Le fait que nous parlions appartient à ces choses dont nous considérons qu’elles vont de soi. La linguistique rend compte du fait que nous nous exprimons en différentes langues, en comparant les manières que nous avons adoptées pour y parvenir. La linguistique s’intéresse aussi à la façon dont nous combinons des effets de sens (le sémantique) avec des effets de structure (le syntaxique). Elle n’est jamais parvenue, il faut le souligner, à expliquer comment le sens des mots se combine pour constituer le sens de la phrase, énigme que les Scolastiques appelaient le complexe significabile.
Honnêtement, je ne connais pas d’autres réflexions que la mienne qui ait été consacrée à la différence pour ce qui touche au sens, entre ce qu’opère le sémantique d’une part et le syntaxique de l’autre. Ainsi, dans l’article « Le secret de la chambre chinoise » (Jorion 1999), paraphrasé dans Notre cerveau : conscience et volonté, je concluais, en donnant aux mots les mêmes significations que dans la discussion hier à propos de la conscience :
En effet, le syntaxique ne parvient pas à l’imagination : il est du même ordre que l’acte ci-devant « involontaire » ; le sémantique, c’est au contraire ce qui y parvient : il est du même ordre que l’acte ci-devant « volontaire ». C’est ce contraste qui avait permis à certains Scolastiques, en particulier à Jean Buridan, d’affirmer que le syntaxique est privé de signification : il possède un sens mais qui n’est pas ce que nous appelons la signification, laquelle est précisément ce que le sémantique véhicule exclusivement. Le sens du syntaxique est entièrement traité en amont de la conscience, au niveau inconscient, par le corps – selon l’expression que j’ai utilisée dans ce texte –, c’est la partie aveugle, inaccessible du sens, celle qui nous oblige à des contorsions mentales quand nous essayons de définir – pour reprendre le vocabulaire scolastique – un syncatégorème tel « néanmoins » » (ibid. 197-198).
Et j’ajoutais :
La compréhension, c’est l’évocation par l’imagination, activant en même temps que les concepts évoqués, tous ceux qui leur sont liés (cf. Jorion 1990 : chapitre 9). Le contenu de cette représentation, c’est la signification, mais il existe une partie du sens qui est absente de la signification : tout ce qui est de l’ordre de la structure, de l’armature de la phrase ; la structure ne passe pas dans l’évocation, c’est ce que Freud observe à propos du rêve : que les effets syntaxiques doivent y être exprimés comme rébus, qu’ils doivent être évoqués de manière indirecte,sous une forme figurée, figurative. Autrement dit, on est forcé de reproduire la signification des syncatégorèmes à l’aide d’un montage de catégorèmes (ibid. 198).
« Catégorème » et « syncatégorème », sont les termes qu’utilisait la linguistique scolastique. « Pomme » et « justice » sont des catégorèmes : les catégorèmes ont un significat : un objet, concret ou abstrait, qu’ils évoquent. Les syncatégorèmes, sont eux privés de significats : « néanmoins », « et », « dorénavant », sont des syncatégorèmes.
Ceci dit, nous avons si bien pris l’habitude de nous situer, nous humains, en dehors de la nature, en plaçant tout ce qui nous concerne spécifiquement dans la catégorie du « culturel » qui s’oppose au « naturel », que nous ne jugeons plus nécessaire de rendre compte par des lois du type de celles de la physique de ce que nous faisons (j’exclus de ceci les domaines comme la « science » économique où nous nous contentons dans la plupart des cas de mimer la manière dont nous faisons usage de l’outil mathématique dans la modélisation en physique).
Nous nous ébahissons quand il est question d’action à distance en physique mécanique, mais nous considérons comme un phénomène banal que quand je dis : « Christian, ouvre la fenêtre s’il-te-plaît ! », à cinq mètres de là, la fenêtre s’ouvre effectivement. L’explication bien sûr, c’est que non seulement nous parlons, mais que quand nous parlons, nous sommes écoutés. Cela va tellement de soi pour nous que quand nous décrivons le monde et la manière dont il fonctionne, nous faisons comme si ces miracles en étaient absents. De même, nous étudions les systèmes économiques de la manière la plus minutieuse qui soit sans que jamais personne ait même noté qu’ils ne pourraient exister si notre espèce ne parlait pas (seul sans doute le troc sous sa forme la plus élémentaire aurait pu émerger sans cela).
Un régiment qui marche au pas est susceptible de provoquer l’effondrement d’un pont qu’il emprunte du fait des harmoniques des ondes de choc que le pas cadencé crée dans sa structure. En marchant au pas, le régiment devient « cohérent » : collectivement synchrone comme la lumière au sein d’un faisceau laser. En disant à ses hommes : « Au pas ! », le sergent-chef peut provoquer la destruction du pont, de la même manière qu’en leur disant : « Rompez le pas ! », il peut prévenir cette destruction.
La cohérence est un effet d’« émergence », elle fait émerger un phénomène physique d’un niveau d’organisation vers un niveau supérieur : des seuils entre niveaux énergétiques sont traversés du bas vers le haut en raison du comportement collectif et coordonné d’éléments qui appartiennent à titre individuel à un niveau énergétique inférieur. La « science de la complexité » s’intéresse aux frontières qui existent entre les strates énergétiques du monde physique et à l’organisation émergente qui apparaît quand ces frontières structurelles entre strates énergétiques sont transgressées en raison de transitions non-linéaires qui peuvent intervenir sur ces frontières. L’« individualisme méthodologique » sur lequel repose la « science » économique standard est au contraire le postulat que de tels effets ne peuvent pas avoir lieu.
Les mots combinés en phrases constituent le moyen privilégié de la coordination des comportements humains. Comme l’exemple de la fenêtre à ouvrir le suggère, les commandements sont des vecteurs très puissants d’action à distance. Ce qu’on appelle des « systèmes de croyance », présentent le même effet structurant mais démultiplié. Les hommes partent à la guerre, entreprennent des croisades, porteuses de comportements et de destructions effroyables, comme l’effet d’assemblages de phrases peu nombreuses mais conçues de telle manière que les affects qui leur sont associées soient particulièrement puissants.
Ce dont nous avons un besoin impératif, c’est d’une physique spécifique qui rendrait compte des effets du langage sur le monde, de la nature d’un « champ » permettant l’action à distance – notre présence au monde étant l’un des donnés propres de l’univers auquel nous appartenons, fait que nous avons semble-t-il préféré ignorer jusqu’ici.
Bien sûr, le champ du langage ne possède aucune matérialité : le seul substrat matériel du langage, ce sont les corps des êtres humains parlants et écoutants. Les Scolastiques auraient qualifié un tel champ de « spirituel ». Le champ électromagnétique ne dispose pas davantage de matérialité : l’éther que l’on imaginait en être le « médium », le support matériel nécessaire, s’avéra sinon ne pas exister, du moins être superflu pour la modélisation.
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J’ai repris ici la substance d’un de mes articles intitulé : « Accounting for human activity through physics », publié en 2004 dans la revue Cybernetics and Systems, 35, N° 2-3 : 275-284
Jorion, Paul, Principes des systèmes intelligents, Paris : Masson 1990
Jorion, Paul, « Le secret de la chambre chinoise », L’Homme 150, avril-juin 1999 : 177-202
172 réponses à “LE FAIT QUE NOUS PARLIONS”
Je n’ai aucune idée à quoi pourrait ressembler cette nouvelle physique, mais il a des gens que cette distinction entre syntaxique et sémantique intéresse beaucoup, ce sont les développeurs de moteur de recherche ( saint Google, priez pour nous ), voire les nombreuses tentatives autour du Web sémantique. À titre d’exemple, l’actualité est aux entités nommées.
Il faut se méfier …des mots!
Quand quelqu’un utilise Google pour faire une recherche c’est ce quelqu’un qui est intelligent, Google n’apporte que sa très inhabituelle rapidité (elle est indiscutablement énorme, gigantesque, incroyable, extraordinaire, inconcevable.)
Qu’il devienne possible à l’auteur d’un site web de distinguer d’une manière qui ne soit plus ambiguë pour Google une date de naissance d’une date de décès ou une pêche (fruit) de la pêche (capture de poissons) évitera à l’utilisateur d’avoir à contourner par des astuces la « bêtise » de Google. Il existe depuis longtemps des bases de données où les données sont « intelligemment rangées » dans un nombre forcément restreint de rubriques. Avec le Web sémantique (dont il était déjà question avant que Google ne soit connu) le nombre de rubriques devra être accru d’une manière extraordinaire. C’est très intéressant mais comme le montre le bouquin d’Umberto Eco cité plus haut il est très imprudent de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
A propos de sens, un cas intéressant: Daniel Tammet, est un autiste savant, un peu comme le héros de Rainman, mais il a réussi à surmonter son handicap et peut communiquer. En plus d’extraordinaires facultés mathématiques, c’est un linguiste de génie parlant 11 langues. Il en a même inventé une.
Au cours de tests réalisés par des neuroscientiques aux USA, grâce à sa forte sensibilité, on a constaté l’existence de réactions instinctives pleine de sens (attitudes corporelles et physionomies) à certains sons formés de plusieurs phonèmes. Il semblerait que l’inconscient y réagit d’instinct. Un langage commun à toute l’espèce ?
On devrait lui demander s’il se sent plus « imaginatif ou plus volontaire » selon la langue qu’il utilise…
C’est étonnant comme le maître des lieux peut lancer une énormité parmi milles choses fort intéressantes sans que si peu ( voir pas ) de bons élèves sur-lettrés ne réagissent.
Dans son livre Magnifique « embrasser le ciel immense » ou le cerveau des génies , Tammet cite
l’anthropologue Donald E.brown et sa recherche intitulée » les universels humains « .Brown conseille à tout anthropologue de chercher ce qui unit les cultures humaines, pas seulement ce qui les divise.
Un autre livre sur le cerveau qui mérite attention : la simplexité d’Alain Berthoz.
Ou comment la nature invente des raccourcis , parce la rapidité peut être un élément essentiel de la survie.
@ Paul,
Il me semble avoir lu des choses sur ce sujet il y a fort longtemps dans le bouquin d’Heidegger « Acheminement vers la parole ». Mais c’est vieux et je peux me tromper… À vérifier…
L’effet d’émergence doit pouvoir se dire d’un autre mot, celui d’intégration. Lorsqu’ils sont intégrés dans un tout qui a ses propres règles de cohérence les composants ainsi intégrés en vertu de ces règles acquièrent une autre qualité, plus efficace. Il en va de la synchronisation des ondes de choc produites par les pas cadencés comme du sens crée par l’assemblage des mots, de l’efficacité sonore de la langue parlée : c’est quand il y a congruence entre la clarté de l’intention (l’authenticité ?) et le fait physique de parler, de dire, que la voix porte et devient efficace (un homme qui doute a une voix peu assurée).
Le langage est une projection de l’être et dans cette projection il y a aussi l’affect, c’est-à-dire le corps (mais pas seulement le corps au sens de la seule enveloppe corporelle). Quand le corps disparaît de la scène il est possible que le langage prenne une forme d’autonomie, illusoire (il faut bien au moins un observateur), mais persuasive. Il y a bien quelque chose qui anime la structure de la langue et qui lui donne sa signification. C’est peut-être une forme d’intention qui renvoie à un substrat plus profond. L’intention serait transmise, émise et perçue, non pas tant en vertu de la structure du vecteur mais du fait que les participants à l’échange du langage partageraient à priori un seul et même substrat, celui de l’être commun qu’ils forment en tant que participants à une même culture (voire à une même espèce). Une « physique spécifique » qui rendrait compte des effets du langage sur le monde serait forcément univoque alors que le langage est une partie du monde.
Jungiste?
« Elle n’est jamais parvenue, il faut le souligner, à expliquer comment le sens des mots se combine pour constituer le sens de la phrase »
C’est pas la double articulation ?
« Ce dont nous avons un besoin impératif, c’est d’une physique spécifique qui rendrait compte des effets du langage sur le monde, de la nature d’un « champ » permettant l’action à distance »
C’est pas la communication et la sociologie du langage ?..
Je crois qu’il y a bcp de pointillés dans cet article – d’inférences et de rapports que l’auteur que l’auteur ne développe pas – ce qui le rend obscur, à mon avis.
La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel.
(L’être) sans nom est l’origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la mère de toutes choses.
C’est pourquoi, lorsqu’on est constamment exempt de passions, on voit son essence spirituelle ; lorsqu’on a constamment des passions, on le voit sous une forme bornée.
Ces deux choses ont une même origine et reçoivent des noms différents. On les appelle toutes deux profondes. Elles sont profondes, doublement profondes. C’est la porte de toutes les choses spirituelles.
Livre de la voie et de la vertu.
Vous risquez l’excommunication pour Apophatisme. Mais rassurez-vous, de manière détournée, le cardinal Ratzinger, plus connu sous un autre prénom aujourd’hui, a fini par réhabiliter Maître Eckhart… sans aller cependant jusqu’à béatifier Jean Scot Erigène…
La Chose ne peut donc être désignée comme expérience originaire que par un abus de langage….Lacan, le retour …;-)))
Un régiment qui marche au pas est susceptible de provoquer l’effondrement d’un pont qu’il emprunte du fait des harmoniques des ondes de choc que le pas cadencé crée dans sa structure. En marchant au pas, le régiment devient « cohérent » : collectivement synchrone comme la lumière au sein d’un faisceau laser. En disant à ses hommes : « Au pas ! », le sergent-chef peut provoquer la destruction du pont, de la même manière qu’en leur disant : « Rompez le pas ! », il peut prévenir cette destruction
Le pont de tacoma !….;-)))
http://www.youtube.com/watch?v=j-zczJXSxnw&feature=fvwrel
Non, le pont de la basse-chaîne à Angers (Maine-et-loire) au passage du 3ème bataillon du 11ème régiment d’infanterie légère (;)) le 16 avril 1850. Plus de 220 morts (:()…
Eh oui, les structures ont un spectre de fréquences. La théorie est faite depuis le XIXème mais il fallu attendre les ordinateurs puissants pour les calculer. Je me suis laissé dire que le spectre de la centrale de Fessenheim n’a pas pu pour cette raison être calculé avant sa construction. On l’a donc calculé après coup et on s’est aperçu que sa fréquence fondamentale est aussi celle des tremblements de terre dans cette région…
[A confirmer…]
« Cela va tellement de soi pour nous que quand nous décrivons le monde et la manière dont il fonctionne, nous faisons comme si ces miracles en étaient absents. »
C’est que, comme l’écrit le mathématicien Laurent Schwartz : « le concret c’est de l’abstrait auquel on s’est habitué ».
@ Denis Monod-Broca
Dans le droit fil de « Et le verbe s’est fait chair? ».
On a également Dirac qui, dans sa préface de « Principles of quantum mechanics », rejette comme négligeable l’impossibilité de donner un contenu intuitif aux concepts de base de la mécanique quantique.
Dans les deux cas on a une coupure, coupure entre cette science et le monde réel, celui que nous ressentons.
Ce type de science est exactement ce que j’appelle le scientisme.
Cette attitude est pour moi gravissime. Elle conduit les décideurs politiques à faire confiance à de prétendus experts bien souvent eux-même otages des lobbies financiers. Spirale infernale dans laquelle nous sommes engagés.
Un philosophe célèbre (j’ai oublié lequel!) a dit: « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». C’est la ligne rouge à ne pas dépasser. Reste à savoir ce qu’il y a dans le « cul de sac » de la conscience. C’est ce dont parle Paul Jorion dans son récent billet « Notre cerveau: conscience et volonté »,
Reste à savoir également ce qui restera de la science une fois qu’on en aura retiré le scientisme…
Pensées que je partage (du moin je pense..):
Jacques Jaffelin
Ce qui voudrait dire que l’existence précède la conscience…
J’ai lu un peu ses textes fondateurs sur ton lien. Il montre bien le côté paradoxal des pensées définitionnelles, mais ça m’étonnerait que sa pensée à lui échappe à cette critique. Je vais y revenir pour voir. Un type qui a le culot, aujourd’hui, après toute cette sueur de neurones qui est passée sous les ponts, de proposer une autre façon de penser mérite au moins d’être lu…
au Lecteur :
/// La pensée n’est pas le produit des neurones, mais l’inverse. ///
Sur ce sujet, il y a deux concepts normalement admis, qui sont antagonistes mais portent a réflexion :
– La pensée et les concepts ne peuvent exister sans les mots.
– Les mots sont réducteurs de la pensée.
Comme si le langage , qu’on peut modéliser comme mathématiquement « linéaire » , induisait la possibilité d’ usage d’ un système complexe (au sens math) du cerveau . Ce dernier ne pouvant verbaliser cet usage que par une réduction (langage) seul accessible au conscient .
Il me semble que les concepts sont ante_pensée; qu’ils se manifestent en images qui peuvent devenir conscientes; que celles-ci s’abstraient en pensées lesquelles se traduisent en langage parlé et/ou écrit. Ainsi les mots sont des abstractions d’abstractions. Personne n’a jamais vu une table, mais chacun voit tous les jours de multiples objets désignés par le vocable table certains hauts, certains bas, circulaires, carrés ou rectangulaires (j’exclue les design de C. Perriand par exemple), avec trois quatre ou six pieds, sans parler des formes lyres ou autres…
OK, peut-être un peu néoplatonicien…
@EOle :
Je diverge sur ce point . Pour moi c’est le langage , ou plutot le mot qui induit le concept .
Il faudrait aussi relire Saussure trop délaissé (comme Lorenz). Les mots évoluent ds leur signifiant et ds leur écriture ou prononciation suivant l’espace et le temps , de façon statistique sans limite -frontière précise .
Un autre aspect important : le parlé local n’est pas « globalisable » comme le système tente de le forcer a etre . Un breton ne dira jamais « je vais pecher du poisson » mais « je vais pècher du maquereau …ou des vieilles …
Nous casons les plus nuls des scolaires ds des metiers comme quincailler ….alors que c’est la discipline la plus difficile puisque nécessitant la maitrise de l’ensemble des technologies des noms des outils etc .. Il est vrais qu’ayant éradiqué les quincailleries , les brico -machins n’offrent plus que le 1/10 des materiels qu’ offraient les quincailleries .
La dynamique centraliste sert le gain de productivité ..acquis grace a une perte d’ humanité ..et le langage peut mesurer cette perte .
@ KERCOZ
Ne vous êtes-vous jamais trouvés dans la situation où les mots vous manquaient pour exprimer ce que vous pensiez, voyiez ou conceviez?
C’est d’ailleurs la question que je me suis souvent posée à propos de Boileau qui à mon avis ne devait pas être aussi sobre que cela.
Je conçois les mathématiques comme une essence du langage (transmission de l’information), une espèce de « parfum de rigueur ». La poésie pourrait être le « parfum de l’âme ».
Les concepts et les idées servent le but de leurs auteurs/émetteur. Je qualifierai de « force » les deux points suivants : L’ancrage des propositions dans la culture au sens large de l’émetteur et du récepteur (densité de relation). La beauté des relations (symétrie, simplicité, cohérence, rigueur…)
L’émetteur est le mieux placé pour contredire son travail (tous les artistes(sincères) s’accordent à dire que leur dernière œuvre n’est pas parfaite voire incomplète, mais doivent s’en séparer pour poursuivre leur quête du beau), mais comme son intuition a péniblement accouché d’une information transmissible à autrui, il bombe le torse et imite l’artiste. Le travail de sape incombe aux récepteurs empathiques, qui doivent assimiler la force des propositions (rentré en résonance avec les neurones de l’émetteur) et mettre à nu son incomplétude. Ainsi, la complexité peut poursuivre son œuvre pour enrichir le vivant.
Je me considère comme un véhicule de la vie. Ma « complexité inconsciente » définit l’altitude de mon point d’observation.
Quand le nouveau-né crie, n’amorcerait-il pas ce flux qui prend naissance dans son cerveau inconscient pour finir sa course dans ceux de son entourage.
Ça c’est fait. Je bombe le torse et vais au lit.
@ un lecteur
Vous parlez comme un matheux avec lequel je serais heureux de discuter sur ce blog…
Comme d’autres on déjà remarqué vous n’êtes certainement pas le seul à vous être penché sur cette question.
Pour un travail approfondi sur la question associée, préalable et incontournable du sens du mot dans la phrase, je recommande Bernard Victorri et Catherine Fuchs, « La polysémie – construction dynamique du sens », Hermès 1996.
Une réflexion sur le sens des signes qui ne considère pas le modèle (ou les modèles, qu’ils soient informatiques ou humains) sur lequel le processeur construit le sens ne peut aller loin. Pour comprendre la place du modèle dans la construction du sens, considérons les sens de l’expression « impôt sur le revenu » obtenus séparément par les processeurs Paul Jorion et Hans Hermann Hoppe (si vous ne connaissez pas Hoppe, voyez ici).
Il y a aussi eu pas mal de travail en informatique sur la compréhension du langage naturel dans les années 1980-90; travail qui est souvent pertinent et qu’il serait dommage d’escamoter (références sur demande).
A lui seul Paul Jorion a utilisé 1’179 mots dans cet article.
Avec les commentaires, on parvient à 23’550 mots
140’462 caractères (espaces compris)
Tout cela pour définir ou s’en approcher, de l’origine de la compréhension des mots… vous êtes formidables.
Non, je n’ai pas lu ces innombrables commentaires pour une fois, parce que rien que la question me paraît inutile. Il est donc possible que quelqu’un ait déjà eu la même vision que moi.
Il est bien clair que ni la syntaxe, ni la sémantique ne peuvent être le reflet d’une intention, tout au plus s’en approcher très légèrement.
Prenons un mot simple et magique : JE T’AIME !
On peut le dire avec une intention agressive et cela ne passera pas.
On peut le dire avec une intention sirupeuse pour obtenir quelque chose et cela ne passera pas.
On peut le dire avec une grosse voix mais une intention adéquate, cela passera.
On peut aussi ne pas le dire du tout et cela passera quand-même si l’intention est là LOL
L’intention est source de « son », donc d’une onde qui est perceptible par l’autre, pour autant que l’autre soit à l’écoute des ondes de l’autre.
Alors, dans n’importe quelle langue que l’on ne connaît pas, n’importe quel mot sera compréhensible par d’autres pour autant que l’écoute du « son » de l’autre soit activée dans nos antennes.
Même le son « écrit » dans un mail peut parvenir à l’interlocuteur sans fards et même avec les mots qui ne correspondent pas à ce qu’il a voulu dire ou tenté de dire. Cela demande juste un peu plus de capacité de résonance.
C’est pourquoi aussi les émoticones ont été créés sur le web, pour que ceux qui lisent, ne se leurrent pas sur les intentions que l’on veut faire passer, quand bien même elles seraient bien souvent dissimulatrices d’une autre intention.
Moralité : nous ferions mieux de nous taire et d’agir 🙂
N’oublions pas que par définition le mental « ment ».
@ Paul Jorion
Le problème que vous posez est celui de la manipulation langagière des masses.
Il est banal de dire que la manipulation des masses sera d’autant plus efficace que l’on touchera les gens au plus profond d’eux-mêmes, que le message sera plus prégnant.
Au plus profond on trouve les grandes prégnances biologiques (faim, peur des prédateurs, recherche de partenaires sexuels). La lecture de votre billet « Conscience et volonté » me suggère que l’on peut faire appel directement au subconscient dans ces cas-là, en sautant la case conscience.
Dans ES Thom consacre les deux premiers chapitres de ES à sa théorie des saillances et prégnances. le paragraphe H du chapitre 1 traitant de la communication des animaux sociaux.
Je ne serais pas étonné si sa position confortait la vôtre.
Se pose alors le problème des renvois symboliques de type pavlovien les plus efficaces. La musique joue-t-elle chez l’homme le rôle joué par la sonnette de Pavlov? L’efficacité de la musique militaire a prouvé son efficacité en temps de guerre. La « belle » musique émeut. Est-ce que c’est parce qu’elle « parle » directement au subconscient? Et qu’elle parle directement au subconscient parce qu’elle ne peut pas se stocker dans le cul de sac de la conscience?
@ Paul Jorion
Suite. C’est un peu décousu…
il est préférable de convaincre que d’ordonner. Convaincre d’abord pour éventuellement ordonner ensuite. Conviction naturelle vs conviction culturelle. Là est toute la question. La conviction culturelle est toujours plus ou moins conservatrice: on fera comme ça parce qu’on a toujours fait comme ça et/ou qu’on ne peut pas faire autrement. Le néo-darwinisme en est un exemple frappant.
Le problème fondamental est donc de savoir si un argument est naturel ou culturel, si l’on parle au coeur ou à la raison. Parler au coeur est très difficile mais savoir si on a parlé au coeur est facile. Parler à la raison est plus facile mais savoir si on a parlé à la raison est sûrement difficile puisque la raison est d’essence culturelle.
L’ordre est un énoncé formel qui déclenche l’obéissance à l’ordre. Là aussi il y a des ordres naturels (liés aux grandes prégnances biologiques) et des ordres culturels. ça me fait penser à la correspondance preuve/programme en logique formelle/informatique (correspondance de Curry-Howard)…
On a traité plus haut le cas du son avec la musique.
Reste le cas de la lumière. Elle va beaucoup plus vite que le son. Les messages sont donc véhiculés beaucoup plus vite. Les ordres lumineux sont plus efficaces (sur les navires de guerre avant…). Mais la lumière éblouit, on ne peut la regarder en face. On est dans la caverne de Platon et on cherche à savoir si les ombres sont d’origine naturelle ou culturelle. « La voix de la nature se trouve dans le sens du symbole » dit Thom. Yaka.
Inné vs acquis
Inné/naturel vs acquis/culturel
Phénotype vs génotype: culturel dans le cul de sac de la conscience (Jorion) vs « le génome est un dépôt culturel » (Thom ES p. 128).
Je n’y connais rien mais si c’est ça alors ça change beaucoup de choses.
http://didierchambaretaud.blogspot.fr/2011/04/jean-francois-zobrist-la-confiance.html
l’étroitesse de certains mots nous empêche de franchir des seuils de compréhension
quand on parle de langage de quoi parle ton?
quand on parle quel langage utilise ton?
j’adore les étudier la sémantique des langues étrangères comprendre , appréhender l’entendement de l’autre , la civilisation derrière lui qui forme la toile de fond de sa pensée et la met en relief avec tous ses affects, l’orientation même de sa sensualité en terme de perception réponse d’être vivant dans un contexte.
toutes nos langues indoeuropéennes ont des structurations assez semblables sur les plans sémantiques et syntaxiques avec des nuances mais seulement des nuances en fait
le relief n’est pas assez abrupt pour mesurer l’effet langage
comprendre la puissance de notre outil
la puissance de nos outils de langage ou de com comme internet.
si nos langues indoeuropéennes se sont imposées de part le monde c’est par leur performance en matière d’oralité =
vitesse et clarté conjuguée
capacité de complexité analytique sur le mode du microscope ( dire de façon infime)
nos langues indoeuropéennes se sont dégagées du lien entre les sons et les chakras pour accéder à un abstraction dissible de l’énergie
dans le mot la phrase il y a au dela de ce qui est dit l’énergie de la pensée qui translate par les ondes de la voix
la voix en elle-même fait partie du langage
la langue est la modélisation
un outil
la voix + la langue forme le langage
et parler ou chanter n’utilise pas les mêmes partie du cerveau
pour réapprendre à parler après une aphasie liée à un avc on peut utiliser le mode chanter
exprimer ses pensées en modifiant les paroles de » au clair de la lune » en chantant ce que l’on veut dire. puis le cerveau fini par se restructurer sur d’autres bases pour reconstruire des liens suffisants à la reconduite de l’expression oralisée.
apprennant le chinois comme on dévore des bonbons mots d’un gout nouveau j’ai découvert un nouvel él dorado pour ma pensée
les langues orientales
le chinois se caractérise par une grande pauvreté orale 400 sons environs modulés en 4 tons( on parle toujours de la complexité du chinois mais le vietnamien en 7 sons c’est encore plus subtil!)
par contre lexique chinois est très riche 40000 mots contre la moitié moins dans le plus conséquent de nos dictionnaires
chaque sinogramme se décline en de multiples sens formant un réseau d’association d’idées ou de concepts en arborescence
un mot en chinois est un paysage en plusieurs dimensions il transcrit le temps ( tout le cheminement de la pensée qui l’a contruit) l’espace le mouvement
le chinois est une langue tactile l’essence de son fondement repose sur le mouvement et les enchainement de mouvement d’où la mystique de la calligraphie chinoise
en chinois on recherche dans l’écriture le geste qui traduirait l’idée de souffle( qi) ce qui chez nous serait de l’ordre du Verbe dans le mot ou dans la phrase
les chinois se répètent beaucoup en parlant pour tenter de remédier aux difficultés de transcription d’un mode linguistique reposant sur le tactile transcrit en onde verbale par la voix
et là
advint le changement
le premier une entreprise titanesque de simplification graphique
le deuxième l’avènement d’internet qui apporte un deuxième remède à la lenteur de la transciption qui rendait le chinois invalide face à la rapidité de transmission des langues indoeuropéenne sur le mode oral.
désormais le modile et les écrans permettent aux milliards de sinisant de reprendre leur place dans le monde grace à l’écriture assistée par ordinateur.
le chinois est actuellement la seule langue au monde en train de créer un nouveau niveau de language : un dictionnaire entier lié à l’intégration de tous les concepts des autres langues traduites en associations binaire ou ternaire se sinogramme
la difficulté de la rapidité d’élocution étant franchie par l’aide de l’ordinateur qui permet de relier l’écrit et l’expression à la vitesse du bit les chinois sont en train de se donner les bases d’une langue d’une complexité universalisante. concordante avec l’avènement de la société par écran
le langage et la technologie intimement associé…
pas plus bavards que les chinois sur un clavier
plus qu’une voiture, le mobile et sa fonction sms est l’outil indispensable du chinois dans le monde à venir.( pas étonnant qu’il y ait déjà 1miiliards de portable utilisés en chine avec des antennes plantées dans touts les villages même reculés sans soucis de savoir si les ondes sont nocives ou pasla frénésie verbale chinoise se lâche, comme un barrage aurait retenu longtemps une eau qui trace la voie de sa propre voix retrouvée enfin libérée, que l’état à bien du mal à superviser, d’ailleurs c’est quasi impossible, et il n’y a pas plus dévastateur que l’eau…)
nos langues indoeuropéennes risquent fort d’être reléguées à dimension d’une langue d’handicapés dans un monde dominé par la langue des signes.
en 16 mots chinois vous pouvez exprimer plus qu’en une page d’anglais.
et surtout vous pouvez penser plus.
penser dans un cadre élargi à de multiples dimensions.
le contenu est plus dense.
la sémantique plus simple et plus performante.
pour un chinois une phrase sur un téléphone est l’équivalent informatif d’un clip vidéo d’une chanson
pour l’instant le milliard et demi de sinisants est tout à l’ivresse du bavardage mais nul doute qu’après l’ivresse et les lendemains de boisson cela permettra de voir émerger des kyrielles de concepts nouveaux se traduisant dans la recherche pure.
une autre langue bénéficie aussi de l’effet internet
l’ahmarique
de celle ci pourrait venir notre devenir humain réalisé
parce que cette langue a conservé l’amplitude du chant dans son mode oral et associe l’usage d’un mode cérébral plus performant que celui de notre sémantique indoeuropéenne.
et dispose d’une écriture.
l’histoire de l’accession de l’humanité au pouvoir du Verbe est en marche plus que jamais
nous reste à approfondir l’usage du YI le principe d’intention en chinois.
parce que ça fait société ?
il me semble une évidence que l’écriture signale un passage entre deux niveaux de société
la préhistoire et l’histoire…
l’imprimerie aussi
la photographie
le cinéma
et l’écran portable dans la poche aussi
tout cela à profondément bouleversé la vision de l’homme sur lui-même et conditionné des changement de société fondamentaux
depuis une dizaine d’année nous sommes dans l’ère du net
cela change du tout au tout la nature des communications humaines et conditionne la pensée humaine et la société qui en découle
Et personne n’y parviendra jamais. M’est avis que la signification apparaît dans le cerveau comme l’effet d’une synthèse qui lui est propre. Et je soupçonne que les insectes sociaux, reniflant les phéromones de leurs congénères et agissant en conséquence, ont eux aussi l’impression d’en connaître la « signification ».
C’est une petite expérience personnelle qui me fait dire ça, un test de lecture où il faut choisir, dans une liste de phrases syntaxiquement compliquées, celle qui a le même sens qu’une première donnée en référence. J’avais tellement bien réussi, (100% de réponses justes en 10′ sur les 15 prévues), que l’on m’a demandé de renouveler l’exercice. J’ai fait le second en 10′ aussi mais avec une erreur. Nous en avons donc discuté, mais l’analyse des phrases a été un vrai casse-tête, de sorte que mon interlocuteur n’a pas réussi à me convaincre de mon erreur. Quoiqu’il en soit, j’avais un truc : lire les phrases très vite et capter leur signification sans les analyser !