Couillatris président !, par Bertrand Rouziès-Léonardi

Billet invité

Couillatris était un bûcheron du Chinonais (Chinon est l’ombilic du monde, comme chacun sait ; Delphes a usurpé ce titre). On peut trouver l’activité bûcheronnante un peu fruste à l’ère des calculs matriciels, mais Couillatris entaillait les arbres avec une sûreté de regard qui le distinguait des abatteurs ordinaires. Il demandait peu et vivait de peu. Dans sa branche, c’était une manière d’artiste. De l’artiste, il avait la distraction, ce moment d’hébétude, de jusant d’âme qui est un retrait en soi-même avant la grande suée créatrice. Aussi égarait-il souvent le manche de sa cognée. Comme il n’avait pas beaucoup d’effets personnels, il ne tardait généralement pas à le retrouver.

Pourtant, un jour, disons un jour de printemps, histoire d’actualiser l’aventure, il eut beau retourner en tout sens la petite baraque où il dormait, point de manche. Il interrogea tout le monde, du termite au castor, en passant par ses coéquipiers, en vain. Il parcourut cent fois aller et retour le sentier qu’il avait emprunté la veille pour se rendre à la clairière d’abattage. Rien. Il explora les interstices entre les grumes empilées. Toujours rien. Sans son manche, sa cognée ne lui était plus d’aucune utilité. Il ne pouvait pas demander qu’on lui en prêtât un, car chacun, dans le métier, veille sur son manche comme sur son propre enfant. Du reste, la cognée de Couillatris était faite à sa main. Le fer s’harmonisait avec le manche plus qu’il ne s’y emboîtait. C’était un outil unique. Comme il n’avait pas gagné de quoi s’acheter une autre cognée de qualité équivalente, Couillatris se voyait déjà mort. S’arrachant les cheveux, tel un possédé, il emplissait la forêt de ses plaintes, accusait sans répit la terre, le ciel et les mouches qui faisaient la navette entre les deux. « Rendez-moi mon manche ! hurlait-il à se fendre la glotte. Rendez-moi mon gagne-pain ! » Son désespoir redoublait au spectacle de la reverdie. Il croyait voir des manches parodiques dans chaque rameau nouveau. Les feuillages n’étant pas encore assez fournis en cette saison, les cris de Couillatris parvinrent aux oreilles des dieux, qui tenaient leur convent semestriel sur le tatami céleste.

On discutait là, d’un air ennuyé, de choses aussi futiles que la récente OPA des Titans sur l’Olympe ou la dernière attaque spéculative de Pluton, l’inventeur des Styx options, sur l’obole infernale. Jupiter somnolait béatement, acquiesçant à tout, même aux rots de Bacchus et aux espiègleries pétaradantes de Crépitus. Un cri plus haut perché de Couillatris lui fit comme une piqûre au derrière.

« Hein ? Quoi ? Qu’est-ce ? Par mon foudre ! Qui ose ? » Il avisa Mercure, qui lissait ses talonnières : « Puisque tu n’as rien d’autre à faire, ôte-toi de mon nuage et va donc voir en bas ce qui cause tout ce grabuge. »

Mercure de s’exécuter et de revenir aussi sec, à la vitesse du son.

« C’est un mortel, un certain Couillatris, bûcheron de son état. Il vient de perdre le manche de sa cognée et vous prend à témoin de ce qu’il n’a rien fait pour mériter un tel sort. »

En entendant le nom de l’importun, quelques déesses pouffèrent. Junon leur lança des regards noirs. Pan, ragaillardi, commença à chanter une vieille comptine françoise :

« S’il est ainsi que coingnée sans manche
Ne sert de rien, ne houstil sans poingnée,
Affin que l’un dedans l’autre s’emmanche,
Prens que soys manche, et tu seras coingnée… »

« Il suffit ! tonna Jupiter. Toi, Mercure, je t’envoie sur terre en mission spéciale. Tu jetteras aux pieds du susnommé (nouveaux rires) Couillatris – oh, vous, ça va, ne faites pas vos nymphettes – tu jetteras, dis-je, à ses pieds trois manches du même calibre, le sien, que voici, un en or et un autre en argent. Laisse-le faire son choix. S’il prend le sien et se dit content, cède-lui les deux autres. S’il prend l’un des deux autres, coupe-lui la tête avec sa cognée reconstituée, et qu’il soit fait de même de tous les distraits. »

Mercure ajusta son chapeau à ailettes, s’enveloppa dans sa capeline, se saisit de son caducée, ouvrit la trappe des cieux et sauta. Il atterrit souplement devant Couillatris et lui jeta aux pieds les trois manches.

« Arrête de braire, lui dit-il. Jupiter a exaucé ta prière. Fais ton choix. »

Couillatris soulève le manche en or, le soupèse et hoche négativement la tête. « Ce n’est pas le mien. Je te le rends. » Mercure lui désigne alors celui en argent. Couillatris s’en saisit et le repose pareillement. « Celui-là non plus. » Au tour du manche en bois. Couillatris le manipule longuement, le fait tournoyer, puis en regarde les bouts. Soudain, il frétille de joie, car il a reconnu sa marque : « Merdigues, c’est le mien ! Mon cher manche ! Si vous me le laissez, je remplirai de testons le tronc du temple de Jupiter. – Je te le laisse. Prends-le, et puisqu’en matière de cognée, tu sais rester modeste, les deux autres, je te les abandonne, au nom de Jupiter, grand amateur de testons. Tu as dorénavant de quoi devenir riche. Sois homme de bien. » Sur ce conseil, hop ! Mercure s’envole.

Couillatris passe sa cognée dans sa ceinture de cuir, suspend les manches en or et en argent noués ensemble à son cou et s’en va faire le prélat parmi les bûcherons. Mais il n’a pas oublié le conseil de Mercure. Aussi ne tarde-t-il pas à se transporter à Chinon pour y échanger les précieux manches contre de l’argent sonnant et trébuchant. Avec ce trésor, il acquiert force terres, troupeaux et métairies. Il devient, en peu de temps, l’homme le plus riche du pays. Les paysans et les gens-pille-hommes du voisinage ne reconnaissent plus le pauvre Couillatris qui se lamentait hier encore sur son sort. Ils n’ont de cesse qu’il ne leur révèle le mystère de son ascension. L’intéressé leur répond naïvement : « J’ai perdu mon manche de cognée, voilà tout, et Jupiter me l’a rendu. – Comment, il ne tient qu’à cela que nous ne soyons riches comme Crésus ? Hin, hin ! Le moyen est facile et peu coûteux. Nous allons en perdre, des manches, pour sûr ! »

On se passa le mot et bientôt il n’y eut plus une cognée intacte dans tout le Chinonais. Les fers rouillaient, sans emploi. On n’abattait plus d’arbres. C’était au point que les bois se languissaient des bûcherons et leur faisaient les yeux doux. Il n’y avait pas jusqu’aux soldats qui ne vendissent leur hallebarde contre une cognée dont ils s’empressaient de perdre le manche. Et tous de béer après la récompense en attestant le ciel : « Jupiter, ohé ! Que je suis malheureux ! Rends-moi mon manche de cognée ! » Mercure ne manqua pas d’ouvrage. Il répondit à chaque supplique avec tout le zèle requis. Chaque fois, il proposait les trois manches et comme les suppliants choisissaient tous immanquablement le manche en or, les têtes volaient. Il y eut autant de têtes coupées que de manches égarés.

Voilà ce qui arrive à ceux qui ne voient pas que l’opulence et la gloire viennent avec la simplicité et la médiocrité.

Cette fable est une réécriture d’après Rabelais (Quart livre, Prologue) d’une fable d’Ésope, Le bûcheron et Hermès. Je vous laisse le soin d’en extraire la quintessence à partir de vos propres cornues.

Il me paraissait salutaire, alors que l’anxiété et l’impatience font déraper certains d’entre nous, de faire une petite diversion qui, mine de rien, nous ramène à l’essentiel. Je le sais bien, l’ardeur printanière fouette les sèves. Les enthousiasmes se gonflent à l’approche du scrutin présidentiel français. La ferveur populaire s’indure, titillée par des mots d’ordre d’une délicatesse achevée : « La France forte » (Marianne a du caractère), « Ouuuuiiii, la France » (mais elle aime qu’on la besogne), « Prenez le pouvoir » (et même qu’on la rudoie). Les dieux de l’estrade, gagnés par la turgescence végétale, encouragent l’assemblée de leurs dévots à se soulever. Quelques-uns de ces dévots font le siège du blog de Paul Jorion et ne savent plus quels biais emprunter pour en obtenir l’imprimatur. Les marges bourbeuses et les zones tampons du socialisme sont même convoquées, sans doute parce que les transfuges qui les hantent ont des airs farouches qui peuvent convaincre un anthropologue inclinant à gauche que leur gîte est le conservatoire de la pugnacité militante et le vivier des révolutions à venir. Il faudrait toutefois que l’anthropologue en question ne soit pas trop regardant, en plus d’être amnésique. Des exemples récents, dont notre mémoire collective est encore souillée, ont montré que la sauvagerie peut être un fait de civilisation. Je demande donc une trêve des enthousiasmes, sinon pour ménager celles et ceux qui vont voter tantôt, au moins par respect pour les autres, qui ne sont pas directement concernés.

La réclame pour tel ou tel, surtout si elle tourne à la monomanie, est d’un moindre intérêt dans un espace de discussion qui fait monter les idées à la tribune, histoire de les éprouver au trébuchet avant de les écouler. Que Mélenchon ait dit ceci, que Hollande ait dit cela, peu me chaut. Ces deux grands démocrates ne se donnent même pas la peine de se frotter ouvertement, là, sur le blog de Paul Jorion, à la contradiction et à la rectification (au sens alchimique). Les idées débattues ici engagent celles et ceux qui les énoncent et c’est cela qui compte, car ce qu’il en ressort arme le citoyen contre la jobardise et la crédulité. Un citoyen bien informé fera d’un meeting une rencontre, non pas une allégeance. Il laissera les grands raouts de plein air aux avaleurs de promesses, qui prennent leur Messie pour une lanterne. Néron trouvait fort amusant d’utiliser les illuminés pour l’éclairage public. Avait-il compris que l’illuminé politique, celui qui se sent en mission, s’accroche à quelques idées phares dont il n’a garde d’étendre le champ d’action ? On ne sait jamais quel infâme contradicteur, tapi dans l’ombre, elles ne manqueraient pas de révéler, s’il en augmentait l’intensité.

Le blog de Paul Jorion est une pierre de touche, pas un vadémécum. Las ! On n’empêchera pas les dévots d’y chercher le dogme dont ils ont besoin pour polariser leurs existences déboussolées. On déplorera néanmoins qu’il leur soit si difficile de trouver en eux-mêmes les ressources de l’avenir. Être à soi-même son propre messie, par l’exercice de l’intelligence, cela vous prémunit contre la passion des hommes providentiels.

Le vote est un coup de tranchoir dans un bloc de gélatine si les idées n’ont pas été préalablement travaillées au corps (elles l’ont été dans les dernières contributions de Zébu ou dans l’échange, déjà lointain, entre Pierre Sarton du Jonchay et Jean-Luce Morlie). L’urgence du changement (je ne la ressens pas moins que vous) ne dispense pas de réfléchir à deux fois avant d’arrêter son choix. La politique ne saurait s’arrêter à son incarnation dans un homme. Les Grecs rangeaient la politique sous la rubrique praxis, une activité qui est à elle-même sa propre fin et aide à l’accomplissement de soi en société. Ils associaient à la praxis la phronêsis, la prudence délibérative. La précipitation et l’aliénation du choix ne ressortissent donc pas à la politique.

Alors, Couillatris président ?

 

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108 réponses à “Couillatris président !, par Bertrand Rouziès-Léonardi”

  1. Avatar de cougar19
    cougar19

    Ah Bertrand, que j’aime vous lire ! Couillatris président, c’est sûr.

  2. Avatar de Marcel Séjour

    Moi je suis pour.
    Très jolie fable. Merci

  3. Avatar de Jérôme
    Jérôme

    @ Bertrand Rouziès-Léonardi,

    Bonjour,

    Hé bé gros merci, le grand catch politique en cour commençait à gratter le train arrière, de quoi vous foutre toute la gaule en érection printanière pour un seul manche en quête de proprio..

    Grâces messire Rabelais vous soit rendues pour avoir si tendrement imprimé votre patte et cette gaillardise de bonne trogne jusques en ces temps éloignés..Chapiot l’artiste !

    François Bon lit Rabelais à Ouessant. 2ème jour.
    http://www.youtube.com/watch?v=Plw5YRnyheY
    Deuxième lecture à Ouessant de François Bon, jeudi 19 août 2010.
    Les moutons de Panurge.
    5’23

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Merci Jérôme. Il semble qu’en contrefaisant de moderne façon Rabelais et en en tirant quelque morale impertinente à l’adresse des papimanes de l’idolâtrie politique, j’aie aventuré ma viande en terre cannibale. Je dois ferrailler ferme…

      J’ai écouté et regardé la lecture de François Bon. La langue rabelaisienne claque bien dans le vent.

      Bien à vous.

  4. Avatar de julien
    julien

    Vous avez raison, aucun des candidats ne sera l’homme providentiel car celui-ci n’existe pas.
    Cependant, à défaut de faire comme la Belgique, je vois mal comment ne pas faire un choix avec les personnes que l’on a sous la main.
    Choisir le ou la moins pire, c’est cela la démocratie réprésentative actuelle 🙁

  5. Avatar de Pierre-Yves D.
    Pierre-Yves D.

    Prudence, voilà un joli nom, un caractère qui ne saurait exclure l’esprit de décision.

    1. Avatar de PHILGILL
      PHILGILL

      Ça tombe bien ! Le dimanche 6 mai, c’est la Sainte Prudence.
      Mais une question m’assaille :
      Faut-il faire sa prière avant ou après avoir glissé son vote dans l’urne ?

  6. Avatar de Gudule
    Gudule

    Merci M Jorion, brillant et plein d’humour !

    Je cite « Le blog de Paul Jorion est une pierre de touche, pas un vadémécum. Las ! On n’empêchera pas les dévots d’y chercher le dogme dont ils ont besoin pour polariser leurs existences déboussolées. On déplorera néanmoins qu’il leur soit si difficile de trouver en eux-mêmes les ressources de l’avenir. Être à soi-même son propre messie, par l’exercice de l’intelligence, cela vous prémunit contre la passion des hommes providentiels.  »

    Je plussoie et j’applaudis des quatre mains, vive les esprits LIBRES !

    Cordialement

  7. Avatar de Lebo
    Lebo

    Bonjour,

    Je veux voter aux élections françaises, c’est où pour s’inscrire pour voter ?

    1. Avatar de juber
      juber

      C’est là ! Oui,là….Sous la petite porte où il y a marqué « Trop Tard » juste au-dessus !

      Cela dit,si vous tenez tant que ça à participer à cette mascarade,c’est votre affaire…

      1. Avatar de Pierre-Yves D.
        Pierre-Yves D.

        Une « mascarade » à laquelle tout le monde participe en ayant son mot à dire est-ce vraiment une mascarade ?

  8. Avatar de Piotr
    Piotr

    Bel exercice de style .Le vote est un coup de tranchoir dans un bloc de gélatine.Magnifique définition du suffrage universel,une véritable promotion pour la pêche à la ligne.
    Nous irons quand même voter ,avec des pieds de plomb, tétanisés à la perspective annoncée, de lendemains qui déchantent.

  9. […] Blog de Paul Jorion » Couillatris président !, par Bertrand Rouziès-Léonardi. […]

  10. Avatar de daniel
    daniel

    « […] les têtes volaient. Il y eut autant de têtes coupées que de manches égarés. »

    Un arbre abattu me fend le coeur.
    Donnons leur les moyens de se défendre.

    [ Uniquement sur la péroraison.]
    Sept ans, c’ était une éternité, surtout quand on est jeune.
    L’impression que j’en avais: « On en a encore repiqué pour une
    éternité. Il deviendra une vieille ganache bien avant la fin.
    Les neurones désertent plus facilement que les artères ne durcissent. »
    Le raccourcissement à un quinquennat retire à l’enjeu son côté quitte ou double écrasant.
    ( J’ai vieilli…)

    Un bail de cinq ans, c’est juste de quoi donner une orientation, bonne ou mauvaise,
    avec passage de relais obligatoire, confirmant ou infirmant.
    Enfin, je l’espère… Restons optimiste.

    Donc gélatine informe, ou réflexions remises 100 fois sur le métier,
    faut se déplacer, faut participer à ce qui N’est PAS un acte d’achat,
    faut ajouter sa voix à des millions d’autres, qui ne valent pas plus
    les unes et les autres, pour faire émerger une volonté populaire par voie démocratique.
    Faut participer à cette technologie délicate, qui fonctionne d’autant mieux
    que les frottements (confrontations policées) auront été plus intenses…
    Ceux qui n’en disposent pas nous l’envient.
    Ne les trompons pas, donnons leur raison.

  11. Avatar de Nicolas
    Nicolas

    J’adore !

  12. Avatar de zebulon
    zebulon

    En attendant méfiez vous si sur le chemin une femme vous propose 60 Milliards pour vous aider à gérer votre dette .
    si vous faites le mauvais choix vous risquez de vous faire couper la tete…

  13. Avatar de JIEL
    JIEL

    Je trouve ce texte inutile. Traiter de dévots des gens qui se reconnaissent dans un projet politique ou autre, c’est les prendre pour des imbéciles (s’il y en a, ce ne sont pas les plus nombreux) et croire qu’ils ne savent pas réfléchir. C’est comme de dire que la majorité des ouvriers votent FN. Des clichés et encore des clichés ! Ceux qui viennent sur ce blog, viennent pour comprendre, y trouvent des convergences (c’est mon cas) et si on en veut pas, on supprime les commentaires. Il me semble que pour venir sur ce blog, il faut un minimum de niveau intellectuel pour comprendre ce qui y est écrit !

    1. Avatar de Jeanne
      Jeanne

      Lire un texte magnifiquement écrit, dans ce monde de brutes, c’est aussi cela fêter le printemps, non?

    2. Avatar de iGor milhit

      L’inutile est une des utilités les plus utiles !

      … »convergences »…? C’est bien dans le thème. 🙂

    3. Avatar de Béotienne
      Béotienne

      Je n’ai pas le niveau mais j’y viens quand même et je comprends que la morale de la fable est:

       » . La politique ne saurait s’arrêter à son incarnation dans un homme « 

      mais plutôt dans le débat d’idées et le programme proposé passés à la moulinette de notre réflexion sur des pistes pour l’avenir.
      Pour retrouver une piste petit Poucet semait des petits cailloux, c’est aussi une histoire de bûcheron pauvre, tellement pauvre, qu’il ne pouvait plus nourrir ses enfants.

      1. Avatar de Eric L
        Eric L

        Si ça peut vous rassurer j’ai personnellement l’impression d’être en dessous de tout .
        Faisant partie de la caste improbable des parfaitement inutiles , ceux pour lesquels seule la dissolution dans l’univers est la réponse adéquate et consolante. Malgré tout, dissous pour dissous, autant que ça se fasse en tenant encore à une parcelle de soi, ne serait-ce qu’un œil.
        Voilà pourquoi la politique, l’histoire, les faits et méfaits de l’humanité, sont à mon avis des possessions périssables, ou du moins, des véritables dépossessions orchestrées , des malignités. mais bon, nul de chez nul, comment pourrais-je en juger ?
        Si par miracle il y avait un homme providentiel, ce que je crois, il n’est pas là pour faire de la politique , pas directement . Il agirait de telle sorte que le menu peuple puisse retrouver sa parole , ou du moins, le conduit qui mène à soi, par conséquent à l’autre .
        Alors que l’axe de tous les pouvoirs est d’imposer la sienne , en dépit de l’autre .

        Je ne vois pas d’ailleurs comment on pourrait croire en Dieu, sans qu’il n’y ait moyen pour lui d’envoyer ses émissaires au cas où la nécessité se ferait ressentir .
        Et il me semble que dans un tel cas de figure , ils ne peuvent que passer inaperçus …
        Comment dire que les lois spirituelles sont à proprement de l’esprit ?

  14. Avatar de Paco76
    Paco76

    Hors sujet, encore que, c’est ‘une politique’…
    Ce soir France2 à 22h41:
    « La mort est dans le pré »
    http://guidetv.france2.fr/jsp/prog/fiche.jspx?idProg=58725645

    1. Avatar de zébu
      zébu

      Vu.
      Excellente définition de ce que pourrait signifier ‘piégé par un système’.
      Plus effrayant encore, assez peu pensent aux ‘consommateurs’, à ce grand Autre.
      Je ne sais pas si c’est un impensé ou un inexprimé.
      Dans les deux cas, le système ainsi défini laisse l’homme totalement seul.
      Et conscient de l’être.
      Pire que tout.
      (mais l’agriculteur paraplégique a l’air de s’accrocher à son tracteur bio …)

      1. Avatar de vigneron
        vigneron

        Tss tss Zeb, fallait être sur ARTE pour I love democracy : Grèce de Lecomte. Tu retiens qu’un mot du bazar, pas « consommateur », presque : client.

      2. Avatar de zébu
        zébu

        je vais le video-voir pendant 7 jours alors.

      3. Avatar de Mariée verte en Bretagne
        Mariée verte en Bretagne

        Représentant environ près d’un tiers de la SAU (surface agricole utile ) française, les parcelles de vigne reçoivent plus de 33% du total des intrants chimiques et autres joyeusetés phyto-sanitaires.
        Boire du vin produit en conventionnel, c’est quasiment déguster des résidus de pesticides. Mais chacun fait ce qu’il veut de son corps, hein ? On est en démocratie, tout est transparent pour que chacun se détermine en pleine conscience…Be poisoned or not, that is the question.

      4. Avatar de vigneron
        vigneron

        Dis pas n’importe quoi l’algue verte, Verte et reverte de rage.
        Primo la vigne c’est pas 30% mais 2% des surfaces cultivées, un million d’ha.
        Secundo, c’est 20% des phytos.
        Tertio y’a pas de vignes en Bretagne mais des algues vertes, des buveurs oblgés de Cristalline (de chez Pierre Castel…) et de pinard.
        Quattro t’as raison, bois du vin « bio ».

      5. Avatar de arkao
        arkao

        @ zébu et vigneron
        A lire, une très bonne BD d’ Etienne Davodeau:
        Les ignorants. Récit d’une initiation croisée (entre un dessinateur et un viticulteur en biodynamie)
        Futuropolis, 2011.

      6. Avatar de zébu
        zébu

        @ Arkao :
        Coteaux du layon, tu m’étonnes …

      7. Avatar de zébu
        zébu

        @ Mariée Verte :
        En Bretagne, même pas besoin d’intrants :
        « En 2004, sur 6 % de la surface agricole utile, la Bretagne participe à 56 % de la production nationale de porcs, 46 % de poulets de chair, 48 % de dindes et dindons et 31 % de veaux de boucherie. »
        « Or un canton est considéré en excédent structurel d’azote (Zes) dès lors que la quantité totale d’effluents d’élevage produite annuellement conduit à un apport supérieur à 170 kg d’azote organique par ha. Sur les 104 cantons classés en Zes, les exploitations porcines produisent plus de 40 % de l’excédent, les exploitations avicoles un peu plus de 30 % et les exploitations bovines 7 %. Le reste est attribué aux élevages mixtes (associant deux ou trois espèces comme bovins et porcins) 4 . »
        http://www.bretagne-environnement.org/Eau/Les-pollutions-et-menaces/Origines-des-pollutions/Les-pollutions-agricoles
        De l’élevage, rien que de l’élevage sans intrants mais de l’intensif que même les chinois connaissent pas.
        Et là pour le coup, ça pollue … tout le monde.

        Sauf ceux qui boivent autre chose que de l’eau ! (y en a quelques un(e)s)

        Le véritable problème de l’agriculture, comme le montre très bien ce documentaire sur les pesticides en viticulture, n’est pas telle ou telle facette de celle-ci (intrants, phosphates, etc.) mais bien son intensification, son industrialisation, sa concentration et la place de l’agriculteur au sein de tout cela.
        Et cela a bel et bien à voir avec le capitalisme et la financiarisation de l’économie.

      8. Avatar de vigneron
        vigneron

        Rectif : stats Agreste 2010 : 789 000 ha en vignes contre 876 000 en 2000 (-11%) moins de 2,5% de la SAU française totale.
        Et pour le nombre d’exploitations viti sur les dix ans, les chiffres sont comme certains matins d’Avril, rafraîchissants : -25%, de 110 000 en 2000 à 86 000 en 2010.

  15. Avatar de MAZERAN Jean-marc
    MAZERAN Jean-marc

    Le hareng saur

    Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
    Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
    Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec.

    Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales,
    Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu, pointu,
    Un peloton de ficelle – gros, gros, gros.

    Alors il monte à l’échelle – haute, haute, haute,
    Et plante le clou pointu – toc, toc, toc,
    Tout en haut du grand mur blanc – nu, nu, nu.

    Il laisse aller le marteau – qui tombe, qui tombe, qui tombe,
    Attache au clou la ficelle – longue, longue, longue,
    Et, au bout, le hareng saur – sec, sec, sec.

    Il redescend de l’échelle – haute, haute, haute,
    L’emporte avec le marteau – lourd, lourd, lourd,
    Et puis, il s’en va ailleurs, – loin, loin, loin.

    Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec,
    Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue,
    Très lentement se balance – toujours, toujours, toujours.

    J’ai composé cette histoire, – simple, simple, simple,
    Pour mettre en fureur les gens – graves, graves, graves,
    Et amuser les enfants – petits, petits, petits.

    Charles CROS

  16. Avatar de MAZERAN Jean-marc
    MAZERAN Jean-marc

    Spécial dédicace aux con-battants poly-tiques de dix manches:

    LE GRAND COMBAT

    Il l’emparouille te l’endosque contre terre ;
    Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;
    Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
    Il le tocarde et le marmine,
    Le manage rape à ri et ripe à ra.
    Enfin il l’écorcobalisse.
    L’autre hésite, s’espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
    C’en sera bientôt fini de lui ;
    Il se reprise et s’emmargine… mais en vain
    Le cerceau tombe qui a tant roulé.
    Abrah ! Abrah ! Abrah !
    Le pied a failli !
    Le bras a cassé !
    Le sang a coulé !
    Fouille, fouille, fouille
    Dans la marmite de son ventre est un grand secret
    Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
    On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne
    Et vous regarde,
    On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.

    Henri MICHAUX ; Qui je fus Gallimard, 1927

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Merci Jean-Marc pour ces renvois savoureux. Je ne connaissais pas le poème de Cro(c)s, mais celui de Michaux flottait dans mes souvenirs de lycéen. J’ai l’impression qu’ils répondent tous deux par anticipation à la charge de certains, trop pressés de me sacsacbezevezinemasser (l’un des nombreux sesquipedalia verba – « mots d’un pied et demi » – de Rabelais).

      Cordialement.

  17. Avatar de savad

    Cela réchauffe de lire un tel texte, alors qu’il pleut et vente au-dehors !

  18. Avatar de iGor milhit

    Ah, ça fait du bien à lire. Le plaisir des mots, des sons… Merci.

  19. Avatar de justebienlibre
    justebienlibre

    couillatis ne s’adressa à aucuns dieux, il fabrica son manche et continua sa passion

    1. Avatar de RV
      RV

      et bien non, justement
      « Aussi ne tarde-t-il pas à se transporter à Chinon pour y échanger les précieux manches contre de l’argent sonnant et trébuchant. Avec ce trésor, il acquiert force terres, troupeaux et métairies. Il devient, en peu de temps, l’homme le plus riche du pays »

  20. Avatar de Doctor No
    Doctor No

    Magnifique !!! Je vote pour couillatris

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Doctor No,

      Couillatris est généreux avec les nouveaux membres de son parti, un parti qui s’appelle revient… Il suffit de reprendre son Rabelais et de garder en bouche et en mémoire qu’une lecture hébraïsante de son nom donne « Rab Lez », le Maître Moqueur. C’est par la moquerie qu’on se guérit des engouements faciles. La moquerie n’ôte rien aux qualités des moqués, s’ils en ont, mais elle rabat un peu de leur gloriole, ce qui ne fait jamais de mal.

      Cordialement.

      1. Avatar de timiota
        timiota

        M’avez rappelé Julio Cortazar qui pratiquait un peu dans cette veine là pour ne pas se prendre au sérieux… (pas trouvé où le web disait ça…)

  21. Avatar de octobre
    octobre

    C’est dans la forêt des livres qu’on cherche un livre.
    Une belle plume en or ou en argent ne fait pas l’écrivain, pas même une belle écriture.
    Par contre, Kafka, tel un bûcheron, peut très bien abattre 22 arbres dans sa journée. La clairière qu’il laisse derrière lui est un coin idéal, là où j’irai sans doute me reposer dimanche, je n’en vois pas d’autre.

    « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois » F.K.

  22. Avatar de Klaki
    Klaki

    Bonjour,

    le billet de ce Mr Bertrand Rouziès nous présente une belle fable dont le lien avec sa profession de foi politique (ou apolitique?, je ne crois pas), selon, est bien faible …

    Bon cela fait érudit.

    Il présente les militants ou sympathisants d’un groupe politique comme des dévots stupides ; je propose qu’il abandonne, par exemple ses congés payés, s’il en a, ou la sécurité sociale dont il profite sûrement, entre autres, avantages obtenus par l’action de dévots stupides … Il ne se souvient des leçons de l’histoire que quand cela l’arrange et en plus de celles d’autres pays…

    Ce monsieur se plaint de l’intrusion de la politique, sur le blog immaculé de Mr Jorion dont l’objet serait d’être consacré exclusivement à la vie des idées placées au firmament, loin du cambouis de la mise en application …

    On constate cependant qu’il fait lui-même ce qu’il nous dit de ne surtout pas faire : dans sa diatribe, l’air de pas y toucher, il dézingue, en filigrane, principalement et assez longuement un candidat en particulier …

    Si ça ce n’est pas vouloir faire prendre des vessies pour des lanternes … ; on est dans une resucée de l’arroseur arrosé!

    De plus, ce monsieur parle « au nom du blog de Paul Jorion » ; il ne le connaît pas si bien, sinon il saurait que Paul Jorion lui-même a écrit un billet à caractère politique :

    le 5 avril 2012, intitulé, « Le vote utile au premier tour ».

    De plus ce brave homme nous dit :

    On déplorera néanmoins qu’il leur soit si difficile de trouver en eux-mêmes les ressources de l’avenir. Être à soi-même son propre messie, par l’exercice de l’intelligence, cela vous prémunit contre la passion des hommes providentiels.

    Les nombreux grecs qui sont occupés à seulement pouvoir survivre, dont un bon nombre en faisant les poubelles, ou en récupérant un peu de nourriture auprès, par exemple, de « médecins sans frontières » qui n’a jamais vu ça, apprécieront et écoutant Mr Rouziès doivent être avide et tout concentrés pour être leur propre messie …

    D’ailleurs, trouvez vous en vous même, seul « les ressources de l’avenir »? Il y aurait donc une génération spontanée des informations et des idées …

    Il y a donc pour mettre en oeuvre son intelligence besoins d’informations, d’explications sur la situation actuelle économique (ce blog y contribue beaucoup), politique, géopolitique, sociale … Il y a certains partis politiques qui y consacrent énormément d’énergie et vont dans le sens de développer la réflexion et l’intelligence, pronant même la prise en main de chacun par soi même pour développer sa propre compréhension …

    Monsieur Roziès, donc, ne vous placez pas en homme providentiel qui viendrait du haut de sa superbe, lui qui a tout compris, venir siffler la fin de la récréation de dévots aveuglés et bêlants…

    Cordialement.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Klaki,

      C’est précisément au nom de la complexité humaine que je critique la dévotion à un chef (nous savons où la dévotion conduit, en politique) et l’absence de militantisme véritable au sein des partis de gauche. Par militantisme véritable, j’entends cette lutte qu’il faut mener en son for contre ses propres préjugés (on n’en a jamais fini avec eux) et contre les discours tout faits que vous servent les idéologues du parti dont on a décidé de relayer les thèses (je n’ai rien contre le relayage critique). Dans la mesure où, au cours d’une « rencontre », il est quasiment impossible d’objecter quoi que ce soit quand le candidat que l’on soutient profère une énormité ou emploie une expression qui prête à confusion, je m’abstiendrai d’adhérer sans ciller à la doxa officielle, si captivante soit-elle.

      Ce blog m’aide beaucoup à clarifier les choses, dans bien des domaines.

      Quant à la leçon de la fable, pour ce que j’en comprends moi-même à travers Rabelais, elle pourrait se résumer à un éloge de la mediocritas, l’art de se contenter de ce qu’on a, quand ce qu’on a vous plaît, qui est une ambition stratosphérique, semble-t-il, dans nos sociétés du « toujours plus » (plus ultra, « plus outre », devise de Charles Quint). Sachez, en passant, que je vis en dessous du seuil de pauvreté et que cet état de grande vulnérabilité aux pressions de toutes sortes ne m’empêche pas de me défier comme de la peste des hâbleurs qui montent sur les rostres sans assumer l’exigence dialectique qu’une telle élévation suppose. Du reste, je ne crois pas que la pauvreté dispense de penser ou que penser soit un luxe de nanti.

      Le vis-à-vis avec les Grecs est pour le moins déplacé, sachant les carences de leur représentation politique. Les Grecs n’en sont plus à se chercher un chef et, en ce point, je les crois plus avancés que nous. C’est effectivement en eux-mêmes et avec notre renfort, en paroles et en actes (voir les propositions de Zébu), qu’ils vont devoir puiser les ressources d’un renouveau démocratique. N’est-ce pas un peu facile et, pour tout dire, malhonnête d’opposer ceux qui ont le nez dans les poubelles et le débatteur que je suis (qui vous offre par surcroît une excursion dans la Renaissance), comme si l’idée n’avait aucun lien avec la vie ? Ceux qui ont le nez dans les poubelles n’ont pas le nez sur l’idée, assurément, encore moins sur mes élucubrations, mais des idées, ils en ont et sans doute quelques-unes, peu amènes, concernent les dirigeants dans lesquels ils ont cru et pour lesquels ils se blâment encore d’avoir voté. Alors, non, les Grecs trouveront plutôt un réconfort à ce que j’oppose aux artefacts sophistiques modernes la mediocritas humaniste, qui ne fait que broder sur le mêden agan (« rien de trop ») delphique.

      Cordialement.

      1. Avatar de RV
        RV

        Quant à la leçon de la fable, pour ce que j’en comprends moi-même à travers Rabelais, elle pourrait se résumer à un éloge de la mediocritas, l’art de se contenter de ce qu’on a, quand ce qu’on a vous plaît,

        Je n’arrivais pas bien à entrevoir ce qui me gênait dans cette fable et vous mettez le doigt dessus. Loin de se contenter de ce qu’il a et qui lui plait, il cède finalement en l’acquisition de biens innombrables qui serait donc l’aboutissement consacré ! La « richesses matérielle » . Le héros de la fable est en complète contradiction avec lui-même et par la même on entrevoit bien plutôt les limites de l’auteur (je pense plus à Rabelais qu’à vous même) que les siennes.

    2. Avatar de Au sud de nulle part
      Au sud de nulle part

      @Klaki : je multiplissoie par 1000.

      Pour le reste :

      Il laissera les grands raouts de plein air aux avaleurs de promesses, qui prennent leur Messie pour une lanterne.

      Il vous reste à comprendre que ces rassemblements sont destinés à se compter et à créer un rapport de force dans le cadre de futures batailles à mener dont les présidentielles ne sont qu’un épisode parmi tant d’autres. Ne vous en déplaise c’est ainsi qu’ils sont conçus par ceux qui les organisent et ceux qui y participent -je ne doute pas que Couillatris y aurait participé. N’est ce pas l’hôte de ce blog lui même qui soutient que les rapports de force interviennent dans la formation des prix au delà de la simple loi de l’offre et la demande?
      Certains, dont au hasard les milieux financiers flanqués de leurs zélés politiciens affairistes libéraux (socio ou néo, choisissez) fermement tenus en laisse, s’ils n’étaient pas au courant que la France avait un prix viennent de le découvrir. Et il ne cesse d’augmenter.

      Bien à vous.

      1. Avatar de BRL
        BRL

        Cher Au sud de Nulle part,

        En démocratie, c’est dans les urnes que l’on se compte, pas dans la rue, qui ne doit être qu’un dernier recours pour instaurer un rapport de forces en sa faveur. Nous y viendrons peut-être, mais pour l’heure, jouons le jeu électif, voulez-vous ? Si votre candidat(e) n’avait misé que sur ces « raouts » pour compter les siens, sa cause serait entendue. J’ai eu ma période moutonnière, encore qu’incomplète car les slogans ineptes gueulés en boucle dans les haut-parleurs me rendaient sourd à la fin aux nobles aspirations. J’en suis revenu, dépité de voir nombre d’hypocrites autoproclamés « de gauche » distribuer les poignées de mains à la ronde avec une condescendance injurieuse. La communion, dans les grandes manifestations, est rarement homogène. On y trouve un peu de tout. Les hommes sont divers, comme leurs motivations. Si l’engouement est uniforme, inquiétez-vous plutôt. C’est la configuration du show nazi à Nuremberg. Mais je préfère encore les grandes manifestations bigarrées, avec leurs attelages improbables, aux meetings à flonflons et paillettes. Il me semble – mais je ne vous oblige nullement à me suivre là-dessus – il me semble, donc, qu’un meeting dans le genre de ceux qui se sont succédé ces derniers jours n’a pas tant pour objectif de compter les troupes (libre à vous de jouir d’être aux ordres, le petit doigt sur le passepoil) que de flatter l’ego du candidat ou de la candidate, de le/la conforter dans le sentiment qu’il/elle est l’Élu(e) (il ou elle, tout(e) à son illusion de maîtrise, n’entendra même pas les huées, s’il y en a qui se glissent au milieu des vivats). Aucun candidat, sauf un, n’a fait ses preuves, que je sache. Je jugerai l’élu petit « é » et j’éprouverai sa trempe dans le programme qu’il mettra en œuvre. Je m’enthousiasmerai peut-être. Je crois que vous mettez la charrue avant les bœufs. A moins que vous ne vouliez la révolution tout de suite. Dans ce cas, la démocratie, pour vous, serait plus un obstacle qu’un tremplin. Serait-elle percluse à ce point ? Quant à savoir ce que Couillatris ferait, je crois qu’il taillerait dans le vif par le vote, en artiste, pas en abatteur.

        Cordialement.

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ BRL
        « En démocratie, c’est dans les urnes que l’on se compte, pas dans la rue, qui ne doit être qu’un dernier recours pour instaurer un rapport de forces en sa faveur. Nous y viendrons peut-être, mais pour l’heure, jouons le jeu électif, voulez-vous ?  »

        Sages paroles.

        L’éternel problème de la légitimité contre la légalité. Que faire quand la loi électorale (démocratie représentative) interdit à la légitimité (démocratie directe) de s’exprimer?

      3. Avatar de Au sud de nulle part
        Au sud de nulle part

        Ouais. Il sera impossible de vous faire comprendre que ceux qui se rendent à ce genre de manifestations sont autres que de simples moutons atteints par le panurgisme démagogique. Alors je vous le dis quand même mais sans espoir, la plupart d’entre eux se rendent à ces rassemblements en conscience et joyeusement en plus car ils pensaient que c’en était fini que cette sorte d’idéologie soit exposée au grand air et même exposée tout court. La condescendance n’est pas toujours du côté que l’on pense. Je pourrais faire mienne votre phrase

        J’en suis revenu, dépité de voir nombre d’hypocrites autoproclamés « de gauche » distribuer les poignées de mains à la ronde avec une condescendance injurieuse.

        .
        Et comme elle m’évoque à moi aussi de biens mauvais souvenirs. Et pourtant j’aurais aussi pu me trouver parmi ces rassemblements populaires. Vous est il possible d’envisager que nombre de vos congénères soient aussi doués de raison que vous et agissent en connaissance de cause même s’ils agissent différemment que l’auriez souhaité?

        Maintenant il va falloir vous décider : pour les uns la révolution citoyenne envisagée et son appel à la révolution par les urnes relèvent de la pire trahison qui se puisse imaginer, pour les autres les « attroupements » populaires qu’elle provoque relèvent de la démonstration de force nazie.
        Dans tous les cas ne vous en faites pas trop parce qu’on est bien partis pour se cogner par le menu la suite politique des mesurettes en formes d’emplâtres sur jambes de bois.

      4. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        @BRL 18 avril 2012 à 17:48

        En démocratie, c’est dans les urnes que l’on se compte, pas dans la rue, qui ne doit être qu’un dernier recours pour instaurer un rapport de forces en sa faveur.

        Je lis que ma proposition de renversement de votre « Une masse, ça écrase, puis ça s’écrase » n’a pas fait d’émule. Car là aussi l’assertion est renversable : on se compte dans les rues pour instaurer un rapport de force qui se comptera dans les urnes. Il semble que les deux coexistent bon an mal an depuis que cette notion de démocratie existe, et ça va durer.

        Ce que vous nommez votre « période moutonnière », limité dans sa complétude – vous l’écrivez, laisse supposer qu’elle pourrait ne pas l’être chez d’autres. Bêh bêh bêh, je n’ai jamais entendu ça dans les manifs ! Dans le jeu du lien des foules plutôt disparates dans leurs mouvements, voyez la salle des pas perdus à la Gare Saint Lazare ou ailleurs. Les manifs sont-elles des pas perdus ? (Sont-ce les pas des pieds qui sont perdus dans l’attente, où l’assurance que personne ne s’y est perdu donc pas-perdu). Voyez une opinion – politique.

        Il y a les programmes et ceux qui s’en font les porteurs. Ces derniers ont plus ou moins le talent d’attraction, au sens du cirque, des lois de Newton ou de l’attirance sexentimentale.
        Sur ce dernier point, et il pèse, deux postures existent. La première que j’appelle les exploitants du transfert, la seconde les exploiteurs du transfert.
        Car le transfert Freud ne s’est jamais démenti là dessus, c’est de l’amour, isolé en laboratoire en tête à tête ; il était suffisamment averti pour ne prendre pour lui-même et son charme, le fait qu’un jour une patiente lui saute au cou. « Y’a quelque chose qui cloche là-dedans. J’y retourne immédiatement » disait Vian sans penser à Freud comme bombe sexuelle.
        Sauf qu’il est exclu que l’homme politique puisque occuper la même place et y répondre de la même façon. Il a la sienne pour le faire mousser et pour que le rapport de force lui soit favorable, il requiert les faveurs du citoyen.

        Comme vous l’avez remarqué, dans l’histoire il ne manque pas de séducteurs ayant mené à la ruine les séduits. Et pourquoi l’intellectualisme ferait préservatif ? Le jour où l’intelligence artificielle aura programmé les jouissances des corps, y compris constitués, on votera pour une machine qui n’aura pas ces travers que vous énumérez. Mais qui évaluera le programmateur ?

        Que vous ne votiez pas, ou blanc, il ne manquera pas de ventriloques pour vous faire parler, ce qui est moins le cas pour les votants réputés souvent à tort, connaître le programme – rarement tenu – de leur parti au mieux, de leur candidat au pire, favori.

  23. Avatar de yOoN
    yOoN

    Très amusante histoire et très plaisante langue. Néanmoins :

    Le blog de Paul Jorion est une pierre de touche, pas un vadémécum. Las ! On n’empêchera pas les dévots d’y chercher le dogme dont ils ont besoin pour polariser leurs existences déboussolées. On déplorera néanmoins qu’il leur soit si difficile de trouver en eux-mêmes les ressources de l’avenir. Être à soi-même son propre messie, par l’exercice de l’intelligence, cela vous prémunit contre la passion des hommes providentiels.

    Je ne doute pas que vous la ressentiez pas moins cette « urgence du changement » mais d’une manière que j’imagine plus intellectuelle que de l’ordre du « ressentiment du perdant » (comme dit PJ dans Le capitalisme à l’agonie).
    Tout le monde n’est pas Jupiter ou Docteur ou intellectuel, ce qui n’empêche nullement de pouvoir prôner ici de voter pour quelqu’un dans une démarche noble ou pour le moins honnête.
    Alors si l’enfer est pavé de bonnes intentions votre billet beaucoup moins il me semble.
    Ceci dit, je crois ne pas avoir été ostentatoire moi-même (aller un peu surement), mais le fait de venir ici de lire de répondre me semble entrer dans une démarche de s’informer autrement et il faudrait avant tout se réjouir de voir ici la populace toujours plus nombreuse.
    Ou alors si votre confort vous semble en danger, alors réunissez-vous à huit-clos pour discuter entre Docteurs et intellectuels pour penser un monde parfait et auquel personne n’aura jamais le plaisir de participer.
    Nous sommes tous dans cette société et nous la trimbalons un peu avec nous partout où nous allons, il n’est donc pas étonnant de retrouver ici (pas de la part des rédacteurs des billets) aussi de la simplification, du slogan, des relents de marketing etc.
    Si l’intelligence dont vous parlez se décrétait ou s’il y avait une chance qu’elle constitue un jour un trait inhérent à l’humanité, le fait même que ce ne fût jamais mis en œuvre rend d’emblée inopérante ce vœux pieux. Penser ça s’apprend (et nullement valorisé dans la société moderne) et apprendre est aussi conditionné par la position sociale, enfin c’est un cercle vicieux que je suis bien triste de devoir vous rappeler.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher yOon,

      Je n’en ai qu’après les dévots. Les militants qui se gardent de tomber dans les pièges de l’envoûtement forcent au contraire mon respect et c’est plutôt comme cela que je conçois la politique. Je vous renverrai à ma réponse à Klaki pour ce qui touche au lieu d’où je parle. J’ai reçu une formation universitaire, alors oui, je jongle avec les idées et souvent des balles m’échappent, car rien n’est plus indocile qu’une idée. Cela dit, je trouve un peu suspect d’opposer l’intellectuel et ceux qui se collèteraient avec la réalité de terrain. Cela me rappelle l’affaire Dreyfus, cette époque agitée où Brunetière déchaînait sa verve contre le ramassis d’intellectuels (terme péjoratif) qui soutenaient le capitaine sans rien connaître de l’espionnage militaire. Je ne vous accuse pas d’en remuer le souvenir, mais il faut savoir sur quoi cette opposition a pu faire fond. Chacun sa façon de s’engager et la mienne m’expose autant que la vôtre. Encore une fois, relisez-moi, c’est le dévot que je vise, le monomane politique, pas le militant ou le sympathisant.

      Cordialement.

      1. Avatar de yOoN
        yOoN

        Merci pour votre réponse.

        Pour moi on ne peut résumer la position sociale à la question pécuniaire. Venir d’un milieu sociale mettant en avant le goût du savoir ou pour le moins ne lui mettant pas de barrière, change la donne.

        Je me refuse à ce que nous trouvions un terrain d’entente pour stigmatiser même à minima une attitude ici. Entre en jeu aussi le rapport à l’écrit. On peut selon d’où l’on vient passer par une dévotion irréfléchie pour arriver à une démarche plus réfléchie pour peu que le sachant soi dans le bienveillance à l’égard de l’ignorant (pour caricaturer).

        Encore une fois passer du temps ici c’est déjà avoir conscience qu’il y a un problème ne serait-ce qu’au niveau de l’information qui nous est proféré par les puissants, c’est déjà une bonne démarche en soi selon moi et une marche vers ce qui vous semble être un idéal de développement personnel -on vient tout de même de très bas parfois !- ; je trouve donc assez contreproductif d’utiliser la tribune et le rapport descendant qu’il instaure pour stigmatiser un type de comportement.

        Je crois que prendre le temps de répondre message par message a le double avantage d’instaurer un rapport d’échange dans lequel chacun se sent écouté et écoutant.

  24. Avatar de yOoN
    yOoN

    De plus les institutions de la Ve République française organisent cette personnification, si on me demandait j’en changerais, mais en attendant…

  25. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    « et aide » : qui use ? qui utilise ? Sinon, Ber-trente-ans Rouziès-Léonardi, votre texte est superbe, à part la première parenthèse du dernier paragraphe, avant le dernier mot. Sinon, le nom propre Utopia, francisé par Rabelais.

  26. Avatar de Laurent Tirel
    Laurent Tirel

    Texte très sympa qui manifestement a été totalement incompris par une petite minorité.
    Juste deux réflexions :
    j’avais beaucoup aimé l’interview de Besancennot sur France Culture notamment lorsqu’il expliquait au journaliste que l’important était de ne pas tomber dans le piège de la personnification. Il disait aussi que si d’autres partis politiques reprennaient des idées qui avaient jusqu’à présent été défendues par son parti -quitte à ce que ces partis lui « piquent » des voix – et bien tant mieux car l’important à ses yeux étaient que justement ces idées là progressent !
    La deuxième réflexion c’est à propos d’Eva Joly qui semble cumuler tous les handicaps d’un politique de nos jours : l’age/ le look/ la voix/ le manque de charisme/ mais si vous lisez ces interviews nombres de ses reflexions sonnent plutôt juste!
    alors, débattons, écoutons et sourions à ces jolies intermèdes entre deux billets démoralisants sur un futur très sombre.

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Laurent,

      N’en déplaise aux concrétistes, c’est effectivement dans les cervelles que l’action se résout et se dénoue, et c’est le sens, en effet, de ma péroraison. La veille des idées est constante sur ce blog. Gare au relâchement postélectoral ! Il n’y a pas que des visiteuses et visiteurs français. Les élections françaises, comme le rappelait Paul, ne sont pas tout et, de fait, ne semblent pas être grand-chose, en dépit de quelques saillies stimulantes à gauche. Quant à Eva Joly, elle pâtit, certes, des handicaps que vous énumérez (et je vous passe les tombereaux de jugements à l’emporte-pièce, très limite pour certains, déversés sur l’Internet), mais aussi de quelques sorties malheureuses (ses démêlés récents avec Marine Le Pen, par exemple) que les médias sont trop ravis de monter en épingle pour n’avoir pas à étudier de près un programme qui ne démérite pas. De toute façon, selon la logique que je développe dans mon billet, les candidat(e)s sans charisme s’attirent d’emblée ma sympathie. Je préfère le débraillé à la cravate, à condition que le débraillé ne soit pas un artifice de com’… Je ne suis pas plus optimiste que vous, s’agissant du lendemain de l’élection. Je préfère réserver mes forces pour ce lendemain. D’où Rabelais, cette semaine, précisément.

      Cordialement.

  27. Avatar de vigneron
    vigneron

    Combien ça pèse une prostate ? 50 milliards.
    M’enfin celle de Buffet.
    La loi à son nom est retoquée hier au Sénat; aujourd’hui c’est le coming-out : cancer de la prostate.
    Les chirurgiens de l’hôpital F.D. Roosevelt annoncent unanimes, qu’ils n’en prélèveront pas 30%, pas 60%, mais 100%.

    1. Avatar de Rosebud1871
      Rosebud1871

      100% proStates ?

      1. Avatar de TARTAR
        TARTAR

        Celle de Tonton avait pesé quelques tonnes dans les suffrages.

  28. Avatar de HP
    HP

    Agréable fable et longue introduction pour un mot absent : représentation démocratique.
    C’est le moment de s’interroger sur l’absence de contre-pouvoirs présidentiels, et sur ce que peut être l’expression de la volonté populaire lorsqu’il n’y a aucun moyen légal d’empêcher le prince de décider en fonction de ses propres critères.
    La majorité parlementaire, hors cohabitation, est aux ordres du président dont il est le chef de parti et de gouvernement, depuis la réforme des juges d’instruction son ministre de la justice veille sur le traitement adéquat des affaires de son clan, et ses amis de la presse subventionnée savent ce qu’ils peuvent dire ou pas.
    En cas de cohabitation c’est le chef de l’autre camp qui décide à la place du gouvernement et du parlement, ça ne change rien à l’affaire.
    Pourra-t-on bientôt crier vive la 6ème république?

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