Couillatris président !, par Bertrand Rouziès-Léonardi

Billet invité

Couillatris était un bûcheron du Chinonais (Chinon est l’ombilic du monde, comme chacun sait ; Delphes a usurpé ce titre). On peut trouver l’activité bûcheronnante un peu fruste à l’ère des calculs matriciels, mais Couillatris entaillait les arbres avec une sûreté de regard qui le distinguait des abatteurs ordinaires. Il demandait peu et vivait de peu. Dans sa branche, c’était une manière d’artiste. De l’artiste, il avait la distraction, ce moment d’hébétude, de jusant d’âme qui est un retrait en soi-même avant la grande suée créatrice. Aussi égarait-il souvent le manche de sa cognée. Comme il n’avait pas beaucoup d’effets personnels, il ne tardait généralement pas à le retrouver.

Pourtant, un jour, disons un jour de printemps, histoire d’actualiser l’aventure, il eut beau retourner en tout sens la petite baraque où il dormait, point de manche. Il interrogea tout le monde, du termite au castor, en passant par ses coéquipiers, en vain. Il parcourut cent fois aller et retour le sentier qu’il avait emprunté la veille pour se rendre à la clairière d’abattage. Rien. Il explora les interstices entre les grumes empilées. Toujours rien. Sans son manche, sa cognée ne lui était plus d’aucune utilité. Il ne pouvait pas demander qu’on lui en prêtât un, car chacun, dans le métier, veille sur son manche comme sur son propre enfant. Du reste, la cognée de Couillatris était faite à sa main. Le fer s’harmonisait avec le manche plus qu’il ne s’y emboîtait. C’était un outil unique. Comme il n’avait pas gagné de quoi s’acheter une autre cognée de qualité équivalente, Couillatris se voyait déjà mort. S’arrachant les cheveux, tel un possédé, il emplissait la forêt de ses plaintes, accusait sans répit la terre, le ciel et les mouches qui faisaient la navette entre les deux. « Rendez-moi mon manche ! hurlait-il à se fendre la glotte. Rendez-moi mon gagne-pain ! » Son désespoir redoublait au spectacle de la reverdie. Il croyait voir des manches parodiques dans chaque rameau nouveau. Les feuillages n’étant pas encore assez fournis en cette saison, les cris de Couillatris parvinrent aux oreilles des dieux, qui tenaient leur convent semestriel sur le tatami céleste.

On discutait là, d’un air ennuyé, de choses aussi futiles que la récente OPA des Titans sur l’Olympe ou la dernière attaque spéculative de Pluton, l’inventeur des Styx options, sur l’obole infernale. Jupiter somnolait béatement, acquiesçant à tout, même aux rots de Bacchus et aux espiègleries pétaradantes de Crépitus. Un cri plus haut perché de Couillatris lui fit comme une piqûre au derrière.

« Hein ? Quoi ? Qu’est-ce ? Par mon foudre ! Qui ose ? » Il avisa Mercure, qui lissait ses talonnières : « Puisque tu n’as rien d’autre à faire, ôte-toi de mon nuage et va donc voir en bas ce qui cause tout ce grabuge. »

Mercure de s’exécuter et de revenir aussi sec, à la vitesse du son.

« C’est un mortel, un certain Couillatris, bûcheron de son état. Il vient de perdre le manche de sa cognée et vous prend à témoin de ce qu’il n’a rien fait pour mériter un tel sort. »

En entendant le nom de l’importun, quelques déesses pouffèrent. Junon leur lança des regards noirs. Pan, ragaillardi, commença à chanter une vieille comptine françoise :

« S’il est ainsi que coingnée sans manche
Ne sert de rien, ne houstil sans poingnée,
Affin que l’un dedans l’autre s’emmanche,
Prens que soys manche, et tu seras coingnée… »

« Il suffit ! tonna Jupiter. Toi, Mercure, je t’envoie sur terre en mission spéciale. Tu jetteras aux pieds du susnommé (nouveaux rires) Couillatris – oh, vous, ça va, ne faites pas vos nymphettes – tu jetteras, dis-je, à ses pieds trois manches du même calibre, le sien, que voici, un en or et un autre en argent. Laisse-le faire son choix. S’il prend le sien et se dit content, cède-lui les deux autres. S’il prend l’un des deux autres, coupe-lui la tête avec sa cognée reconstituée, et qu’il soit fait de même de tous les distraits. »

Mercure ajusta son chapeau à ailettes, s’enveloppa dans sa capeline, se saisit de son caducée, ouvrit la trappe des cieux et sauta. Il atterrit souplement devant Couillatris et lui jeta aux pieds les trois manches.

« Arrête de braire, lui dit-il. Jupiter a exaucé ta prière. Fais ton choix. »

Couillatris soulève le manche en or, le soupèse et hoche négativement la tête. « Ce n’est pas le mien. Je te le rends. » Mercure lui désigne alors celui en argent. Couillatris s’en saisit et le repose pareillement. « Celui-là non plus. » Au tour du manche en bois. Couillatris le manipule longuement, le fait tournoyer, puis en regarde les bouts. Soudain, il frétille de joie, car il a reconnu sa marque : « Merdigues, c’est le mien ! Mon cher manche ! Si vous me le laissez, je remplirai de testons le tronc du temple de Jupiter. – Je te le laisse. Prends-le, et puisqu’en matière de cognée, tu sais rester modeste, les deux autres, je te les abandonne, au nom de Jupiter, grand amateur de testons. Tu as dorénavant de quoi devenir riche. Sois homme de bien. » Sur ce conseil, hop ! Mercure s’envole.

Couillatris passe sa cognée dans sa ceinture de cuir, suspend les manches en or et en argent noués ensemble à son cou et s’en va faire le prélat parmi les bûcherons. Mais il n’a pas oublié le conseil de Mercure. Aussi ne tarde-t-il pas à se transporter à Chinon pour y échanger les précieux manches contre de l’argent sonnant et trébuchant. Avec ce trésor, il acquiert force terres, troupeaux et métairies. Il devient, en peu de temps, l’homme le plus riche du pays. Les paysans et les gens-pille-hommes du voisinage ne reconnaissent plus le pauvre Couillatris qui se lamentait hier encore sur son sort. Ils n’ont de cesse qu’il ne leur révèle le mystère de son ascension. L’intéressé leur répond naïvement : « J’ai perdu mon manche de cognée, voilà tout, et Jupiter me l’a rendu. – Comment, il ne tient qu’à cela que nous ne soyons riches comme Crésus ? Hin, hin ! Le moyen est facile et peu coûteux. Nous allons en perdre, des manches, pour sûr ! »

On se passa le mot et bientôt il n’y eut plus une cognée intacte dans tout le Chinonais. Les fers rouillaient, sans emploi. On n’abattait plus d’arbres. C’était au point que les bois se languissaient des bûcherons et leur faisaient les yeux doux. Il n’y avait pas jusqu’aux soldats qui ne vendissent leur hallebarde contre une cognée dont ils s’empressaient de perdre le manche. Et tous de béer après la récompense en attestant le ciel : « Jupiter, ohé ! Que je suis malheureux ! Rends-moi mon manche de cognée ! » Mercure ne manqua pas d’ouvrage. Il répondit à chaque supplique avec tout le zèle requis. Chaque fois, il proposait les trois manches et comme les suppliants choisissaient tous immanquablement le manche en or, les têtes volaient. Il y eut autant de têtes coupées que de manches égarés.

Voilà ce qui arrive à ceux qui ne voient pas que l’opulence et la gloire viennent avec la simplicité et la médiocrité.

Cette fable est une réécriture d’après Rabelais (Quart livre, Prologue) d’une fable d’Ésope, Le bûcheron et Hermès. Je vous laisse le soin d’en extraire la quintessence à partir de vos propres cornues.

Il me paraissait salutaire, alors que l’anxiété et l’impatience font déraper certains d’entre nous, de faire une petite diversion qui, mine de rien, nous ramène à l’essentiel. Je le sais bien, l’ardeur printanière fouette les sèves. Les enthousiasmes se gonflent à l’approche du scrutin présidentiel français. La ferveur populaire s’indure, titillée par des mots d’ordre d’une délicatesse achevée : « La France forte » (Marianne a du caractère), « Ouuuuiiii, la France » (mais elle aime qu’on la besogne), « Prenez le pouvoir » (et même qu’on la rudoie). Les dieux de l’estrade, gagnés par la turgescence végétale, encouragent l’assemblée de leurs dévots à se soulever. Quelques-uns de ces dévots font le siège du blog de Paul Jorion et ne savent plus quels biais emprunter pour en obtenir l’imprimatur. Les marges bourbeuses et les zones tampons du socialisme sont même convoquées, sans doute parce que les transfuges qui les hantent ont des airs farouches qui peuvent convaincre un anthropologue inclinant à gauche que leur gîte est le conservatoire de la pugnacité militante et le vivier des révolutions à venir. Il faudrait toutefois que l’anthropologue en question ne soit pas trop regardant, en plus d’être amnésique. Des exemples récents, dont notre mémoire collective est encore souillée, ont montré que la sauvagerie peut être un fait de civilisation. Je demande donc une trêve des enthousiasmes, sinon pour ménager celles et ceux qui vont voter tantôt, au moins par respect pour les autres, qui ne sont pas directement concernés.

La réclame pour tel ou tel, surtout si elle tourne à la monomanie, est d’un moindre intérêt dans un espace de discussion qui fait monter les idées à la tribune, histoire de les éprouver au trébuchet avant de les écouler. Que Mélenchon ait dit ceci, que Hollande ait dit cela, peu me chaut. Ces deux grands démocrates ne se donnent même pas la peine de se frotter ouvertement, là, sur le blog de Paul Jorion, à la contradiction et à la rectification (au sens alchimique). Les idées débattues ici engagent celles et ceux qui les énoncent et c’est cela qui compte, car ce qu’il en ressort arme le citoyen contre la jobardise et la crédulité. Un citoyen bien informé fera d’un meeting une rencontre, non pas une allégeance. Il laissera les grands raouts de plein air aux avaleurs de promesses, qui prennent leur Messie pour une lanterne. Néron trouvait fort amusant d’utiliser les illuminés pour l’éclairage public. Avait-il compris que l’illuminé politique, celui qui se sent en mission, s’accroche à quelques idées phares dont il n’a garde d’étendre le champ d’action ? On ne sait jamais quel infâme contradicteur, tapi dans l’ombre, elles ne manqueraient pas de révéler, s’il en augmentait l’intensité.

Le blog de Paul Jorion est une pierre de touche, pas un vadémécum. Las ! On n’empêchera pas les dévots d’y chercher le dogme dont ils ont besoin pour polariser leurs existences déboussolées. On déplorera néanmoins qu’il leur soit si difficile de trouver en eux-mêmes les ressources de l’avenir. Être à soi-même son propre messie, par l’exercice de l’intelligence, cela vous prémunit contre la passion des hommes providentiels.

Le vote est un coup de tranchoir dans un bloc de gélatine si les idées n’ont pas été préalablement travaillées au corps (elles l’ont été dans les dernières contributions de Zébu ou dans l’échange, déjà lointain, entre Pierre Sarton du Jonchay et Jean-Luce Morlie). L’urgence du changement (je ne la ressens pas moins que vous) ne dispense pas de réfléchir à deux fois avant d’arrêter son choix. La politique ne saurait s’arrêter à son incarnation dans un homme. Les Grecs rangeaient la politique sous la rubrique praxis, une activité qui est à elle-même sa propre fin et aide à l’accomplissement de soi en société. Ils associaient à la praxis la phronêsis, la prudence délibérative. La précipitation et l’aliénation du choix ne ressortissent donc pas à la politique.

Alors, Couillatris président ?

 

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108 réponses à “Couillatris président !, par Bertrand Rouziès-Léonardi”

  1. Avatar de Rosebud1871
    Rosebud1871

    @BRL
    Je lis que Jupiter vous a travaillé à votre façon, toujours plaisante, mais je lis que ça grince car Jupiter n’est plus providentiel et l’ingérence divine peu revendiquée sur ce blog.

    Cette affaire de Jupiter m’a aussi occupé à aller rechercher les textes originaux en anglais pour Smith, en Latin via perséus.edu pour Cicéron, pour finalement dégoter l’article de wiki « main invisible » plutôt bien fait.

    Invisible hand n’est pas un hapax, mais je ne vois pas pourquoi qualifier l’expression de métaphore si on ne néglige pas la première occurence, où elle est associée à Jupiter et bien définie contextuellement.

    For it may be observed, that in all polytheistic religions, among savages, as well as in the early ages of heathen antiquity, it is the irregular events of nature only that are ascribed to the agency and power of their gods. Fire burns, and water refreshes ;heavy bodies descend, and lighter substances fly upwards, by the necessity of their own nature; nor was the invisible hand of Jupiter ever apprehended to be employed in those matters. But thunder and lightning, storms and sunshine, those more irregular events, were ascribed to his favour, or his anger.

    « Car il peut être observé que dans toutes les religions polythéistes, parmi les sauvages comme dans les âges les plus reculés de l’antiquité, ce sont seulement les événements irréguliers de la nature qui sont attribués au pouvoir de leurs dieux. Les feux brûlent, les corps lourds descendent et les substances les plus légères volent par la nécessité de leur propre nature ; on n’envisage jamais de recourir à la « main invisible de Jupiter » dans ces circonstances. Mais le tonnerre et les éclairs, la tempête et le soleil, ces événements plus irréguliers sont attribués à sa colère. ».

    Plutarque qui a écrit sur Cicéron pose la main de Jupiter autrement dans son récit :
    « César et Pompée vivaient encore lorsque Cicéron eut un songe dans lequel il crut entendre appeler au Capitole quelques enfants de sénateurs parce que Jupiter devait déclarer l’un d’entre eux souverain de Rome. Tous les citoyens étaient accourus en foule et environnaient le temple. Ces enfants vêtus de robes bordées de pourpres étaient assis en dehors, dans un profond silence : tout à coup les portes s’étant ouvertes, ils s’étaient levés, et entrant dans le temple, ils avaient passés, chacun à son rang, devant le Dieu, qui après les avoir considérés attentivement les avaient renvoyés tous fort affligés ; mais quand le jeune César s’approcha Jupiter étendit sa main vers lui : « Romains dit-il, voilà le chef qui terminera vos guerres civiles ». Ce songe imprima si vivement dans l’esprit de Cicéron l’image de ce jeune homme, qu’elle y restera toujours empreinte, il ne le connaissait pas ; mais le lendemain il descendit au champ de Mars, à l’heure où les enfants revenaient de leurs exercices ; le premier qui s’offrit à lui fut le jeune César, tel qu’il l’avait vu dans le songe. » (in Plutarque, Vie de Cicéron).

    Non seulement un romain en songe voit la main de Jupiter s’agiter mais en plus l’entend parler ! De nos jours, ça semble s’être éteint au moins avec Jupiter. Mais qu’en était-il pour un écossais du 18ème pétrit de littérature et de mytholgie antique au point que la main invisible rencontrée dans ses lectures « imprima si vivement » l’esprit d’Adam Smith pour interroger comme précipiter sa signification en l’utilisant trois fois à sa mesure.

    La première occurence est la plus claire, allusive au Jovis fulminator. C’est aussi la lecture de Pascal Bridel un professeur ordinaire d’HEC à Lausanne qui écrit que :
    « Adam Smith utilise pour la première fois cette métaphore dans son essai sur l’histoire de l’astronomie en parlant de la main invisible de Jupiter pour rappeler que les Anciens niant toute intervention divine dans la marche régulière de l’Univers, expliquaient en revanche les évènements extraordinaires en termes d’ingérence divine. Selon Smith, dans la mythologie grecque, la main de Zeus est invisible car elle intervient d’une manière qui est au-delà de la compréhension et de la perception des hommes »

    La seconde occurrence avec : « presque la même distribution des nécessités de la vie que celle qui aurait eu lieu si la terre avait été divisée en portions égales entre tous ses habitants » n’est pas sans rappeler « le Royaume de Dieu est en vous ».
    La troisième occurrence « à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. » est du même acabit de réaliser « la terre divisée en portions égales entre tous ses habitants ».

    Je lis donc dans le sens déjà frayé par Macfie Alec, selon Wiki , main invisible = intervention discrète de Dieu pour la fin, la finalité au sens des portions égales, celle qui faisait dire à Smith que la justice est « the main pillar that upholds the whole edifice of society” Ce ne sont plus les dieux antiques, mais le Dieu auquel Smith affaire, et son mode d’intervention est autre.

    D’ailleurs certains ont bien repéré que la main invisible, il fallait l’incarner par défaut, puisque Lloyd Blankfein en novembre 2009 declared in an interview, as a banker: « I’m doing God’s work. »

    Avertissement de lecture pour Vigneron : Non non, Jorion n’est pas Cicéron et Mélenchon n’est pas César.

    1. Avatar de Béotienne
      Béotienne

      @ Rosebud 1871
      Peut être qu’en suivant la voie mystique…mais là c’est vraiment au-delà de mon niveau:
      « Personne n’a encore le niveau[modifier]

      « Quoique les perspectives offertes par l’europanalyse soient extrêmement vastes et fécondes, la grande difficulté de lecture des textes laisse présager que les retombées théoriques mettront plusieurs années (voire une ou deux générations de chercheurs) à trouver leur place dans le champ du savoir européen – notamment pour la raison que ce champ du savoir se trouve profondément bouleversé par les propositions et énoncés europanalytiques. La plus grande difficulté que le lecteur aura à surmonter tient, outre les connaissances scientifiques prérequises, à l’usage absolument inédit qu’il est fait du langage dans les livres de Serge Valdinoci, usage de lecture qui oblige tout visiteur à entrer dans l’épreuve du vertige d’exister où le vide et la nuit, matières même de l’existence, imposent de se risquer à inventer en un état de contemplation passive proche de celui dont l’Orient culturel nous donne par tradition l’exemple local si brillant. »
      Doit-on exiger des clarifications ? Nul ne sait encore, nul n’ose. Voir la Page de Discussion de cet article où l’on vous le dit bien : ceci n’est pas une recherche personnelle, ni une ébauche. Ni une pipe. Pour les sous-titres, vous repasserez dans 20 ans. Merci pour l’appel d’air.–(d)→¤â†(c) 29 janvier 2012 à 12:28 (CET) »
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Rions_un_peu_avec_Wikip%C3%A9dia#Personne_n.E2.80.99a_encore_le_niveau

      Et en suivant le fil à la patte:
      L’europanalyse est une doctrine philosophique scientifique proposée par Serge Valdinoci, à la fin du XXe siècle, se détachant de la phénoménologie.

      « L’europanalyse se présente comme une pensée mystique. Quoique fort éloignée de tout folklore religieux, et traduisant ce qu’est l’immanence au sens le plus strict possible, c’est-à-dire depuis les exigences posées initialement par Edmond Husserl (réduction phénoménologique comme point de conversion, principe des principes comme limitation du champ au donné intuitif, rétroréférence comme exigence de soumission des énoncés à leur propres réquisits en sorte de ne pas hypostasier une doctrine à l’extérieur du champ de réalité qu’elle décrit), la pensée mystique europanalytique se distingue tout aussi fortement de la pensée philosophique.
      … »
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Europanalyse

      1. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        @Béotienne 18 avril 2012 à 21:30

        Peut être qu’en suivant la voie mystique

        Je n’ai rien contre… pour les autres et encore quand ils le font sérieusement et ne pullulent pas. C’est plutôt sur le bord de la religion et non de la philosophie que pour moi s’alimente la voie mystique. J’ignorais votre trouvaille, il y a du beau linge convoqué dans l’affaire, mais pas celui qui m’est familier. Il ne manque pas d’homme- orchestre, touche à tout, ogres de bibliothèques, bâtisseurs de systèmes pourvoyeurs de sens, en quête de cervelles fraîches à recruter. Entre l’hyperspécialisation et le décloisonnement des savoirs, ils bouchent la faille de multiples ponts énigmatiques pour les frontaliers qui ne s’y aventurent pas. Dans les sciences dites humaines, une trouvaille finit par se diffuser, bien plus lentement que dans les sciences dures, mais le consensus déclare un jour qu’il y a du neuf, un frayage inédit. Ou on redécouvre très tard une œuvre de façon posthume, je pense à l’étonnant parcours d’un Aby Warburg.
        « Personne n’a encore le niveau » reprenez-vous.
        Il ne manque pas d’excellents connaisseurs des auteurs auxquels font référence les créateurs de cette doctrine d’europanalyse, mais ces connaisseurs eux même sont difficile d’accès. Je pense à J.L. Marion, cité. Rendez-vous à la fin de ce siècle pour savoir ce qu’il en est advenu.

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Béotienne
        Il me semble que Jean Petitot s’est emparé de ce genre d’approche. Il est (a été) directeur du CREA (Centre de Recherche en Epistémologie Appliquée) à l’école polytechnique. il a été intellectuellement très proche de René Thom. Thom est (a été car mort en 2002) pour une société froide, à la Lévi-Strauss alors que Petitot est ultra-libéral hayekien. Il y a pour moi quelque chose qui cloche chez Petitot mais je ne vois pas quoi. Et il a formé des bataillons de polytechniciens.

        Je crois que les philosophes s’empêtrent dans des trucs compliqués. Ce sont presque tous des hommes. Ils me donnent l’impression d’être complètement paumés. Tellement fiers lorsqu’ils ont localisé une idéologie. Et tellement prompts à sauter sur la suivante.
        Peut-être les femmes pourraient-elles redonner un sens à tout ça, apporter tout simplement du bon sens? Et ramasser le pouvoir que des hommes à court d’idées sont en train d’abandonner.
        J’ai fait tout récemment un (assez long) commentaire à ce sujet mais je ne sais plus dans quel billet.

      3. Avatar de Jérôme
        Jérôme

        @ Basic Rabbit,

        Bonjour,

        Pour vous :
        «  »
        Dynamical System
        and
        Information Geometry
        – A Complementary Approach
        to Complex Systems –
        «  »
        http://pastel.archives-ouvertes.fr/docs/00/55/68/73/PDF/thesis.pdf

        Belle journée

      4. Avatar de Béotienne
        Béotienne

        @ Rosebud1871
        et @ BasicRabbit
        Merci pour vos réponses, des imprévus bassement matériels pleuvent en pagaille sur ma frêle personne et m’empêchent d’enchaîner.
        A+

  2. Avatar de JLB
    JLB

    Ce livre aurait-il sa place dans la réflexion du jour ?
    « Le rôle de l’individu dans l’histoire »
    Par Georges Plekhanov

  3. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    Dans cette histoire les dieux n’ont pas l’air moins cons que les hommes. Peut-être les avons-nous créés à notre image?

    1. Avatar de Au sud de nulle part
      Au sud de nulle part

      Ca fait du bien de rire. Ca permet de relativiser toutes ces pontifiances sans afficher pour autant de la méprisance.

  4. Avatar de JLB
    JLB

    En me promenant sur le net à la recherche de « l’individu dans l’histoire », je suis tombé sur ce texte, analysant l’ascension de Hitler (homme providentiel parmi d’autres dans le parti nazi) pour accomplir les tâches de la classe dominante allemande

    La première phrase est:
    « Dans la détermination du cours de l’histoire, la primauté des rapports et des conflits entre forces sociales constitue l’un des présupposés fondamentaux du matérialisme historique. Dans les sociétés divisées en classes sociales, de tels rapports sont, nécessairement, des rapports de classes. De cette manière, l’histoire s’explique, en dernière analyse, comme l’histoire des luttes entre les différentes classes sociales et leurs fractions essentielles (1), largement surdéterminées par la logique interne de chaque mode de production spécifique. »

    http://www.ernestmandel.org/new/ecrits/article/les-individus-et-les-classes

  5. Avatar de Renou
    Renou

    « Le vote est un coup de tranchoir dans un bloc de gélatine si les idées n’ont pas été préalablement travaillées au corps (elles l’ont été dans les dernières contributions de Zébu ou dans l’échange, déjà lointain, entre Pierre Sarton du Jonchay et Jean-Luce Morlie). »
    Les idées travaillées au corps ou passées à tabac?
    Où sont les pelles?

  6. Avatar de Eric L
    Eric L

    Tout est intéressant . C’est planétaire , ce qui se passe . Soit on continue sur un mode enfermé , soit on tend vers un mode ouvert . Mode, ou monde . c’est grosso mode pareil .
    Ouvert, on constitue une humanité reliée et libre, présente au lieu de son existence, appartenant à son espace et évoluant dans son temps, son rythme. Le corps terrestre en phase , en communion avec sa terre , et selon les personnes, avec des ensembles plus vastes , profondeur et hauteur . mais chacun ayant sa mesure , marchant à son pas .
    Et comme je l’ai lu ici , On ne fait jamais rien pour soi , même le possédant dépend des clients.
    Il faut croire qu’on est encore sous l’emprise d’un Tyran Abstrait ancré depuis des millénaires , et empruntant toutes les figures des rois , des fils du ciel , etc. et de l’autre versant des figures horribles des brutes, et du Vil .
    Ne serait -on jamais délivré de ces Emprises ? A quoi cela tient ?
    la Terre pour toujours coupée de l’univers ? comme chaque bonhomme coupé d’autrui ?
    L’idée d’une liberté totale est peut-être mégalo ? ça doit dépendre de ce qu’on entend par liberté , non ? Un certain type de lien ? une circulation vivante ?
    j’enfile les mots, creux comme je peux et ça me fait flipper …

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Eric L,

      Avant de secouer le joug du tyran extérieur, qu’il soit abstrait ou distribué dans mille hypostases, il faudrait commencer, peut-être, par renverser tyran germinal, celui qu’on héberge en soi-même et qui nous fait régner sur plus faible que nous. Ainsi pourrait-on faire évoluer sereinement les « liens », qui sentent encore trop le régime d’abus et de servitudes, vers les « liaisons ». La société comme tissu conjonctif : un beau programme. La démocratie dans la peau, en somme.

      Cordialement.

      1. Avatar de Eric L
        Eric L

        Je suis bien d’accord. On ne peut pas envisager un futur sans fraternité. Mais la nature humaine est complexe à souhait. De plus , méconnaissant ses fins, elle n’a de cesse de s’égarer sur des chemins de traverse. Ignorant les forces intérieures qui l’habitent , elle commet toutes sortes d’injustices et d’agressions qui font son malheur , prise dans un cercle vicieux . Dédaignant la part féminine, ou voulant la soumettre comme son objet, elle en perd son soleil, ou sa raison . Sans doute , l’avenir serait il meilleur si la voix qui nous inspire , muse à la portée des simples , pouvait avoir encore quelque écoute ?
        Le vieil Homme , comme on pourrait dire le vieux Satan, dispersé à 3,5 milliards d’exemplaires , passant son temps à lutter contre ce qu’il considère comme hostile, et muet, alors que demeurent partout les échos de sa Présence.
        Que dire de plus ? sinon que ce monde ne connait en vérité que les armes, les crocs, et toutes sortes de traitrises où le Seigneur l’Humain croit y trouver ainsi son compte ?
        Tant que ces charges ne seront pas déposées il n’y aura aucun espoir .
        Évidemment cela suppose de tomber un peu amoureux … pour pouvoir se relever .

        Bien à vous .

  7. Avatar de tchoo
    tchoo

    J’aime bien la fable
    la suite……………. j’ai envie de dire « oui et alors ? »

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Tchoo,

      Il y a un rapport, cherchez bien, entre les deux parties. Le programme humaniste n’était pas une amusaille pour purs esprits. Il s’est élaboré à une époque de profondes dissensions dans la Chrétienté, lesquelles dissensions étaient exacerbées par l’hybris des dirigeants, papes y compris. Mesurée à cette aune, la question de savoir si la praxis politique est une allégeance ou une inclination me paraît toujours actuelle.

      Cordialement.

      1. Avatar de Eric L
        Eric L

        Une question qui me vient concerne le fait de l’École . Des écoles plutôt . De la transmission . Dire que tout va à vau l’au est à peine exagéré. ça marche dans un sens qui est celui dicté par des impératifs économiques mais qui sélectionnent les meilleurs pour non pas gérer les biens publics mais gagner le plus d’argent en un minimum de temps . On y apprend des valeurs qui sont l’inverse de ce quelles devraient être . Alors, les plus floués n’apprennent plus que la désobéissance et les désenchantement , à la rigueur bercés par des rêves de starac .
        On intoxique littéralement les gosses . Cf les arts plastiques qui ne valent plus un clou dans le manège de l’éducation ( privée et publique ) .
        des échos, comme ça en passant …
        alors , pour le reste , je ne vous dis pas les crispations qui achèvent tout .( mais là, vivant à l’écart, et n’allumant plus ni télé ni radio je ne saurais vraiment dire dans quel sens vont les choses à la minute )

    2. Avatar de tchoo
      tchoo

      Merci à ceux qui vous répondent, car ils éclairent de façon lumineuse ce qu’il m’avait semblé comprendre dans votre deuxième partie.
      Quand au sens que vous tirer de la fable de Rabelais, cela me semble, là aussi surprenant: ce contenter de ce que l’on a !
      cela ressemblerait à une maxime, qui fait accepter toutes les situations sans révoltes.
      J’y vois plutôt le bon sens du producteur, qui préfère avoir son outil pourvoyeur de revenu lui permettant de vivre, plutôt que d’accéder à une possession finalement assez stérile!

      1. Avatar de BRL
        BRL

        Bonjour Tchoo,

        Se contenter de ce que l’on a, si ce que l’on a est richesse à nos propres yeux (je n’ai jamais dit qu’il fallait se résigner à supporter une condition misérable) et ne lèse pas autrui, cela n’interdit pas de se battre pour le conserver, voire le promouvoir (voyez mon échange avec Rosebud). Mais il importe de savoir au préalable pourquoi l’on se bat. Si l’on se bat pour le « toujours plus », j’ai bien peur qu’on liquide assez vite l’humanité. La morale que vous tirez de ma fable (le bon sens producteur) n’est pas incompatible avec ce refus du « toujours plus », bien au contraire. Je me répète, la mediocritas est une haute ambition, pas une résignation.

      2. Avatar de RV
        RV

        à BRL : 19 avril 2012 à 10:20
        La chute de la fable ne contredit-elle pas votre interprétation?
        La richesse à ses propres yeux serait son amour du travail bien fait, alors que vient faire l’achat de biens et l’accession à une grande richesse matérielle ?

  8. Avatar de Hervey

    Interprétation.
    Parcourant les plateaux, hier, au dessus de Chablis, la fable de Couillatris me rappelle qu’en cette saison le vert manque.
    Le chablis, je précise, est un arbre à terre, un arbre déraciné, abattu par la foudre de … « Jupiter » justement.
    Le spectacle de ces 3218 ha de Chablis + 762 ha de Petit Chablis+ 775ha de Premier Cru+ 106 ha de Grand Cru m’autorise à penser que ce serait bien un certain Couillatris qui serait passé par là et n’y serait pas allé de main morte (mainmorte expression que le médiéviste goutera avec modération).
    Moralité: je voterai …

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Cher Hervey,

      Merci pour cette vue qui me change de mon horizon d’ardoises écailleuses. Je voterai également, mais mon vote ira à un homme ou à une femme, à des êtres défectueux et d’autant plus défectueux qu’ils se croient, pour certains, investis d’une haute mission que le rase-motte des discours dément. A moins que, par scepticisme, je ne suspende mon choix et n’aille faire un tour en forêt pour guetter le Grand Veneur et sa meute apocalyptique.

      Cordialement.

      1. Avatar de Hervey

        Ce n’est donc pas en rase-motte que l’on est au plus prés du terrain.
        Oui, ben je crois que je vais remonter dans mes nuages. De là-haut, on capte encore mieux le blog Jorion. Merci.

  9. Avatar de BRL
    BRL

    @ Rosebud1871

    Bonsoir Rosebud.

    N’avez-vous jamais remarqué dans ces agrégats d’hommes et de femmes qui marchent ensemble (je parle des manifestations, pas des meetings) un certain nombre de gens qui ont l’air d’être là pour être là, des adhérents mous qui trouvent dans la déambulation une nouvelle occasion de mener leurs petites affaires, sous couvert de solidarité, avec ceux qui sont venus pour qu’on les remarque ? Vous allez me dire qu’une manifestation est faite pour être remarquée. Oui, mais c’est l’idée qu’elle porte qui est seule digne d’être remarquée, pas le cas par cas des individus qui la composent, même si chacun d’eux a un biais d’analyse qui lui est propre. Ajoutez à ces adhérents mous les badauds qui se laissent entraîner et les automates bêlants (c’est méchant pour les moutons) qui répètent les slogans. Les manifestants moyennement ou pas du tout concernés + les manifestants stupidement concernés, cela fait du monde. Cela dit, j’accepte cette bigarrure, parce qu’elle n’étouffe pas les autres formes d’engagement au sein de la colonne. Je goûte moins ce genre d’action de masse à présent, voilà tout. La connerie n’est jamais très loin et elle peut prendre des formes meurtrières, dans certaines circonstances (panique ou tabassage policier). La force de l’anonymat (je suis Durand, sans mandat, simple citoyen et je fais société par les idées que j’expose et mets en délibération) et de la médiocrité (la plus haute ambition qui soit, puisque la moins nuisible au prochain), voilà qui m’intéresse bien davantage. Les meetings, c’est autre chose. La libido est mobilisée à un degré supérieur, de part et d’autre de l’estrade. Toutefois, je persiste à croire que c’est moins le rendez-vous d’un homme avec ses soutiens que le rendez-vous d’un homme avec lui-même, réfléchi par l’écran des visages sur lesquels il croit surprendre une admiration unanime. Si vous voulez, je préfère un militant qui soutient non pas une, mais plusieurs idées-forces, à travers un candidat, qu’un militant qui s’annule comme conscience critique devant son candidat. Les hommes passent, les idées restent, qu’il faut continuer d’interroger et d’éprouver à la pierre de touche. Mon « intellectualisme » prend acte de l’indigence des discours « refondateurs » et de l’insuffisance des échanges entre les candidats et les électeurs, ceux-là mêmes qui vont sentir passer le vent des idées mal dégrossies. Même les concepts creux peuvent faire très mal un lendemain d’élection.
    Concernant le style formulaire que j’utilise parfois, dans un dessein polémique, je m’en étais expliqué dans une addition à votre commentaire de mon précédent billet. La nuance que j’y ai apportée – si tant est qu’on puisse parler de nuance dans une opération coup de poing – proposait un dépassement de l’affrontement spéculaire. Ici, c’est quelque peu différent. Même si l’on doit passer par la rue pour se rendre aux urnes (!), la rue ne saurait être mise sur le même plan que les urnes, justement, sauf en dernier recours, quand tout est bloqué et verrouillé. La salle de vote, c’est le domaine du populus ; c’est le lieu d’exercice d’une discipline civique contrôlée par les citoyens. La rue, c’est le domaine de la turba. Le choix s’y exprime selon des modalités très diverses, parfois violemment antagoniques, parfois pacifiques et non moins déterminées (et cela peut conduire à l’organisation d’une votation), mais cela se fait en dehors du cadre civique ritualisé. Autant les pompes de prestige me paraissent superfétatoires, autant ce rituel civique me paraît essentiel. Je vois une hiérarchie où vous voyez une équivalence.

    Cordialement.

    1. Avatar de Rosebud1871
      Rosebud1871

      @BRL 18 avril 2012 à 22:26
      Ce que j’aime dans certaines manifs – pas toutes – c’est leur coté festif. On me décrit plutôt comme un ours fuyant les contacts sociaux, sauf les incontournables, mais je goûte les tutoiements des manifs avec des inconnus, marchant dans le même sens que d’autres, celui de l’histoire à laquelle on croit comme on croît. Ça se produit quand j’y vais seul. Mais parfois j’y retrouve grâce au cellulaire 2 vieux amis, ou j’y croise d’anciens collègues. Il y a une vie de famille, de générations, clanique, de quartier, d’entreprises, d’associations y compris syndicales qui grouille dans le ventre des manifs, et c’est pas une bête immonde ! J’en ai croisé à NYC, à Londres, à Delhi, à Istambul, c’était autre chose sous le même nom, là aussi une transmission typiquement française n’est pas exclue. Rien ne me dit que chacun à les mêmes raisons que moi d’être là, mais en surface le sentiment de cohésion, de solidarité existe. Je n’ai jamais eu peur d’un mouvement de foule dans une manif ou un meeting en France, mais je n’irai pas à une rencontre sportive : la foule n’est pas la masse où indépendamment des SO chacun semble…organisé. Pour vos automates bêlants chanter le refrain « on lâche rien » ou « c’est la danse des canards » à un mariage, l’important c’est de participer et pas forcément à tout.. « La libido est mobilisée à un degré supérieur » écrivez-vous en contraste d’un blog : non, elle s’additionne ce qui démultiplie ses effets pour spectateurs comme pour participants. Pour le rendez-vous de l’homme avec lui même, je crains l’impasse. Le type à la tribune, s’efface pour incarner ce qu’il se propose d’endosser, de porter, genre un peu christ, la souffrance et les espoirs ! Ça ne doit pas être marrant tous les jours, Poutou a apporté un témoignage sans ambigüité là-dessus, vibrant d’honnêteté : c’est chiant. Ça l’est forcément pour les autres, cette étiquette du pouvoir à incarner, même si quelque chose d’autre les pousse et les tient, et que Poutou n’a pas rencontré. Votre idée du militant « qui s’annule comme conscience critique devant son candidat » est épouvantable. Vous parlez de fans de concerts, ou sportif etc. pas de militants digne de ce nom. La rue domaine de la turba…le polysémantisme du terme m’égare un peu. J’ai appris récemment que les manifs en plein air étaient payantes auprès des municipalités. Plutôt populus donc l’usage de la turba dans l’affaire. Non je ne vois par définition ni équivalence ni hiérarchie, plutôt une dialectique instable au long cours.
      L’ours vous dit « cordialement » !

      1. Avatar de BRL
        BRL

        Bonjour Rosebud.

        Je n’ai jamais écrit que les manifestations étaient la « bête immonde » et, sauf pour le côté festif, dont je n’ai pas encore eu l’heur de profiter (nous n’avions pas vraiment la tête à cela, dans notre bassin industriel sinistré), je vous suis sur les détails que vous donnez, sans renier pour autant ceux que je donne, au nom de la bigarrure, précisément. Quant aux mouvements de foule, vous devriez vous en défier tout de même, surtout lorsque la police sonne la charge. Ma mère a failli laisser une jambe à une manif’ qui célébrait l’envol mortel de l’amiral Luis Carrero Blanco. Les CRS, dans ma ville, n’avaient pas reçu de consigne de retenue à l’égard des gauchistes. Ils y allaient franco, si j’ose dire. S’agissant des meetings et autres concélébrations messianiques, j’ai du mal à y voir autre chose qu’une concurrence de vertiges dont l’orateur sort illusoirement victorieux. L’effacement derrière les idées est sans doute l’idéal auquel vous aspirez (et moi aussi d’ailleurs), mais dites-moi quand et où vous l’avez observé ces derniers temps, les petits candidats mis à part ? Le processus narcissique d’auto-illusionnement de l’homme de pouvoir dans les meetings a été décortiqué par les neurobiologistes. Ce n’est pas chiant pour tout le monde, surtout si le staff de campagne s’occupe du plus chiant de l’affaire. Sébastien Bohler livre quelques explications intéressantes à ce sujet dans le magazine 28′ d’Arte (vous trouverez le lien vers l’extrait sur un fil du blog). Des militants du type « annulé », j’en ai croisé, oui, et ils criaient souvent plus fort que les autres. J’aurais pu, en effet, les rebaptiser « fans ». J’aime bien votre idée d’échange dialectique instable entre la rue et la salle de vote, mais, bon, que voulez-vous, je suis légaliste et tiens à mon rituel électif (du moins jusqu’à une certaine limite). Je m’accroche souplement à cette hiérarchie qui n’empêche pas les va-et-vient. La polysémie du substantif latin turba reflète justement bien la variété des actions de rue. Comme le Romain attachait à ce terme plus de négativité que de positivité (le vieux Romain républicain détestait l’instabilité), remplacez-le par multitudo, moins bassement connoté.

        Bien à vous.

      2. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        Bonsoir BRL,
        Carrero, je l’avais oublié ! C’était mes premières manifs et il y avait des flics ! mais je ne parlais pas de ce vieux temps là avec les portes qui s’ouvraient et les escaliers refuges. Les communions mettent en acte un tous ensemble qui exclut ceux qui y sont sifflés. ET comme dans les colloques ce n’est pas toujours ce qui se passe sur scène qui importe (c’est publié) mais le frotti-frotta en sus du prêchi-prêcha. Les biologistes et l’imagerie cérébrale osent raconter ce qui se passe dans le brain du leader : on n’arrête pas le progrès ! Je suis aussi légaliste mais…relativement ! Le terroriste qui devient chef d’État, Mandela en est aujourd’hui l’icone vivante, dit assez les limites et puis le droit reste le reflet d’un certain état de choses, parfois en avance, parfois en retard sur les mœurs, économiques aussi. Je me suis fait entrainer ce soir à regarder Polisse, ce docu fiction réaliste, qui décrit la pathogeoire où les contradictions du système plongent le bras armé de la justice. Il est des destins qui sortent de la médiocrité par l’instabilité, et d’autres qui y finissent leur brillant trajet. C’est la vie !

  10. Avatar de Macarel
    Macarel

    Il nous faut un nouveau président qui ne craindra pas l’épreuve de force avec nos partenaires si ces derniers ne veulent pas réorienter la construction européenne dans un sens plus social et solidaire.
    Nous ne devons pas avoir honte de notre « modèle français » tant vilipendé 24h/24h sur tous les canaux médiatiques aux mains des intérêts financiers mondialisés.
    Réclamer une « concurrence loyale » à la place d’une pseudo « concurrence libre et non faussée » , demander un protectionnisme aux frontières de l’UE pour les importations en provenance des pays pratiquant le dumping écologique et social et/ou manipulant le cours de leur monnaie , ou vouloir un rééquilibrage des échanges commerciaux entre les membres de la zone euro ce n’est pas être anti-libéral; c’est simplement défendre ses intérêts.
    Le libéralisme ce n’est pas le « laisser faire », en tout cas pas dans sa conception française.
    Au demeurant les USA archétype de pays libéral, ne sont pas les derniers à défendre leurs intérêts quand il le faut. Pourquoi faudrait-il que les européens soient plus niais que leurs cousins d’outre-atlantique ?
    La France a besoin de l’Europe pour exister, mais sans la France l’Europe ne peut exister.

  11. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    Question prise de tête : Couillatris garde toute sa tête, mais au gré des urnes présidentielles n’est-ce pas celle du roi qui repousse, au sommet du corps électoral, comme en un écho d’un des corps de roi ?

    1. Avatar de BRL
      BRL

      Bonjour Schizosophie.

      Avec Rabelais, tout est permis, sauf peut-être le crime de lèse-majesté. On ne peut pas le tirer non plus à toute force vers notre époque. Il était fidèle à Henri II, comme il avait été fidèle à François Ier. L’heure n’était pas à la prolifération des candidats au trône, façon guerre des Deux-Roses. Rabelais mourut avant la montée en puissance des Guise. Cela dit, cette histoire de têtes qui valsent peut trouver son sens dans le sentiment qu’avaient les moralistes que la vénalité était une forme de démence (l’argent fait perdre la tête, cf. le gars de chez Chevreux). Sous le simple rapport de la logique, tout christianisme mis à part, quoi de plus vrai, en effet : nous nous exténuons à acquérir ce que la mort nous ôte.

      1. Avatar de Eric L
        Eric L

        Y a-t-il un « corps » mort ?

      2. Avatar de Eric L
        Eric L

        La vie n’a de sens que comme ruse pour tromper la mort: Faire en sorte qu’elle n’emporte pas tout . On traverse la vie de corps en corps, à moins que ce ne soit l’inverse , la vie fait et défait les corps . Un corps se décompose et compose un autre . La question est de ne pas se laisser submerger par ces métamorfausses et partout où l’on puisse, La retrouver , pas trop amochés .
        Hélas, on ne laisse pas trop aux gens le soin de méditer sur leur os .

      3. Avatar de schizosophie
        schizosophie

        @Bertrand Rouziès-Léonardi, le 19 avril 2012 à 16 h 20

        Ouais. Ok. Mais entre-temps quelques décollations majestueuses ont forgé différemment la mémoire, et celles qui s’agitent dans les urnes bientôt pleines : d’où qu’il est possible de non pas « réécrire » mais détourner, les conditions, retournées, de fais ce que voudras, au regard du présent.

        Beware specialism, amicalement.

      4. Avatar de Eric L
        Eric L

        le corps des lois qu’on tente de ranimer , corps sans âme, sans amour , corps aveugle et ab- strait intouchable , s’appuie sur quoi ?
        on rajoute du cadavre sur du cadavre … ce qui n’empêche les plus malins de l’utiliser à leurs fins . et tout se maintient dans cet Ordre Immuable .

        Sauf si on retrouve la loi vivante en Nous

    2. Avatar de Rosebud1871
      Rosebud1871

      @ schizosophie 19 avril 2012 à 15:31
      C’est plan plan tout ça ! Le mystère de l’articulation Peuple-Nation-État remake de la Sainte Trinité pourquoi pas, mais ce qui m’amuse c’est qu’on l’aurait refilé all over the world ! Lecture qui vaut la confidence de mon guide tibétain qui m’expliquait que les chinois étant bouddhistes à la façon tibétaine, dès que les cocos de Pékin auront disparus le dalaï lama serait le chef spirituel du monde grâce à la puissance de l’économie chinoise…

      1. Avatar de schizosophie
        schizosophie

        @Rosebud1871, le 20 avril 2012 à 00 h 58

        « plan plan » peut-être. Je pose la question en toute bonhomie (p. 170)

      2. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        @Rosebud1871, le 20 avril 2012 à 00 h 58
        Entendu pour la bonhomie…mon deuxième plan de mon plan plan a été caviardé, d’où ta lecture réduite au plan-plan. J’ai proposé mon aide ailleurs puisque tu posais une question mais elle a été appréciée autrement.

  12. Avatar de BRL
    BRL

    @ RV

    Bonjour RV,

    Je ne crois pas – mais je peux me tromper – qu’il faille voir dans l’enrichissement fulgurant de Couillatris une contradiction, car il est de l’ordre de l’invraisemblable. Avec deux manches en métal précieux, il ne pouvait pas s’offrir tous les biens que la fable énumère. Cet enrichissement est plus symbolique qu’autre chose, c’est la bonne fortune (dans les deux sens du terme, Rabelais jouant sur plusieurs tableaux à la fois) qui sourit à celui qui ne demande rien de plus que ce qui le rend heureux. Cette bonne fortune a aussi une fonction de relance narrative, puisqu’elle provoque une épidémie d’imitations intéressées chez des gens pas forcément dans le besoin, épidémie à laquelle Mercure remédie de la façon expéditive décrite. Si vous voulez, la contradiction n’est qu’apparente, car la morale est bien celle-ci (je cite le texte rabelaisien) : « Voylà qu’advient à ceulx qui en simplicité soubhaitent et optent choses mediocres. » En admettant qu’il faille accorder de l’importance aux achats de Couillatris, vous aurez noté qu’ils concernent des biens utiles. Couillatris ne thésaurise pas les pièces qu’il a obtenues en échanges des deux manches. Il les convertit tout de suite en terres cultivables. C’est un emploi noble pour quelqu’un de modeste et de travailleur comme lui. Les gentilshommes qui l’imitent, eux, ont déjà tout. Le plus qu’ils espèrent avoir en égarant un manche en bois est superflu. La vénalité seule les guide. Couillatris est un temps tenté par la parade (il joue les prélats – il va « prélassant » dit Rabelais – parmi ses collègues bûcherons), mais il y renonce aussitôt pour transformer son argent en ce qui compte vraiment, à ses yeux, des terres à cultiver, la vraie richesse. Cette interprétation n’exclut pas la lecture symbolique.

    Cordialement.

  13. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour à tous

    Les guerres picrocholines se portent bien en notre doulce france!

    Si Rabelais refaisait son test des torche-cul aujourd’hui , y ajouterait t-‘il le bulletin de vote?

    L’aventure de Couillatris a laissé un dicton : il ne faut pas jeter le manche après la cognée …
    Et la lutte des places chez les politiques montrent bien qu’à force de vouloir à tout prix être du bon côté du manche, ils en arrivent à perdre la tête!

    Cordialement.

  14. Avatar de BRL
    BRL

    Bonsoir RV.

    Je réponds à votre objection au n°42. N’oubliez pas la stratification sémantique qui est la spécialité de Rabelais. La contradiction n’est qu’apparente. A moi aussi il a fallu du temps pour la dépasser. J’ai dû faire un détour par Montaigne…

  15. Avatar de Mor

    Couillatris ou le triomphe de l’utile. Il ne spécule pas, il prend le manche qu’il connaît, qu’il sait manier et convertit le manche d’or en terre où il pose les pieds et plante le futur. Hop, décidé ! Moi aussi je vote pour Couillatris.

  16. Avatar de leo poulain
    leo poulain

    Que Mélenchon ait dit ceci, que Hollande ait dit cela, peu me chaut. Ces deux grands démocrates ne se donnent même pas la peine de se frotter ouvertement, là, sur le blog de Paul Jorion, à la contradiction et à la rectification (au sens alchimique).

    Les programmes sont disponibles sur l’Internet. Il est permis de les télécharger, de les lire, de les critiquer ligne à ligne, et de publier librement des critiques. Il est même permis d’en rire, et de ne pas se prendre trop au sérieux.

  17. Avatar de BRL
    BRL

    Cher Leo Poulain,

    Bien entendu qu’il est permis d’en rire, d’où Couillatris. Ce que je brocarde, ce n’est pas la disponibilité des programmes, mais l’indisponibilité des candidats quand il s’agit d’en répondre en des lieux inhabituels, comme ce blog, et devant un public pas forcément acquis. Au lieu du dialogue direct, on a droit à des manœuvres de couloir qui rendent les internautes méfiants et sapent la légitimité des discours échangés ici. Je sais bien que l’emploi du temps des candidats est surchargé, mais, dans la mesure où ils prétendent investir le web, qu’ils en acceptent la surexposition et le retour quodlibétique consécutifs, ou sinon, qu’ils s’abstiennent de nous servir la fiction de la démocratie participative. C’est le moins, vu les sommes astronomiques engagées.

    Cordialement.

  18. Avatar de BRL
    BRL

    Cher Eric L,

    Belle méditation sur l’impossibilité de la métempsychose dans les conditions de vie qui sont les nôtres. Je me demande parfois, en effet, s’il n’y a pas quelques vivants-morts parmi nous. Que préconisez-vous pour réanimer le corps électoral ? M’est avis que cela pourrait être utile en ce moment.

    Sursum corda.

    1. Avatar de Eric L
      Eric L

      Il faudrait avoir une baguette magique afin de faire une synthèse de toutes les revendications plus ou moins légitimes qui sont en filigrane de tous ces programmes , parce pris séparément, ils sont tous carencés. Et est-ce qu’une seule nation peut construire en son sein un modèle fondé autrement si les autres nations lui sont hostiles ? c’est vrai que la France semble portée par quelque chose d’inédit , alors ? libérer les paroles et essayer de ne pas les trahir . tandis qu’on voit que ce qui se passe , c’ est le jeu du chat et de la souris . La souris, c’est le vote des français , toujours menés en bateau . Les galères promises plutôt.
      L’Europe sans la suisse ? ou les autres paradis fiscaux ? ou même Rome qui dicte sa morale et sournoisement continue son œuvre ( et les autres qui font pareil ) ? Comment voulez vous qu’on ne soit pas dans les ténèbres avec tout ça ?

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