Billet invité
Une lancinante question forme un écho qui semble rebondir à chaque sursaut de la crise en cours, semblant ne devoir prendre fin qu’avec la crise elle-même et au-delà, qu’avec le capitalisme : pourquoi ?
Pourquoi, alors que depuis plus de 40 ans on s’acharne à appliquer des politiques d’ajustements structurels dans le monde sans que l’on ait pu voir un patient guéri d’un tel remède, pourquoi s’acharner à continuer d’appliquer ces politiques ?
Pourquoi, alors que l’on sait, y compris les économistes, depuis la crise de 1929, qu’appliquer ce type de solutions dans de tels contextes peut directement conduire à des récessions puis à des crises politiques et sociales majeures, lesquelles forment l’antichambre du fascisme et du totalitarisme nazi, pourquoi le champ politique démocratique s’acharne à légitimer coûte que coûte ce type de politiques ?
Pourquoi, alors que les effets de telles politiques ne font qu’accélérer le délabrement d’un système dont les acteurs qui en tirent profit ont tout intérêt à maintenir son efficience, sinon son existence, pourquoi sont-ce ceux-là même qui profitent d’un capitalisme qui les sert, qui le détruisent ?
Pourquoi, alors que le système économique actuel semble si entropique, dégageant une énergie telle que la seule stabilisation qu’il semblerait connaître un jour sera celle de son effondrement final, pourquoi des forces contraires qui viendraient limiter ou freiner ce qui semble être une pure déperdition ont-elles tant de peine et de difficultés à émerger, quand il semble pourtant évident que dans l’intérêt même des acteurs bénéficiaires une régulation permettant le maintien en l’état du système doive s’imposer à tous ?
Tel un Golem qui s’émanciperait de ses créateurs, le système économique viendrait ainsi les écraser sans les reconnaître même et échapperait à toutes tentatives d’explication rationnelle de ses agissements.
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Certaines théories explicatives pourraient donner sens néanmoins à une réalité dont les acteurs, tous les acteurs, sont dans l’incapacité d’en donner un quelconque, sinon de le traiter ‘d’irrationnel’, de ‘fou’.
Certains ont cherché par exemple dans l’intérêt qu’auraient certains acteurs à produire un tel chaos, stratégie qui permettrait ainsi de recomposer un monde plus ‘à la main’ de ceux qui initieraient ces actions, l’objectif étant au final de produire un ‘Shock and awe’ (‘choc et stupeur’) parmi les populations, lesquelles seraient ainsi plus à même d’accepter ce qu’elles n’auraient pas accepté sans que ces effets ne se soient produits. Outre qu’effectivement les populations qui subissent ce genre d’effets entrent dans ce que l’on désigne une résilience, une capacité à donner sens à un nouvel univers afin de ne pas sombrer dans la folie, il s’agirait cependant de ne pas confondre causes et conséquences. Car pour que de telles stratégies puissent advenir, encore faut-il que ceux qui les initient puissent avoir les moyens suffisants pour ce faire, dans le cadre d’un système dépassant de beaucoup en gigantisme le plus puissant des acteurs mais aussi que les effets puissent correspondre aux effets souhaités initialement et être parfaitement maitrisés. Nonobstant que le premier terme impliquerait une coordination consciente d’acteurs, qui conduirait aux théories du complot (mais un complot qui intègrerait cette fois-ci toutes les dimensions possibles : politiques, économiques, financières, sociales, etc.), le second terme rend à lui seul peu crédible une telle explication, car il devrait pour ce faire s’appuyer sur l’absence ou un niveau réduit de complexité du dit système.
Or, force est de constater à la vue des effets produits mais aussi des contre-effets que rien de tel ne peut permettre de qualifier un système où complexité rime avec perplexité. S’il s’avère que certains acteurs puissent à la fois pousser aux dynamiques en œuvre, y compris les plus chaotiques, tout en en retirant de phénoménaux bénéfices, tout indique qu’ils ne sont rien d’autres que des auxiliaires d’un système entropique dont les lois thermodynamiques relèveraient du mystère et non de la science : des conséquences, non des causes.
La complexité d’un tel système en tant que théorie ne permet pas non plus de donner un sens à une réalité qui semble glisser entre les doigts comme le sable fin du désert, parce que ce discours analytique ne permet pas de discerner les causes des dysfonctionnements (sauf à reconnaître que tout système produit lui-même, comme l’effondrement gravitationnel, sa propre complexité croissante qui finit par s’effondrer : un processus ‘physique’ en quelque sorte qui méconnaitrait ses origines) et même qu’il finit par les masquer pour se concentrer sur des conséquences identifiées comme causalités.
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Un autre discours au contraire s’appuie sur ce qui apparaît comme irrationnel puisqu’il en fait son fondement : la psychanalyse. Freud, dans sa seconde topique, définit les trois instances qui se répartissent entre inconscient, préconsciente et conscience : le ‘ça’, le ‘surmoi’ et le ‘moi’.
Le ‘ça’, totalement inconscient, est le siège des pulsions, qui ne distingue pas le réel de l’imaginaire, ne connaît pas de limites à sa toute-puissance. Le ‘surmoi’ dans lesquels viennent se loger les interdits, les règles sociales, etc. limite ces pulsions et la résultante de ce combat donne le ‘moi’, la personnalité dont une part est consciente.
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Adaptée au champ économique, la psychanalyse permet plus largement et plus profondément de comprendre les causes des phénomènes que l’on peut recenser et que l’on persiste à caractériser comme sans fondements rationnels et pour cause : les mécanismes en œuvre de la crise pourraient avoir tout à voir avec l’inconscient. Les caractéristiques que l’on a pu relever de cette crise ont en effet tout à voir avec le ‘ça’ de Freud. C’est l’hybris des Grecs et ce que Castoriadis dénommait l’illimitisme, comme forme de totalitarisme : un mouvement sans objet, sinon sa propre perpétuation, y compris contre ses propres membres. Le ‘moi’ économique actuel, le capitalisme, serait alors une tentative de conciliation entre un ‘ça’ économique sans limites et une réalité institutionnelle contingente qui freine encore l’expression des pulsions économiques. La ‘mutation’ d’un capitalisme qui était peu ou prou régulé il y a encore quelques décennies serait donc dû à la libre expression d’un sujet consommateur sans entraves devant lequel les institutions humaines s’effaceraient progressivement.
Pour autant, cette analogie n’est pas suffisante pour expliquer le pourquoi et le comment de l’excroissance du ‘ça’ au détriment du ‘surmoi’. Car si le libéralisme à l’origine valorise la liberté d’échanger et le primat de l’individu et de la propriété, il n’en reste pas moins qu’Adam Smith ne conçoit ces libertés qu’insérées dans le cadre d’une régulation institutionnelle, même minimale, comme le serait celle de l’État, par défaut. De fait, c’est bien à partir des néo-classiques que l’on sort du cadre de l’économie politique, d’une économie encore insérée dans un ‘surmoi’ institutionnel même flottant, pour entrer dans la libération d’un ‘ça’, celui de l’individu, source auto-référentielle de légitimité : la contrainte, quelle qu’elle soit, devient de plus en plus difficilement consentie par les tenants d’une disparition du ‘surmoi’ pour ne laisser place qu’aux pulsions au sein d’un ‘moi’ enfin libéré. S’exprimant enfin pleinement à la fin du 19ème siècle, le capitalisme ‘sans limites’ finit brutalement sur le mur des réalités avec la crise de 1929 et finit par voir son ‘ça’ économique être réencadrer par un ‘surmoi’ institutionnel dont le politique avait finit par oublier qu’il en était l’un des moteurs. Bridé donc notamment par le New Deal de Roosevelt, le capitalisme tel qu’il se concevait depuis toujours, illimité, en conçut une souffrance interne due aux contradictions profondes entre son ‘ça’ et le ‘surmoi’ imposé, qui produisit un ‘moi’ névrotique, à la fois capitaliste mais incapable parce que limité d’atteindre ses objets de désirs : la main invisible du marché, la loi de l’offre et de la demande, etc., toutes choses que l’État, puissance castratrice majeure, venait à mettre à distance de ses pulsions.
Le capitalisme s’en conçut dès lors comme perverti par ce ‘surmoi’ et s’imagina comme pur au travers d’une idéologie de la pureté : le néo-libéralisme. Pour autant, cette idéologie ne pouvait pas s’exprimer tant que l’État faisait encore écran. Il fallut donc attendre un événement ou une conjonction d’évènements majeurs et traumatiques pour qu’enfin il puisse avoir droit de cité. Ce fut chose faite, quand, à court de réserves monétaires suffisantes, en raison d(une guerre du Vietnam qui se prolongeait, Nixon proclama unilatéralement en 1971 la fin de la parité entre le dollar et l’or, permettant ainsi de désarrimer le dernier lien de l’étalon monétaire d’avec un semblant de réalité incarné dans l’or. Les deux chocs pétroliers et la fin du système de Bretton Woods entretemps furent les occasions tant attendues par le néo-libéralisme pour que celui-ci puisse enfin s’incarner quelques années plus tard, lors de l’accès au pouvoir de Reagan et de Thatcher : le ‘ça’ était de retour.
Mais les pulsions restaient encore freinées par le ‘surmoi’ institutionnel qu’incarnait en grande part l’État (et toute institution sociale qui faisait écran entre la pulsion de l’individu-roi qu’incarnait le consommateur et l’objet de son désir, soit son miroir), ce qui produisit une souffrance insoutenable pour un capitalisme qui se pensait enfin libéré de son carcan régulateur. Le capitalisme décida alors en lieu et place de la supporter, de l’externaliser vers ‘l’autre’, celui qui n’était pas lui, à commencer par les pauvres, au travers de politiques d’ajustements structurels qui explosèrent dans les années 70, mais aussi au travers de l’État qui fut démantelé et des salariés, dont la part dans la richesse créée fut progressivement réduite et l’inactivité augmentée. Le capitalisme subissant toujours des entraves à sa libre expression, entraves bien que progressivement réduites, produisit donc ce que la psychanalyse appelle une perversion, soit un mécanisme de défense lui permettant d’ignorer toute remise en question, de contourner la souffrance et de la transmettre aux ‘autres’, l’Autre n’étant alors qu’un instrument dans sa perversion. Ce faisant, et puisque l’Autre n’existe pas autrement que comme instrument et non en tant que souffrance, le mécanisme ainsi engendré ne peut que produire une fuite de la réalité, laquelle est reconstruite à l’image que se fait de lui-même le capitalisme. Dès lors, toute image de la réalité qui ne correspondrait pas à l’image que se montre le capitalisme dans le miroir qu’il s’est construit est donc forcément une image tronquée, fausse, pervertie en quelque sorte par l’Autre qui n’est pas ce qu’il devrait être. Pire, c’est l’Autre qui utilise la perversion à l’encontre du capitalisme, parce qu’il n’arrive pas à assumer ses contradictions, à savoir être un individu libre et sans limites, parce qu’il n’arrive pas à se libérer de son ‘surmoi’ institutionnel.
Le capitalisme tel que conçu actuellement n’est donc qu’une perversion, qui ne peut prendre fin que quand l’Autre sera totalement à l’image que le capitalisme se fait de l’Autre, c’est-à-dire de lui-même, la fin de ses souffrances devant correspondre à la fin d’un Autre différent. Le capitalisme serait donc la négation tendancielle de la névrose, de la possession de l’objet par le sujet, névrose dont le ‘surmoi’ avait jusque là pour origine et pour objet de donner un sens social, sa fonction même étant justement la mise à distanciation. Cette négation ne pourrait donc tendanciellement que s’exprimer sous forme de perversion, puisqu’à moins de supprimer définitivement le ‘surmoi’, le ‘ça’ ne pourra pas être le ‘moi’ et inversement, d’où cette souffrance évacuée sur autrui (et si possible un autrui dont l’image doit être la plus éloignée que celle dont se fait de lui-même le capitalisme : pauvre, salarié, fonctionnaire, État, femme, …).
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L’analyse lacanienne, de Özge Ersen, avec son 5ème discours, le « discours du capitaliste », explicite cette perversion en la décrivant comme une inversion qui permet au sujet ‘d’accéder’ à l’objet de son désir :
« Le sujet décide lui-même du signifiant qui le représente et il peut désormais accéder à son objet du désir dans la réalité ou plus exactement il maintient fortement l’illusion de pouvoir l’atteindre dans la vie réelle. Le discours actuel de consommation dit à l’individu ceci : « Voici, l’objet qui te détermine et il est dans ton pouvoir de le posséder quand tu veux ». La plainte du sujet exprimée dans le discours du maître, trouve ainsi une réponse dans ce discours capitaliste. Or, la réponse que le sujet y trouve n’est pas dans le registre psychique, c’est-à-dire dans le registre du fantasme, mais celle qu’il trouve dans la vie réelle par l’objet de la réalité. Comme toute organisation symbolique, ce discours aussi produit ses propres psychopathologies. Et quand on change le discours, on change en même temps le registre de la plainte et de la psychopathologie. Le discours du maître, qui se réfère toujours à un tiers, à la loi, et à l’interdit, nous présente la structure de l’hystérie, de la phobie, donc de la névrose en général. Il s’agit bien d’une impossibilité de la complétude et de la satisfaction totale, et ce qui en est responsable n’est pas le sujet mais la loi symbolique à laquelle il se réfère. En revanche, dans le discours capitaliste d’aujourd’hui, il n’y pas de place pour ce qui est impossible et interdit. Car ce dont il s’agit ici est moins la question de l’impossible qu’une question du temps, de telle sorte que le discours capitaliste maintient l’illusion en disant qu’il est tout à fait capable de produire l’objet qui manque à la satisfaction, sinon aujourd’hui, demain sans faute ! (…) Le discours capitaliste, comme évoqué ci-dessus, va à l’encontre de la structure et du fonctionnement du sujet. Le sujet, écrasé sous toutes ces images de « jouissance sans entrave », reste encore divisé. Ceci est un point essentiel car ce qui est changé n’est pas la structure du sujet, mais le champ de l’Autre par rapport auquel le sujet se positionne et auquel il se réfère. L’Autre n’est plus, comme c’est le cas dans le discours du maître, manquant de ne pas être totalement dans la jouissance, garant de la loi et transmettant le désir, la perte et l’incomplétude ; mais c’est un Autre de la consommation, là où tout est possible sans interdiction. L’enjeu n’est plus le désir qui fait naître le désir, mais c’est la jouissance qui veut se réaliser immédiatement, ici et maintenant. Par ailleurs, le sujet, au lieu de trouver l’offre de la perte qui laisse à désirer en tant que réponse à sa souffrance psychique, trouve l’offre d’un objet de la réalité capable de supprimer ses souffrances. » (Un regard lacanien sur les psychopathologies actuelles en lien avec le discours moderne, par Özge Ersen, EK TON YSTERON Fascicule 15: Autour de l’objet, 2007)
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Mais toute la difficulté de ce discours réside dans l’impossibilité pour un sujet de trouver cet objet qui puisse supprimer sa souffrance : il lui faut donc consommer, sans cesse, les objets. Cette consommation ‘renouvelable’, illimitée, appelle donc à ce que le sujet puisse être en capacité d’effectuer cette consommation, sans quoi la perversion se double de la névrose classique de la mise à distance de l’objet du désir (ou du désir d’objets). C’est pourquoi il est impérieux pour le capitalisme de mettre à disposition un nombre de plus en plus important d’objets, dans des quantités de plus en plus importantes, à des prix de plus en plus accessibles à un nombre de sujets de plus en plus important : c’est la société de consommation. Pour ce faire, il faudra alors faire en sorte que les pays dits ‘du Sud’ puissent accéder au rang de pays ‘fournisseurs à bon marché d’objets’ et ce faisant, de pays ‘en voie de développement’, puis ‘en voie d’industrialisation’, avant que d’être ‘en voie d’être développé’. Malheureusement pour le capitalisme, cette progression fait que, libre-échange étant, la concurrence entre les salariés/producteurs dans les pays dits ‘du Sud’ et ceux dits ‘du Nord’ ne permet plus au salaire du producteur des pays dits ‘du Nord’ d’accéder à la promesse du capitalisme, à savoir de consommer des objets de manière renouvelée. Le capitalisme étant par ailleurs une machine à produire des inégalités dans la répartition des richesses créées, les salariés-consommateurs reçoivent moins dans la richesse créée que ce qu’ils recevaient avant, quand le capitalisme était plus régulé. La tension ainsi générée, entre baisse tendancielle des salaires des consommateurs et concurrence croissante entre salariés ‘du Sud’ et ceux ‘du Nord’, doit être résolue, sous peine de rendre caduque la promesse du capitalisme faite à tous : le capitalisme développera alors le crédit, comme solution alternative, hypothéquant l’avenir, de fait identifié sous forme de croissance sans fin. Malgré l’explosion des multiples bulles spéculatives sur les prix des actifs depuis les années 90, le capitalisme avec la titrisation pensait avoir résolu pour un temps certain cette tension, du moins le temps que les pays dits ‘du Sud’ puissent prendre le relais des pays dits ‘du Nord’ en terme de consommation. Ce projet était en bonne voie quand un ‘incident’ se produisit dans la patrie du capitalisme, avant que le réacteur n’entre en fusion : les subprimes explosèrent en 2007. La crise actuelle démarra.
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On s’aperçoit donc que le crédit fut un palliatif dans l’obligation existentielle du capitalisme de fournir l’objet requis. Plus que cela, le crédit en vint à devenir … l’objet lui-même requis, quand, on passa d’une crise de dettes privées à celle de dettes publiques, où l’accès au crédit est l’objectif premier de tous les acteurs : comment faire pour accéder au crédit, au prix le moins cher ?
De palliatif, le crédit devint donc l’objet renouvelable, l’objet même qui ‘supprime les souffrances’ car réellement, l’obtention du crédit permet au débiteur de sursoir aux effets des politiques d’austérité que le capitalisme est dorénavant ‘obligé’ de faire appliquer. Pourquoi ‘obligé’ ? Parce que là encore la logique perverse ne pouvait pas le conduire à remettre en cause ses propres fonctionnements, la souffrance endurée par les effets de la crise l’ayant obligé entretemps à trouver des ‘autres’ que lui sur lequel reporter sa souffrance, celle de ne pas être à l’image de ce qu’il se concevait : insoutenable image que la réalité lui renvoyait … Les états furent donc les premières victimes, sommés de prendre en charge la souffrance de la dette privée, lesquels furent vites ensuite désignés comme coupables de dérives inadmissibles, avant que de devoir être sommés d’appliquer des politiques d’austérité, lesquelles permettraient enfin de mettre au pas ces grands incapables que sont les états et pour tout dire, névrosés et inconscients de l’être. On les soumettrait donc à une cure de crédit et de dettes, si possible de manière perpétuelle puisqu’il n’était plus possible de leur offrir les objets du désir, par défaut de salaires mais aussi par défaut de crédit.
A défaut donc, le capitalisme proposa l’objet de la dette (et son pendant l’austérité) comme désir.
Le capitalisme, pourtant entré dans le mur de la réalité en 2007, en ressortait encore une fois ‘vainqueur’, i.e. encore plus pervers, les ‘autres’ sommés plus encore qu’auparavant de supporter toute cette souffrance qui était la sienne, incapable qu’il était de se remettre en cause (sauf à des moments spécifiques de grande détresse, comme put l’être le discours de Toulon de Nicolas Sarkozy en septembre 2008, moment où l’inconscient du capitalisme ne put être réprimé et s’exprima).
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En quelque sorte, n’ayant plus d’éléments pour alimenter leur consommation, on proposa aux acteurs d’ingérer leurs propres déchets, les excréments de l’économie : leurs propres dettes.
Le corps social dès lors ne pouvait qu’en devenir malade.
Au niveau européen, ceci prit une dimension presque anthropophagique. Car les membres les plus excédentaires du corps européen, ceux-là même qui avaient formé leurs excédents de la consommation des autres membres, sommèrent ceux qu’ils avaient consommés de s’amputer eux-mêmes, afin qu’ils puissent continuer à être alimentés, sous peine d’être expulsés du corps tout court (mais tout en affirmant combien il était nécessaire, bien sûr, que ces membres restassent membres du corps).
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Cette perversion ira jusqu’à son terme, soit jusqu’à la fin des ‘autres’, tous ceux qui ne sont pas à l’image que le capitalisme se fait de lui-même. Et contrairement à ceux qui pensent que le capitalisme produira nécessairement à un moment ou un autre ses propres anticorps face à un mouvement qui, le reconnaissent-ils pour les plus conscients d’entre eux, s’applique au capitalisme lui-même, ce phénomène ne prendra pas fin de lui-même pour la bonne et simple raison qu’un pervers n’a pas la capacité de se remettre en cause, seul le Réel peut lui faire obstacle, soit sous la forme des autres, soit, et le plus souvent malheureusement, sous celle de son autodestruction. L’ironie de l’Histoire est que, selon Lacan, ce serait Marx qui aurait, avec sa ‘plus-value’, son ‘plus de jouissance’ (d’objets du désir), permis au capitalisme d’institutionnaliser (dans le ‘surmoi’) à la fois le concept de valeur et surtout le vice sans fin, la perversion du ‘plus d’objets’, de ce ‘surplus’ que la production des prolétaires permet par leur travail, que le capitaliste s’accapare et que les prolétaires devraient réclamer comme leur dû. Capitalisme ou Marxisme seraient donc les deux pendants opposés du ‘plus’ et de la ‘valeur’, lesquels, en l’absence ou en l’omniprésence de ‘surmoi’ institutionnel, poussent inéluctablement à la perversion capitaliste de consommation d’objets ou à la névrose obsessionnelle communiste de possession d’objets.
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Il nous faudra donc bien finir par prendre conscience des phénomènes de perversion en cours : ceux de la dette, du crédit, de l’intérêt, de la répartition des richesses selon le rapport de force. Ceux de relations entre membres d’une communauté qui voient en l’Autre un substitut, quand en fait c’est le déséquilibre des relations, la transformation du besoin d’échanges en échanges de biens qui fondent la perversion. Plus profondément, prendre conscience de la consommation d’objets pour assouvir une jouissance factice, laquelle se fonde sur la ‘plus-value’, le surplus de ‘valeur’ et plus précisément encore, sur la théorie de la ‘valeur’.
Prendre conscience aussi qu’en l’absence d’un réinvestissement du ‘surmoi’, il y a fort peu de chances que le ‘ça’ reprenne des dimensions plus humaines et que le ‘moi’ ne continue pas à souffrir. Que seul le politique permettra ce réinvestissement et qu’en l’absence d’une volonté politique pour ce faire, il faudra bien que le citoyen investisse lui-même le ‘surmoi’ en créant de nouvelles institutions ou normes morales, à commencer par intégrer l’Autre comme étant aussi lui-même afin de ne pas perpétrer la perversion inconsciemment ou par interroger son intérêt à l’intérêt : ‘ça’ commence sans doute par ‘ça’.
257 réponses à “LE CAPITALISME COMME PERVERSION, par Zébu”
Cela semble excellent …..
Que d’efforts pour faire oublier la lutte des classes! Bon, en fait d’efforts, c’est en réalité beaucoup de baratin pseudo-psychanalytique et deux uniques arguments:
« Car pour que de telles stratégies puissent advenir, encore faut-il que ceux qui les initient puissent avoir les moyens suffisants pour ce faire, dans le cadre d’un système dépassant de beaucoup en gigantisme le plus puissant des acteurs mais aussi que les effets puissent correspondre aux effets souhaités initialement et être parfaitement maitrisés. »
On n’initie pas une action uniquement lorsqu’on est sûr des effets, sans quoi on n’initierait aucune action, jamais. Le deuxième terme est donc un argument absurde.
Quant au premier terme, il repose sur l’argument de la « coordination consciente » au niveau des individus. On appelle ça de l’individualisme méthodologique et je croyais que ce n’était pas très apprécié sur ce blog. Enfin bon, tout sociologue sait qu’il n’est pas nécessaire que les individus soient « consciemment coordonnés » pour que cette coordination existe au niveau d’un groupe. La conscience de classe, ça existe. La lutte des classes, ça existe. Nulle perversion là-dedans et on ne se débarassera pas des capitalistes avec une séance sur le divan (ou une explication théorique).
« c’est en réalité beaucoup de baratin » : belle définition que tu t’auto-appliques …
La lutte des classes, c’est bien connu, ça explique tout.
D’ailleurs, ce n’est pas une explication théorique : c’est du matérialisme historique.
Rien à voir donc.
De toute façon, si j’avais dis ‘blanc’, il est certain que tu aurais derechef déclamé ‘noir !’.
L’inconscience de classe, ça existe.
Don’t be cruel Zeb. Tu vas quand même pas contester le vertigineux raccourci Moayen « coordination consciente »/ »individualisme méthodologique » ? Avoue qu’ça t’en bouche un drôle de coin kamême…
@vigneron: « Car pour que de telles stratégies puissent advenir, encore faut-il que ceux qui les initient puissent avoir les moyens suffisants pour ce faire, dans le cadre d’un système dépassant de beaucoup en gigantisme le plus puissant des acteurs mais aussi que les effets puissent correspondre aux effets souhaités initialement et être parfaitement maitrisés. Nonobstant que le premier terme impliquerait une coordination consciente d’acteurs »
Ce n’est donc pas de l’individualisme méthodologique que de nier qu’une stratégie collective puisse être initiée sans acteurs individuels (ne parlons même pas d’expliquer les actions individuelles par la stratégie collective)?
Et si ce n’est pas de l’individualisme méthodologique, à quoi rime alors l’argument sur « la puissance des acteurs » et « leur coordination consciente »?
J’en viens à me demander si vous savez toi et zébu ce qu’est l’individualisme méthodologique.
@ Moi :
Tu sais parfaitement que je répondais dans un cadre défini, à savoir la tentation du complot comme théorie explicative mais aussi contre l’individualisme méthodologique qui prête aux agents du capitalisme et à eux seuls des pouvoirs qu’ils n’ont pas. Quant à la complexité, elle est réelle et tu le sais là aussi très bien : la question n’est évidemment pas celle d’initier ou non une action mais bien celle de la maitrise de l’effet, quelqu’il soit. Or, c’est justement cette complexité qui rend très aléatoire toute action qui vise un but spécifique … comme pour une stratégie du chaos. Ce ne sont pas deux ‘arguments’ qui viennent étayer la thèse présentée (dont à l’évidence tu ne souhaites pas parler), mais au contraire des illustrations de ce que certaines thèses sont dans l’impossibilité de répondre à la question du pourquoi telle que posée dans le billet.
Et tu sais parfaitement que tu ne réponds absolument pas au sujet évoqué, soit la possibilité de l’inconscient. Pourquoi ? Parce qu’il y a une conscience de classes !
Et en quoi ta lutte des classes ou ta conscience de classe permet-elle d’expliquer les phénomènes observés, à savoir l’hybris du capitalisme ?
En rien.
Ton argumentation ?
« c’est en réalité beaucoup de baratin pseudo-psychanalytique »
Fermez le ban.
Gaffe Zeb ! T’as les commissaires politiques mélanschistes haineRV aux fesses…
MôôA, l’individualisme méthodologique môôayen, je confirme : j’sais pas trop c’que c’est. Les complotistes par contre si. Et je vois juste un complotiste MôôAyen qui s’en prend à un anti-complotiste en lui balançant à la gueule – injure suprême ! – l’accusation majeure en terme de déviationnisme ontologique : Zeb, t’es rin qu’un suppot de l’individualisme méthodologique !
Désolé, mais je me dois te renvoyer la boule puante que t’as malencontreusement balancée sur le Zébu puisqu’elle a pas pété…
Sont-ce bien de purs holistes grand teint, disons bourdieusiens pur jus, au zazard, qui manipulent allègrement des histoires de complot ou de théorie du chaos organisé ou bien plutôt des « déviationnistes » utilisant précisément les présupposés intentionnalistes du calcul conscient de ceux qu’ils dénoncent censément ? Vois ce qu’en dit Corcuff. Moi je contresigne.
Ah ! Toujours « pour Socrate mais avec Thrasymaque », hein ? On n’en sort pas… voilà que tu finis par nous ressortir ça contre les autres… On avance p’têt…
@zébu: « Tu sais parfaitement que je répondais dans un cadre défini »
Idem. Je répondais aussi dans ce cadre. Tes deux arguments ne tiennent pas, voir plus haut ma réponse. Ni la coordination ni l’incertitude d’atteindre le but ne sont des arguments démontrant l’inexistence d’une stratégie de classe.
Et elle explique très bien l’hybris du capitalisme: on exploite jusqu’où on est capable d’exploiter. Je ne vois là rien de mystérieux.
De toutes façons, peu importe, ce n’est pas par une prise de conscience que la guerre se gagnera. Donc, ouais, j’admets, je ne suis pas très constructif à ce niveau voire même injuste à cause de ma frustration de ne voir rien bouger. L’élaboration d’une N ème théorie explicative ne m’intéresse pas.
@vigneron: il était où ton argument? Tu peux surligner stp?
Quoi ? Ce trialogue s’interrompt faute de combattants ? Allez, les gars : les yeux de l’histoire sont fixés sur vous ! Un jour on vous citera, comme le Père Duchesne dont « Les bons avis du père Duchesne à la femme du roi, et sa grande colère contre les jean-foutre qui lui conseillent de partir et d’enlever le dauphin » sont toujours avec nous.
@ Moi :
« Et elle explique très bien l’hybris du capitalisme: on exploite jusqu’où on est capable d’exploiter. Je ne vois là rien de mystérieux. »
Et pourtant !
Ce que tu décris là n’est pas l’hybris. L’hybris, c’est l’absence de contrôle de soit-même, l’absence de limites, y compris pour et contre soit-même.
Si on exploite tout ce dont on est capable d’exploiter, on cesse de le faire dès lors que cette exploitation met en cause la viabilité même non seulement de l’exploitation mais aussi l’existence de l’exploiteur.
Si ce processus était conscient, il n’irait pas contre ses propres intérêts, à savoir pousser trop loin ses avantages. Ce qui n’est à l’évidence pas le cas actuellement.
Le processus en cours est un processus selon moi inconscient qui permet d’expliciter, rationnellement ce que les grecs définissait comme relevant du divin.
Ce processus est d’autant plus lourd qu’il est partagé, comme dans le domaine politique avec le totalitarisme, où les individus participent à ce processus, inconsciemment.
Ta frustration de ne rien voir bouger, elle ne peut pas s’exprimer autrement si tu refuses de comprendre les mécanismes profonds de la crise en cours, qui saisissent collectivement et individuellement, d’autant plus qu’ils sont inconscients.
Et rien ne peut bouger non plus si collectivement et individuellement on n’est pas conscient de cela, pour mettre en oeuvre des solutions qui visent à stopper et à remédier à cette perversion.
Exemple : concrètement, c’est prendre conscience que celui qui subit les ajustements structurels n’est pas différent de nous (ce n’est pas un Autre défaillant, différent de nous). Que non seulement la solidarité avec celui-ci est nécessaire pour lui mais qu’elle l’est pour nous, comme processus conscient de lutte contre cette perversion.
Jorion, dans le trialogue en question sur la trilogie ou sainte trinité zébuïenne ça/moi/surmoi, suis pas sûr que Moi joue le rôle du moi; et l’est pourtant pas dans un rôle de composition, bien que ce ne soit pas l’enflure égotique qui lui fasse défaut. P’têt juste un peu surjoué son ça après tout… l’hubris de l’histrion post Marx (brothers) and Lehman (brothers itou) sans doute.
Eh Zeb, t’sais quoi ? A propos d’histrionisme, plus précisément d’histrionicotoxine et de capitalisme. Tu connais les dendrobates, ces petits batraciens vénéneux aux couleurs flashys qui disent « pas touche ! » ? Ben ils produisent leur venin à partir des alcaloïdes des insectes qu’ils avalent. Sans nourriture vénéneuse ils deviennent inoffensifs… continuent à bouffer des insectes certes, mais sans venin ingéré sont aussi dangereux que des reinettes… restent dissuasifs par conre pour les prédateurs, rapport aux couleurs…
Le capital post-Lehman ? Un dendrobate géant qui trouve plus à bouffer que du petit insecticule prolétaire sans venin, plus assez de petits capitalistes à boulotter pour sécréter le sien. Un vague crapaud bufle maquillé en dendrobate quoi, pas un Moloch en tous cas.
http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Oophaga_histrionica
@ Vigneron :
Intéressant, ta leçon de nature. Cela signifierait qu’à force de bouffer tout ce qui comporte du venin (soviétisme compris), il ne se retrouve plus que devant une multitude de petits non venimeux.
Mais ceci ne l’empêche pas de les bouffer eux aussi (et de fait, c’est qu’il fait).
Toute la question est donc que la multitude d’insectes prennent conscience de son absence d’état venimeux, soit, de sa grande faiblesse.
Question : l’épargnant, classé quelle catégorie ?
on récolte ce que l’on sème ?
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=269
merci, « moi » !
c’est quoi cet individualisme forcené ?
psychologiser le capitalisme ?
et puis quoi encore !
15% de la planète qui vit au dépend de 85%
Jung et Freud peuvent essayer de nous coucher . . .
Quelle tristesse
@ RV :
Il n’y a pas à psychologiser le capitalisme. Le capitalisme, c’est vous, moi, nous. Que cela vous plaise ou non. Et que cela vous plaise ou non, la question n’est pas qu’une question de rapports de force.
Pour la simple raison que si cela était le cas, il faudrait un degré de coercition tel pour que le rapport de force soit maintenu en l’état qu’il provoquerait irrémédiablement des révoltes généralisées qui en viendraient à modifier le dit rapport de force. Or, il n’en n’est rien, y compris même quand des révoltes se produisent. Pour quel raison ? Pour quelles raisons aussi le système capitaliste, hors de l’explication qui n’en n’est pas une, celle de la folie, conduit les politiques actuelles qui mènent à sa perte ?
La question qui se pose est, selon moi, celle de savoir pourquoi alors même que tout pousse à ce que les dits 85% modifient le rapport de force, cela ne se produit pas, alors même que le capitalisme pousse de toutes ses forces à ne pas privilégier la conservation de ses avantages mais à approfondir les déséquilibres actuels, qui sont en défaveur de sa propre conservation ?
Il me semble qu’il y a là un effet pervers auquel nous participons inconsciemment : nul système ne peut perdurer dans l’oppression, sans l’acquiescement de ses agents. Sachant que celui-ci est majoritairement consciemment en opposition, au vu des effets produits, on peut se poser la question sur l’inconscient.
La force du capitalisme, c’est de sortir selon moi de la névrose classique pour proposer justement son inversion : la jouissance par la consommation d’objets. Comme une sorte de régression infantile : devient le ‘ça’ ! Soit libre (enfin) ! Ce schéma proposé répond profondément à des pulsions inconscientes humaines, lesquelles sont contrôlées par le ‘surmoi’ (les institutions), en règle ‘normale’. Sauf que ces règles, le capitalisme les a transformé, en détruisant l’institution pour laisser libre cours à la pulsion individuelle du ‘ça’.
Il est temps que l’adulte en nous se réveille et sorte de sa régression infantile pour domestiquer ses pulsions, mette à distance son objet du désir, redonne sens à sa névrose, sorte de la perversion.
@ zébu
Ecoute zébu, à part quelques zones d’ombres (il faudra que je relise) moi je trouve ton billet d’une pertinence incroyable. comme je répondais au dernier billet de François, j’écrivais « je ne sais plus quoi dire » face à cet entêtement que tu décris si bien. J’ai l’impression aussi qu’il y a un effet « fractal », un peu « il se passe les mêmes choses en haut et en bas ». Il y a une part de responsabilité à assumer avec cette société de consommation dont tu décris si bien les ressorts psychologiques. La question que je me pose après t’avoir lu : la crise économique en cours fait prendre conscience à certains du monstre horrible que nous avons tous contribué à créer; maintenant, quelle est la masse critique de personnes conscientes nécessaire au changement radical dont le monde a besoin?
Vouloir faire payer les riches : ok première étape mais elle risque de masquer les responsabilités politiques
Dénoncer les politiques : ok deuxième étape mais elle risque de masquer les responsabilités individuelles (le fameux conflit bourgeois / citoyen que tu appelles ça / surmoi)
Mais après tout ça, que fait-on? La conscience du danger écologique peut-elle être un fil rouge suffisant? Ne risque-t-elle pas d’être perçue comme une nouvelle tyrannie à la source de nouvelles névroses? Comment résoudre cette équation?
A Zébu: c’est la thèse de Dany Robert Dufour. Convaincante, et très bien explicitée de votre part.
@ lou :
merci !
C’est apparemment la thématique d’au moins un de ses livres, ‘La cité perverse’.
J’avoue mon inculture …
@ titi :
je ne sais pas répondre à tes questions. Il me semble aussi important de préciser que nous ‘participons’ inconsciemment, pour la plupart. Faire payer les riches et dénoncer les politiques peut sembler nécessaire mais c’est un écran de fumée. La prise de conscience doit porter sur l’ensemble du système et sur la perversion, qui s’applique à tous, y compris sur ces deux catégories. Par ailleurs, tu as raison, c’est le risque d’une nouvelle tyrannie d’un ‘surmoi’ politique écrasant le ‘ça’ (comme le fut le totalitarisme dans les années 30 en réaction à la crise de 29).
Peut-être que collectivement et individuellement on prenne conscience que le ‘ça’ que l’on nous vend n’est ni viable ni enviable et qu’il faut réinventer un ‘surmoi’.
à zébu : 10 avril 2012 à 14:42
Il n’y a pas à psychologiser le capitalisme. Le capitalisme, c’est vous, moi, nous.
+-+-vous, moi, nous ? = individualisme = refus de prendre en compte les rapports de force « sociétaux » -+-+
Que cela vous plaise ou non. Et que cela vous plaise ou non, la question n’est pas qu’une question de rapports de force.
Pour la simple raison que si cela était le cas, il faudrait un degré de coercition tel pour que le rapport de force soit maintenu en l’état qu’il provoquerait irrémédiablement des révoltes généralisées qui en viendraient à modifier le dit rapport de force.
-+-+ c’est exactement ce qui se passe partout sous vos yeux ! mais vous ne voulez voir que l’individu. Les moyens de la coercition sont multiples, que pensez vous de la « publicité », du discours « unique » des médias « dominants », de l’éducation nationale qui au lieu de former des « citoyens » se transforme de plus en plus en pourvoyeuse de « force de travail » et dans un autre ordre d’idée, quand quelque part les « révoltes généralisées » font advenir des changements de régime politiques « progressistes », « révolutionnaire », « socialistes », disons comme au Chili dans les années 70, la coercition vient de l’extérieure sous la forme d’aides aux mouvements « réactionnaires » et de la déstabilisation des cours mondiaux d’une richesse nationale, le cuivre. Là sont les rapports de force, non ? et que pensez vous des 700000 hommes de troupes étatsuniens de part le vaste monde ?+-+-
Or, il n’en n’est rien, y compris même quand des révoltes se produisent. Pour quel raison ? Pour quelles raisons aussi le système capitaliste, hors de l’explication qui n’en n’est pas une, celle de la folie, conduit les politiques actuelles qui mènent à sa perte ?
+-+ il me semble que notre hôte Paul Jorion aime à citer je ne sais plus quel « artiste » du début XXe qui aurait dit « les capitalistes nous vendrons la corde pour les pendre », en attendons c’est nous qui la fabriquons, pour leur plus grand profit, et le profit est leur raison de vivre+-+-
La question qui se pose est, selon moi, celle de savoir pourquoi alors même que tout pousse à ce que les dits 85% modifient le rapport de force, cela ne se produit pas, alors même que le capitalisme pousse de toutes ses forces à ne pas privilégier la conservation de ses avantages mais à approfondir les déséquilibres actuels, qui sont en défaveur de sa propre conservation ?
Il me semble qu’il y a là un effet pervers auquel nous participons inconsciemment : nul système ne peut perdurer dans l’oppression, sans l’acquiescement de ses agents.
Sachant que celui-ci est majoritairement consciemment en opposition, au vu des effets produits, on peut se poser la question sur l’inconscient.
La force du capitalisme, c’est de sortir selon moi de la névrose classique pour proposer justement son inversion : la jouissance par la consommation d’objets. Comme une sorte de régression infantile : devient le ‘ça’ ! Soit libre (enfin) ! Ce schéma proposé répond profondément à des pulsions inconscientes humaines, lesquelles sont contrôlées par le ‘surmoi’ (les institutions), en règle ‘normale’. Sauf que ces règles, le capitalisme les a transformé, en détruisant l’institution pour laisser libre cours à la pulsion individuelle du ‘ça’.
+-+- vous le postulez, je prétend que cela reste de l’habillage « psychanalitique », qui, pour l’individu est la réponse de cette société qui cherche à le remettre dans les rails+-+-
Il est temps que l’adulte en nous se réveille et sorte de sa régression infantile pour domestiquer ses pulsions, mette à distance son objet du désir, redonne sens à sa névrose, sorte de la perversion.
-+-+il est temps que le « citoyen » reprenne en main ses droits « démocratiques » et façonne une « société » dont les valeurs seront basées sur « l’intérêt du plus grand nombre ». Par exemple en convoquant une constituante, comme nos « amis » Islandais . . . ou Équatoriens, ou Vénézuélien . . .+-+-
Une chaude (brûlante) recommandation de lecture : http://www.editions-allia.com/fr/livre/433/la-folle-histoire-du-monde
Excellent !!!!
mais il aurait été plus simple de dire comme la fait Frédéric Schiffter dans son
Traité du cafard
« La raison pour laquelle je ne m’indigne pas contre le capitalisme ? Il exprime la vérité même de l’humain. »
Eric
L’humain est intrinsèquement pervers ?
Pervers ou pers verts ?
C’est beau comme du Verlaine.
Oui, et avec la musique, ça devient beau comme du Brassens!
Oui, notre pair à tous, le vieux père Verlaine.
oui , nous sommes tous des pervers polymorphes…
Je ne sais pas si tout les hommes sont intrinsèquement pervers, peut-être ceux qui détiennent le pouvoir, qui leur permettent de maintenir leur dominance, le sont-ils plus que les autres.
Mais au fait, qu’est ce que l’homme.
Personnellement je suis assez sensible à la thèse du hollandais Louis Bolk sur la néoténie humaine, thèse qui répondrai à bien des questions, sans rassurer pour autant les autres êtres vivants sur cette planète qui doivent côtoyer l’homme et, supporter son comportement de parasite.
Pour ceux qui seraient intéressé un court article sur la néoténie
http://www.cairn.info/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2006-1-page-49.htm
Certes, mais F Schiffter ne propose pas de voie de sortie, tandis que zébu en propose une en filigrane.
Cette métaphore psy a pour mérite d’impliquer chacun de nous.
Seule incertitude selon moi : le « ça » des politiques doit se confondre quelque part avec le « surmoi » des citoyens. Donc, sauf à pouvoir se découper en rondelles, les politiciens doivent être proches de la schizophrénie ou de la dépression (c’est selon) au sens clinique, navigant en permanence dans les injonctions paradoxales liées à leur statuts : ils sont tantôt citoyens, tantôt politiques.
Cela n’augure rien de bon pour une guérison à court terme.
Un ajout balbutiant à un texte dont je vais entreprendre une lecture plus décortiquante dans un proche avenir
STATIONNEMENT
«….A chaque tournant, je m’attendais à voir surgir une barrière, une ère de stationnement. Mais la route déroulait tranquillement ses méandres, et aucune sentinelle ne nous coupait le chemin …»
Voilà ce que je lisais page 23 dans la traduction du livre de Vassili Golovanov « Espaces et labyrinthes» (Verdier Editeur) que venait de m’offrir une très bonne amie.
Il faut dire que, de par ma lointaine éducation, toutes les fautes d’orthographe et de syntaxe me sautent aux yeux. Et cette «ère de stationnement» n’a pas failli à l’appel de mon attention et a immédiatement activé mes réflexes de créatrice de marmonnements fragilement littéraires
S’agissait-il vraiment d’une simple erreur homonymique, ou bien une invitation à réfléchir à une collision du temps et de l’espace qui nous convierait à nous arrêter enfin pour de bon et pour un long temps sur une portion congrue de territoire et de l’explorer, mettant de côté toutes nos hâtes intempestives à atteindre des buts que la société s’acharne à nous imposer avec la volonté de nous soumettre à je ne sais quel diktat d’efficacité dérisoire?
Errer, jubilatoirement, ,dans une portion du temps qui aurait soumis le stationnement à sa propre volonté d’étirement, quel programme! Et par la même occasion redonner à cette aire conquise ses multiples dimensions, cailloux, larves, mouvements cachés, éclats de vie féroce avalant l’air, tout ça sous une houppelande de terreau nourricier ?
Il faut respirer et c’est tout, sans se soucier de l’absence de sas ai-je écrit auparavant dans un sifflement. Il me faut quitter cette ère et reprendre pied dans une réalité qui reste à apprivoiser – ou laisser cette réalité nous apprivoiser -, et diffuser cette aire de papier maintenant griffonné, sortie du temps de la création, nourrie de lectures voraces, me jeter dans une immédiateté nécessaire, m’acheminer , avec une hâte paradoxale, hors des limites du stationnement.
Y
a
t’il
Hasard ?
CAPITALISM
CANIBALISM
A mon sens, non. Le capitalisme a d’abord pratiqué l’exocannibalisme (esclavage, colonisation, exploitation des ressources naturelles) avant que de pratiquer l’endocannibalisme. La perversion, n’étant pas stoppée, se retourne contre ses propres membres, contre lui-même. Il se dévore. Serpent Ouroboros.
C’est cette logique là, inconsciente, qu’il s’agit de comprendre. Sans quoi, on ne comprend guère au nom de quoi il s’auto-détruit.
Cordialement.
@ Zebu
Thom répond à cette question. J’en suis profondément convaincu.
Le capitalisme est en train de se bouffer lui-même.
L’assertion thomienne « le prédateur est sa propre proie » est pour lui à la base de l’embryologie animale.
Le pb c’est que je ne comprends pas ce qu’il écrit…
C’est pour ça que je balance des citations de Thom à tour de bras. En espérant que qq croche dedans et trouve…
Un autre truc dont je suis maintenant convaincu c’est que ce que Thom « voit » en géomètre Lacan le « sent » en psychanalyste (avec peut-être même un petit plus pour Lacan).
@ Basicrabbit :
« L’assertion thomienne « le prédateur est sa propre proie » » : désolé, je n’ai pas les connaissances nécessaires pour répondre. Peut-être pourrais-je tenté ceci : à force de réaliser sa prédation, le prédateur n’a plus de proie. Comme il n’a plus de proie, il ne peut plus se nourrir.
Soit il meurt, soit les prédateurs se bouffent entre eux.
Concernant Lacan, j’oserais un ‘le sujet se consume dans la consommation’.
@ zebu
Merci pour votre réponse. il y en a si peu…
En ce qui concerne les « vues » de Thom vs les « senteurs » de Lacan j’ai un peu détaillé dans le dernier billet sur l’art.
@ Basic et @ Zébu
J’ai une approche plus sexuée à vous proposer de l’assertion thomienne.
En préambule, et pour faire court, car il se fait tard :
l’accouplement humain, maintes fois versifié, chanté, imagé…
– L’homme est un prédateur sexuel dont la femme est la proie.
Mais pas seulement : sa proie devient sienne comme proie de sa prédation.
– Soit au final : l’homme, dans leur coït, est femme et vice-versa.
(cf : l’art érotique de l’Inde hindou a déjà tout dit à ce sujet)
Dans ce shème, le désir amoureux est dans l’essentiel d’abord un fort désir d’ego (égoïsme des deux bords) en besoin naturel d’extase physique.
Où chaque partenaire, «vante» son identité soit prédatrice, soit de proie.
Et là, si tout se passe bien, il s‘installe qq chose de mystérieux …
comme un oubli de soi, une dépossession de soi : l’un s’oublie dans l’autre, l’autre dans l’un, formant un autre être : L’ être amoureux.
« Tu étais moi alors, et alors j’étais toi. Quelle connexion des choses fait que maintenant tu es toi et je suis moi ? – Bhartrihari (poète hindou)
Sous-entendre donc le capitalisme comme «le prédateur est sa propre proie »
DANGER : c’est vouloir manier le vrai dans le faux et le faux dans le vrai.
le capitalisme est en train de se bouffer lui-même, comme le serpent mange sa propre queue.
Chose donc plausible. Car en fait, il se referme sur lui-même, il s’auto-engendre.
C’est pas pareil !
Il n’est donc ni prédateur, ni proie.
(cf : symbole du serpent Ouroboros – OK AVEC ZEBU)
Il Agit donc au contraire du schème de la Vie symbiotique.
Prédateur – Proie … Notre première réaction naturelle, animale, c’est une peur émotionelle devant qui projette ces mots. mais non ! c’est la nature vivante qui se manifeste ainsi bien au contraire. Et Darwin ne dirait pas le contraire.
– Dire que le capitalisme est : le prédateur, sa propre proie : c’est le serpent qui vous trompe !
Il n’est, je le répète ni proie, ni prédateur, mais arrive à nous convaincre qu’il l’est.
Ni mâle, ni femelle, il est.
Pour en prolonger tout le mystère…
Je parle toujours du «prédateur (qui) est sa propre proie »
Sur une voie plus biologique (matière que j’apprécie particulièrement l’ayant un peu étudiée)
Passons au monde des Eucaryotes :
Bien qu’une bonne partie des eucaryotes soient unicellulaires, il s’agit de la seule lignée du vivant d’où ont émergé des organismes pluricellulaires, dont nous, HOMO SAPIENS, au même titre qu’une fougère, une amibe… (Les cellules eucaryotes sont caractérisées par la présence d’un noyau qui contient l’information génétique de la cellule).
C’est grâce aux MITOCHONDRIES que des molécules comme sucres, lipides sont convertis, par oxydation, en énergie chimique.
Ce qui laissent encore aujourd’hui les chercheurs dans le mystère, c’est que CHLOROPLASTES (qui portent la capacité de photosynthèse) et MITOCHONDRIES possèdant leur propre ADN, sont capables de se diviser dans la cellule eucaryote.
Il se trouve que les MITOCHONDRIES et les CHLOROPLASTES sont les reliques d’eubactéries coincées dans les premières cellules.
On ne sait pas s’il s’agit d’une symbiose, d’un parasitage, ou d’une digestion inachevée…
C’est peut-être la plus vieille et la plus longue histoire d’amour jamais racontée !
En effet, si les mitochondries et les chloroplastes restent dans les CELLULES EUCARYOTES c’est que leurs génomes se sont complètement mélangés : on retrouve dans le génome de la mitochondrie, des bouts de génomes d’origines eucaryotes, et vice-versa !
Du coup, il est presque impossible que l’un puisse se passer de l’autre !
C’est pas beau la vie !
Heureusement qu’un jour l’une a eu l’idée saugrenue de se faire bouffer par l’autre, sinon on serait encore à se gratter la bactérie ! Mais le mystère de la vie, lui est toujours là.
Et c’est pas le capitalisme qui va le résoudre, même du bout de sa queue.
Et puis, si je lis bien, il y a aussi COPROPHAGISM ?
Diantre, cela est dégoûtant !
Cachez donc ces excréments que je ne saurais ni voir ni sentir (mais que je mange !)
@ ThomBilabong :
Nous mangeons du crédit pour rejeter de la dette. Puis comme nous fabriquons de la dette, on nous oblige à l’avaler par la voie de l’austérité.
On n’est pas des lombrics !
tiens ça me fait penser à une chanson que j’ai écrite il y a quelques années :
…
Capital, Cannibale, j’ai mangé tes enfants
Cette année, Jacques à dit, tes habits seront verts
ta mèche sur le coté, ton tee-shirt à l’envers,
sur tes chemises, tes chaussures, tu portera mes sceaux
comme la marque au fer rouge, des esclaves et des veaux
…
Si je retrouve le texte complet (peu de chances), je vous l’inflige.
« Qui est digne d’ouvrir le livre et d’en rompre les sceaux ? »
L’agneau.
Mais parler d’agneau le lendemain de Pâques, c’est comme parler de corde dans la maison d’un pendu…
@ El Jem :
Oui, mais c’est aussi une renaissance. On y revient, avec lou qui citait Dany Robert Dufour.
Ne serait-il pas intéressant de mettre en perspective le capitalisme anglo-saxon et le mythe judéo-chrétien de la Fin du monde ?
La dimension religieuse du capitalisme pour les anglo-saxons est quelque chose que nous sous-estimons peut être (cf. Max Weber, l’étique protestante et l’esprit du capitalisme).
Quand le capitalisme promet la paix,l’abondance et la Fin de l’Histoire, nous pouvons établir un lien avec le mythe judéo-chrétien de la Fin du Monde, lequel correspond à la restauration du Paradis. La destruction de l’État correspondrait au chaos précédent l’avènement du Paradis.
L’analyse de Mircea Eliade sur les aspects des mythes (chapitre IV Eschatologie et cosmogonie, en particulier les deux parties sur les apocalypses judéo-chrétiens et les millénarismes chrétiens.) peut nous aider à comprendre cette dimension religieuse du capitalisme anglo-saxon. Ainsi le capitalisme apparaitrait d’avantage comme une croyance, non une science.
Quand Mr Blankfein dit en 2009 que Goldman Sachs « accomplit l’œuvre de Dieu »
soit nous le prenons pour un fou et le condamnons sans appel, soit nous le prenons au sérieux et tentons de comprendre ce qu’impliquent ses propos.
Pourquoi chercher un sens autre que celui qui est évident ?
La majeure partie des analystes et décideurs installés ne font que prolonger les tendances passées : l’arithmétique linéaire, la règle de 3 servent de manière générale à établir un futur probable et possible.
Quand un professionnel aguerri, avec 30 ans de décisions basées sur la prolongation d’une droite d’une année sur l’autre, est confronté à une discontinuité majeure, il va mettre du temps à s »apercevoir que ça ne marche pas.
Il n’y a pas de perversion, pas de psychobidule.
C’est juste une société qui vit avec une superposition de règles simples qui fonctionnent suffisamment en temps de croissance, et ne fonctionnent plus en temps de crise.
La folie, c’est faire toujours la même chose et espérer que le résultat soit différent … (A Einstein).
(le mot folie est un peu fort, n’allez pas emmener la discussion sur des sentiers de traverse mêlant la démence à des comportements inappropriés).
Que la multiplicité des interactions n’induise pas des optimums ne m’étonne pas.
Retrouver un chamanisme régulateur est sans doute nécessaire.
J’ai fait une petite analyse linguistique avec Vim :
3703 mots, 23411 octets.
Le mot « capitalisme » apparaît 35 fois dans 13 lignes. Jusqu’ici, tout va bien.
Le mot « fétichisme » est introuvable. Pourtant il s’agit d’un concept marxiste qui ferait le lien entre marchandise et perversion, sémantiquement au moins…
La perversion est une mise en scène. Le sujet a besoin du scénario pour jouir, et/ou du tiers qui observe…
@ Lisztfr :
Le fétichisme, comme analyse marxienne, à moins que je n’ai pas bien compris, ne parle pas de consommation de l’objet fétiche, pour assurer la jouissance, mais seulement de sa mise en scène (au sens de perversion sexuelle) ou de sa possession (privative).
Le fétichisme est ‘limité’ à mon sens. Il n’explique pas pourquoi il y a cette nécessité de la consommation renouvelée de l’objet dans le capitalisme. Ni est forcément une perversion : c’est une réification des rapports sociaux aux seuls échanges d’objets, pas un transfert sur autrui d’une souffrance (la souffrance de ne pas posséder l’objet serait une névrose, chose que le ‘surmoi’ peut expliciter, pas une perversion, au sens ne pas pouvoir être ce que l’on s’imagine être).
Fétichisme et insatisfaction.
Le fétichisme rend compte du développement historique du capitalisme et du respect des individus pour des objets qui sont devenus des marchandises.
Ce qui explique « la nécessité de la consommation renouvelée de l’objet dans le capitalisme », en dehors du caractère cyclique, c’est l’insatisfaction contenue dans chaque marchandise particulière. Cette insatisfaction sans cesse renouvelée constitue le socle de l’envie durable et durablement privée de satisfaction. Ainsi, avec l’immense accumulation des marchandises que constitue le capitalisme industriel, c’est la privation elle-même qui devient plus riche sans être pour autant supprimée..
Je signale que Guy Debord a consacré le deuxième chapitre de son livre la Société du Spectacle </em, disponible en édition de poche (Folio) et en accès libre sur de nombreux sites, à la description critique de ce phénomène.
@ Marlowe :
A mon sens, c’est une (bonne) partie explicative, que je ne nie pas. Mais le fétichisme n’explique pas pourquoi cette insatisfaction se déplace vers l’Autre, comme le font les politiques perverses d’ajustements structurelles.
C’est pourquoi il est impérieux pour le capitalisme de mettre à disposition un nombre de plus en plus important d’objets, dans des quantités de plus en plus importantes, à des prix de plus en plus accessibles à un nombre de sujets de plus en plus important : c’est la société de consommation.
Un élément fondamental à ne pas oublier est l’obsolescence programmée.
Les objets doivent impérativement ne plus durer ! Ils ne doivent être ni réparables ni prolongeables . Les stratégies industrielles sont sophistiquées ou pas (par ex. un compteur de copies avec un nombre limite dans une imprimante).
Combattre cet aspect aurait un impact important sur la consommation énergétique et en gaspillage matières premières… mais bien sûr ce n’est qu’un élément et seul la fin du système permettra d’en finir avec l’obsolescence programmée.
@ Tolosolainen :
L’obsolescence est programmée parce que justement elle permet le renouvellement de la jouissance de consommation !
« L’obsolescence est programmée parce que justement elle permet le renouvellement de la jouissance de consommation ! »
Ma machine à laver vient de me lâcher , Mettre 450€ pour en racheter une nouvelle , ça fait cher de l’orgasme !
@ lechat :
vous plaignez pas, z’en êtes conscient, z’avez évité les séances sur le divan ! 😉
à zébu,
Permettez-moi de corriger.
L’obsolescence des marchandises est programmée parce qu’elle permet le renouvellement de l’insatisfaction dans la possession des marchandises, ce qui a pour conséquence, d’une part, que ce qui est programmé, c’est l’obsolescence de l’homme (Anders) et, d’autre part, que l’insatisfaction elle-même est devenue une marchandise, celle qui fait désirer toutes les autres.
C’est en ce sens que le développement est durable.
@ Marlowe :
« c’est l’obsolescence de l’homme » : cela me fait penser à l’article de Severino, sur le ‘surplus’ d’homme et la raréfaction des matières premières.
C’est un désinvestissement, le contraire d’un « otium », d’une « cura », d’un soin, d’une philia
(vocabulaire de Bernard Stiegler).
Il nous faut un « otium du peuple » pour repousser le capitalisme pulsionnel et « hyperconsommateur », comme l’huile repousse l’eau.
« obsolescence programmée »
et
« instant gratification »
et
« déception post-achat »
la consommation est une addiction .
Pourquoi ? Poser la question c’est déjà répondre.
Les politiques ont bien compris que la démocrature ça dure tandis que la démocratie ça plie.
Intéressant mais cette démonstration pêche par ses hypothèses :
– existe-t-il une conscience du capitalisme ? j’en doute.
– le comportement très pulsionnel des individus est-il à lui seul l’origine du comportement névrosé du capitalisme ? je (re)doute.
– appelez-vous à un sursaut autoritaire du surmoi étatique fort ? Nietzsche, sort de ce corps.
– que proposez-vous pour faire face au matérialisme du capitalisme ? quelle force allez-vous utiliser pour faire refluer la névrose ? une longue thérapie de groupe ?
– le capitalisme est-il une maladie de la conscience de classe ? Lacan revient , ils sont tous devenus fous !
– Enfin peut-on guérir du capitalisme ? merci docteur !
Vous vous dites merci avant d’être guéri ?
la tête est bien malade , toutes les têtes qui n’ont pas encore retrouvé leur cœur . Celles qui l’ont entr’aperçu , évidemment en souffrent et leur conscience les suit . Ben oui, heureusement qu’on souffre et qu’on sait pourquoi . Malheureusement si on ne sait pas, parce qu’on n’en sort pas. ( et c’est bien ce qui s’exprime ici , toutes ces tentatives d’analyse des maux du monde, pour en sortir )
Ce serait toutefois dommage d’aspirer à quitter la Terre sans que son visage ne change, sans qu’elle devienne radieuse, comme c’est marqué sur tous les visages des hommes et des femmes, là où il y a de l’information.
Cela commence sur un visage et finit par métamorphoser la Terre.
Tout à fait d’accord. C’est un des sens de ce projet de baptême social.
Hélas instituer c’est capitaliser .
@Eric L,
En êtes-vous certain? Et puis, capitaliser ne signifie pas capitalisme (je vous renvoie aux billets de Paul Jorion sur la définition du capitalisme, vous pouvez utiliser l’outil de recherche par mots clés en haut à droite).
Entre l’état de droit, donc celui qui établit des institutions, des règles du jeu stables et débattues et les systèmes qui privilégient la décision (l’empire est basé sur ce modèle), je préfère de très loin l’état de droit (je vous renvoie aux excellents travaux de Blandine Kriegel à ce sujet).
ça me semble être une simple figure exacerbée et empêtrée dans ses actions .
mais à la base , ça y est . quand on voit les ong qui se font concurrence, par exemple , ou bien, les universités , qui capitalisent comme elles peuvent les clients .
sans doute , la définition pure et dure du capitalisme est elle plus nuancée . mais c’est relatif .
où avez vous vu des états stables ?
les prédations s’améliorent en fait . jusqu’à tout avaler .
@ Eric L
« les prédations s’améliorent en fait . jusqu’à tout avaler »
Pour René Thom l’assertion auto-référente « le prédateur est sa propre proie » est à la base de l’embryologie animale.
Une raison d’espérer.
ou de désespérer si la prédation reste celle de la nature . si elle prend des éléments supérieurs, oui . mais pour ça, il convient peut-être de voir comment On peut y contribuer pour alimenter la « Bête » . On, c’est tous , chacun selon ce qu’il sait . Sous ces conditions aurons nous une chance d’évolution . après tous ces temps régressifs et involutifs nécessaires .
@ Eric L
Pour moi on peut voir la morphogénèse comme une pièce de monnaie. Pile c’est le néo-darwinisme. Le darwinisme est vendu en prêt à consommer au grand public comme la lutte pour la vie. Struggle for life. TINA.
Mais ce struggle for life est logiquement strictement équivalent à « lutte contre la mort »: on s’adapte pour essayer de ne pas mourir. Le darwinisme est pour moi la face mortifère de l’évolution (et de ce point de vue TINA -faut quand même pas trop rêver-).
Et le capitalisme est mortifère car c’est la traduction sociale de ce qui précède.
Mon espoir, ma conviction, c’est qu’il y a une autre face. A découvrir…
@Eric L,
D’accord avec le premier point, les stabilités sont en effet relatives, mais avec de grandes différences.
Par contre pour la seconde remarque, c’est parfois, et même souvent, les petites bêtes qui finissent par manger les grosses 😉 Cas plus trivial, mais pourtant moins traité dans les contes de fées plus familiers avec les OOOOOgres.
L’homme a bien été réduit à rien . on ne peut guère faire plus minimaliste en tant qu’être prédateur . mais voyez, ce que je pense , c’est la difficulté que nous aurions à ne pas à la fois trouver notre base et notre sommet . parce que nous portons aussi cette dimension . les Å’uvres en sont une illustration , et en plus nous soutiennent dans cette évolution .
Bonjour,
Vouloir comprendre les difficultés actuelles ne doit pas orienter vers l’humain : l’Homme n’est pour rien dans ces difficultés, ou alors très indirectement, la cause trouvant sa source dans la physique, et précisément dans l’épuisement des ressources naturelles utilisées par l’Homme.
Il est en revanche pertinent de s’orienter vers l’Homme pour comprendre pourquoi il refuse cette évidence, y compris sur ce blog, et quelles seront les conséquences de ce refus.
Cependant, vouloir utiliser la psychanalyse comme outil de compréhension à cet effet relève de l’erreur méthodologique. Freud a imposé la notion d’inconscient, le rôle central de la sexualité dans nos comportements, ce qui lui confère certainement le statut du plus grand défricheur du comportement humain.
Mais compte tenu des connaissances d’alors, sa méthodologie a consisté à approcher l’Homme fonctionnel par l’Homme dysfonctionnant. Son approche a voulu étudier l’Homme « malade » pour en déduire l’Homme « sain ». Techniquement, il faudrait plutôt dire l’Homme « déséquilibré » pour en déduire l’Homme « équilibré ». Il a ainsi surtout contribué à mettre en évidence les systèmes de défense de l’organisme humain, plutôt qu’à révéler les logiques du fonctionnement humain.
Ce sont les éthologues qui ont travaillé à mettre en évidence les logiques du fonctionnement animal et humain, et cela fait plus de quarante ans aujourd’hui qu’ils ont achevé le tour de cette question, même si personne ne veut le savoir.
C’est Darwin qui avait ouvert le chemin, par sa théorie de l’évolution, ce sont les sociobiologistes qui l’ont terminé, par ce qui s’appelle aujourd’hui la théorie de la sélection de parentèle.
Et non seulement la logique fonctionnelle est connue, et en conséquence, les logiques comportementales qui en découlent, mais les techniques contemporaines permettent largement d’observer la mise en œuvre organique de ces modes de fonctionnement.
La biologie a ouvert la voie, la psychologie cognitive l’a prolongée, la neurologie et la chimie explorent de plus en plus finement le fonctionnement humain.
A ce stade, déterminer ce qu’est le capitalisme dans le mode de fonctionnement humain relève de la formalité. Mais personne ici ne voudra le savoir. Laissons les démons dormir.
D’ailleurs, ce n’est pas une crise du capitalisme, ne vous en déplaise. C’est une crise des matières premières. Banalement. Tristement. Catastrophiquement. Fatalement.
Jean Philippe, la vie est tellement simple et belle hein ? et donc l’Homme ne serait pour rien – « ou très indirectement » – dans ce merdier… ni dans le capitalisme, quant à lui parfaitement expliqué ou explicable (en trois coups de cul hier à Pau…) par la SA «Éthologues, Sociobiologistes & Neurologues Incâ„¢» ? Et la Crise du capitalisme (question absurde t’façons puisqu’il ne connaît pas la crise ! ) itou mais par le cours du Brent ?
Pour résumer : l’Homme est mauvais, mais irresponsable, donc finalement bon, ou en tous cas neutre. Du Hobbes troisième millénaire. Z’en reprendrez bien une couche ?
‘tain, ça c’est une boîte qui ne doit pas sentir bon! Je ne savais pas qu’ils avaient fusionné… S’ils rachètent les psychosociologues et les neuropsychiatres, vous êtes cuit, vigneron!
Je crois que Jean Philippe ,se borne tout simplement a nous pointer, tel le doigt vers la lune ,la logique de ce comportement.
Tout le monde ne peut pas aller au 12 avril 1967 : voir pp. 347 à 369, notamment. Bon courage !
Il faudrait que vous nous disiez, Schizosophie … (je n’ai pas dis ‘plus’ !)
@zébu, le 10 avril 2012 à 12 h 43
J’ai pas bité. Je livre 22 petites pages de matière textuelle en toute candeur, tout simplement, gratos bien sûr : que dois-je dire ? Faites-vous référence au « sans plus » de Jorion ou au ‘plus de jouissance’ ? .
Pure fainéantise (que la mienne) ! 😉
Faut que je lise (les deux références) et j’essaye de revenir.
Merci.
@Zébu et Jérôme
Bitte, à votre service.
@ Schizosophie,
Bonjour,
Merki pour les nourritures gratte-os.
Epicure, Lettre à Ménécée
http://www.dailymotion.com/video/xzlqn_epicure-lettre-a-menecee_school
Une typologie des singularités chez Deleuze / Didier Debaise
http://www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/la_nature_est_elle_impersonnelle_une_typologie_des_singularites_chez_deleuze_didier_debaise.6207
34’10
Belle journée
@schizosophie 10 avril 2012 à 11:56
[…] La contribution du marxisme à la science…
ce n’est certes pas moi qui ai fait ce travail
…c’est de révéler ce « latent » comme nécessaire au départ
– au départ- même j’entends – de l’économie politique. […]
Tu as trouvé chaussure à ton pied sans fétichisme ?
@Rosebud1871, le 11 avril 2012 à 01 h 30
Je suis bien aise dans un tel texte, qui plus est échu d’un dire, à la fois si sérieux et si proprement sandaleux. En plus je me bidonne. Cherry on the cake, le « latent » que tu extrais est lié à la polarité latent-manifeste de Breton.
Aber, j’éprouve un iatus persistant du côté du tiers, non pas que je regrette son exclusion : je vois bien l’inanité de la formalité qui le jette et la présence fantomatique que ce faux geste lui confère ; mais je m’enquiers d’un pas supplémentaire, de ce qu’il en advient hors cadre de cure, d’une further distinction entre tiers et fantome. Difficile à dire… il faudrait que j’éprouve, comme hypothèse, pour en partir, l’équivalence entre tiers et fantome, à tous les sens bien sûr, selon la plus vaste aire sémantique envisageable. Cela donnerait un truc comme ce qui suit :
Passage du tiers état à l’Etat comme tiers, Etat comme jupons de maman (il existe même un jacobin autoproclamé qui se pseudonomme « Nick » !) fondant le régime semi-adulte du citoyen, traces ou résonances du Fort-Da ?, ceci comme état passager à l’échelle de l’histoire humaine, celle de l’émancipation.
Comme tu le lis ça ne fait plus des phrases, mais des bribes. Un oignon dans ma pompe, assurément pas le mien propre. Plutôt boîter que penser en boîte, Cahin-caha.
PS. Ton silence sur les conditions de production du texte me laisse supposer que tu tiens cette version comme plutôt fidèle.
PSS. J’ai repris ton anecdote du lapin ç’à cornichons, ça a immédiatement fait comprendre, rire et soulagé, donc Danke.
@schizosophie 11 avril 2012 à 09:34
L’étymologie du « t’as pas 100 balles » du va-nu-pieds serait donc « t’as pas sandales ».
Le « latent » pour Lacan imbibé de Freud m’évoque plutôt l’opposition dans la Traumdeutung contenu manifeste/latent du rêve. Mais comme Le manifeste, ça file aussi vers Marx…
Jorion à la page 17 du Capitalisme évoque le « spectre de la complexité » puis parle de Marx à la phrase suivante. Spectre, ça te dis quelque chose, lui aussi, nous sommes hantés !
Ou c’est ton fil de poursuite du tiers fantôme… Hobbes propose d’abandonner son droit de se gouverner soi-même en faveur de l’État, si et seulement si tous les autres font de même. Une sorte de contrat social, mais une fois qu’on est né dedans, je ne vois pas comment en sortir, surtout qu’il fonctionne en garant de l’ordre de toutes les autres formes d’associations au moins depuis 1901 ! L’État jupon par ses pseudopodes, ça existe, mais surtout pour les pauvres gens qui en attendent un secours dans leur détresse. Ça peut entretenir toutes sortes de transferts à ses figures, les A.S. en savent quelque chose, à l’autre bout c’est l’usage de l’appareil d’État par la bourgeoisie en place, d’où l’intérêt de gouverner !
Toutes les versions de Lacan sont lisibles, même l’officielle dans le commerce qui est la pire parce que la plus lisible, la plus lissée, la plus modifiée grammaticalement des traces sténotypiques ou audio disponibles. Pour un des séminaires j’ai même quatre versions ! Toutes sauf la première tiennent compte des autres. Mais la ponctuation est un cauchemar, les homophonies aussi : une célèbre : la sphère armillaire, la sphère à Miller.
@Rosebud1871, le 12 avril 2012 à 02 h 02
Pendant que les étalons sandalent dans la jungle sylvestre, quelques piétons s’arrête sur quelques moments d’histoire où il appert page 167, que de Vases communicants, à Trajectoires du rêve en passant par Science des rêves ces contacts non pas eu d’écho en 1932 comme 1937.
@schizosophie 12 avril 2012 à 09:22
L’histoire est connue, comme la rencontre Freud Dali, ou la passion de Dali pour Lacan, le rapport de sa méthode paranoïa critique à la thèse de Lacan qui avait intéressé les Surréalistes. Lors de la vente Breton à Drouot il y avait quelques feuilles dactylographiées du « champ de la parole … » dédicacé à Breton. Il en avait donné aussi les feuillets à Tzara qui était son voisin. etc. Il y a la grande histoire avec ses wagons, ses compartiments, mais certains voyageurs voyagent aussi dans le train.
Impossible d’ignorer la question posée par Zébu : pourquoi les agents du capitalisme face à son dysfonctionnement s’obstinent-ils à appauvrir les producteurs de richesses ? On peut invoquer:
– La psychanalyse et une perversion du capitalisme considéré comme un corps sensible et souffrant, avec un moi, un ça et un surmoi ? Ou une conduite suicidaire névrotique ? Mais peut-on vraiment considérer « le capitalisme », entité abstraite, comme une personne humaine avec des pulsions ?
– La sociologie et l’incapacité psychosociale des hommes d’une époque à transgresser la foi dans un système de pensée dont ils ont hérité et auquel ils se sont toujours ralliés ? Mais si l’on a mis des millénaires à se distancier du polythéisme puis du monthéisme, ne faudra-t-il pas des décennies pour se débarrasser de la doxa néo-libérale et de ses grands prêtres ?
– L’économie et l’intérêt cupide d’un groupe prédateur qui contrôle les esprits et la foi ? Probablement : jusqu’ici l’évolution des espèces ne nous a débarrassé ni de la cupidité ni de la prédation.
– La physique appliquée aux sociétés humaines qui déterminerait un effondrement « entropique » du système capitaliste comme de tout autre système. Mais si le temps érode les relations entre éléments d’un même système et si, de ce fait, le chaos peut s’installer, en faire une loi qui se suffit à elle-même pour expliquer les dérives des sociétés et de l’économie, reste du domaine de la conjecture.
Merci à Zébu de s’être attaqué à la question, mais il me semble s’inspirer d’une doxa un peut trop exclusive.
Tentative de réponse faite plus bas avec Marc Peltier.
J. Schumpeter – Capitalisme, socialisme et démocratie. :
(Parce que ce passage a été cité ce matin sur Fr C. or en le relisant je ne le trouve
pas si dénigrant envers la démocratie qu’ils le présentaient.)
En particulier, la nécessité pratique subsiste d’attribuer à la volonté de l’individu
une indépendance et une qualité rationnelle qui sont parfaitement irréalistes. Si nous
prétendons soutenir que la volonté des citoyens constitue en soi un facteur ayant droit
au respect, encore faut-il que cette volonté existe. En d’autres termes, elle doit être
davantage qu’un ramassis confus de vagues impulsions mollement rattachées à des
slogans tout faits et à des impressions erronées. Chacun devrait savoir exactement où
il veut que le gouvernement en vienne. Une telle précision dans la formulation des
desiderata devrait être fondée sur l’aptitude à observer et interpréter correctement les
faits directement accessibles à quiconque et à passer au filtre de l’esprit critique les
informations relatives aux faits qui ne le sont pas. Enfin, à partir de ces desiderata
précis et de ces faits bien établis, une conclusion nette devrait être rapidement déga-
gée, en ce qui concerne les problèmes à l’ordre du jour, conformément aux règles de
déduction logique et, en outre, ce mécanisme psychologique devrait jouer, en général,
avec un degré d’efficacité tel que l’opinion d’un citoyen quelconque puisse être tenue
en gros, sans absurdité flagrante, comme aussi valable que celle de tout autre
citoyen
1
. Enfin, le citoyen moyen (modal) devrait accomplir toute cette performance
pour son propre compte, sans se laisser influencer par la pression des cliques et de la
propagande
2
, car, de toute évidence, des volitions et suggestions imposées aux élec-
teurs ne sauraient passer pour le fin du fin du processus démocratique. A la question
de savoir si ces conditions sont remplies dans la mesure nécessaire pour faire
fonctionner correctement la démocratie on ne saurait répondre ni par une affirmation
irréfléchie, ni par une dénégation non moins irréfléchie, mais seulement en débrouil-
lant laborieusement un écheveau de preuves contradictoires.
@ Lisztfr :
Me semble être du Smith dans le texte : le ‘spectateur impartial’, le rationalisme, …
Totalement ‘mythique’, comme pensée, non ?
La conscience construit une histoire après coup sur la base de faits que l’idéologie de l’individu rend compréhensible en tant qu’objet que sa morale évalue. Elle trace alors une ligne de logique entre ce qu’elle appelle causes et ce qu’elle appelle conséquences. Sont mauvaises les causes induisant les conséquences mauvaises à ses yeux.
Le hasard est à la fois bon et mauvais dans ce sens qu’il augmente pour soi l’opportunité de gagner mais aussi le risque de perdre. Il est nécessairement mauvais pour celui qui possède le plus dans un environnement d’objets dont la valeur vient plus de la rareté que de la qualité du travail nécessaire à les produire et qu’il faut protéger contre autrui qui les convoite. Dans cette logique, la lutte des classes commence à deux.
La lutte des classes a une histoire ( des faits de lutte concomitants à une réflexion sur les classes ) et c’est aussi une histoire ( la narration de ces faits estampillés « lutte des classes ») où celui qui a moins fait jouer le nombre ( la classe laborieuse) contre ceux moins nombreux qui ont plus ( la classe privilégiée). Par l’exploitation de la première, la seconde tirerait des richesses pour elle-même, la première serait la cause de la richesse et la seconde celle de sa captation, etc.
Mais les choses n’ont pas de valeur commune: elles n’ont qu’un prix reconnu et partagé et lorsque les choses auront disparu, le souvenir ou le pari qu’elles puissent revenir sera d’un prix plus élevé… perpétuant les luttes …
Je suis surpris que personne ne s’élève contre l’utilisation de concepts, formés pour rendre compte du psychisme de l’individu, et même du sujet, appliqués à des objets et à une échelle où leur pertinence est douteuse, pour moi en tout cas…
Est-ce que le « ça » ou le « moi » d’un individu peuvent être démultipliés des millions de fois, pour devenir le « ça » ou le « moi » d’un type d’acteur économique, ç’est à dire une abstraction, sans qu’il y ait perte de substance du concept?
Est-ce que le « ça économique » ou la « pulsion économique » ont un sens, dans le cadre de la psychanalyse?
N’y a-t-il pas une erreur méthodologique à vouloir appliquer la psychanalyse à des systèmes?
Néanmoins, l’ensemble de l’article « fait sens », comme on dit. Mais la pertinence partielle que je ressens pourrait résulter d’une homologie entre les articulations et les perversités du système économique, et les articulations et perversités du psychisme, sans que l’on puisse prétendre pour autant expliquer celui-là par celui-ci.
En outre, il y a une séduction intellectuelle liée à la richesse, à la subtilité et à la « connectivité » de l’argumentation, qui n’établit cependant pas la validité des concepts utilisés. C’est une impression que j’ai souvent en lisant des propos psychanalytiques : je suis intéressé et séduit, mais pas complètement convaincu. J’ai l’impression que tout cela flotte en l’air, d’emblée pertinent, très structuré, mais rattaché finalement à pas grand chose, et ne tient que parce que les psychanalystes sont très intelligents. 😉
Je précise que je reconnais complètement au moins un des concepts fondateurs de la psychanalyse : le psychisme n’a pas seulement une histoire, il est une histoire. Je ne suis pas un ennemi, juste un critique…
@ Marc Peltier :
Rassurez-vous, je ne suis pas un psychanalyste (tout le monde l’a compris) …
Vos questions sont pertinentes et rejoignent d’ailleurs celles de Paul Stieglitz.
Le fonctionnement par analogie est toujours risqué puisqu’il part d’un point qui n’est pas celui que devrait être son objet. Pour autant, la critique que vous émettez est relative et sans doute dû aux scories de la méthode utilisée et présentée. Car la psychanalyse, pour individuelle qu’elle soit, vise à l’universelle : elle tend à décrire des processus que l’on retrouve chez l’être humain. Le capitalisme n’est pas qu’un abstraction : elle se compose, se fonde des millions d’individualités de producteur, de consommateurs, … Vous, moi, votre voisin.
Quand par exemple le citoyen allemand définit le citoyen grec comme l’exemple même de l’Autre, son antithèse et qu’il lui administre de force des politiques d’austérité ‘pour son bien’, n’est-on pas dans la perversion collective, perversion qui se serait ‘institué’ (dans le ‘surmoi’) par différents aspects, comme la monnaie ?
Quand nous exigeons individuellement un taux de rentabilité nette pour notre épargne sans vouloir se poser la question d’où provient cette rentabilité, quels en sont les mécanismes, ne sommes-nous pas individuellement aussi dans un déni de réalité ?
Ou quand nous consommons (tous) individuellement des objets sans cesse renouvelés, ne participons pas nous mêmes inconsciemment à la réalité de cette abstraction ?
Le capitalisme n’est pas hors de l’Homme. Il est institué par l’Homme. Dès lors, analyser l’inconscient humain me semble pertinent pour pouvoir analyser ce qui fonde et perpétue inconsciemment le capitalisme.
Cordialement.
Les hommes sont le produit de leur époque et la produise en retour.
@ Marlowe :
Exact. Quelle est la part par exemple dans le ‘surmoi’ du ‘ça’ ? Je veux dire, le ‘ça’ que définit la psychanalyse, ainsi libéré par le capitalisme, quelle part s’est institutionnalisé maintenant, sous forme de normes morales, idéologiques, etc., formant ainsi de nouvelles institutions ?
Je pense aux marchés notamment, qui seraient ainsi les institutions représentatives du ‘ça’, adaptées au ‘ça’ en tout cas. Si l’idéologie néo-libérale a permis la destruction du ‘surmoi’ qui venait s’opposer à l’expression du ‘ça’ dans le ‘moi’, il est aussi possible que ces transformations aient induis une reconstruction d’un ‘surmoi’ compatible avec le ‘ça’ et le nouveau ‘moi’.
à zébu,
Il est commun de dire que le développement des forces productives est l’histoire réelle mais inconsciente des sociétés modernes.
Quand les forces productives ne peuvent plus se développer quantitativement et que le domaine du qualitatif leur est interdit par les lois de l’accumulation, le seul développement économique possible, en soi et pour soi, devient celui de la finance c’est-à-dire d’une pseudo accumulation qui n’ a plus aucun lien avec la réalité.
La mise en échec du système doit être facturée à ceux qui en sont jugés les responsables : les peuples qui ne pourront pas payer.
Une autre manière de le dire est que le système capitaliste qui a, jusqu’ici, évité d’être renversé par une révolution, est devenu l’ennemi de l’humanité et, qu’en retour, il considère l’humanité comme son ennemi irréductible.
« Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu’à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance. Là où était le ça économique doit venir le je. Le sujet ne peut émerger que de la société, c’est-à-dire de la lutte qui est en elle-même. Son existence possible est suspendue aux résultats de la lutte des classes qui se révèle comme le produit et le producteur de la fondation économique de l’histoire ». Guy Debord. La Société du Spectacle. 1967.
Plus de quarante années ont passé. La société ne s’est pas affranchie de l’économie, bien au contraire.
La lutte des classes n’a pas disparu, mais il semble que c’est le parti de la mort qui gagne.
J’entends par partie de la mort le capital et ses forces accumulées, dont la victoire, comme celle du cancer, est aussi la fin.
Article absolument passionnant, merci.
Mon impression, qui n’engage que moi: c’est du discours soixantehuitard.
A l’epoque – entre 1968 et 1980 environ – on mettait Karl Marx, le freudisme, ses apôtres et suiveurs dans la même marmite. La théorie freudienne ne me semble pas la référence utile pour penser une thérapie du malaise dont il est question dans ce blog. Il faudra plutôt le concours des psychologues comportementalistes, des anthropologues, sociologues et, last but not least, des psychiatres – nous en sommes malheureusement là!
Elections, piège à cons!
Et c’était comestible, Herr Germanicus ?
schizosophie
J’ai lu la récette, mais j’en ai jamais goûté. Je préfère des plats équilibrés.
@Germanicus, le 10 avril 2012 à 20 h 30
Vous avez mal lu, ce n’est une recette ni dans un cas ni dans l’autre : pas de marmite de l’avenir, ni du devenir. Et pas de reset non plus.
En matière d’idées, dire : « Ce n’est pas à la mode ! », n’est pas le nec plus ultra de la critique.
@ Paul Jorion
« En matière d’idées,… »
« A cet effet, il se remet à étudier l’équilibre des corps en mouvement. Scholastique n’arrive pas à comprendre l’utilité qu’il peut y avoir à écrire des tas de choses pour arriver à mettre dans le bout: =0. Mais, en matière de sciences, l’opinion de Scholastique est négligeable. » Christophe, Le savant Cosinus.
ES. p. 184 figure 7.4 montrant le savant Cosinus au tableau et Scholastique à côté.
🙂 🙂 🙂
C’est quand même quelque chose le bon sens populaire!
Je n’ai pas dit « ce n’est pas à la mode »; toute théorie n’a qu’une valeur transitoire. Mais il faut avouer que les courants de 68 et post-68 n’ont pas atteint leurs buts: la finance en est sortie plus forte que jamais, les adeptes du marxo-freudisme n’ont rien apporté en terme de lutte contre la cupidité des acteurs du capitalisme rapacier, en tout cas rien de pratiquable. Où est la faille?
@ Germanicus
Vous n’êtes pas visé.
La notion de croissance est déjà en elle-même absurde, elle n’est basée que sur une notion de chiffres allant vers une minorité dans la société, il n’y a pas un ensemble allant vers une régulation ou une harmonisation.
La vaste collection des problèmes commence par la surexploitation des ressources naturelles et la dérégulation du moteur de vie : le climat. Cette prise de conscience au niveau mondial des problèmes écologiques a par la suite été rempli de beaucoup de déceptions pour les personnes qui voyaient enfin l’implication sérieuse de ses problèmes comme une priorité mondiale.
Le nucléaire a enfin de compte déçu, bien que l’argument Co2 ait été dans une vision écologique, le désastre de Fususkima a rappelé l’extrême dangerosité de cette énergie, et que par le biais du vent, ce qui se passe à des milliers de kilomètres de la fuite radioactive pouvait avoir impact très fort sur une surface géographique (très) lointaine. Ainsi l’énergie nucléaire est une énergie mondiale (radioactivité) quand elle conduit à une catastrophe.
La croissance est énormément liée au niveau de vie, hors en quoi un esclave ou un ouvrier chinois ou indien profite de cette croissance, nombreux sont ceux à travailler plus de 14 heures par jour uniquement pour se nourrir. Il y a aussi des suicides au travail, et très nombreux. Ils construisent des articles qui peuvent les envoyer en prison dans leurs propres pays alors que nous les consommons. La pensée économique de la liberté est morte en s’exportant, ainsi que de très nombreux emplois.
Dans les pays que l’on considère comme riche, surtout parce qu’une minorité d’individus y ont leurs entreprises principales, l’endettement des ménages a atteint des niveaux beaucoup plus élevés que celui des Etats (dont on parle en permance en oubliant les citoyens volontairement ?). Nombreux sont ceux à admettre que le niveau de vie a baissé, des parents disent ouvertement qu’ils ont peur que leurs enfants aient un niveau de vie plus difficile que le leurs. C’est très clairement un signe que le mot croissance n’a même pas de sens dans les pays industrialisés (encore que vu les délocalisations).
Il y a non seulement une baisse du niveau de vie généralisée et une influence catastrophique sur l’environnement, donc le capitalisme est clairement devenu une perversion.
Je crois reconnaître dans la partie « lacanienne » du billet ce que traite Charles Melman dans L’homme sans gravité (sous-titré « jouir à tout prix »).
Extrait (pp. 79 et 80): « La barbarie consiste en une relation sociale organisée par un pouvoir non plus symbolique mais réel. A partir du moment où le pouvoir qui est établi s’appuie sur – a pour référence- sa propre force, et ne cherche à défendre et à protéger rien d’autre que son existence en tant que pouvoir, son statut de pouvoir, eh bien, nous sommes dans la barbarie. Est-ce que vous connaissez une seule des grandes manifestations récentes d’exercice du pouvoir dans notre monde qui ne soit pas une manifestation de la barbarie? »
Avant il y avait Dieu pour assurer ce rôle. Mais maintenant on a Darwin et les commissariats ont remplacé les églises.
Je ne pense pas qu’il y ait sur ce blog beaucoup de monde à souhaiter le retour d’une théocratie. Pas moi en tout cas.
Pour moi Melman soulève une importante (fondamentale?) question à laquelle il dit (quelques lignes plus loin) n’avoir pas de réponse.
Une flèche à changer dans le carré sémiotique capitaliste?
Oui mais laquelle ?
@ Zebu
Pour répondre il faut demander ça à un lacanien. Perso mon lacanien de fils m’en avait parlé. Je lui avais indiqué que Thom avait fait un article sur le carré sémiotique (Apologie du logos) en associant le carré à la catastrophe de fronce qui « explique » la phrase auto-référente « le prédateur est sa proie », à la base selon lui, je le répète, de l’embryologie animale.
L’exemple traité par Thom est celui du mythe de saint Georges. Il s’agit d’une opposition nature/culture, que je rapproche de l’opposition subconscient/conscient à laquelle Paul Jorion vient de consacre un billet. Le résultat de Libet a montré qu’on voyait les choses dans le mauvais sens. C’est pour cela que je me dis que c’est peut-être le cas également ici.
il faudrait peut-être une Naturoclatie sauve âge 😉
Bonjour
Votre article est très intéressant , ardu tout de même .
Vous auriez pu aussi évoquer René Girard et son conflit mimétique , qui pourrait faire une sorte de passerelle entre le psychisme individuel et les comportements collectifs .
Cependant , mes connaissances théoriques sont trop lacunaires pour étayer cette idée .
Je suis entièrement d’accord avec la fin de votre réponse à Marc Peltier . Le capitalisme est en nous et pas en dehors .
Si nous sommes incapables de résister au principe de plaisir ( incarné par la consommation ) et d’accepter le principe de réalité ( épuisement des ressources naturelles ) , par affaiblissement progressif du surmoi , il est évident que cette civilisation va s’effondrer ( ce ne serait pas la première ) .
@ le chat :
vous pourriez développer sur Girard et son conflit mimétique ?
Il me semble par contre que ce n’est pas la capacité à résister au plaisir mais bien au sur-plaisir (plus de jouissance) qui est en jeu. Quelles limites acceptons-nous à notre hybris (‘ça’), quel ‘surmoi’ à mettre en oeuvre ? Plus profondément, quelle définition du plaisir : peut-on toujours accepter celle qui se base sur la consommation d’objets ? Cette définition n’est-elle pas en soit un hybris, parce que fondé sur l’échange de biens et non sur le besoin d’échanges ?
@ Zebu,
C’est pas faux comme qui dirait ! Mon d.ieu on a du travail sur la planche, regardez nous ici, tellement souvent, moi même, pas facile, mais pas impossible. Je vous pardonne, allez en paix. Et en retour bénissez moi. Echange de bons procédés.
A plus
Ben georgy, qu’est-ce qui se passe … ?
Pardonner, c’est facile mais bénir … une autre paire dimanches !
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais ce n’est pas gênant de le répéter : Girard, c’est Hegel, passé sous un rouleau compresseur. L’original est lui en 3D.
Il faudra que je fasse l’effort de lire Hegel . Il parait que c’est un peu plus ardu que Marc Levy …
ps : Je ne sais pas comment insérer un petit bonhomme jaune et rond qui sourit .
Oui, c’est très bien vu.
ET...je me sens tout petit devant HEGEL, mais je préfèrerais plus encore :
stéréoscopique qu’à 3D.
Car, en très résumé (je précise), ne peut-on dire que la philosophie d’Hegel –
de l’ Idéalisme absolu – nous donne un perception de l’histoire humaine, mise en relief, à partir de l’opposition de deux « images planes » : le réel et le rationnel. (D’où ma proposition).
Précisons, qu’Hegel avait aussi pour ami Goethe, passionné par l’optique.
Ce dernier s’exprimant aussi longuement sur la perception visuelle et affirmait une différenciation… quant à la perspective des éléments verticaux et horizontaux…
Cela laisserait-il la possibilité d’envisager que la nature même de notre vision (physiologique), en l’occurrence stéréoscopique, nous induirait à penser en partie d’une certaine manière.
Aurions-nous un troisième oeil derrière la tête, que la philosophie par exemple, s’en trouverait également bouleversée.
Comme quoi avoir un bon opticien, peut aussi nous aider à clarifier nos pensées.
La stéréoscopie ? C’est plus compliqué que ça en a l’air !
@ lechat
» Si nous sommes incapables de résister au principe de plaisir ( incarné par la consommation ) « …dis-tu
Quelques pistes :
Brûler les temples de la consommation , les grands magasins par exemple , ce que les Grecs font en ce moment (après les avoir dévalisés) puis organisent la vente directe des producteurs aux consommateurs , la part des marchands disparue , les prix chutent et beaucoup mangent .
J’ai défendu ici à plusieurs reprises l’idée d’une organisation sans marchands…
On a oublié tout ça en France …( après tout , pour L’Empire , il suffit d’une génération à sa botte … )Exemple : les » Grands Moulins de Paris » ( un endroit magnifique le long des quais de Seine ) qui distribuaient la farine pour le bon pain du matin ont été vendus ( l’année dernière , me semble-t-il ) à une BANQUE .
» …et (incapables) d’accepter le principe de réalité ( épuisement des ressources naturelles ) … » dis-tu encore
Yen a qu’en sont capables :
– Mouvement » NO TAV « , à la frontière franco-italienne , contre le percement d’un tunnel de 57 kms dans le Mont-Blanc , ceci afin de gagner qques dizaines de minutes sur une ligne de train existante au bénéfice de quelques couillons pressés , 50 000 personnes de la vallée italienne vent debout contre ce projet , 70 villes en Italie soutiennent cette lutte , la Savoie commence à s’organiser , le ministre italien » s’émeut » , à suivre …
– » ZAD » , Zone A Défendre , contre la construction d’un aéroport au nord de Nantes , projet de bétonnage de 2000 ha de terres nourricières , absurde , délirant , salopards d’aménageurs de territoire ( Jospin compris , qui a relancé le projet ) , dernière manif à Nantes le 24 mars , 240 tracteurs ds la ville , près de 10 000 personnes énervées , dispositif flicard inimaginable ; sur la ZAD des gens perchés dans les arbres depuis des mois pour empêcher les bétonneurs etc… à suivre…
– » Valognes stop castor » , contre le nucléaire et son monde ( consulter le site sus-nommé) , harcèlement des entreprises travaillant à la ligne THT et son EPR, déboulonnage des pylônes , effacement des marques posées par les géomètres , tout est encore à inventer , vaste terrain de jeu concernant 4 départements ( Manche , Mayenne , Calvados et Ile-et-Vilaine ) … à suivre
– » Gaz de schistes » , la vidéo » Gasland » à voir absolument , a fait son effet , la population est vigilante , surtout dans le sud français très concerné . L’empire tergiverse pour mieux nous entuber . A suivre …
David contre Goliath , le pot de terre contre le pot de fer …
Impeccable !
Texte long et (parfois) touffu mais d’une clairvoyance extraordinaire.
Félicitations à Zébu.
Je crois moi aussi qu’il s’agit d’une démonstration qui se supporte d’une doxa trop exclusive, d’un matérialisme historique à trop peu de dimensions. Je ne ferai qu’ajouter quelques éléments de réflexion.
Je crois que nous gagnerions à davantage réfléchir comme EXPÉRIENCE HISTORIQUE COMMUNE la longue période précédent la mise à mort du dernier lien avec l’économie matérielle, la fin de l’étalon-or ici présenté comme libération finale de l’hubris, de l’illimitation.
Pour ma part, s’il peut s’agir d’une propension certaine du capitalisme et qu’affiche la publicité, l’illimitation est à peine plus que ça un fait concret.
Je voyais récemment des photos de jeunes occidentaux de divers lieux, posés avec l’ensemble de leurs avoirs disposé dans une seule pièce. C’était loin d’exprimer l’illimitation.
Bien sûr, une bonne part d’entre eux chemineront favorablement vers l’accès à une résidence et à une voiture. Mais encore je ne vois là, comme l’exprime mesurément la notion d’empreinte écologique, que la marque d’une norme (donc sociale) de consommation excessive.
Pour en revenir à l’EXPÉRIENCE HISTORIQUE COMMUNE (en Occident), ne gagnerait-on pas à tenir bien davantage compte de ces quelques faits mis de l’avant par Jean-Marc Jancovici et de les intégrer à la discussion sur la fin de l’étalon-or, historiquement adéquate ?
Voilà:
http://www.manicore.com/fichiers/Senat_cout_electricite.pdf
On peut s’arrêter aux seules diapositives: 2,3,4,5,7,8 et 9.
Je leur fait référence pour la suite.
1 grand trou pour les géraniums, soit 18 tonnes de terre remontée de 1 mètre : 0,05 kWh d’énergie mécanique (pour les même sceptiques : E = 18000 x 9,81 x 1 ≈ 0,18 MJ = 0,05 kWh)
Avec une personne payée au SMIC : 2000 euros le kWh mécanique
1 litre d’essence, c’est (roulement de tambour)… 10 kWh ; après passage dans un moteur c’est 2 à 4 kWh d’énergie mécanique. 0,20 a 0,50 euro le kWh mécanique.
1 kWh (mécanique) de moteur coûte de 1000 à 10.000 fois moins cher qu’un kWh de travailleur humain payé au SMIC
Nietzsche voulait des surhommes : le pétrole l’a fait (et aussi le charbon un peu auparavant et encore aujourd’hui).
L’EXPÉRIENCE HISTORIQUE COMMUNE, celle du 20ème siècle, n’est-ce pas grosso modo le sociologisme (je suis sociologue) de la diapositive 7 qui maintenant se confronte à l’écologie sociale de la diapositive 8?
C’est une longue période de réussite productiviste s’intégrant à notre culture et déployant avec une aisance inégalable, comme norme de consommation évolutive (avec destruction créatrice – se mélangent ici Veblen et Schumpeter), tout un environnement largement tributaire d’une énergie stock, non renouvelable, aujourd’hui en déplétion certaine.
L’environnement ainsi créé, déposé sur les territoires en les creusant et les façonnant, capable de discours souvent auto-référentiels sur lui-même, cela tout en portant massivement atteinte à la biodiversité est maintenant nommé Anthropocène.
Mais maintenant et depuis peu de temps, l’imaginaire n’est plus à la réussite:
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/346994/2112-ou-sera-l-humanite-dans-un-siecle.
Il me semble que cette notion d’hybris est assez relative . Si je compare ma consommation d’objets ( limitée par mes moyens ) à celle de gens plus aisés , je peux me trouver raisonnable , mais si je me compare avec des populations plus défavorisées, alors là , je suis dans la démesure absolue .
Je ne prétend pas être plus malin qu’un autre , mais j’essaie (tant bien que mal ) de résister à un sur – investissement libidinal ( merci tonton Sigmund) dans la sur- consommation .
Je pense que le plaisir , ça peut s’éduquer , afin de résister aux injonctions de monsieur Le Lay et ne pas livrer la totalité de notre cerveau à coca et consorts.
Ce n’est pas pour rien que la première chose à laquelle .s’attaquent nos libéraux ( cf article de François Leclerc ) soit l’éducation . J’en sais quelque chose , je suis instit et je constate chaque année les effets de la politique de suppression de postes sur la qualité du service public d’éducation .
Ma référence à Girard , me semblait pertinente , dans la mesure où il peut nous donner des pistes sur le fonctionnement du désir de masse .
L’exemple que j’ai pu entendre et qui me parle , c’est celui de la pub Nespresso .
Il y a un objet ( une cafetière ) , une multitude de consommateurs potentiels . Pour faire naître le désir de consommer , on met un troisième élément , l’élégant et sexy Georges ,( qui donne aux femmes et aux hommes des idées d’adultères).
En résumé , si j’achète la cafetière , je capte une parcelle du charisme de l’autre .
Et vous risquez de vous prendre un piano sur la tête !
Très peu pour moi !
🙂
Oui , mais je rencontre Dieu .
@ lechat 10 avril 2012 à 18:28
Ma femme était instit aussi. Elle a commencé en 1954 et pense que c’est davantage une question de méthodes, que de moyens. Il y a eu volonté d’innover à partir des années 70 et l’on a introduit l’usage de méthodes moins efficaces amenant à apprendre à lire en 2 ans là où il fallait seulement 2 trimestres antérieurement. On a même tenté d’introduire, pendant un où deux ans, les math modernes en primaire……
On a aussi demandé aux instits de faire découvrir aux élèves,ce qui demande plus de temps, plutôt que de leur faire comprendre et apprendre, ce qui est plus efficace.
N’est-ce pas un peu fantasmer que d’attribuer tout cela à « nos libéraux » qui ont plutôt la réputation de rechercher l’efficacité afin de gagner en compétitivité?
« On a aussi demandé aux instits de faire découvrir aux élèves,ce qui demande plus de temps, plutôt que de leur faire comprendre et apprendre, ce qui est plus efficace. »
Je ne peux qu’être d’accord avec vous . On nous explique ( nos conseillers pédagogiques ) que les élèves doivent acquérir plus de savoir faire que de savoir . J’ai même entendu l’un d’eux me dire que les réponses apportées par le maître mettaient l’élève en difficulté .
Pour ce qui est des libéraux , il faudra que je songe à étudier la question .
@ lechat: ce dont vous parlez est dénoncé par Dany Robert Dufour comme le résultat du libéralisme
@ lou 11 avril 2012 à 16:17
Dany Robert Dufour me fait peur, mais la parade est toute trouvée, il suffit d’attribuer au capitalisme et au libéralisme, tout ce qui foire, y compris la pédagogie.
http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=844#nb6
Désolé Zébu…
Texte compliqué et à double tranchant. Perversion me met mal à l’aise.
Je viens bien croire ce que nous dit Zébu, dans son texte et dans quelques réponses, pour autant que j’en sois totalement indemne d’auto-culpabilité.
L ‘auto-culpabilité prouvée me paralyse, c’est ainsi. Et c’est la dernière chose dont j’ai besoin.
Je refuse d’ admettre qu’une femme en charge d’enfants et qui dépenserait
3 francs 6 sous pour se faire plaisir en faisant plaisir à ses enfants soit coupable d’un capitalisme intériorisé.
Celles et ceux qui sont dans une situation précaire sont maintenant
la majorité et ne sont que des victimes passives.
Foin de discussion savante – je ne récuse pas l’exercice intellectuel
à nous proposé- mais ici et maintenant, la question est collective
et sociale c’est-à-dire politique.
La solution passe par une lutte collective pour infléchir une direction
mortelle. Rien ne dit que ce sera rapide et efficace, mais le moyen
est là: politique.
Avant de supprimer les déficits par des impôts déterminés par la faculté
contributrice, c’est-à-dire à taux progressif ( c’est 1/100 de solution),
ou réclamer la criminalisation de toute spéculation (5/100 de solution)
il faut voter.
Zébu? diversionnisme ! Je suis trop bourru , hein ?
@ daniel :
Bourru ? Pas vu une seul fois.
Je crois que la question n’est pas celle de l’auto-culpabilité, encore moins celle de la flagellation, ni même celle de la contrition, du rejet du plaisir.
La notion de victime correspond bien justement à la perversion, puisque le capitalisme, par son incapacité à admettre que la réalité est bien celle qui est et pas celle qu’il souhaite, transfère sa ‘souffrance’ à l’Autre, en priorité les plus faibles : les pauvres, les femmes, les étrangers (une pauvre femme étrangère a toutes les chances de subir la perversion !) …
En être conscient, c’est en premier lieu reconnaître que l’Autre est la figure précédente de la sienne, quand son tour viendra, pas celle de celui qui est responsable du fait que la perversion s’abatte sur lui : distinguer perversion de pervertis.
Personnellement, je pense que voter est nécessaire, même si j’ai penché par frustration et idéalisme un temps vers l’abstention. Mais il me semble que ce n’est pas suffisant. Le vote n’est pas une prise de conscience. C’est un choix parmi les possibles proposés.
L’Autre ?
C’est moi que je ne supporte plus de voir dans le miroir.
@ Daniel « mais le moyen est là: politique. » Ca n’a rien de contradictoire avec ce qu’écrit Zébu. Si le constat n’est pas fait, la réalité vue en face, la politique dans un cadre pervers produira de la perversion.
Pour renvoyer à Dany Robert Dufour : son dernier livre, après le constat, propose des pistes pour construire « l’individu qui vient »
Des articles: Malaise dans l’éducation
Servitude de l’homme libéré
Le capitalisme, perversion, je ne sais pas. Mais catalyseur des pulsions de mort, certainement.
Voir ce qu’en dit un philosophe :
http://blogs.mediapart.fr/blog/daniel-salvatore-schiffer/070412/europe-les-nouveaux-suicides-de-la-societe#comment-1903917
Que de souffrances, alors que la lumière est juste derrière les nuages.
L’évocation de René Girard me paraît appropriée, la passion mimétique me semble d’autant plus prégnante que les forces destinées à l’exalter s’accroissent au fil du temps sous le couvert :des « réseaux sociaux » (Exemple parmi d’autres :Recettes publicitaires de Facebook: 4 milliards de dollars, site disponible en 78 langues et touchant toutes les classes d’âge). La messe est-elle donc dite, au moins jusqu’au cataclysme final? Comment contrebalancer cette puissance de décervelage qui nous traque sans cesse et s’érige en catalyseur d’une croissance jumelle de prospérité collective? On a cité Max Weber, Marx, Schumpeter entre autres. Je risque, pour ma part, le nom de Charles Fourier et de ses » attractions passionnelles ». Permettre à chaque individu de connaître, le plus tôt possible, ses aptitudes personnelles et l’aider à les promouvoir au long de son existence dans une communauté susceptible d’en moduler l’efficacité au bénéfice de tous, pourrait constituer une antidote au conformisme de consommation. L »Être » prendrait le pas sur l’ »Avoir ». Utopie ou retour à la raison? Des sociétés dites « archaïques » ont pu traverser des milliers d’années sans trop d’encombres, pourquoi ne pas s’en inspirer? Un site à visiter: http://www.charlesfourier.fr.
Si l’ on considère la notion de perversion , c’est qu’il y a relativisme ….Perversion par rapport à quoi ? ….Ce ne peut etre que par rapport a une situation déterminée comme « natyrelle » , donc le naturalisme .
C’est donc ne bifurcation ..et a mon avis elle ne se situe pas au niveau du choix « capitaliste » , mais au niveau du choix « civilisation » .
L’ image que l’on montre du signifiant « civilisation » est orienté uniquement sur ses chromes …mais il est facile de soutenir la thèse que ce choix est hasardeux puisque dé-naturé et hors des boucles trophiques que respectent ttes les especes .
@ Kercoz
Décidément vous m’épatez. Comment faites-vous? Ne me dites pas que c’est parce que vous êtes prigoginien: vous finiriez par me convertir!
J’arrive à la même conclusion. Mais après un sacré détour.
Quand je pense que j’ai passé mon temps à dire à mes étudiants quand j’étais en activité: faites simple, encore plus simple, toujours plus simple; c’est comme ça que vous serez les mieux armés pour résoudre des problèmes compliqués.
Faites comme je dis, ne faites pas comme je fais…
@Basic :
Ne me flattez pas . Pour moi la sociologie et la complexité-Chaos sont strictement le meme sujet .
Ttes les boucles trophiques sont de type chaotique et donc hyper stable (attracteur / pour imager l’attracteur, gleick utilise une « image » tres parlante : celle d’ une riviere ou d’un torrent . En observant les remous , tourbillons et autres phénomènes , on observe qu’ils sont a la fois variables et mobiles et tres stables géographiquement ….il y a meme des positions bi-stables ….On peut pourtant considérer le débit comme constant sur un temps moyen …C’est cette variabilité qui induit la stabilité , du moins la force de cette stabilité )
La structure « naturelle » (donc selon moi tres stable ) de l’espece humaine , comme toute espece sociale , est une structure parcellisée , au mieux fractale (groupes de groupes ) , en accord et interactions avec les autres acteurs le sa boucle trophique ….Toute autre tentative de structure ne peut mathématiquement , que faire diverger les « solutions » ….Nous sommes là ds l’arrogance humaine du constructivisme.
Et si on pose cet etat de fait comme « vrai » , la divergence ou bifurcation se situe a la rupture de la structure originelle et non au choix de l’outil de gestion …puisqu’il ne peut y en avoir de pertinent .
@ Kercoz
Je ne vous flatte pas. Je constate que vous voyez mieux les choses que moi peut-être parce que vous les sentez mieux. Je crois que vous êtes un sociologue qui a fait l’effort de s’intéresser aux sciences dures (même si c’en est la partie molle, c’est un compliment, la plus molle est la plus difficile). Je suis en train de faire le trajet inverse. Et mon train est parti en retard, il y a deux ans sur ce blog. Et côté odorat c’est plutôt rantanplan.