redistribuer? Qu’en pensez-vous ? Comment aborder politiquement le contexte de la domination?

      Dans cette société qui est égalitaire, car c’est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d’aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l’homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et, parmi les intellectuels, il ne reste plus que quelques solitaires pour considérer ce qu’ils font comme des ouvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire. « 

      A. Arendt

      1. Avatar de olivier69
        olivier69

        Jean-Luce Morlie
        Et quelle serait la solution? puisque je constate que vous ne croyez pas à la ruralité.
        Permettez-moi, l’agrobusiness, vous parlez de quelle campagne? ou plutôt de quelle conception de la campagne?
        Le paysan n’a pas une culture d’agriculteur productiviste.
        Et j’espère que vous y vivez au moins? Curieusement, je pense que vous avez misé sur l’urbanisation.
        Je ne comprends pas votre démarche : vous souhaitez une révolution de la propriété privée ?
        Je vous invite à relire le post de Louise plus haut (son papa).
        Vous comprendrez que tout ne s’achète pas. Et surtout en campagne…..
        Ce n’est pas avec des mots que l’on fait pousser des carottes.
        A+

      2. Avatar de Jean-Luce Morlie
        Jean-Luce Morlie

        Si je crois en « la ruralité » ? Ben oui! ’ kâmême’ – Tityre sub patulaue recubans … » – ; ce que Virgile écrivait -là , était déjà , à l’époque, vicelard au vu de la situation politique… En France, la société traditionnelle, au sens de Varagnac, (ref. néolithique) n’a déclinée que saignée par 14-18.

        Je pense qu’il y aura des foyers de municipalismes libertaires s’opposant au municipalismes bureaucratiques qui, de gauche et de droite, tenteront de consolider une classe des redistributeurs, lesquels « au nom du traitement de classes malheureuses, accessoirement dites « dangereuses », pomperont les classes moyennes, puisque les « marxistes » durs et purs espèrent les radicaliser pour s’emparer du « pouvoir du peuple ».

        Les chômeurs y seront traités à l’empathie bucolique, voire à l’éveil aux Enthéogènes, ce blog nedéclinerait-il 😉 ? Si s si 😉

        Un changement de cadre demandera un changement de contexte, car, sans cela, nous régresserons ( Bateson, Laborit). Que voulez-vous, ces deux-là font partie de ma mémoire et, je ne vais pas me défaire de ma mémoire pour vous faire plaisir, bien sûr, nous pouvons discuter sur pièce).

        Accessoirement, l’affaiblissement du pouvoir central accompagne le renforcement du pouvoir local – magouille- (c’est en marche depuis trente ans, les socialistes y sont experts, eux aussi, voyez les mésaventures d’un Montebourg ).

        Mais plus directement : un système social fonctionne comme un tout, villes et campagnes associées ! Aussi, les bluettes « convivialistes » « survivalistes », n’ont aucune pertinence devant les problèmes de gestion des Mégapoles -deux mois sans eau et c’est le choléra grave !- ou pouf pouf pouf.

        « Le prix » comme rapport de forces dans le cadre de la « philia, » demande une approche balzacienne, car chacun de nous devrait y comprendre finement la position de chacun des groupes sociaux, comme dans le face à face pêcheur-mareyeur ( nous en avons les outils) , mais aussi, évolution oblige, comprendre comment le système nerveux de chacun de nous peut trouver des satisfactions plus fines que celles que nous donnent les bons vieux bénéfices de la mémoire des formes de la dominance, lesquelles sont historiquement acquises par notre paléoencépale.

        Jorion utilise l’image d’une Ferrari (néocéphale), lequel piloterait une brouette (paleocencephale) ; il conviendrait, je crois et avec Laborit, de renverser l’image de Monod ; notre brouette paléoensencéphalique a bien du mal à couvrir les vieux rugissements, acquis, de notre Ferrari paléencéphalique , quand celle-ci pousse les cris de « propriété » « liberté « égalité » etc.

        PS, sur quel paquebot , en face d’Athène, Godard a-t-il filmé « socialisme » – : Aujourd’ hui, les salauds sont sincères ?

      3. Avatar de kercoz
        kercoz

        @Jean luce :
        /// un système social fonctionne comme un tout, villes et campagnes associées ! Aussi, les bluettes « convivialistes » « survivalistes », n’ont aucune pertinence devant les problèmes de gestion des Mégapoles -deux mois sans eau et c’est le choléra grave !- ///
        il vous faudrait vous réferer a des chiffres et des infos plus pertinentes (Je vous conseille le site Manicore , Jancovici malgres ses orientation est un ingénieur de haut niveau .
        L’eau sous pression ne manquera pas …il suffit de 2 ou 3 kw pour remonter de l’eau ds un chateau d’eau ….un petit groupe peut le faire …
        Par contre en cas de bug , meme pas un gros bug , mais celui de maintenant poursuivi qqs temps …l’urbanité n’a plus de raison d’ etre ….. les boulots qu’on y trouve ne peuvent que disparaitre puisqu’ils ne sont pas , pour la pluspart , axés sur la production de biens essentiels .
        Villes et campagnes associées ! ben tien ……je peux vous preter une binnette pour cette asso (humour inside) ….

      4. Avatar de olivier69
        olivier69

        Bien sur,
        Vous voyez, vous parlez d’une campagne avec mépris que vous ne connaissez pas. C’est caractéristique des « oracles ».
        En effet, certaines personnes auront toujours peur de l’inconnu mais d’autres serviront toujours de guide.
        Je dirai plus simplement : vous défendez votre biftek, mais attention, vous n’aurez sans doute bientôt plus de pain blanc.
        « Magouille », c’est démagogique et arbitraire car c’est la guerre « des petits chefs » qui nous a donné ce joli monde en noir et blanc (libéralisme et socialisme). Optez pour la couleur (générationnel) et vous changerez d’époque (de cadre comme vous aimez à le dire).
        La littérature est une arme, le jardinage, une autre……
        Je vous laisse digérer vos mots, et je retourne à mes carottes.

    2. Avatar de vigneron
      vigneron

      J’ai du mal à voir dans les circuits courts autre chose qu’une démarche individuelle – inévitable dans certains milieux peu ou prou éclairés – mais tout à fait anecdotique sur le plan global.

      Tout à fait. Pour les pratiquer depuis plus de trente ans, je confirme. Un prof d’économie rurale, un brin moqueur (jésuite il est vrai), me l’avait soutenu alors. Je lui avais ri au nez. A tort.

      1. Avatar de Jean-Luce Morlie
        Jean-Luce Morlie

        Désolé, il fallait lire :

        c’est-à-dire, le groupe social des 19% propriétaires de plus de + 100ha qui occupent 59,3%.de la superficie agricole de la France.

        http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=nattef10203

        A+

      2. Avatar de Kercoz
        Kercoz

        Il a une évolution inéluctable de certain,s chiffres liés a l’énergie et aux mat.prem qui formatent les modélisations de conjectures « possibles », mais dont l ‘éventail est des plus réduits ……Bien que le gus soit criticable et critiqué ses chiffres et courbes sont des données incontournables :
        http://www.manicore.com/documentation/transition_energie.html

      3. Avatar de j-c balbot
        j-c balbot

        Je partage votre point de vue en ce qui concerne la partie bien repue de l’humanité ; mais le restera-t-elle ? Les circuits courts nourrissent actuellement la majorité des habitants de cette planète. Peut-être que cela ne convenait pas au jésuite. Ils sont pourtant bien placés pour le savoir. Ça ne sent pas un peu le jésuite, partout sur cette terre ?
        L’évolution de ce mode de commercialisation m’importe à ce titre essentiellement. Mais ici aussi, Il permet d’installer en ce moment des jeunes que nous gagnerions à connaître un peu mieux. Ils sont nombreux, déterminés et, pour certains, trouvent que le monde dont ils héritent n’est pas convenable. Il faut bien que jeunesse se passe,me direz vous sans doute ? Et bien j’ai des doutes à ce sujet. Quand j’écris le billet plus haut je le fais en m’adressant à des lecteurs en majorité connus, avec des mots et des intentions à peu près partagés. Mais je pense par ailleurs que la ville doit être le sujet de la plus grande attention ; que c’est en ville que vivent et se nourrissent la majorité des Français ; et que c’est très bien ainsi.Il faut rendre nos villes habitables, encore un effort camarade. J’ai une bonne conscience et connaissance personnelle de cela. Je plaide pour que la politique alimentaire soit bâtie de manière démocratique et ne serve pas comme c’est le cas actuellement les intérêts d’un nombre de plus en plus petit. Le complexe agro-industriel a échoué. Peut-il se réformer ? J’en doute. Va-t-il s’écrouler ? Je ne le souhaite pas, il me tomberait dessus. Sur ma famille, mes amis, mes voisins, ceux que j’aime et ceux que j’aime un peu moins ! Le capitalisme à l’agonie certes, mais à ce compte le capitalisme est mon agonie. Je ne sais pas si ce que je fais (et écrit !) va changer le monde mais je pense que si le monde change il aura besoin de ce que je fais. Quelle prétention !

      4. Avatar de vigneron
        vigneron

        Kercoz, tu sais très bien que le gentil retraité qui prend sa gentille Mégane diésel pour aller gentiment ramasser lui-même ses deux kilos de gentilles fraises chez le gentil maraîchèr ou le gentil fraisiculteur du coin consomme plus de gas-oil par barquette que celui, vilain, qui prend ses fraises marocaines, vilaines, au Leclerc, vilain, dans son caddie du samedi matin.

      5. Avatar de kercoz
        kercoz

        @ Vigneron :
        Je crains que ça va se déliter plus que ne le prévoient certains ….plus de bobo’s a mégane ….selon moi , un des modèles est un redépart a partir d’une auto suffisance sur laquelle s’appuiera une rémanence moderniste ….. mais ce redépart se fera plus par des immigrés récents ( beaucoup de roumains par ex ds le tarn) qui sont bien content d’occuper d’anciennes batisses a jardin…et a bosser sur les fruitiers locaux , et qqs « locos » de souche ou désouchés …
        C’est un modèle de repli , le modèle qui risque grave c’est le « collage » au modèle actuel , avec un max de kakis …regarde les courbes de Janco , c’est l’énergie qui distribue les cartes …tout va bien le baril baisse !

  4. Avatar de Lou
    Lou

    Merci d’avoir publié l’article ! et, puisque vous cherchez à avoir des feedbacks ça me permet de vous donner le mien : vous dites pourtant qu’il y a autre chose en jeu qu’une affaire de besoin, alors comment envisagez vous une « équitable allocation des ressources » ?
    J’ai l’impression que vous continuez à penser l’équité en terme de besoin : l’économie n’est pas une affaire de besoin, c’est une affaire de volonté. Essayer donc d’y trouver la logique d’une mesure : imaginez, les consommateurs veulent les détruire les paysans qui les nourrissent, s’ils coûtaient un seul regard ça serait déjà l’effort d’avoir à mesurer ses désirs : on ne veut pas les voir.

    « Nous savons que nos clients « achètent le paysan avec le produit » et nous pouvons supposer que leur intérêt à la survie du paysan est alors plus fort. »
    De quelle genre de sympathie s’agit-il ?
    Celle là ? http://www.youtube.com/watch?v=lvHycIZ3aQY&feature=BFa&list=LLGS_ZEMSAkZYO7hYbx8wInA
    ^ o ^

  5. Avatar de olivier69
    olivier69

    Lou,
    La sympathie passe après l’intérêt générationnel (celui de nos enfants).
    Si l’espoir des prochaines générations repose sur la supposition alors je plains nos enfants.
    Ensuite, je vous cite : « nos clients « achètent le paysan avec le produit » », je dirais plutôt que la volonté de détourner sa propre responsabilité sur l’autre, empêche la mise à nue de nos comportements en favorisant les pratiques d’un autre age. Croyons que tout s’achète, alors ne nous plaignons pas de l’avenir offert à nos enfants. Nous serons tous confrontés à notre bilan…..
    Conseil de jardinier : Ne semez pas le vent, vous récolterez la tempête.
    On ne cherche pas l’équité mais la responsabilité !
    Quel est l’intérêt de chercher à avoir lorsque l’on trouve ?

  6. Avatar de Lou
    Lou

    Olivier, je ne défends pas les désirs fascistes qui s’introduisent dans mon quotidien et investissent les agencements sociaux, je les vois, c’est différent.
    J’essaye de penser comment avoir un effet sur le réel, je n’aime pas l’idée de responsabilité, et ce que je retiens c’est l’idée des visibilités : je suis entièrement d’accord avec l’idée de créer des conditions de visibilités, ça consiste à créer la connaissance de la relation qui me lie au monde et la possibilité d’avoir une prise dessus.
    Là où je suis un peu sceptique c’est que vous semblez vouloir dire que le « marché » n’attend que ça, alors que vous dites aussi que le marché du libre échange s’est justement crée sur la dissimulation, et là moi je dis que c’est même à ça qu’il sert, qu’il sert à dissimuler, à piller et à dominer tout en se cachant et que c’est pour ça qu’il a du succès.
    Aujourd’hui on peut tous se prendre pour des héros, penser ce qu’on veut, de toutes manières on peut rien prouver :  » on a pas le choix  » il faut bien aller au supermarché plutôt que chez le paysan, de toutes manières les paysans ça leur convient bien, et puis il y en a ce sont des voleurs, etc. dit la petite voix fasciste.
    la dissimulation ça arrange tous les individus qui se mentent à eux mêmes. Que vous ayez gagné 10 euros lâchement au lieu que vous aillez manqué de les gagner en faisant preuve de courage, vous pouvez être sur que la jolie fille employée au Super U vous soupçonnera jamais d’avoir gagné ces 10 euros comme un lâche, d’avoir été dégueulasse, elle pourra jamais le prouver.
    Je ne critique pas les initiatives de vente directe, je pense simplement qu’étant donné l’intérêt qu’exerce la dissimulation, ça serait une erreur de croire qu’on puisse, à travers elles, sensibiliser tous types de personnes à leur environnement, puisque certains types de personnes n’ont justement pas intérêt à entrer dans ce genre d’agencement présentant des conditions de visibilités différentes, et je ne parle même pas seulement des fascistes, je parle aussi des gens qui ont du mal à entrer en relation avec des inconnus et qui pourtant payent leurs articles au supermarché avec le même naturel que les autres, ceux qui auraient peur de ne pas avoir le sentiment d’avoir payé le « juste » prix, dans l’un et l’autre cas ces sentiments sont procurés par le supermarché dont c’est le business.
    C’est là à ce niveau qu’il y a quelque chose qu’accomplissent les agencements majoritaires, le marketing etc. là qu’il y a capture du sens collectif qui relie.
    Il faut sortir la régulations des signes et des visibilités des entreprises et redéployer les investissements sur des machines collectives.
    Comment lutter par exemple, lorsqu’on est un paysan moche – ça arrive : il se trouve qu’un supermarché peut décider de n’employer que des jeunes hommes et des jeunes femmes qui s’approchent des signes déployés par les magazines. Vous direz que c’est débile, mais il se trouve qu’on peut avoir plus envie de côtoyer dans son quotidien les signes investis positivement par une écrasante majorité -invisible et potentiellement illusoire, plutôt que d’avoir affaire à un homme ou une femme qui nous renverra le feedback d’une banalité ennuyeuse.
    Voilà de quoi est capable une entreprise de distribution : tout est dissimulé, et on ne montre que ce que vous voulez voir.
    Et ni de vous ni des cerveaux derrière tout ça, ce qu’il aura fallu de violence pour réunir tout ce petit bonheur dans votre journée on en saura jamais rien : c’est le contrat. Comment être plus cool que ça ?
    Faut montrer ce qu’on ne veut pas voir et savoir si c’est ça qu’on veut.
    Il y en a oui ils veulent vivre dans le mensonge, encore une fois je crois que c’est même à ça que sert le marché du libre échange.

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