J’ai commencé d’écrire mon livre qui s’appellerait Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard), en 1984. Il fut fini d’être rédigé en 2004. Au tout début 2007, avec l’aide inlassable de Marcel Gauchet, Pierre Nora et Olivier Salvatori, commença le travail de réécriture et de finition, qui devait déboucher sur sa publication à l’automne 2009.
En tout, plus de vingt années consacrées à la lecture d’Aristote (… en trois langues), de la logique des Scolastiques (parfois en latin !), de Leibniz, Hegel et Wittgenstein, de Galilée, Poincaré, Meyerson et Duhem, de multiples histoires des mathématiques d’Eudoxe à Abraham Robinson, et ainsi de suite.
Pourquoi vous infliger cet inventaire à la Prévert ? Parce que l’autre jour, quand j’ai consacré un billet à un sujet de cet ordre-là, un commentateur (ou il me semble que c’était une commentatrice), m’a rabroué avec vivacité en me disant (je cite de mémoire) : « M. Jorion, un peu de décence : continuez à nous parler de finance, continuez de nous parler des choses que vous connaissez mais, s’il-vous-plaît, épargnez-nous de déblatérer sur les choses que vous ne connaissez pas ! »
Les bras m’en sont tombés, j’ai levé les yeux au ciel et je me suis adressé à lui en poussant un grand soupir : « Et moi qui imaginais que c’était cela mon VRAI métier ! »
Pourquoi vous rappeler l’anecdote toute entière ? Parce que les hasards du calendrier ouvrent pour moi une période d’immense indécence au sens de ma lectrice puisque je m’apprête à parler en mai du Grand Tournant des sociétés humaines à Aosta dans le Val d’Aoste en Italie, de La banque, la finance, et la Suisse en particulier à La Chaux-de-Fonds en Suisse, de « Peace, brother » et autres mirages psychédéliques au Studio 104 à Paris et que j’aurai à Montpellier, l’immense honneur et le grand plaisir de débattre avec Jean-Claude Michéa De tout et de n’importe quoi dont il nous paraît indispensable de parler aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard.
N.B. À part le titre de la conférence à Aoste, ce ne sont pas les titres exacts de ces causeries, juste des surnoms que je leur ai données.
Mercredi 2 mai à 17h, Le grand Tournant des sociétés humaines, à la Maison de Babel, Place Chanoux, Aoste, Italie
Jeudi 3 mai à 20h15, Ce qui doit changer. Et les forces qui s’y opposent, Centre de culture, d’information et de rencontre, 64 rue de la Serre, La Chaux-de-Fonds, Suisse
Vendredi 4 mai à partir de 19h, La nuit ouf #4 – Un autre monde. 2012, an 01, la contre-culture s’organise, Le Centquatre, 5 rue Curial, 75019 Paris, métro Riquet
Mercredi 16 mai à 20h30, Où en sommes-nous ?, Agora des savoirs, Centre Rabelais, Esplanade Charles de Gaulle, Montpellier
65 réponses à “LE GRAND TOUR(nant) – ITALIE – SUISSE – FRANCE”
Cher paul Jorion
Merci pour Comment la vérité (éclairant et riche jusqu’à l’opulence)! Bien naïfs sont ceux qui n’ont pas compris que vous êtes aussi un philosophe passionnant.Quid du complexe significabile, et quid du syncatégorème?
M.
Le « complexe significabile » a été réglé une bonne fois pour toutes par Al il y a deux semaines, et ce grâce aux interventions de Mor… Voilà, c’est fini, on en parle plus… terminé, plus de complexe…
Comme quoi, sur le blog de P.Jorion, on ne fait pas que chercher… on trouve aussi…
Enfin, JE trouve…
D’ailleurs, si vous avez des questions qui vous turlupinent depuis des siècles… n’hésitez surtout pas… je suis là pour ça… C’est ma spécialité… Si vous avez perdu vos clés de bagnole par exemple, et bien je vous les retrouve… (satisfait ou remboursé)…
Est-ce une boutade, AI ?
salut Mor,
Pourquoi cette question…?
Ne me dites pas que vous avez encore perdu vos clés…
Ah oui, les clés ! Il y en a trop sur le même porte-clés, on ne peut plus rien ouvrir.
@ Mor
Voilà, c’est ça l’idée… lorsque les clés n’ouvrent plus les serrures, il faut dégonder les portes
Si les portes sont blindées, il faut défoncer les murs
Si les murs sont incassables, passons par la plomberie…
Si tout est hermétique, c’est qu’il n’y a rien de bon dans cette voie…
S’il n’y a rien de bon par là, il faut aller voir ailleurs et construir une autre cabane… sans porte, sans serrure et sans clé…
Et voilà, encore la résolution d’un problème… Je crois que nous formons une sacré équipe vous et moi… ça ne lambine pas… ça trace…
Le Centquatre, ancien service des pompes funèbres de Paris.
Lieu idéal pour prononcer l’oraison funèbre d’un monde à l’agonie.
Ouais, d’ailleurs, aujourd’hui, c’est un centre spécialisé dans les artistes morts…
Heureusement, P.Jorion va aller nous réveiller tout ça….
Privatisation du marché de la mort. Ils nous poursuivent jusque dans la tombe.
http://www.senat.fr/rap/r05-372/r05-3728.html
@ arkao
Il y avait jeudi dernier sur France 2 une émission animée par Elise Lucet. Il y était question des laboratoires pharmaceutiques qui inventent des maladies pour faire marcher le commerce, avec bien entendu, quelques dégâts collatéraux, c’est à dire quelques morts à la clé.
Ces deux exemples (le vôtre et le mien) montrent que ce système est véritablement morbide.
la vérité Suisse n’est pas la même que l’Italienne, mais la vérité vraie, c’est la française ; in vino veritas 😉
(on est tous le mensonge d’un vigneron)
Si cette maxime est « parole d’évangile » , alors la vérité serait plutôt latine et proférée par Pline l’ancien .
Enfin bref , elle serait latine ; ça ne plaira pas à Angela Merkel ,
Pour garder une chance de paix en Europe et de par le monde , on va encore attendre un peu pour statufier la vérité .
Mais attention , à Aoste , la vérité peut être dans la « grappa » , à ne pas manquer .
En user modérément , comme des certitudes .
@ karluss
» C’est pour cette raison que l’armée allemande n’a jamais pu aller au-delà de Bordeaux , ils étaient trop bourrés . »
Clausewitz .
taratata, le vigneron fait le champ de bataille, les légions romaines s’arrêtaient là où la vigne ne poussait plus.
« M. Jorion, un peu de décence : continuez à nous parler de finance, continuez de nous parler des choses que vous connaissez mais, s’il-vous-plaît, épargnez-nous de déblatérer sur les choses que vous ne connaissez pas ! »
Paul Jorion a la capacité et l’audace de penser par lui-même. René Thom également. De très rares exceptions dans le monde d’aujourd’hui.
Et lorsqu’on les lit et que l’on s’aperçoit que leurs discours sont compatibles entre eux (ama plus que ça) et forts différents des discours officiels…
Paul était un apôtre .
René un prénom fabriqué par les apôtres : Re -né , né deux fois , une fois de la vie naturelle et une fois de la vie surnaturelle . Une sorte de Jésus quoi .
Quant à conclure » en vérité je vous le dis » , dans la bouche de l’un ou l’autre , ma capacité de penser par moi même me donne une saine prévention , qui a l’avantage de me « classer » dans les rares exceptions mondiales ( au moins ) .
@ juan nessy
« ma capacité de penser par moi même »
Je vous envie.
Je pense par moi même
Tu penses par toi même
Il pense par lui même
Nous pensons par nous mêmes
Vous pensez par vous même
Ils pensent par eux même .
Fnur pense par medium interposé .
Penser par soi même , c’est peut être se faire sa propre identité entre réalité et vérité .
Enfin , je pense … ou je CROIS …. je ne SAIS plus .
juan nessy
Les éléments de langage qui permettent, ou pas, de penser ne viennent pas de soi.
On peut penser pour ou contre, mais on pense toujours via le langage qui ne nous appartiens pas, tout comme l’histoire. Personne n’est une bulle isolée.
@fnur :
Certes , mais un langage est d’autant plus vivant et fécond que ses utilisateurs( trices) le font pétiller d’une infinité de petites bulles qui se comprennent entre elles .
Penser par soi même, encore un slogan nunuche, comme si on pensait par soi même.
Après plus de cent ans de psychanalyse, on en est encore là à se faire plaisir avec des fadaises narcissico-nombrilistes de ce genre. Y a encore du boulot…
@ fnur
Dans mon idée penser par soi-même signifie seulement ne pas penser comme Lucky:
En attendant Godot, Samuel Beckett,
« Monologue de Lucky, « Pense, porc ! »,
Le personnage de Pozzo ordonne à son valet et esclave qu’il maltraite, Lucky de penser.
LUCKY (débit monotone). – Étant donné l’existence telle qu’elle jaillit des récents travaux publics de Poinçon et Wattmann d’un Dieu personnel quaquaquaqua à barbe blanche quaqua hors du temps de l’étendue qui du haut de sa divine apathie sa divine athambie sa divine aphasie nous aime bien à quelques exceptions près on ne sait pourquoi mais ça viendra et souffre à l’instar de la divine Miranda avec ceux qui sont on ne sait pourquoi mais on a le temps dans le tourment dans les feux dont les feux les flammes pour peu que ça dure encore un peu et qui peut en douter mettront à la fin le feu aux poutres assavoir porteront l’enfer aux nues si bleues par moments encore aujourd’hui et calmes si calmes d’un calme qui pour être intermittent n’en est pas moins le bienvenu mais n’anticipons pas et attendu d’autre part qu’à la suite des recherches inachevées n’anticipons pas des recherches inachevées mais néanmoins couronnées par l’Acacacacadémie d’Anthropopopométrie de Berne-en-Bresse de Testu et Conard il est établi sans autre possibilité d’erreur que celle afférente aux calculs humains qu’à la suite des recherches inachevées inachevées de Testu et Conard il est établi tabli tabli ce qui suit qui suit qui suit assavoir mais n’anticipons pas on ne sait pourquoi à la suite des travaux de Poinçon et Wattmann il apparaît aussi clairement si clairement qu’en vue des labeurs de Fartov et Belcher inachevés inachevés on ne sait pourquoi de Testu et Conard inachevés inachevés il apparaît que l’homme contrairement à l’opinion contraire que l’homme en Bresse de Testu et Conard que l’homme enfin bref que l’homme en bref enfin malgré les progrès de l’alimentation et de l’élimination des déchets est en train de maigrir et en même temps parallèlement on ne sait pourquoi malgré l’essor de la culture physique de la pratique des sports tels tels tels le tennis le football la course et à pied et à bicyclette la natation l’équitation l’aviation la conation le tennis le camogie le patinage et sur glace et sur asphalte le tennis l’aviation les sports les sports d’hiver d’été d’automne d’automne le tennis sur gazon sur sapin et sur terre battue l’aviation le tennis le hockey sur terre sur mer et dans les airs la pénicilline et succédanés bref je reprends en même temps parallèlement de rapetisser on ne sait pourquoi malgré le tennis je reprends l’aviation le golf tant à neuf qu’à dix-huit trous le tennis sur glace bref on ne sait pourquoi en Seine Seine-et-Oise Seine-et-Marne Marne-et-Oise assavoir en même temps parallèlement on ne sait pourquoi de maigrir rétrécir je reprends Oise Marne bref la perte sèche par tête de pipe depuis la mort de Voltaire étant de l’ordre de deux doigts cent grammes par tête de pipe environ en moyenne à peu près chiffres ronds bon poids déshabillé en Normandie on ne sait pourquoi bref enfin peu importe les faits sont là et considérant d’autre part ce qui est encore plus grave qu’il ressort ce qui est encore plus grave qu’à la lumière la lumière des expériences en cours de Steinweg et Petermann il ressort ce qui est encore plus grave qu’il ressort ce qui est encore plus grave à la lumière la lumière des expériences abandonnées de Steinweg et Petermann qu’à la campagne à la montagne et au bord de la mer et des cours et d’eau et de feu l’air est le même et la terre assavoir l’air et la terre par les grands froids l’air et la terre faits pour les pierres et les grands froids hélas au septième de leur ère l’éther la terre la mer pour les pierres par les grands fonds les grands froids sur mer sur terre et dans les airs peuchère je reprends on ne sait pourquoi malgré le tennis les faits sont là on ne sait pourquoi je reprends au suivant bref enfin hélas au suivant pour les pierres qui peut en douter je reprends mais n’anticipons pas je reprends la tête en même temps parallèlement on ne sait pourquoi malgré le tennis au suivant la barbe les flammes les pleurs les pierres si bleues si calmes hélas la tête la tête la tête la tête en Normandie malgré le tennis les labeurs abandonnés inachevés plus grave les pierres bref je reprends hélas hélas abandonnés inachevés la tête la tête en Normandie malgré le tennis la tête hélas les pierres Conard Conard… (Mêlée. Lucky pousse encore quelques vociférations.) Tennis !… Les pierres !… Si calmes !… Conard !… Inachevés !… »
Heureusement, nous autre français sommes des veaux, pas des porcs.
Paul, un apôtre ? Je croyais qu’il était un chanteur de country … !
penser par soi-même, c’est penser et confronter son ressenti. penser n’a pas forcément besoin de mots.
@methode :
Descartes ne va pas être content de vous , car lui discourt :
http://descartes.free.fr/
juan,
comme je le vois penser et confronter nôtre ressenti ne signifie pas penser juste, mais c’est déjà être sur une bonne voie pour.
voyez par ici http://fr.wikipedia.org/wiki/Maya_%28sanskrit%29
en toute confidence, j’aimerais tant n’avoir ne serait-ce qu’un aperçu.
Cher Paul,
Cela en fait, effectivement, des raisons d’être accusé de vous mêler de tout. Mais vous faites tellement moins bien que ces factotums de l’expertise que se refilent les médias, telle une chaude-pisse, et dont le trust n’est contesté que par d’obscurs universitaires mal dégauchis, barbus, jaloux et frustrés, comme de bien entendu. Continuez à faire moins bien. Vous avez d’autres relais, déjà bien établis, qui vous persuaderont peut-être un jour de quitter tout à fait le Titanic moral et intellectuel où ces messieurs multicartes et multivices se sont embarqués. Je les crois indécrottables.
Mercredi 16 mai à Montpellier…
J’aimerais beaucoup profiter de cette chance de vous voir « en vrai ». Faut-il s’inscrire pour cette soirée, auprès de qui ?….
Entrée libre
On est sauvés !!!!
http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/735091/l-ue-prepare-un-plan-marshall-de-200-milliards-d-euros.html
Mouahahahah
… J’aimerai bien savoir sur quel fil ce commentaire a été posté… ça concernait quel billet…?
… Ce genre de sailli est déjà comique en soi (j’adore lire des niaiseries péremptoires, ça me délasse)… mais j’aimerai bien avoir le contexte… merci
J’aurais vraiment aimé assister à cet entretien, malheureusement, comme je suis loin de la belle cité de Montpellier, ce ne sera pas possible. J’espère vivement que le débat sera filmé et qu’il y aura moyen de le voir sur le web.
Je pense en effet que la réflexion de Jean-Claude Michéa est extrêmement intéressante (et je recommande à ceux qui n’ont pas lu L’empire du moindre mal ou Impasse Adam Smith de le faire).
A défaut, on peut au moins regarder la vidéo de cet entretien dans lequel il expose une partie importante de ses idées : http://www.dailymotion.com/video/xfnts4_entretien-avec-jean-claude-michea_news
D’autres vidéos de Michéa ici : http://www.dailymotion.com/video/xphxyh_jean-claude-michea-le-socialisme-des-origines-gauche-droite-l-alternance-unique-3-3_news
Voir aussi le compte rendu de l’entretien avec des membres du MAUSS : http://www.journaldumauss.net/spip.php?article308
Il y a, à mes yeux, peu de penseurs aujourd’hui qui fournissent autant d’éléments de compréhension du système dans lequel nous sommes empêtrés. Une bonne partie de l’intérêt de son propose réside, je pense, dans la manière dont il met en évidence les liens intimes qui articulent une bonne partie des idées « de gauche » avec l’idéologie libérale. Ce qui mène a des révisions douloureuses mais sans doute nécessaires. On peut, bien sûr, ne pas être d’accord avec tout ce qu’il dit, mais la manière dont, globalement, il pose les problèmes me paraît tout à fait fondamentale.
Michéa, un autre anarchiste conservateur.
@ Marlowe
C’est ainsi qu’il se définit, effectivement, comme le faisait Orwell. C’est une tare à vos yeux ? Moi je trouve cela intéressant.
A mes yeux, la question serait surtout de savoir ce qu’il s’agirait de conserver. Le sens de la solidarité, la common decency qu’il rapproche de l’obligation de donner, recevoir et rendre (Marcel Mauss), certes, mais quoi d’autre ? Et que s’agirait-il de ne pas conserver (à part les principes de base du capitalisme et de l’idéologie libérale, bien sûr) ?
C’est le genre de questions sur lesquelles Michéa pourrait peut-être se montrer plus explicite, mais il est possible qu’il développe cela dans des textes que je n’ai pas lu.
En tous cas, un danger potentiel de la notion d’anarchisme conservateur, si danger il y a, serait, à mes yeux, celui d’un retour à un moralisme étouffant.
@Tierry:
///// si danger il y a, serait, à mes yeux, celui d’un retour à un moralisme étouffant. //////
On ne sort d’ une aliénation que pour entrer ds une autre .
Quitter le « Flic ds la tete » pur celui dans un car de CRS ……Je ne pense pas qu’on y gagne .
à Thierry,
Nous ne nous connaissons pas, mais je vous assure que j’apprécie beaucoup George Orwell, ceux qui l’ont fait connaître en France (à l’origine les Editions Champ Libre puis les Editions de l’Encyclopédie des nuisances et les éditions Ivréa) et Jean-Claude Michéa.
Dans un monde pour lequel la notion de progrès est assimilée à la toute puissante circulation des marchandises, il faut savoir ce que sont à la fois le goût de la liberté et l’idée de conserver ce qui rend la vie digne d’être vécue.
En ce qui concerne les ouvrages de Michéa que je pense avoir tous lus, je conseille celui qui est paru en octobre 2011 : Le complexe d’Orphée, sous-titré, la gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès
Tous les livres de Michéa sont édités aux éditions Climats, propriété du groupe Flammarion qui est aujourd’hui en vente et auquel il faut souhaiter qu’il ne sera pas acheté par un fond de pension.
J’ai souligné cette définition de Michéa par Michéa dans un espace-temps envahi par les « bonnes consciences de gauche » prêtes à rallier les staliniens en ces temps de propagande électorale et d’obscurantisme.
Heureusement, il existe encore quelques espaces où certaines vérités peuvent être rappelées. Ce blog en est un.
marlowe@orange.fr
Land and freedom.
A noter ce soir sur Ciné+Star, le très beau film de Ken Loach : Land and freedom , fim qui relate le combat d’un ouvrier anglais en 1936, dans la guerre civile espagnole, engagé dans les rangs du P.O.U.M.
Ce film, en dehors du fait qu’il montre l’action nocive du parti communiste stalinien, a été très largement inspiré par le livre de George Orwell : Hommage à la Catalogne.
« Du côté des anarchistes, presque certainement l’action fut spontanée, car elle fut l’affaire surtout des simples membres. Les gens du peuple descendirent dans la rue et leurs leaders politiques suivirent à contrecoeur, ou ne suivirent pas du tout. Les seuls même à parler en révolutionnaires, ce furent les Amis de Durruti, petit groupement extrémiste faisant parti de la F.A.I., et le P.O.U.M. Mais je le répète, ils ne faisaient que suivre, ils ne menaient pas. »
Appendice II. Ce que furent les troubles de mai à Barcelone.
Sur la notion de Guerre civile idéologique.
(…) Elle constitue, selon la formule de Pascal, « le plus grand des maux » rappelle J.-C. Michéa, parfaitement illustré sur ce point par Caran d’Ache dans son célèbre dessin du 19ème siècle, « un dîner en famille ». Il fait également remarquer que la volonté de neutraliser les effets « démoralisants à tous les sens du terme » de ce type de conflit a toujours conduit, dans l’histoire, à imaginer des procédures exceptionnelles : par exemple, après le conflit entre partisans de la démocratie et partisans de l’oligarchie, au lendemain de la guerre du Péloponnèse, les Athéniens ont opté pour une stratégie de refoulement. C’est ainsi que le fameux décret de 403, rapporte Michéa, stipule qu’il sera désormais interdit, sous peine de mort, d’évoquer les évènements de cette guerre civile, autrement dit de parler de ce qui a divisé les Athéniens. C’est par une autre sorte de refoulement que les modernes ont entrepris de conjurer les divisions propres à la guerre civile de religion.(…)
(…) J.-C. Michéa en vient à poser la question des alternatives politiques qui se présentent à nous dès lors que le choix du libéralisme apparaît inopérant. Pour lui, une « société décente », au sens orwellien du mot, suppose évidemment que les hommes puissent s’accorder sur une définition minimale de ce qu’est la « vie bonne » (et ni l’intérêt bien compris ni le « discours sans sujet » de la science ne peuvent par définition offrir les bases d’un tel accord). Mais cette philosophie minimale commune ne doit pas non plus être une « idéologie métaphysique du Bien » ou exiger, selon le modèle républicain originel, une vertu héroïque et spartiate, toujours susceptible de conduire à une politique de Terreur. D’où l’intérêt de la théorie orwellienne de la common decency, laquelle est du reste indissociable d’une théorie du common sense (pour Orwell, la perte du sens commun – dont le délire idéologique est une variante bien connue – est toujours fondée sur une absence de sens moral). C’est également en ce sens que J.-C. Michéa peut revendiquer un certain anarchisme. Non pas celui qui clame qu’il ne faut pas de pouvoir institué ou d’Etat, mais cet anarchisme défendu par Orwell, qui considère, comme dans Animal Farm, que les révolutions les plus égalitaires finiront toujours par être perverties si l’on ne neutralise pas la volonté de puissance, consciente ou inconsciente, qui anime toujours un certain nombre d’individus, quel que soit le type de société.
@ Marlowe
Merci de votre réponse, manifestement nous sommes très largement d’accord.
@ kercoz
Je dis que ce serait un risque potentiel, je ne dis pas que les propos tenus par Michéa y mènent surtout qu’effectivement, il affirme en substance, comme le rappelle Pierre, que « cette philosophie minimale commune ne doit pas non plus être une « idéologie métaphysique du Bien » ou exiger, selon le modèle républicain originel, une vertu héroïque et spartiate, toujours susceptible de conduire à une politique de Terreur. »
Mais il n’empêche que pas mal de choses, dans l’évolution des mœurs favorisée par le la logique libérale, mériteraient, me semble-t-il, d’être conservées, même si elles font aussi l’affaire du capitalisme. Qu’une chose puisse profiter au capitalisme (et ait été éventuellement favorisée par lui) ne suffit pas à la rendre mauvaise pour autant, même si ça invite à être circonspect…
@Thierry :
//// Mais il n’empêche que pas mal de choses, dans l’évolution des mœurs favorisée par le la logique libérale, mériteraient, me semble-t-il, d’être conservées ////
Je pense avec beaucoup d’autres (comme Bergson) , que confier a la seule « Raison » notre sort et surtout celui de nos enfants est utopique ….On voit actuellement ou nous mène ce choix pourtant tres récent .
@ Marlowe, à propos de Land and Freedom (très beau film, effectivement), vous dites : « Du côté des anarchistes, presque certainement l’action fut spontanée, car elle fut l’affaire surtout des simples membres. Les gens du peuple descendirent dans la rue et leurs leaders politiques suivirent à contrecœur, ou ne suivirent pas du tout. »
Cela me fait penser au bouquin de Voline, La révolution inconnue (Belfond) : il y montre à quel point bien des mouvements révolutionnaires étaient spontanés, en 17, avant que les bolcheviks ne viennent casser les dynamiques populaires qui s’étaient développées (et recycler les conseils ouvriers en « soviets » destinés à les asservir).
Par association d’idées, un autre film de Ken Loach que j’ai beaucoup apprécié est The Navigators : il montre comment la common decency des ouvriers du rail en Grande-Bretagne a été saccagée par les privatisations thatchériennes.
Mais j’imagine que vous connaissez tout ça…
à Thierry,
Oui, je connais tout cela.
La citation que j’ai faite est tirée du livre de George Orwell, Hommage à la Catalogne (il y a une petite place George Orwell à Barcelone).
Quant à la Révolution inconnue, il est intéressant de savoir que le chef militaire qui a combattu les révolutionnaires n’était pas Staline, mais Trotsky.
L’histoire, pour ceux qui savent, et qui veulent savoir, montre que les moments les plus authentiquement révolutionnaires ont été à l’origine spontanés et se sont exprimés sur le mode de la démocratie directe, en Russie comme en Espagne et ailleurs.
Ces mouvements ont été combattu et anéantis par les partis léninistes, au nom d’une prétendue dictature du prolétariat, alors que c’est une dictature sur le prolétariat en son nom.
Si vous regardez de près le comportement de la nouvelle union de la gauche française, vous y retrouverez cette haine de la démocratie directe.
Ne vous frappez pas Mr Jorion, on sera tous amené a demander un peu de : d’essence !
Cool!
Mais par contre on se garde le droit aux commentaires défavorables au sujet de certains billets musicaux 🙂
[…] Blog de Paul Jorion » LE GRAND TOUR(nant) – ITALIE – SUISSE – FRANCE. […]
Michea et Jorion. Débat très intéressant a priori.
Pénible ces gens incapables de juger par eux-même et uniquement sensibles à l’argument d’autorité.
M. Jorion, je me permet de vous faire remarquer que votre lien n’est pas assez publicitaire pour les temps actuels ( ; à mon avis, la quatrième de couverture est beaucoup plus attractive : http://www.pauljorion.com/blog/?p=3179 ; )
Vous nous montrez que nos raisonnements sont envahis de toute la charge d’une culture arrivée à ses limites. Vous ouvrez les portes d’un futur possible qui dépasserait les vaines oppositions et les erreurs de cette fin de règne.
Notre système en décadence est hélas régit par les sophistes. Leurs arguments fallacieux sont plus que jamais utilisés de nos jours, généralement par tous les hommes politiques et particulièrement par vos contradicteurs (qui vous comparent au prophète Philippulus de l’Etoile mystérieuse), mais c’est leur outil de travail, on ne peut pas les en blâmer.
En ces temps de crise terminale du capitalisme, votre œuvre est salutaire mais mon pessimisme m’incline à penser qu’il est déjà trop tard pour qu’on puisse entendre les esprits lucides dans le bruit et la fureur qui se lèvent :
[…]
Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow,
Creeps in this petty pace from day to day,
To the last syllable of recorded time;
And all our yesterdays have lighted fools
The way to dusty death. Out, out, brief candle!
Life’s but a walking shadow, a poor player
That struts and frets his hour upon the stage
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury
Signifying nothing.
Macbeth’s Soliloquy, Act V, Scene V, 20-31
M Jorion, votre discussion avec Jean Claude Michéa sera-t-elle filmée, et , donc , aurons-nous la chance de la voir, ici ou là?
« Michéa, un autre anarchiste conservateur. »
5 mots pour définir un individu et sa pensée ! on doit pouvoir faire encore plus succint
à raticide,
Vous pouvez allez voir en 9 l’échange entre Thierry et Marlowe.
Il es des individus qui peuvent être définis encore plus rapidement.
Par exemple ceux qui imaginent que le pseudo-choix dans le cadre de la démocratie représentative permet véritablement de choisir son destin et d’améliorer les conditions de vie de tous : un électeur, mot pour lequel les équivalents sont nombreux.
Savez-vous ce qu’est un touriste ?
un électeur en balade .
à taratata,
Oui l’électeur en déplacement est le touriste et l’électeur est le fou qui affirme, tout comme l’élu, (voir le dernier article de François Leclerc) : « Ne pas attendre de moi que les événements modifient mes convictions » (Joseph Gabel, psychiatre et philosophe, auteur entre autres de l’ouvrage : la fausse conscience)
De Joseph Gabel, pour qui veut étudier les hommes et les femmes qui font de la politique, c’est-à-dire les spécialistes (de nos jours il faut dire les experts) de la représentation, il est instructif de lire « Mensonge et maladie mentale » (Editions Allia) dans laquelle il montre que « le mensonge n’est pas une maladie mentale mais sa structure est celle de la maladie mentale. »
Je n’ai pas compris le rapport entre Eric Charden, Aristote et Galilée…
L’interdiction de pari sur les variations de prix .
Euh….Paul Jorion?
Et dire qu’Aristote, Leibniz, Wittgenstein et tous les autres étaient, comme nous, confrontés à la marche incertaine et périlleuse du monde… Qu’ils ont tant pensé et tant écrit là-dessus, là-avec ou là-contre… Et nous voici, nous, pataugeant dans toute cette boue, nous fendant à notre tour de quelques phrases bien senties… Ah! La capiteuse et insaisissable éternité de la merde… Ah! La parole inextinguible de la créature égarée…
Ah!… deux fois ?
Merde alors , la Belgique fout le camp !
Ah! Trois fois non!
@ Un Belge
Nous sommes tous des enfants perdus , avec nos aventures incomplètes .
» De tout et de n’importe quoi dont il nous paraît indispensable de parler aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard. »
Sans hésitation , c’est ce titre-là que vous devriez essayer d’imposer à l’occasion de cette rencontre avec Michea .
@ P. Jorion
Mercredi 2 mai vous serez en Italie , très proche d’un lieu de luttes acharnées contre le passage du TGV Lyon-Turin .
30 mars 2012 ,un résumé de la situation par Paolo Gilardi :
« On a bien essayé de les isoler, on a même fait des barricades, mais ils avaient des matraques, des lances à eau, des lance-grenade, des lacrymos… Pas facile ! ».
C’est par la dérision que les opposants à la ligne TGV Turin-Lyon dans le Val di Susa ont répondu à l’appel du gouvernement Monti à « isoler les violents ».
Car, en fin de compte, après la manifestation de plus de 70’000 personnes le 25 février, l’assaut donné par les forces de l’ordre pour empêcher l’occupation des chantiers a frôlé la catastrophe, un jeune homme ayant failli y laisser sa peau…
Partie prenante du projet de l’Union européenne qui veut relier Lyon à l’Ukraine via Turin, Trieste, Ljubljana et Bucarest, la construction d’une ligne de trains à grande vitesse (TAV, treno ad alta velocità) dans le Val di Susa dans le Piémont suscite un fort mouvement de contestation. Soutenu sans réserves par l’establishment politique, des partis de la droite au parti démocrate en passant par le gouvernement Monti –au sein duquel se taille une part importante la Banque Intesa, l’un des investisseurs principaux du projet- le Turin-Lyon ferroviaire, le TLF, est âprement combattu par la population de la vallée ainsi que par des centaines de jeunes venus participer au blocage des chantiers.
MAIS PEUT-ON CONTESTER LA CONSTRUCTION D’UNE LIGNE DE CHEMIN DE FER ?
C’est l’argument utilisé pour imposer ce projet qui impliquerait le percement de tunnels pour un total de 57 km dans le massif du Mont Ambin. L’argument écologique ne tient pas la rampe. Et pas seulement parce que, d’après une étude de l’Université de Sienne, si un train classique a une consommation énergétique inférieure de moitié à celle du trafic automobile, un TGV consomme le double d’énergie qu’un train classique, donc, autant que les voitures.
Les travaux prévus dans cette vallée étroite déjà sillonnée par la ligne ferroviaire du Fréjus -sa modernisation a été achevée en 2010-, par l’autoroute A32 et par deux routes nationales devraient durer jusqu’en 2023. Ils impliqueraient l’extraction de 16 millions de m3 de déblais que des camions devraient transporter ailleurs. De plus, la composition des roches dans la région est des plus problématiques : la construction de la galerie géognostique de la Maddalena a du être arrêtée du fait de la forte concentration dans la roche … d’amiante et d’uranium.
Circulation de camions, poussières et installation durable de chantiers viendraient s’ajouter au millier d’hectares de décharges de matériaux hautement toxiques que la vallée compte déjà et qui ont contribué, avec les dioxines et autre PCB émis par les aciéries, à faire de cette partie du Piémont la région avec les taux les plus élevés de cancers.
De plus, le recours à l’argument environnemental sonne particulièrement faux dans la bouche d’un gouvernement qui veut imposer la construction d’une autoroute qui, le long des côtes du sud de la Toscane et des parcs naturels, devrait relier Civitavecchia à Livourne !
TOUS PERDANTS ALORS ?
Si les travaux devisés à 12-13 milliards d’euros -auxquels il faut ajouter les 400 millions par an pour l’entretien des tunnels- vont grever la dette publique, un certain nombre de privés en profiteraient. Parmi eux, les plus grands groupes bancaires et l’immense secteur des entreprises du bâtiment.
Mais le système, comme le dit l’ancien juge anti-mafia Imposimato, est bien plus généreux. Dans Corruzione ed alta velocità, Imposimato affirme que « dans les grands ouvrages publics comme la grande vitesse et les autoroutes coexistent en parfaite harmonie les protagonistes de toujours : grands commis de l’Etat, médiateurs-corrupteurs, coopératives, Cosa Nostra, Camorra, quelques magistrats et grands groupes financiers ».
Ainsi, lors de la construction de la ligne TGV Milan-Turin, nombreuses ont été les découvertes de décharges illégales de pneus, métaux lourds etc. enfouis sous les remblais de la ligne.
Bénéficiaire de marchés pour l’élimination de produits polluants, la mafia, notamment la Ndrangheta calabraise qui contrôle le bâtiment en Lombardie, enfouit à moindres frais les ordures qu’elle est payée pour retraiter tout en facturant à l’Etat les déblais extraits au titre de « fournitures de chantier ».
Il n’y a aucun doute quant à l’imbrication des mafias dans la Turin-Lyon : l’an passé, le directeur général de Turin-Lyon Ferroviaire a été condamné avec huit autres pour fraude dans l’attribution du marché public de la Turin-Lyon. Seul un ex-ministre, décédé avant le procès a échappé à la condamnation.
LES DENIERS DE L’ORDRE ARME :
Toutefois, le gouvernement Monti reste particulièrement ferme et déterminé. C’est au nom d’un supposé intérêt général réputé plus important que les oppositions particulières, qu’il va de l’avant dans la réalisation du projet, tout en réprimant la mobilisation populaire.
En dépensant 100’000 euros par jour pour la protection militarisée du chantier de la Maddalena contre les militants du mouvement No Tav !
Il y isole les violents… »
Paolo Gilardi .
Aucun doutes sur vos competences ,a l’inverse la finance n’est qu’un pretexte.Amities et bon courage.
Je trouve ce que fait Monsieur Jorion est extrêment précieux. Le public a besoin d’information sur ce qui se passe en économie, a besoin d’être guidé pour pouvoir se faire une opinion. L’économie est un phénomène multifactoriel, elle ne peut être le terrain privilégié des économistes. Le fait que nous sommes aujourd’hui dans une impasse est aussi le résultat d’une confiance démésurée de la part des citoyens envers des banques, des organismes financiers, du patronat et, last but not least, d’une classe politique qui est aussi désorientée que le public. Le problème des économistes consiste en leur incapacité de prévoir des évolutions à moyen/long terme, elle se limite à quelques mois, pas plus
Il faut prendre en considération le fait que la mondialisation ne fait que commencer, nous sommes au seuil d’énormes changements sociologiques en occident, notre système qui s’est bâti sur les décombres de 1945 est sérieusement remis en cause.
Au lieu de se lamenter ou de suivre un faux sauveur, il fait refléchir pour aider à élaborer des solutions. Les chinois ne le feront pas à notre place.
A propos de la Suisse et ses banques, Nicolas Shaxson dans son livre « Les paradis fiscaux » y consacre un chapitre et plus (pourront pas se plaindre) pas piqué des hannetons.
J’en recommande vraiment la lecture.
On ne s’ennuie pas car s’est bien écrit, bien construit, haletant de détails choisis et toujours bruissant d’intelligence.
En plus ça nous concerne tous personnellement. Comme il le dit lui-même, « ce livre vous dévoile les racines du mal ».
Bonjour, tout comme raticide, je désirerais savoir si la conférence sera filmée ou enregistrée sur bande sonore en vue de diffusion… Merci.