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Alors que la zone euro meurt de mille coupures, la banque J.P. Morgan Chase connaît désormais le même sort : elle a dû révéler pour cause de bilan trimestriel une perte de plus de 2 milliards de dollars avant même de pouvoir déboucler ses positions, ce qui permet maintenant à chaque autre parieur de jouer contre elle et de l’enfoncer encore davantage.
Pourquoi les positions ne peuvent-elles être débouclées ? Parce qu’elles sont trop énormes, parce qu’elles constituent une portion trop importante du marché lui-même qu’elles avaient déjà contribué à déstabiliser par leur simple existence. Ce sont d’ailleurs les plaintes des hedge funds « squeezed », écrasés par la présence dominante de la plus grosse banque américaine qui avaient alerté la presse le mois dernier, attirant au passage l’attention sur Bruno Iksil, trader français surnommé, depuis que la taille de ses positions au bureau londonien de J.P. Morgan Chase a été connue, « la baleine de Londres ».
Hier, le montant de l’addition pour J.P. Morgan Chase a été augmenté d’un milliard de dollars pour passer à plus de trois, mais le chiffre de cinq est déjà mentionné. Quel est le montant maximum que la perte pourrait atteindre vu la taille des positions ? Cent milliards de dollars. Dans l’article de Vitali, Glattfelder et Battiston intitulé The network of global corporate control dont une traduction française est disponible ici sur le blog, et que j’avais présenté sous l’appellation de « Les maîtres du monde », J.P. Morgan Chase est N°6 à l’échelle mondiale.
Jamie Dimon, P-DG de la banque, était jusqu’ici l’un des plus farouches adversaires de la régulation du monde bancaire (on se souvient de la passe d’armes qui l’avait opposé à Nicolas Sarkozy à Davos l’année dernière [*]). Il a perdu de sa superbe et ses propos récents aux journalistes sont un mélange embarrassant d’humilité et d’incohérence. Le fait est qu’il s’apprête à boire le vin jusqu’à la lie. Sa banque de maître du monde est désormais échouée sur la plage comme en effet, une baleine. La grue assez grande pour la remettre à l’eau n’existe pas (rappelant à notre bon souvenir une autre grue indispensable de l’autre côté du Pacifique qui n’existe elle pas non plus). L’énorme animal est condamné à s’asphyxier petit à petit sous son propre poids. La mort de Lehman Brothers, qui n’était lui encore qu’un gros marsouin avait déjà provoqué de sérieux remous, alors celle d’une baleine comme J.P. Morgan Chase… On parlait il y a quelques années de démanteler les établissements financiers « Too big to fail », mais ces paroles se sont perdues dans le vent.
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(*) Ici.
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65 réponses à “J.P. MORGAN CHASE : LA BALEINE ÉCHOUÉE”
[…] vous souvenez de la « baleine de Londres » ? C’est une affaire dont on parlait, y compris ici, au printemps 2012. Au centre de cette affaire, Bruno Iksil, trader chez J.P. Morgan Chase à […]