Le biologiste François Jacob a utilisé à propos de notre cerveau, une image admirable : le cerveau humain est conçu, dit-il, comme une brouette sur laquelle aurait été greffé un moteur à réaction. Par cette image frappante, il attirait notre attention sur le fait que notre cerveau n’est pas constitué comme une machine d’une seule pièce. Il y a en son centre, le cerveau reptilien, appelé ainsi parce qu’il possède déjà la même structure chez le reptile, et le cerveau des mammifères s’est construit comme une couche additionnelle, absolument distincte : le cortex est d’une autre nature que le cerveau reptilien. Lequel est celui de la réaction immédiate, celui du réflexe, de l’affect, comme s’expriment les psychologues.
Le cortex s’est spécialisé dans le raisonnement, dans la réflexion rationnelle, l’enchaînement des arguments, le calcul mathématique, et il est greffé sur ce cerveau reptilien qui est lui d’une nature purement instinctive, ce qui fait que nous réagirons par l’enthousiasme ou par la peur devant ce que notre cerveau-cortex aura déterminé de faire. Les plus beaux exemples dans ce domaine, ce sont bien sûrs les traders qui nous les proposent. Ceux d’entre mes lecteurs qui connaissent des traders savent que le jour où ils ont gagné beaucoup d’argent ils sont dans les restaurants et les bars des beaux quartiers, ils fument de gros cigares et boivent beaucoup, alors que les jours où ils ont perdu des sommes impressionnantes, on les voit beaucoup moins : ils sont à la maison, ils essaient de dormir et ont pris des cachets pour tenter d’y parvenir.
Une autre caractéristique de notre cerveau, c’est que la conscience que nous avons de ce que nous faisons, cette conscience n’a pas véritablement été conçue comme un instrument qui nous permette de prendre des décisions. Quand les psychologues sont allés expérimenter, dans les années 1960, autour de la question de la volonté, ils ont fait la découverte sidérante que la volonté apparaît dans le cerveau après qu’a été réalisé l’acte qu’elle est censée avoir déterminé. La représentation de la volonté que nous allons poser un acte, n’intervient en fait qu’une demi-seconde après que l’acte a été posé, alors que l’acte lui-même a pu être réalisé un dixième de seconde seulement après l’événement qui en a été le véritable déclencheur.
Le psychologue qui a découvert cela est Américain et son nom est Benjamin Libet (1916-2007). La première hypothèse qu’il a émise, quand les faits lui sont apparus dans toute leur clarté, a été d’imaginer qu’il existait un mécanisme dans le cerveau qui permet à une information de remonter le temps. Son explication première n’a pas été que « volonté » est un mot dénotant un processus illusoire, une mésinterprétation de notre propre fonctionnement, mais que la volonté devait bien – comme nous l’imaginons spontanément parce que les mots de la langue nous le suggèrent fermement – décider des choses que nous allons accomplir, et que la seule explication possible était que la volonté remonte dans le temps pour poser les actes que nous supposons qu’elle détermine, seule manière de rendre compte du décalage d’une demi-seconde observé.
Il n’y a donc pas comme nous l’imaginions avant la découverte de l’inconscient, une conscience décidant de tous nos actes, à l’exception des actes réflexes. Il n’y a pas non plus, comme Freud l’avait imaginé, deux types d’actes : les uns déterminés par la conscience et les autres par l’inconscient, il n’y a – du point de vue décisionnel – qu’un seul type d’actes, déterminés par l’inconscient, la seule différence étant que certains apparaissent dans le « regard » de la conscience (avec une demi-seconde de retard sur l’acte posé), et certains non.
Dans l’article où je proposais pour la première fois une théorie complète de la conscience tenant compte des découvertes de Libet, j’écrivais : « la conscience est un cul-de-sac auquel des informations parviennent sans doute, mais sans qu’il existe un effet en retour de type décisionnel. C’est au niveau de l’affect, et de lui seul, que l’information affichée dans le regard de la conscience produit une rétroaction mais de nature « involontaire », automatique » (Jorion 1999 : 179). Je suggérais alors de remplacer, pour souligner les implications de la nouvelle représentation, le mot « conscience » par « imagination », et le mot « inconscient », par « corps », pour conclure alors que toutes nos décisions sont en réalité prises par notre corps mais que certaines d’entre elles (celles que nous avions l’habitude d’attribuer à notre « volonté ») apparaissent à notre imagination : « En réalité, la prise de décision, la volonté, a été confiée au corps et non à l’imagination » (ibid. 185).
Il restait à comprendre pourquoi le regard de la « conscience » est apparu dans l’évolution biologique. L’explication – en parfait accord avec les observations de Libet – est qu’il s’agit d’un mécanisme nécessaire pour que nous puissions nous constituer une mémoire (adaptative) en associant à nos percepts, les affects qu’ils provoquent en nous, et ceci en dépit du fait que les sensations en provenance de nos divers organes des sens (nos « capteurs »), parviennent au cerveau à des vitesses différentes (ibid. 183-185).
Les observations de Libet, et la nouvelle représentation de nos prises de décision qui en découle, ont d’importantes conséquences pour nous, et en particulier quand nous voulons reconstruire sur un nouveau mode la manière dont nous vivons. Il faut que nous tenions compte du fait que notre conscience arrive en réalité toujours quelque temps après la bataille.
Il y a des gens heureux : ceux dont la conscience constate avec délice les actes qui ont été posés par eux. Il n’y a pas chez eux de dissonance, il n’y a pas de contradiction : nous sommes satisfaits de constater notre comportement tel qu’il a eu lieu. Et c’est pour cela que l’affect n’est pas trop déçu de ce qu’il observe. L’affect réagit bien entendu : soit il cautionne ce qu’il peut observer comme étant à l’œuvre, soit il est déçu quand il constate le résultat. On peut être honteux de ce qu’on a fait. Nous pouvons nous retrouver parfaitement humiliés par les actes qui ont été posés par nous : par ce que la conscience constate après la bataille. En voici un exemple : je me trouve dans le studio de FR 3, pour l’émission « Ce soir (ou jamais !) », et la personne invitée pour la partie musicale en fin d’émission, c’est Dick Rivers, et je lui dis : « C’est formidable, cette époque où vous chantiez avec Les chaussettes noires ! », et il me répond : « En réalité, le nom de mon groupe, c’était Les chats sauvages ». J’étais tellement humilié d’avoir commis une pareille bévue ! Il s’agit là d’un exemple excellent de dissonance, et ma conscience qui intervenait avec une demi-seconde de retard était extrêmement gênée de devoir être confrontée au triste sire que j’étais.
Bien sûr, nous sommes devenus très forts dans notre manière de vivre avec une telle dissonance : nous réalisons des miracles en termes d’explications après-coup de notre propre comportement. J’écoute parfois, comme la plupart d’entre nous, des conversations dans le métro ou dans le bus où une dame explique à l’une de ses amies à quel point elle était maître des événements : « Elle m’a dit ceci, et tu me connais, je lui ai répondu du tac-au-tac cela, et tu aurais dû voir sa tête… ». Nous sommes très forts à produire des récits autobiographiques où nous intégrons l’ensemble des éléments qui font sens dans une situation, après coup. Plusieurs concepts de la psychanalyse renvoient aux différentes modalités de nos « rattrapages après la bataille », quand la conscience constate les dégâts que nous avons occasionnés par nos actes et tente de « faire avec » : la psychanalyse parle alors d’élaboration secondaire, de rationalisation, de déni, de dénégation, etc.
Pourquoi est-ce important d’attirer l’attention sur ces choses ? Parce que nous contrôlons beaucoup moins de manière immédiate ce que nous faisons que nous ne le laissons supposer dans les représentations que nous en avons. Dans celles-ci, nos comportements sont fortement calqués sur ce qu’Aristote appelait la cause finale : les buts que nous nous assignons. Bien sûr, quand nous construisons une maison, nous définissons les différentes étapes qui devront être atteintes successivement et nous procédons de la manière qui a été établie. Nous avons la capacité de suivre un plan et un échéancier, de manière systématique, mais la raison n’est pas, comme nous le supposons, parce que nous procédons pas à pas, d’étape en étape, mais plutôt parce que nous avons posé la réalisation de la tâche comme un « souci » projeté dans l’avenir, dont l’élimination nous délivrera et nous permettra… de nous en assigner de nouveaux. Encore une fois, c’est l’inconscient ou, si l’on préfère, le corps, qui s’en charge. J’écrivais dans le même article : « Wittgenstein s’est souvent interrogé quant à la nature de l’intention. Il se demande par exemple, « ‘J’ai l’intention de partir demain’ – Quand as-tu cette intention ? Tout le temps : ou de manière intermittente ? » (Wittgenstein 1967 : 10). La réponse à sa question est en réalité « tout le temps dans le corps et de manière intermittente dans l’imagination » » (ibid. 189).
Mais dans nos actes quotidiens, dans la façon dont nous réagissons aux autres autour de nous, parce que nous vivons dans un univers entièrement social, il faut que nous prenions conscience du fait que nous avons beaucoup moins de maîtrise immédiate sur ce que nous faisons que nous ne l’imaginons le plus souvent, une maîtrise beaucoup plus faible que ce que nous reconstruisons par la suite dans ces discours autobiographiques que nous tenons : dans ces discours de rationalisation, d’autojustification faudrait-il dire, que nous produisons à l’égard des autres. Il faut bien dire que, sachant comment eux-mêmes fonctionnent, ils n’y croient pas en général. Et nous en sommes les seules dupes.
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Jorion, Paul, « Le secret de la chambre chinoise », L’Homme 150, avril-juin 1999 : 177-202
Wittgenstein, Ludwig, Zettel, Oxford, Basil Blackwell, 1967
265 réponses à “NOTRE CERVEAU : CONSCIENCE ET VOLONTÉ”
Il me semble que imagination et corps font corps. Imaginer c’est désirer donc vouloir des remous qui créent des tensions musculaires, des tempêtes hormonales et neuronales, du Bewegung.
La volonté est l’expression d’un pouvoir en chacun lequel nous a été confié. L’imagination est notre possibilité de créer des images mentales. Associées, elles sont fécondes et conduisent à des actes justes en adéquation avec le vécu personnel. Lorsqu’il y a conflit, c’est toujours l’imagination qui l’emporte.
De la conception à la réalisation, il y a les règles d’une pensée créatrice. Celles-ci répondent à la vie du corps et du mental.
Il semblerait d’après Dawkins la capacité d’argumenter relève plus de la sélection sexuelle, comme les belles plumes de certains oiseaux, que de la plus pragmatique sélection naturelle. Cela expliquerait probablement notre inutile conscience, puisque celle-ci ne sert pas à prendre des décisions, mais à nous rendre bavard, pour séduire.
Bonjour
Comparez les oiseaux, dans leur biologie individualiste d’assurer génétiquement la survie de « leur » espèce – plus évolué dans l’adaptation aux conditions environnementales qu’on ne le pense -, avec des espèces sociétales est un non sens absolu… Les singes comme les abeilles, non rien à voir génétiquement dans leur comportement avec les pucerons ou les rats!!!
ET si vous voulez vraiment vous plonger dans l’approche scientifique actuelle.. regardez donc ce que le propriétaire de ce site écrit sur Benjamin Libet!!!
Chris
Il existe à ce sujet une, à mon avis lumineuse, conférence de Denis Le Bihan, intitulée Voir le Cerveau Penser.
Sa démonstration de la faculté qu’a le cerveau de prendre des décisions autonomes sans passer par la conscience est époustouflante par sa clarté.
La conférence est ici :
http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/voir_le_cerveau_penser.1308
Bizarre je viens de poster sur le thème du « Retour sur soi » …
Je copie le texte, à vous de voir :- )
Que l’on ne puisse pas dépasser Descartes ne tient pas à son discours à proprement dit, mais en ce qu’il découvre, déshabille, met à nu un Réel. Lequel ne peut pas être converti ; il se dresse de fait et s’impose.
La description qu’il en tire (doute-cogito-infini-étendue) demeure notre seule réalité ; un sujet planté « là » sur l’étendue.
Il en reste que l’être tient à la fois d’un tel sujet (intégralement autre que tout le donné) et d’un monde effectivement là. On peut inventorier la totalité du monde, qui s’étend a priori indéfiniment, du moins tant qu’on le peut, mais cette détermination indéfinie ne permet pas de conclure du sujet ; alors même que en tant que Un le sujet se sait déjà, est déjà à soi-même la certitude d’y être.
On aura beau inventorier tout ce qui se déroule dans un monde, celui-ci ou un autre, puisque le libre est et qu’il est Un (quelle que soit sa forme d’être, il est de fait effectivement Un ou alors il n’est pas du tout et alors on se demande ce qui tel quel se constate soi, et s’ouvre de cette constatation à se modifier, quand bien même pour cette modification devrait-il en passer par des nécessités sociologiques ou des contingences psychanalytiques, ou d’autres domaines encore de ce monde), puisque le libre est, et qu’il est Un (sinon il ne s’offrirait pas un rapport à lui-même, qui signe son unité ; quelle qu’elle soit), il relève d’une autre dimension, hors de tout monde et de toute détermination.
Ce qui se corrobore de ce que n’importe quel texte philosophique est difficilement compréhensible ; il est, a-t-on dit, retors. Il s’enroule. Il parait s’enrouler sur lui-même et au bout du compte, prétendent d’autres, ne rein dire du tout.
C’est qu’effectivement il ne dit rien de conséquent sur le monde, le donné, tel qu’objectivement (mais en tous les cas possibles n’importe quelle objectivité est elle-même construite et non pas si immédiate et évidente en quoi que ce soit).
Sauf qu’il entame ce qui en nous, en chacun, en tous, permet qu’il y ait un monde et s’immisce radicalement à la racine qui prédispose toute la postérité. Et pour ce faire, il ne faut pas seulement créer le vocabulaire (inexistant tel quel dans le vécu ou le monde concerné), il faut encore que ce vocabulaire soit en plus d’être détourné (de son usage commun), qu’il soit retourné ; retourné en ce qu’il témoigne de l’unité de la pensée, du libre, de la volonté ou quel que soit la manière d’approcher cet être, à part, que l’on est.
Que cet être existe pour lui-même manifeste donc qu’il est une unité et que cette unité qui ne prévoit rien du monde, du vécu, du donné, et parait reprendre cela à partir de zéro, du rien, du vide, du neutre, on peut dire que cette unité est une dimension en soi ; et comme on n’en connait pas d’autre, visiblement, qu’elle est la dimension ou en tous cas celle qui nous pré-occupe.
On en conclut donc, partout, que quelque dimension en-plus (de n’importe quel monde) existe.
Que l’on puisse amoindrir cette unité, en remarquant ses nombreuses incarcérations dans les nécessités ou les contingences, ne l’annule pas ; ces approches exogènes s’effectuent de toute façon en et par cette externalité de notre être qui est hors du monde.
Il est certes apparent que Descartes pense identifier cet être en sa « pensée » ; tout en déliant si bien les rapports que l’on ne sait trop où s’arrête ce qu’il nomme « pensée ». Ce en quoi se précipiteront de la découper en langage, causes mondaines, installations psychologiques, mais sans parvenir à la rompre. Puisque cet être ne se tient de nulle part ; on peut lui opposer ses propres contenus, mais aucun ne justifie de ce que cet être tient de par soi, puisqu’il est de faire référence à son tourbillon majeur ; ce maelstrom interne à sa structure qui fait être cette structure ; il est en acte. Et Descartes activiste pur.
Comme il surgit d’un ensemble de rapports, cet être n’est pas lié ; il se dégage des contenus idéels ou émotionnels, des fonctions psychologiques ou physiologiques, des capacités intellectives ou caractérielles, des réalités activées, de la perception même, des influx ou des désirs. Ça « apparait ». Ça apparait à soi.
On peut supposer que cette apparition est absolument dépendante des déterminations qui apparaissent. Et puisqu’il n’est rien (de déterminé) le sujet passe de lui-même sous, en-dessous des conditions de pensabilité ; on ne peut rien en dire et l’on se trouve contraint de le penser selon ses déterminations, qui sont alors bien vite Ces déterminations là. Le sujet a donc sa cause dans l’altérité, dans autre que soi.
Mais cependant c’est toujours sa structure qui revient par-dessus et quand bien même n’aurait-elle rien à dire ; puisque c’est « elle qui dit ». « Ce qui dit » n’a rien à dire : ça existe de fait, et que ça existe de par soi ne signifie qu’il, cet être, se précède. Il fait seulement et uniquement retour. Il fait-retour. Il ne tient que dans le retour sur « soi » : bien que ça ne soit pas lui, ce sur quoi il fait retour, ça n’est pas lui ; lui, ne tient que dans le retour.
Il peut donc s’intercéder quantité de données, de contenus, d’informations antérieurement au retour. Mais aussi ce Retour sur un « soi » ne touche aucun « soi ». il lui faut l’imaginer. Il imagine ce sur qui, quoi, il fait-retour.
D’une manière ou d’une autre, d’une part c’est un mensonge, une illusion, parce qu’une construction, et d’autre part cela garantit que pas lui-même il ne peut se contraindre… Autrement dit qu’il est purement libre puisqu’il ne peut pas même se soumettre à soi (n’étant aucun soi préalable mais seulement en seconde partie, et supposant toujours une image, idée, illusion de « soi »).
Descartes, Leibniz…
Philosophie que tout ceci. Pas psychologie, ni neurophysiologie, ni neuro imagerie…
Mais il faut plonger dans le monde des techniques, des images et des nombres qui foisonnent pour revenir plus assuré à la philo. Ce n est pas sans raison que nous revenons à Aristote sur ce Blog, malgré toutes les preuves des sciences et des techniques nous assurant que nous transformons le réel. Mais sans nous rassurer.
http://www.cifpr.fr/Merleau-Ponty-et-la-Gestalttheorie
« Mais une autre raison s’impose, pour Merleau-Ponty, c’est la supériorité de la philosophie sur la psychologie pour nous donner accès à la vérité de la conscience. Dans ce cas, une question se pose, pourquoi faire ce détour par la psychologie et ne pas en rester à la philosophie classique ?
La justification de cette supériorité s’opère en deux temps.
1/ Depuis Cournot, la philosophie a ouvert un autre rapport aux sciences que celui qui conduit à une théorie de la connaissance applicable à toutes les sciences. L’épistémologie développera cette réflexion en limitant le travail du philosophe à une science dont il s’agit de comprendre comment elle opère et au final, comment elle met en place des postulats qui sont aussi philosophiques, sans le vouloir consciemment. On peut lire La structure du comportement comme œuvre d’épistémologie. Merleau-Ponty y montre les présupposés de la psychophysiologie (dont celle de Pavlov) et même les gestaltistes, qui le guident dans cette lecture, vont faire l’objet de ce regard critique. La philosophie dépasse donc en vérité la psychologie en mettant à jour ce que cette dernière met en œuvre sans le penser.
2/ Mais, second élément important, lorsqu’il s’agit de saisir la vérité de la conscience, la philosophie n’a pas à se poser la question de la thérapie, indissociable de toute perspective psychologique ; elle n’a pas d’intérêt autre que de comprendre l’essence même de cette réalité. La conscience est ce qui constitue, pour tout organisme, son rapport à ce qui est ; la philosophie pose une question que la psychologie peut ignorer. Celle de l’existence tout comme la philosophie nous conduit vers l’ontologie. Reste la question de l’intérêt du détour par la psychologie. En quoi cet article s’efforcera d’apporter quelques réponses. »
Descartes a beau n’être qu’un philosophe, la glande pinéale, on y revient. Il y voyait le centre…
Bonjour
Philosophie que tout ceci …peut-être oui!!! Mais du coup, reprenant vos exemples, vous vous devez d’expliquez pourquoi Newton s’est opposé à tort aux intégrales de Leibniz!!!
Désolé mais moi je reste, absolument et totalement, sur les résultats de Benjamin Libet sur la volonté et donc l’utilisation du cerveau comme artifice pour faire passer la pilule !!!
Chris
Qu’est-ce un retour sur soi ? Une pierre aussi est purement libre puisqu’elle ne peut se soumettre a elle-même.
Descartes s’est contenter d’affirmer que ce qui doute, pense, et qu’il était impossible que ce qui pense, ne fut pas. De la nature du sujet pensant il n’est pas question.
Le retour sur soi ne permet pas d’avancer, et lorsqu’on avance pas, c’est parce qu’on a de bonnes raisons. Les retours sur soi sont une manoeuvre servant d’ordre moral, tentative de se sermonner, tentative de légiférer selon des instances surmoiques, à propos de ce qui est rétif, et refuse.
Comme disait qqn, la seule façon de résister à la tentation c’est d’y succomber.
Aïe! Aîe! Vous n’êtes pas allé bien loin dans la lecture des Méditations Métaphysique… Il y en a VI, vous auriez-pu pousser au moins jusqu’à la seconde. Je vous en rappelle le tire : « De la nature de l’esprit humain, et qu’il est plus aisé à connaître que le corps. »
Cela confirme, je m’en désole, un impression que vous m’avez laissé plus bas.
Très intéressant, en attendant cela me suggère un autre phénomène que j’observe chez moi et dont personne n’a parlé à ma connaissance, à savoir qu’il me semble que le rêve se présente deux fois, successivement, au dormeur, de sorte que j’ai toujours la sensation, enfin souvent, de rêver un rêve déjà rêvé. Je pense qu’il arrive une fois comme étincelle condensée de scénario, schème puis, réalisation de ce script… qui laisse une certaine liberté aussi de changer d’aiguillage à certains moments.
http://www.freud-lacan.com/articles/article.php?url_article=mjlapeyrere220902
L’interprétation poussée suffisamment loin, va buter nous dit Freud sur ce point essentiel qu’est l’ombilic du rêve : « tout rêve, nous dit-il, a au moins un endroit où il est insondable, analogue à un ombilic où il est relié avec le non-reconnu »,
le rêve n’est pas rêvé plusieurs fois. C’est un mensonge fait de bric et de broc, recousu comme le corps de frankenstein, avant de se réveiller. D’où l’impression qu’il est bizarre qu’il soit aussi cohérent, qu’un scénariste génial ait pu nous surprendre avec de si étranges rebondissements nécessitant un agencement précis des événements du rêve.
Tant qu’on ne le sait pas on en reste baba.
Et même quand on le sait, on reste baba de constater que l’homme était capable de se faire des films avant les frères lumières.
Mais là aussi c’est le même problème, l’écran tactile est présent en tant que fantasme depuis bien avant l’invention du gorilla glass, l’avion est venu bien avant leonard de vinci dans l’esprit d’autres hommes.
Le cinéma est de l’homme, du mammifère, puisque les chiens rêvent…
et faisons remarquer que le degré inabouti de leur conscience les empêche de se poser des questions à propos de la cohérence filmique de leurs rêves.
Lorsque l’on est conscient, si j’ose dire, du phénomène, on peut l’observer assez facilement chez soi-même. En tant qu’artiste/musicien, je suis tout le temps « surpris » par la « pertinence » de certains « choix », et découvre de nouveaux « sens » cachés qui ne m’étaient pas venus consciemment à l’esprit au moment de leur création.
Rien que ce matin, j’ai choisi sans trop réfléchir une image pour illustrer une chanson sur l’attrait du storytelling en politique. J’ai fini par l’image d’une pelouse, ayant pensé à « turf » au sens français du mot, alors qu’en anglais, il signifie « camp », « territoire », etc.. Et herbe = campagne. Électorale ? Et comme on dit encore en anglais, « the grass is always greener on the other side ».
Tout petit exemple parmi tant d’autres. Source d’humiliation, parfois, mon inconscient me fait souvent bien marrer, à mon/son corps défendant bien sûr.
On dit pareil en français (c’est affectif).
Il ya une théorie philosophique qui avance que notre néocortex (très récent sur l’échelle de l’évolution) qui s’est développé à une vitesse exponentielle serait une espèce d’excroissance pour ne pas dire tumeur…De ce fait, notre néo cortex (notre pensée) est déconnecté de nos cerveaux reptilien et lymbique (siège du connu). La communication est très mauvaise et notre pensée de ce fait n’est pas en phase avec les autres cerveaux.
Ce qui pose la question suivante: Sommes nous 2 (le bien ou le mal, le conscient ou l’inconscient, l’inné ou l’acquis et bien d’autres dualités) ou sommes nous ce même qui est par exemple capable du meilleur comme du pire?
Ok pour cette étape de la réflexion (déjà annoncée dans différentes interventions de PJ).
La conscience n’est pas l’acteur de nos actes et de nos décisions, ce serait plutôt une sorte de « journal de marche et des opérations » de notre corps. Une sorte d’archives immédiates, établies après-coup, en retranscrivant de manière utile les décisions et évènements. cette retranscription sera nécessaire imparfaite pour saisir la complexité de la réalité.
Le rédacteur de ce JMO (comme dans l’armée) est très proche de ce décisionnaire (état-major) mais il n’est pas décisionnaire.
Mais ce que notre conscience enregistre, notre « corps » paraît le lire aussi, puisque l’expérience influe sur le mode de réaction/décision suivant. Y aurait-il donc un dialogue entre cortex et cerveau reptilien ?
Ce constat est donc une grande avancée, surtout lorsque l’on met en face l’accélèration extraordinaire (inhumaine) de rationnalité que l’informatique apporte à notre monde « moderne ». Il est d’ailleurs confirmé par le constat empirique (fait depuis plusieurs siècles) de la supériorité de ‘entraînement sur l’analyse, du dressage sur l’étude pour bien agir dans l’urgence. Cependant, il me semble qu’il faut avancer encore sur ce « dialogue » entre cortex et cerveau reptilien (une sorte de retour d’expérience ?) et aussi sur le dialogue entre les cerveaux reptiliens (les inconscients) des êtres humains qui se cotoient.
J’apprends beaucoup et je me régale (comme d’habitude).
CM
Si la conscience est la superstructure de notre agir déterminé par notre inconscient, qu’est-ce qui meut notre inconscient qui ne soit pas le « je » conscient ? Quelle possibilité de rationalité y a-t-il dans toutes les théories élaborées par les « je » de la science, de la finance ou de la politique déterminés par leur inconscient ? Comment croire la conscience de Binet découvrant le retard de la conscience de soi ou d’autrui à se rendre compte des inconscients qui l’affectent ? Existe-t-il une rationalisation possible de l’existence si la conscience ne pose jamais qu’un regard rétrospectif sur l’inconscient qui serait source de la rationalité logiquement non dépendante du temps ? Qu’est-ce qu’une question posée par la conscience quand la réponse est déjà présente dans l’inconscient ? En quoi la spéculation financière peut-elle être combattue qui obéit à un inconscient trop rapide pour que quiconque puisse prendre conscience suffisamment tôt de l’inconscience du spéculateur qui le désigne comme spéculateur ? Est-il raisonnable de croire à autre chose que la conscience du chaos que notre conscience voit dans l’inconscient qui l’a déterminé ?
La raison -ou pensée rationnelle discursive- ne manque pas d’être utile à l’ingénieur, au juriste, à l’artisan , et dans toutes sortes de professions ou occupations qui nécessitent de conduire des processus – à partir des points « a » jusqu’aux points « b » – le plus économiquement possible.
Son usage dans la vie quotidienne – je l’ai constaté, je l’expérimente souvent – se trouve dans l’édification de justifications aux actes que nous avons commis ou que nous allons commettre ; jamais dans l’élaboration des motifs de ces actes. La raison ne sert pas aux hommes que j’ai rencontrés, ni aux femmes, pour la conduite de leur vie. Je ne m’en suis jamais servi à cet effet moi non plus.
Qui nous voulons épouser, le métier que nous allons exercer, le choix de nos hobbies, nos principes en matière de morale ou d’esthétique, toutes ces choses importantes qui montrent que nous sommes ce que nous sommes, viennent du fait que nous sommes ce que nous sommes, et pas des argumentations que nous développons pour affecter à la « liberté de notre choix » un raisonnement préalable.
La raison est toujours seconde et de peu d’importance si l’on accorde plus de poids aux motifs qu’aux justificatifs. Il y a confusion du sens lorsqu’on parle de la « raison » de quelque chose ; et que l’on voudrait y trouver une construction de la logique qui aurait conduit à cette chose ; alors que par raison il faut seulement entendre : origine, source, motif.
Ce qui détermine nos actes est d’une nature très différente de la logique, car ce qui détermine nos actes est de l’ordre de l’instinct, de la passion, de l’intuition, de l’analogie, du goût, du penchant, de l’habitude, du hasard, de l’affect, du conformisme, enfin de tout un faisceau de moteurs biologiques et de ressorts sociaux qui, chacun en particulier et tous ensemble, échappent à la raison. Il en va ainsi de la répétition, mais aussi de l’invention.
C’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette que d’envisager nos existences à la seule clarté des propositions d’Aristote. Les choses de notre vie sont ce qu’elles sont et dans le même temps le contraire de ce qu’elles sont, ou autre chose. La contradiction, l’ambiguïté, la polysémie, la non concordance des temps, les glissements des sens nous fondent plus que l’univocité des raisons .
Pour nommer ce qui est humain il n’y a pas plus de définition précise que pour nommer ce qui est divin, le vocabulaire manque, la métaphore prévaut, ainsi que toutes autres « figures de style ». On sait tout au moins que l’homme existe. La poésie approche mieux l’humain que la mathématique sommaire des discours logiques ne saurait le faire, la peinture, la musique, la danse, les jeux de corps et de mots aussi. La mathématique absolue qui rendrait compte d’énormes complexités, grosses comme le monde, pourrait peut-être s’appeler dieu, mais là nous entrons dans le domaine de la poésie mystique.
Même si nous les tournons en dérision, nous ne savons guère nous affranchir des croyances. Les hommes sont par essence des hommes de foi. Et celui qui fait profession de foi de s’efforcer de savoir en lieu et place de croire croit encore, et j’en suis un. Cette contradiction se travestit bien mais elle ne peut disparaître. L’homme de doute est un homme de foi.
Est-il envisageable de sortir du paradoxe ? La conscience réflexive dont nous sommes tellement fiers trouve sa limite aux limites du « je ». A la question du qui suis-je ? n’existe qu’une réponse : « le confluent de multiples déterminants ».
Ainsi la foi me conduit-elle à prendre fait et cause :
CONTRE LA RAISON, CONTRE LA LIBERTE
POUR L’ANALOGIE, ET LES LIBERTES.
« Ainsi la foi me conduit-elle à prendre fait et cause »
Vous devriez éviter la foi: ce n’est qu’une suite d’emmerdements.
N’étant pas trop de mauvaise foi envers mon prochain, oui c’est vrai je vous l’accorde.
Mais ce n’est pas non plus une bonne raison valable pour s’en détourner. Remarque vous avez raison, ne relisez surtout pas certains passages des écritures, c’est sur cela deviendrait alors une plus grande source d’emmerdement pour le tout collectif très cartésien du monde à la fois.
Vous savez quand les premières grandes expériences du socialisme ont voulus partout réaliser la chose, les gens n’étaient pas plus sortis de leurs premières déboires.
Vous devriez plutôt alors essayer de revoir la chose, on ne sait jamais, peut-être alors que la foi ne se révèlera pas toujours pour vous une plus grande source d’emmerdement à éviter, et la non foi quelque chose de plus rassurant.
Enfin libre à vous de vouloir fonctionner comme les premiers libres penseurs cartésiens de ce monde, vous savez les gens qu’il faut constamment mettre en avant sur les diverses radios de mes deux.
Comme aujourd’hui et à l’heure ou je vous en cause bien peu modestement et rationnellement, et oui à chacun ses propres artifices linguistiques.
Non vraiment tout me désole, dommage que les gens préférent constamment s’entêter et se limiter au niveau de la tête, et les pieds des pauvres gens qui n’en peuvent plus est-ce bien peu concret que d’en parler en priorité ?
Le neurophysiologiste Antonio Damasio a consacré sa vie au « je » constitué de la confluence des multiples déterminants. Voir en particulier « L’erreur de Descartes ».
« C’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette que d’envisager nos existences à la seule clarté des propositions d’Aristote. »
Vous êtes sévère! Je subodore (tel Rantanplan -je suis très loin de me sentir autorisé à dire quoi que ce soit sur la pensée d’Aristote-) que la logique d’Aristote est plus riche que « la raison -ou pensée rationnelle discursive- » (cartésienne?) dont vous parlez.
J’ai beaucoup aimé une phrase de Tigue sur ce blog que je reformule ainsi: la logique rationnelle post-galiléenne est une lumière blanche résultant du passage de la logique aristotélicienne à travers un prisme. Discuter du pb avec les quatre causes aristotéliciennes me semble préférable à le faire avec l’unique dont vous parlez.
« Quelle possibilité de rationalité y a-t-il dans toutes les théories élaborées par les « je » de la science, de la finance ou de la politique déterminés par leur inconscient ? »
Et la suite…
Aucune : le « je » n’est qu’un artifice linguistique.
Dommage
Quelque part, être conscient, c’est forcément de l’être de ce qui s’est passé. Si il ne s’est rien passé, je vois mal comment on pourrait en avoir conscience. S’il il n’y a rien à voir, je vois pas ce qu’on pourrait voir, si il n’y a rien à entendre, quoi donc entendre ? Est ce nécessaire d’enfoncer des portes ouvertes depuis des lustres ?
Ben oui, la conscience est un story telling du passé avec les effets du langage. C’est une évidence.
Qu’après coup on justifie ses égarements, c’est humain, même si parfois maladroit et largement risible, car cousu de fil blanc.
Pas si simple : en état de privation sensorielle totale, vous restez néanmoins conscient…
Il reste les percepts en provenance du corps lui-même. Ceci dit, est-ce bien sûr qu’on reste conscient ? Ce n’est pas ce que j’ai entendu dire.
Dans quelle mesure peut on être en état de privation sensorielle ?
En admettant que cela soit possible, isolation en chambre noire et sourde en appesanteur, le résultat risque fort d’être un pétage de plombs.
Si il y a pétage de plombs, tirez-en les conséquences fonctionnelles ! Qui dirige in fine cet ensemble cellulaire ?
Il est certain que le pétage de plomb doit menacer à brève échéance!
Ce que je voulais souligner, c’est que la suppression de tout percept ne supprime pas l’évènement majeur que constitue, pour la représentation de soi-même en soi-même, la suppression de tout percept.
Je ne suis pas sûr de comprendre la phrase. Mais si je la comprenais, je dirais que je ne suis pas convaincu 😉
Farceur, Paul!
Pour quelles raisons essentielles la transition entre la situation « normale » d’une hiérarchie vertigineuse de représentations mélant percepts, affects et traces mnésiques, vers une situation anormale où tous les percepts manquent, ne pourrait pas faire l’objet d’une représentation, dans un système d’information pratiquement entièrement dédié à la production de représentations?
Le rêve n’est-il pas un exemple? De ce que j’en sais, pendant la phase de sommeil paradoxal, des circuits spécialisés coupent les voies motrices et les voies sensorielles directes. Réveiller un rêveur est très révélateur. On peut le réveiller, donc les voies sensorielles ne sont pas totalement coupées, mais pendant un instant, on voit bien qu’il s’agit pas de la personnalité habituelle, et que les sens étaient débranchés. Le réveil a utilisé des circuits de secours, sans doute présents parce qu’ils sont vitaux.
Le rêve est avéré chez presque tous les vertébrés évolués (douteux chez les poissons, mais déjà présent pour les reptiles, et certain chez les oiseaux et les mammifères), et d’autant plus développé que le psychisme l’est. Or le sommeil paradoxal implique, du fait de la déconnexion des circuits moteurs et perceptifs directs, un état de vulnérabilité extrème, que la sélection naturelle aurait du éliminer. Or, c’est tout le contraire! Les cétacés, par exemple, ont adapté leur cerveau pour pouvoir rêver un hémisphère à la fois, et ne pas se noyer pendant le rêve.
Le rêve passe avant tout. Il doit donc être essentiel au psychisme…
Mais qu’est-ce qu’un percept sinon l’affleurement du corps dans la conscience ? Il n’y a pas que du story telling dans la conscience.
Peltier, sacré farceur, demandez donc une petite expérimentation de votre théorie à ceux qui ont dépensé un gros paquet de pognon en research & development dans la partie (désorientation et privation sensorielle, souffrance auto-infligée, etc) : un petit stage payé par la CIA, à Guantanamo… Uncle Sam needs you, un cobaye de haut niveau, grosse tête et forte tête… dans le plus grand respect de la Convention de l’ONU de 1984 ratifié par le Congrès US en 94.
Voyez avec Terestchenko kamême avant (Du bon usage de la torture ou comment les démocraties justifient l’injustifiable), avant de prendre votre tour de manège de brisage consciencieux de psyché (et c’est pas un brise-glace, ni un brise-rêve…).
Faites de beaux rêves.
Oui mais cela ne sert plus à grand chose.
J’ai vécu un épisode où mon corps ne pouvait plus se situer dans l’espace qu’à grand peine les yeux fermés en me fiant uniquement à mon sens du toucher. ( Ce n’était pas le syndrôme de Ménière, simplement un petit dysfonctionnement de l’oreille passager, une journée malgré tout).
Panique à bord, toute la conscience focalisée sur le phénomène.
Alors si les autres sens avaient failli eux aussi, quel aurait été le sort de ma conscience ?
Nous dépendons absolument de nos perceptions.
« Ben oui, la conscience est un story telling du passé avec les effets du langage. C’est une évidence. »
Vous avez résumé, en ce qui me concerne, les discussions sur notre prétention à être des sujets raisonnables observant et analysant le monde…du story telling après coup….comme me semblent être les philosophies, les religions, la politique en général. A savoir, mettre en adéquation ce qu’on vit (le réel) avec les affects (Spinoza) qui dirigent nos actes inconsciemment.
Assez du ‘Je’ bavard et impuissant ! Nous ne sommes pas sujet ou si peu, nous faisons partie des ‘objets’ que cela nous plaise ou pas. Mais cela ne doit pas nous empêcher de tenir nos engagements (Annah Arendt) en accord avec nos affects, seule liberté qui nous est accordée en ce bas monde.
Je pars d’un vécu particulier, une chute sur le macadam de 10 mètres en vélo à 13 ans sur une route, avec un trou de conscience de plusieurs minutes. Je m’en suis sorti par une forme de chute de Judo faite instantanée.
Une baffe monumentale dans la gueule à 10 ans par un instituteur, qui m’a en partie décapité de mes muscles cervicaux. Un accident de la route à 35 ans, ma voiture à cheval sur un muret de pont, la rivière 3 mètres dessous, j’ai explosé le pare brise avec ma tête et brisé le volant avec mon buste, pendant 3 jours mon corps conscient était décalé sur la droite de un mètre de mon corps physique.
Ca c’est possible, de sentir avoir 2 corps, je l’ai vécu réellement, à la suite d’un choc puissant.
L’hôpital m’a demandé de signer un formulaire, car je ne voulais pas y rester, puis j’ai commandé une pizza avec ma gueule en sang pour soigner mes blessures. J’ai eu des examens neurologiques de contrôle, rien à signaler…
Nous serions donc littéralement inconscients de nos actes,mais posséderions une interface qui nous en exposerait certains à la conscience. Cela pose aussi le problème de la représentation du monde que nous avons. Nous serions, en réalité, inconscient de la réalité objective. Ce qui pose quand même problème pour les sciences sociales qui tentent d’analyser les faits individuels et sociaux comme des choses (Durkeim). La conscience aurait donc une capacité à s’abstraire du joug de l’inconscient, ou ses productions en seraient l’ultime ruse..?
Ce texte me fait également penser à un autre, « Théorie Quantique du Champ Psychique » http://www.cunimb.com/francois/Psyche_french.pdf, qui postule, je crois – le texte étant pourvu d’un appareil mathématisant assez important – que la conscience – je ne sais pas s’il entend par là conscience et/ou inconscient – serait en relation non-linéaire (quantique) avec les autres consciences, dans l’idée d’un champ de conscience universel et unifié, ou les consciences seraient des vagues sur une mer. Il se réfère en préalable à la théorie de la synchronicité de Jung.
Sans doute, j’ai établi cette relation parce que je vois dans les deux théories une liaison/contrainte des consciences individuelles par des éléments qui la dépassent. Ce qui est un peu inquiétant, sauf à trouver une manière dialectique de dépasser cette limite pour retrouver ce qu’on appelle le « libre-arbitre ».
« Nous serions, en réalité, inconscient de la réalité objective »
Non. On se la cache en général.
Je tire une conséquence de la théorie synthétisée par Jorion, qui induit donc que notre représentation du monde n’est pas celle que nous voulons, mais celle que ça veut. L’implication c’est que la volonté est squeezé, pas de cache ou de révélation. C’est ce que disait déjà Freud, sauf que le dualisme conscient/inconscient maintenait encore la possibilité d’un regard éloigné…
« Il se réfère en préalable à la théorie de la synchronicité de Jung. »
C’est la connexion avec les autres et l’univers en général: on peut admettre ce fait.
Jung n’a pas vraiment « assis » sa théorie. En tous cas, Libet et Jung ont alimenté l’idée que l’homme est pris dans une sorte de destin, non par des forces extérieures (Dieu, Gaïa) mais par lui-même. On est loin du mouvement rationnel vers le progrès, la conscience de classe, l’effort déterminée de l’humanité vers la libération. Aussi loin d’ailleurs de la prétendue conscience du Marché, l’impeccable information/réaction de ses acteurs…
« La représentation de la volonté que nous allons poser un acte, n’intervient en fait qu’une demi-seconde après que l’acte a été posé, alors que l’acte lui-même a pu être réalisé un dixième de seconde seulement après l’événement qui en a été le véritable déclencheur. »
Un coup pour le libre arbitre et un autre pour le serf arbitre.
On y vient petit à petit….
« le « regard » de la conscience »
Peut être est-ce là la conscience de la conscience, qui fait notre humanité au contraire de certains animaux qui semblent avoir une conscience.
Le rêve du papillon :
Un jour, le philosophe Zhuangzi (Tchouang Tseu) s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ; puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.
C’est le thème de l’impossibilité d’appréhender le réel avec nos sens. Il suffit de se foutre une baffe et vous verrez…
« Peut être est-ce là la conscience de la conscience, qui fait notre humanité au contraire de certains animaux qui semblent avoir une conscience. »
Qu’est-ce que vous savez de la conscience des animaux?
C’est simplement une hiérarchisation religieuse habituelle dans nos régions.
Merci de ce post qui, pour le formuler encore autrement, me conforte dans mon préjugé que l’esprit est une propriété de la matière.
Bon week-end à tous.
… à moins que la matière ne soit une modalité de l’esprit !
Postuler l’unité du réel implique en effet que les deux visions sont synonymes 🙂
Il me semble que le (socio)psychanalyste Gérard Mendel a écrit un livre assez monumental sur cette question: L’acte est une aventure, La Découverte, 1998.
Une demi-seconde ça me va comme explication 🙂
Mais que de mots pour dire que nous sommes régis dans toutes nos actions et réactions par nos neurotransmetteurs, qu’ils viennent du cerveau ou de l’intestin… qui lui aussi produit de la sérotonine, etc… ainsi que par voie de conséquence hormonal.
Ce qui est exact.
La conscience n’est pas là pour décider de nos actes, elle est là pour les « conscientiser » ou « observer » de très près ou de loin, selon la santé de nos neuro-transmetteurs à nous délivrer le message ou pas.
Mais il ne faut pas négliger dans tout ceci, la capacité de ces neurotransmetteurs à délivrer ou non des messages qui viendraient d’ailleurs, d’un autre plan de conscience et d’une autre réalité ou d’un espace temps différent. Ce sont précisément les facultés ou avaries selon certains, de nos cerveaux qui permettent d’accéder à d’autres plans d’existence.
Ce sont aussi ces facultés là qui permettent aux physiciens quantiques de développer leur recherches avec des intuitions fulgurantes parfois. Même si la faculté à être intuitif dépend, non seulement des neurotransmetteurs, mais de la somme des informations acquises qui, plus elles sont nombreuses, plus elles sont déclencheuses de nouvelles perspectives.
Il y a forcément dans le cerveau reptilien cette donnée là, utilisée ou développée ou pas, puisque c’est le seul qui peut être en communication avec ce que l’on pourrait appeler la source de vie, peu importe le nom qu’on lui donne.
Et cela, ne pourrait être mesurable, en dépit de la frustration que cela engendre chez certains scientifiques qui préfèrent comprendre plutôt que de vivre et d’expérimenter, que au coup par coup et pour chaque individu et non sur le plan d’une théorie globale.
La conscience est une particule élémentaire de l’Univers. Parce-que nous la connaissons elle est; nous l’étudions, nous la prouvons. Elle est nuement une réalité; mais que cette réalité ne soit physique ne restreint d’être réel, en cela est l’extraordinaire. Puisque le cerveau machine physicochimique créé quelque chose que nous ne pouvons manipuler sur le plan physicochimique même. La conscience est immatérielle. En outre, la conscience est subjectivité et la conscience insinue le sens dans la pensée. Or ni le sens ni la subjectivité ne font partie de la physique. Aussi il ne faut jamais enlier conscience au contenu de conscience, donc au traitement de l’information. La machine cérébrale n’est point un circuit clos car la conscience diffère du traitement de l’information.
Être matérialiste pour le traitement de l’information et être spiritualiste pour la conscience. Néanmoins la conscience doit pouvoir agir seule.
« Être matérialiste pour le traitement de l’information et être spiritualiste pour la conscience. Néanmoins la conscience doit pouvoir agir seule. »
Pourquoi diable voulez-vous être spiritualiste?
Quelle perte de temps!
Sans invoquer Mamon, ni même un plus grand dictat matériel pour le monde, pourquoi vouloir amener les êtres à se tourner sans cesse vers les premiers Marchands de choses ?
Et si le fait de vouloir vivre plus matériellement en société, ne rendait paradoxalement pas plus service à l’humanité, à l’économie, à la liberté, à la foi ou non foi, com envers Dame nature et toute le reste.
Pourquoi contraindre constamment les diverses peuplades du monde à se conformer partout aux premières directives du plus grand nombre de matérialistes dans les premières sociétés pseudo-humaines et pseudo plus évoluées que la semaine dernière.
Etre ou ne pas être alors plus cartésion ? Ce serait bien qu’on y pense de temps en temps, surtout envers les diverses cultures beaucoup moins habiles dans les premières affaires plus matérielles du monde.
Encore quelqu’un de plus rationnel que moi, alors que le matérialisme n’a jamais été aussi visible sur toute la planète. C’est quand même un peu étonnant je trouve, de voir pas plus de monde aux urgences dans les premières sociétés du monde, de voir pas plus de gens abimés, déformés, conditionnés, etc …
Et encore les plus terre-à-terre de notre temps ne prennent pas du tout le restant des spirituels pour des cons je trouve. Est-ce également une perte de temps de ma part ? Fait nous donc un petit signe Jérémie et cela afin que nous croyons un peu plus à tes dires.
Neurosciences, psycho et psycha,, plaisir de savoir et d’apprendre, sensation désagréable de la faille lorsqu’on s’appuie trop sur ce satané savoir qui -merci les synapses du cortex frontal !- s’avère vermoulu et surtout construit et assemblé à notre insu… Je crois qu’Eddy M et Dick R ont eu à faire des dizaines de fois avec cette erreur concernant le nom de leur groupe respectif et concurrent dans la vraie vie et associé dans la tête des gens.
Le thème de votre billet fait remonter un souvenir personnel dont l’humiliation est bien loin :
Voici la formulation à peu près du sujet de bac Philo où je me suis vautrée il y a longtemps ! Y a t-il une différence entre désirer et vouloir ? »
Parmi les nombreuses hypothèses et références possibles pour disserter :
La demi seconde dont vous parlez et je vous en propose une autre
Le flow : http://fr.wikipedia.org/wiki/Flow_%28psychologie%29
ou la zone (mystiques, sportifs , feignasses sensitifs, artistes et autres humains cherchant et découvrant l’harmonie du corps et de l’esprit avec toute la jouissance que cela procure ) jusqu’au moment bien sûr où on tombe sur Dick !
Donc pour oublier cette cuisante blessure je vous invite avec votre brouette et moteur à réaction à entrer dans le rêve avec Gérard !:
http://www.youtube.com/watch?v=fC_OgQnf7Qs
Mince, la première fille qui aime Gérard Manset est une créature extra-terrestre virtuelle! J’upload ma conscience et emaille mon avatar sur la planète rouge dans l’instant! Me dézipperez-vous?
« lorsqu’on s’appuie trop sur ce satané savoir qui -merci les synapses du cortex frontal !- s’avère vermoulu et surtout construit et assemblé à notre insu »
Oui
Mais on n’a que cela à notre disposition.
Essayons d’être le moins pire possible!
On a tendance à sousestimer « le cerveau de crocodile », une expression parfois employé en médecine pour désigner le néocortex. Le côté émotionnel, instinctif joue un rôle prépondéront dans la vie. Pourquoi certains personnalités politiques ont plus de succès que d’autres? Parce qu’il savent correspondre avec l’état émotionnel de la foule – on le voit actuellement en France. Un candiat peut avoir toutes les qualités imaginables, de bons arguments, mais sans discours émotionnel point ou peu de résonance. La finance, ell aussi fait appel aux instincts primaires. Robert Reich, actuel ministre de l’économie des USA le disait clairement: « sans la cupidité (greediness) de ses financiers, il ne resterait de Wall Street que du béton ».
Wall Street c’est l’empire des cocodiles.
En ce qui concerne l’inconscient, Freud avait une vision concentionnelle des choses, émanant d’une Europe cultivée, ou la maîtrise des pulsions par le refoulement faisait partie de sa culture. Il separait l’inconscient (das Unbewusste) du conscient (das Bewusste), en supposant que la maîtrise de l’inconscient par le conscient (« Wo Es ist, soll Ich werden ») serait l’un des buts d’une thérapie réussie. On sait qujourd’hui que cette hypothèse – trouvaille géniale à l’époche de Freud – est assez simpliste.
erratum: il ne s’agit pas du néocortex biensûr. Le néocortex égale « civilisation ».
[…] Blog de Paul Jorion » NOTRE CERVEAU : CONSCIENCE ET VOLONTÉ. […]
Sur le coup de la demi-seconde je sais pas si ça a quelque chose à voir, et ceux qui ont eu à passer des jours et des jours à exécuter des tâches manuelles plus ou moins répétitives pourront confirmer ou pas. Il me semble avoir souvent eu à éprouver un étrange sentiment consécutif à ce qui ressemble à ce décalage. Particulièrement en taillant les vignes. C’est le « geste irratrapable », le coup de ciseau « malheureux » qui sectionne un cot, un fil, voire un doigt les mauvais jours… Chaque jour, au moins une occurrence. Et pourtant on voit parfaitement venir l’impair, on a conscience, pleinement conscience qu’il faut arrêter le geste, on en a le temps, quelques dixièmes, suffisants théoriquement pour que l’ordre et l’arrêt surviennent, pour que la stimulation électrique parvienne au poignet. Et puis non. L’ordre est parti, mais une demi-seconde trop tard, part plus du tout en fait, tchclac, coupé. On passe au pied suivant, léger malaise. Fatigue se dit-on, ou distraction. Tu parles, l’oeil et la main travaillent en binome, hors-controle, avec toutes les apparences du choix rationnel et de la gouvernance suprême du vigneron… ouais, avec un ersatz de conscience en bandoulière plutôt; en fait de conscience c’est un garde-champêtre au bistrot…
Je pense à un pote à qui c’est arrivé une fois de trop et qui le raconte sensiblement – et douloureusement – comme ça. Etudiant, job d’été, poste de presse ou sertissage à chaud ou un truc dans l’genre, sécu : que tchi plus gaffe à toi… « faut que je retire ma main », trop tard. Pas de sidération, non non, juste anodin, juste, comme il dit, « j’ai regardé ma main partir », « regardé »…
Geste manqué ? Non plus, geste accompli au contraire. En conscience.
Dans le même article de 1999 :
« Allons plus loin : si ce que l’on dit, on n’a jamais eu « l’intention de le dire », alors ce que l’on dit, on l’apprend seulement – comme quiconque – au moment où on se l’entend dire. Merleau-Ponty écrivait, « … mes paroles me surprennent moi-même et m’enseignent ma pensée (…) Exprimer, pour le sujet parlant, c’est prendre conscience ; il n’exprime pas seulement pour les autres, il exprime pour savoir lui-même ce qu’il vise (…) Nous-mêmes qui parlons ne savons pas nécessairement ce que nous exprimons mieux que ceux qui nous écoutent » (Merleau-Ponty [1951] 1960 : 111, 113, 114). Et si l’on s’entend dire ce que l’on dit soi-même, alors ce qui est entendu nous met en émoi au même titre que ce que l’on entend dire par autrui. »
Sauf que là c’est du détournement de mineur, euh, d’auteur. Pas possible d’enrôler la phénoménologie dans cette affaire cerveau-conscience. L’être du phénomène est donné avec la conscience immédiate (le préréflexif), et donné compréhensivement c’est-à-dire qu’il est censé être et avoir sens avant toute réflexion. C’est le caractère censément originaire de l’intentionnalité, qui est plutôt battue en brèche par ce que la neurologie met en évidence.
Cf. Lionel Naccache :
http://www.canal-u.tv/video/college_de_france/de_l_inconscient_fictif_a_la_fiction_consciente.4086
La phénoménologie développe une ontologie du surgissement, dans laquelle mon être même est au-devant de moi, m’est dévoilé dans l’existence. Merleau-Ponty y ajoute le corps car c’est comme corps que la conscience existe. Mais précisément le corps-propre est le corps vécu et non le corps représentable, objectivable (qu’il nomme idée du corps ou corps en pensée). Or les processus corporels ou cérébraux ne sont pas vécus (j’apprends que j’ai un cerveau, je ne le vis pas). Ce n’est pas l’antériorité d’un processus qui explique que je découvre mes pensées ou mes parole, mais la pro-jection qu’est toute existence.
@Paul
En Allemand, par exemple, le verbe est à la fin. La phrase est donc pensée bien plus vite qu’elle ne sera dite. Son élocution dure souvent bien plus longtemps que les 455 ms au moins qui sont nécessaires à la prise de conscience. Il y a donc chevauchement, et certainement interaction, de la pensée de la phrase, de la volonté de la dire, de son élocution, puis de la conscience de l’avoir dite.
Ce qui me frappe, dans la présentation que vous faites (et qui relance un billet et un débat que nous avions déjà eus en février 2009 ici), c’est l’indépendance de « l’imagination », comme vous l’appelez. Vous semblez dire que cette variété du psychisme apparait soudain, complètement formée (et en retard), telle Athéna sortant toute armée du cerveau de Zeus. C’est à cette condition que vous pouvez la représenter comme indépendante du « corps », et seulement greffière de ce qu’il a fait.
Certes, les 455 ms de retard de la conscience nous mettent devant l’évidence que la conscience ne saurait être le siège de la volonté, comme l’humanité l’avait toujours cru. Pour autant, cela ne fait pas nécessairement de la conscience une variété de psychisme « à part ». Et en corollaire, cela n’établit pas non plus l’autonomie de tous les processus parallèles anté-conscients en un tout nommé inconscient.
Je propose à la discussion un autre angle d’approche :
L’activité psychique fait cohabiter en permanence des processus massivement parallèles qui forment des représentations de toutes choses, à différents niveaux. Dans des psychismes très développés, ces représentations peuvent atteindre un haut niveau d’abstraction, et elles co-existent avec tous les étages inférieurs successifs de traitement de l’information, enchâssés les uns dans les autres dans des récurrences vertigineuses.
Dans ce cadre, la représentation, à tout moment, de soi-même, ne diffère pas, en nature, de la représentation de l’espace, du temps, ou d’une causalité par exemple. Pour un organisme soumis à la sélection naturelle, la valeur adaptative d’une représentation permanente de soi-même, pour l’élaboration de stratégies ou de concepts nouveaux, ne fait pas de doute.
Cependant, des représentations diverses et concurrentes d’un même soi seraient très dangereuses pour le sujet. Lorsqu’elles apparaissent, cela s’appelle, autant que je sache, la schizophrénie, qui s’avère peu compatible avec les dangers de la vie. Je fais donc l’hypothèse que la sélection naturelle a du trouver le moyen de garantir l’unicité du sujet en réprimant toute représentation concurrente de soi-même en soi-même, dans les psychismes les plus développés.
Tous les systèmes de traitement de l’information peuvent former des représentations, fût-ce un simple bit, mais seuls les plus développés peuvent se représenter l’espace, le temps, et eux-mêmes. Et s’ils en sont capables, il est alors essentiel, pour leur survie biologique, qu’un seul processus de représentation réflexif n’existe, et que tous ceux qui pourraient coexister soient réprimés.
La conscience pourrait être un processus de représentation de haut niveau, de même nature que tous ceux qui coexistent dans tout psychisme développé, mais rendu singulier par un mécanisme spécifique d’unicité.
L’inconscient psychanalytique pourrait alors être compris comme ce mécanisme d’unicité lui-même, qui laisse vivre parallèlement à la représentation consciente de multiples représentations et schémas d’actions de haut niveau, parallèles et concurrents, mais qui ne peuvent pas se transformer en conscience, parce qu’un processus de représentation de soi-même, qui a seul ce privilège, est déjà en place. Comme la reine des abeilles, la conscience tuerait toute concurrente avant qu’elle n’émerge.
@ Marc Peltier
Thom dit à ce sujet des choses que je trouve passionnantes.
Voir: « Sur la typologie des langues naturelles: essai d’interprétation psycho-linguistique ». MMM
@jcé:
Vous dites « Or les processus corporels ou cérébraux ne sont pas vécus (j’apprends que j’ai un cerveau, je ne le vis pas) »
À quoi ressemblerait une preuve de ce que vous affirmez avec l’ assurance de qui possèderait une preuve ?
La négation de votre proposition n’ a pas Un sens qui bien que faux, aurait une détermination.
http://www.philomath.uqam.ca/doc/Architecture.pdf (lire page 5 à 10 sur l analogie entre le besoin d’ ornementation en architecture et le besoin de fondement en métaphysique , à l origine de la production de non-sens/geschwätz-bavardage)
« Poursuivant sur ce thème, Wittgenstein remarque qu’il peut paraître étrange que « des
moyens pour ainsi dire triviaux nous libèrent de profondes inquiétudes philosophiques » [D, 36].
Selon lui, ces dernières sont liées à un « sentiment de malaise », que le philosophe cherche donc
à apaiser. Deux choix s’offrent à celui-ci : soit « se jeter contre les limites du langage » et
concocter une réponse dépourvue de sens, soit réaliser que la source de ce malaise se trouve dans
notre langage et apprendre ainsi à rejeter la question : on ne peut y répondre, elle est donc mal
posée. Le problème se dissout et avec lui l’inquiétude s’estompe. »
À nouveau, on se heurte aux limites de notre langage et de sa structure (la logique qui est ineffcience pour aborder ce type de problèmes non triviaux ). Wittgenstein choisit de dissoudre le problème plutôt que d’ inventer une autre logique.
Bonjour Tigue. C’est en référence à Merleau-Ponty que je parle de vécu, c’est dire de perception de; et effectivement, là, j’ai pleinement conscience par exemple que j’ai une mâchoire, parce que j’ai une rage de dent; mais non que j’ai un cerveau, qui n’entre pas dans mon champ perceptif (je ne le sens ni fonctionner ni dysfonctionner, je n’ai jamais eu mal au cerveau etc). Ce n’est donc que réflexivement ou conceptuellement que je puis intégrer la donnée du fonctionnement du cerveau dans ma réflexion, jamais phénoménologiquement c’est-à-dire à titre d’objet vécu par moi, donc existant (Nb : me vient à l’esprit un raccourci sartrien un peu potache : « science : peau d’balle! morale : trou d’balle! »).
Je suis quant à moi divisé sur l’approche phénoménologique; je pense qu’elle est fausse dès qu’elle se risque à des hypothèses de structures. Un point en particulier (que j’ai appris via Lionel Naccache) me semble invalider son principe qui tient au caractère censément originaire de l’intentionnalité (tout conscience est conscience de quelque chose… Le monde et la conscience sont donnés d’un même coup… surgissent… » etc : Sartre, Situation X, Une idée fondamentale de la philosophie de Husserl : l’intentionnalité). Naccache montre que les données positives de l’observation cérébrale montre que la conscience n’est jamais conscience de l’objet mais seulement de son image cérébrale (c’est Nietzsche qui se régale ici,, entre autres). Patatras de la construction phénoménologique pour laquelle « tout est dehors » (Sartre encore), qu’ainsi il ne saurait y avoir de déterminisme d’aucune sorte, psychologique, culturel, social etc. Le cerveau, ses processus de traitement de l’information, son fonctionnement et ses niveaux, joue un rôle déterminant dans notre rapport au monde. Bon, ok.
Mais on peut choisir de l’ignorer, ce que fait le phénoménologue, y compris avec violence (voyez Michel Henry) puisque le réel ne vous sera toujours primitivement donné qu’à votre conscience, comme vécu subjectif.
Nb : vous semblez familier de Wittgenstein et d’une méthode d’analyse que j’ignore et dont je suis curieux. Vous pourriez y revenir svp?
Je connais le coup de sécateur, j’en ai encore la cicatrice, et toujours l’image de ma main qui serre, qui serre, la lame qui coupe le gant, le doigt et aïe !! ça fait mal !!
@vigneron 7 avril 2012 à 20:24
Le geste irrattrapable…c’est le vote sectateur !
Dans le genre irrattrapable, il y a l’informatique. Ça semble conçu pour éviter les actes manqués. La machine demande si vous voulez bien faire ceci et propose : oui/non, jamais peut-être, pourquoi pas, je ne sais pas, j’hésite, je vais y réfléchir etc. Ou elle propose dans un menu déroulant des choses qu’on n’aurait jamais imaginées faire, ou qu’on ne comprend pas et les deux m’embarrassent. Mais il faut toujours confirmer sa volonté, ça semble bien conçu pour éviter les bévues.
Pourtant mon entourage m’a rapporté une nouvelle. Une jeune dont une histoire de plusieurs années avec son partenaire vient de casser, découvre que toutes ces années là bien classées dans des dossiers de photos ont disparus de son ordinateur. Pire, rien non plus sur le disque de sauvegarde. Tout effacé ! Aucun souvenir d’avoir supprimé plusieurs dossiers ni sur l’ordinateur ni sur le disque de sauvegarde ; Pourtant il a bien fallu confirmer la volonté « Voulez vous vraiment supprimer… ». Finis les souvenirs, plusieurs années de vies effacés.
Diable comment est-ce possible ? ces histoires d’inconscient, le truc de Freud, ça peut aller jusqu’à là, s’inquiète-t-on ?
Rattrapage : alors récupérer les photos dans l’ordi du copain : avantage, ça donne une excuse pour le revoir. Inconvénient ça ne tient pas compte de l’énigmatique « volonté » de l’énigmatique sujet qui a bien fait l’acte de supprimer les fichiers (Microsoft est ferme sur la question).
« nous en sommes les seuls dupes » termine P. Jorion.
Eh oui, se régler sur les manifestations de son inconscient consiste à se faire sciemment la dupe de ses effets, et dans l’histoire rapportée c’est bien d’une perte, de la fin d’une histoire, dont il s’agit de prendre acte pour passer à autre chose.
C’est le sens de la bien connue phrase de Lacan croisée certainement aussi par P. Jorion :
[…] il n’y a pas besoin de se savoir amoureux de son inconscient pour ne pas errer, il n’y a qu’à se laisser faire, en être la dupe. Pour la première fois dans l’histoire, il vous est possible, à vous d’errer, c’est-à-dire de refuser d’aimer votre inconscient, puisque enfin vous savez ce que c’est : un savoir, un savoir emmerdant. […]
C’est ridicule de croire que l’action précède systématiquement la pensée .
Ceci dit , cela expliquerait pourquoi les hommes semblent avoir des problèmes de visées .
« Le corps : « pissons! » , suivit de l’intervention du cerveau » visons! »
Peut être faut il imaginer une hyper-conscience , qui se fouterait pas mal des informations que la conscience n’accepterait pas de prendre en charge .
Par exemple , un boulo devenu insupportable et pour lequel la seule façon de s’en débarrasser serait de se faire mal.
Ou, une symbolique a rechercher à travers la main , voir le doigt ( voir travaux de l’honnorable docteur Philippe Dransart « la maladie cherche à me guérir « ) .
ps : pour Dick Rivers , ne pas s’en faire , çà aurait pu être pire : une référence aux « chaussettes sauvages » par exemple ..Et de toute façon, y s’en fout , du moment qu’on a pas dépeigné son brushing .
l’artiste n’est-il pas le premier surpris par son œuvre, le premier spectateur ? Les mains sont les cerveaux extérieurs de l’homme ; je sais plus de qui c’est…
@ karluss
Thom fait l’analogie ectoderme/mésoderme/endoderme avec sujet/verbe/objet. Dans cet ordre.
Pour lui le sujet est donc au bord, au contact de l’extérieur. Cela va donc ama dans le sens de « je ne sais plus qui »!
Quid de l’ame de l’esprit??
@ xian
« C’est sans doute au plan philosophique que nos modèles présentent l’apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l’être vivant, ils dissolvent l’antinomie de l’âme et du corps en une entité géométrique unique. »
René Thom Stabilité structurelle et morphogénèse, conclusion.
Bon on va pas vous faire la leçon professeur Jorion, mais vous êtes-vous penché sur Spinoza, sur ce point précis de la nature de la mens (Ethique, II et III suffisent). Je pense que vous y auriez fait allusion si c’était sous son influence, même lointaine, que vous aviez formalisé vos réflexions. Si tel n’est donc pas le cas, sachez que vous l’avez rencontré à cette occasion, et de manière pleinement adéquate (même dans le vocabulaire). D’ailleurs tous ceux qui s’intéressent à la neurologie rencontrent Spinoza. La conscience est chez lui l’expression mentale d’un affect parvenu à un certain degré d’intensité (l’idée de l’idée dit-il, chaque idée dans l’esprit étant l’expression d’un affect dans le corps) et l’inconscient l’inconnu du corps-autant dire, en passant, qu’il n’existe pas de problème psychologique-. J’illustre souvent la chose ainsi : dans les premiers moments de l’amour (sous l’empire de la puissance de cet affect) chacun a pu constater que les autres n’existent plus, même en pensée; que cette passion durant, elle se mue en attachement, et n’est plus aussi exclusive dans la représentation et le désir (tiens, pas mal la petite brune…); qu’ainsi la décision de rester fidèle ou de céder si une occasion se présente (j’aime ton grand front dégarni d’intellectuel me souffla la dite brune) ne dépend en rien d’une volonté consciente mais bien de la puissance des affects qui animent mon corps à cette occasion; l’état de ceux-ci renvoyant au tout de ma relation avec ma régulière, au tout de ma vie, et au tout tout court. C’est pourquoi la béatitude, la réalisation radicale de l’émancipation en quoi consiste la liberté spinoziste se nommera amour intellectuel de Dieu ou union de l’être à la totalité de l’être.
Eh non, ce n’est pas sous l’influence de Spinoza : c’est sous l’influence de Benjamin Libet, comme je le signale. J’ai beaucoup de respect pour les philosophes, comme vous le savez sans doute, mais dans ce cas-ci, on est plutôt du côté de la psychologie expérimentale.
Eh bien c’est la première de je croise le nom du bonhomme (il doit se trouver dans la bibliographie des livres « en réserve » (Edelman, Kandel, Ledoux) que je lis en diagonale. Ce qui est intéressant avec Spinoza c’est que son cadre conceptuel antidualiste anticipe (par nécessité finalement) sur les conceptualisations issues des disciplines que vous pratiquez; on lui doit cet éclair que « chacun juge suivant la disposition de son cerveau »; à une époque où l’on ne jurait que substantialité de l’âme, de l’aââââme, c’était bien vu et gonflée; pour ne rien dire de la nécessité ontologique, dont les sociologues ou les anthropologues firent méthode, d’aller de la totalité à l’élément qui en est le produit, non l’inverse (rien de plus comique que l’individualisme, fut-il simplement « méthodologique »).
@Paul Jorion
Et bien non, je confirme les dires de Jicé, tout ce débat à pour origine Spinoza. Sa célèbre phrase de Spinoza « on ne sait pas ce que peut le corps » a fait l’objet de multiple ouvrages C.Jacquet…) Damasio a d’ailleurs écrit un ouvrage « Spinoza avait raison » qui montre l’anticipation de l’acte sur la pensée.
Pour moi, Spinoza était un physicaliste. Il n’y a que des corps…, la pensée aussi est un corps !
Arrêtez de déconner avec Spinoza, tout ça est déjà dans « De l’âme » d’Aristote et dans ce que nous appelons les « Parva naturalia » – que j’ai d’ailleurs abondamment cités dans mon livre Principes des systèmes intelligents (1990), en particulier dans les premiers :
De la sensation et des sensibles
De la mémoire et de la réminiscence
Du sommeil et de la veille
Des rêves
Bandes de conatus !
Une demi-seconde plus tard, cette protention laissait la place à un peu de honte.
anecdotique: c’est amusant le parallélisme qu’on peut observer entre le couple Platon-Aristote et le couple Descartes-Spinoza, ou encore comment les premiers (Platon et Descartes) envisagent l’Etre comme un dualisme irréductible, ouvrant la porte à une sorte de hiérarchie qualitative (on imagine facilement – et on connaît, d’ailleurs – le destin d’une telle représentation du monde en termes plus politiques), là où les seconds abordent la question de l’Etre de manière plus holistique. plus horizontale, et par là-même plus égalitaire.
Pas si anecdotique, finalement…
« C’est pourquoi la béatitude, la réalisation radicale de l’émancipation en quoi consiste la liberté spinoziste se nommera amour intellectuel de Dieu ou union de l’être à la totalité de l’être. »
Non
1.Pourquoi Dieu?
2.Je ne vois pas trop comment on pourrait être autrement que total: un bras en moins peut-être?
Ah l’Etre bien sûr….
Avec celui-la on peut faire n’importe quoi. Alors pourquoi pas union avec lui-même dans sa totalité ce qui suppose qu’il n’est pas complet tout le temps : c’est dur à suivre.
🙂
Ah Philippe!!! (imaginez Luchini vous apostrophant) : juste une blagounette, mais certifiée dans le texte. Dieu c’était le chiffon rouge, histoire de s’amuser (demain c’est Pââques, épaule d’agneau chez belle-maman). Spinoza est moniste. Son Dieu, c’est la réalité, c’est-à-dire -il y a toujours une thèse sur la nature du réel chez les philosophe- ce qu’il y a d’effectuant dans le réel (dieu, c’est-à-dire la nature); autant dire qu’il est le plus pur des matérialistes. Quant à totalité de l’être… l’être c’est pas forcément l’être humain… la table est : c’est un étant ; tous les étants (désolé, c’est le jargon dont on use en ces matières) c’est l’être en totalité. Donc la liberté : coïncider avec ce qui est; or ce qui est est; donc coïncider avec la nécessité de ce qui est (sans doute le verre de rhum là); cela ressemble fort au stoïcisme me dis-je soudain. Bref la liberté n’est pas une propriété, une faculté, un état, mais un processus : être libre c’est être actif (être la cause adéquate de ses effets), ce qui est fort rare, ce qui n’existe qu’asymptotiquement : la preuve, ici je vous réponds,je ré-agis; il y a pas 10 minutes Vigneron m’a mis en colère (j’ai fini par censurer ma réponse) : je n’ai été que l’agent de mon action. C’est qu’il y a ma puissance (ce que je peux effectivement) et la puissance de tous les autres étants, plus largement de l’étant total (c’est mieux ainsi, non) vis-vis de quoi je pèse bien peu (avez-vous remarqué que le ciel bleu de la bonne humeur ne se maintient guère : il y a tant de choses, tant de causes, pour être affligé). Pas question donc d’être par sa seule puissance actif, sauf bien sûr à coïncider avec la nécessité du réel en totalité (je ne puis pâtir de ce que je suis), autant dire à se dépassionner ou mieux se dé-pathétiser.
Bon c’était bien long, je suis sûr qu’on peut faire bref et clair là-dessus.
Sinon : « je ne vois pas trop comment on pourrait être autrement que total » : quand vous êtes en rogne, vous faites comment, vous? Cela ne vous arrives jamais d’être divisé par le parti à prendre? Ou de suspecter l’autre (le soi) en vous (le moi). Ben mois si.
A+
Je pense que le Dieu de Spinoza n’est pas vraiment le même que celui auquel vous pensé.
Sans entré dans les détails, le Dieu de Spinoza est l’Un (il est totalement infini et l’unique Substance), il est tous ce qui existe, il est donc immanent et non transcendant. Spinoza est même explicite sur sa conception de Dieu, quand il écrit
. Le Dieu de Spinoza est un Dieu entièrement et totalement CAUSAL, et pour Spinoza c’est en cela qu’il est totalement libre. D’une certaine manière Spinoza est un scientifique radical, on peut alors comprendre pourquoi Albert Einstein disait
, sans oublier la fameuse citation
.
Sinon, pour poursuivre sur Spinoza, il me semble qu’il défini la conscience comme le replis de la pensée sur elle même. En effet, si je sais que 1 + 1 = 2, je sais aussi que je sais que 1 + 1 = 2, et ceci à l’infini. Sa dénonciation de la conception classique de la conscience a surtout pour but de dénoncer le Jugement et donc les notions de bien et de mal. Ces notions sont de l’ordre de la morale, et donc transcendantes, elles sont remplacées par celles du Bon et du Mauvais, qui sont toujours personnelle (de quoi mon corps est capable ?, en quelque sorte).
Ainsi, on passe du jugement à la connaissance, et c’est la pensée par son replis sur elle même et son pouvoir de compréhension des affects du corps (toujours cette question de quoi mon corps est capable ?) qui permet d’accéder à cette connaissance.
La pensée est ce qui permet de nous représenter comme des « automates spirituels », or pour Spinoza, le corps et l’esprit ne sont que les reflets (des modes) de notre être exprimés par deux attributs de Dieu (l’Étendu et la Pensée). Ainsi chez Spinoza il y a unité Ontologique entre le corps et l’esprit mais l’esprit n’est pas logé dans le corps. Modifier son esprit c’est donc modifier la façon dont les choses nous affectent, cette modification ne vient pas d’une supériorité de l’esprit sur le corps mais de leurs unités.
On peut alors commencé à imaginer se qu’il veut dire quand il écrit
C’est pour cela que la philosophie de Spinoza est une philosophie de la Joie.
Bonjour Mr Pouget. Rien à redire à vos précisions, voyez dans mes propos un effort de traduction destiné à contourner le lexique spinoziste. Sinon deux remarques : la conscience pas un repli, mais bien idée de l’idée (Ethique II et III). C’est la puissance intrinsèque variable de l’idée qui porte et son degré d’affirmation et sa représentation consciente (l’inconscient de la pensée / l’inconnu du corps : toutes nos pensées ne sont pas conscientes, tous nos affects ne sont pas perçus). Ensuite ce n’est pas pour détruire le système du jugement que Spinoza conceptualise comme il le fait l’esprit et le corps, mais parce que c’est ainsi et que cela a pour conséquence la destruction du système du jugement.
Je me rends compte que tout cela énoncé ainsi c’est colloque de Diafoirus pour les non-initiés. Alors que cet homme et ce penseur méritent tellement mieux. Si on veut donner envie de le lire ou de le fréquenter un peu, il faut aller un peu au-delà de la référence à Lordon. On peut aussi en souligner les limites, ou les points épineux, on cherche pas à recruter chez Moon. Par où commenceriez-vous en ce qui vous concerne?
Pour ma part, dans l’esprit de l’article postée par PJ, je signalerais qu’on a tous un jour rencontré ce penseur, qu’on est ou a été spinoziste sans le savoir, parce qu’on s’est posé tout ou partie de ses problèmes, en particulier à propos du phénomène intriguant de la volonté, du passage à l’acte, de ce qui l’inspire ou le pilote, du rapport au corps qui est nôtre etc.
Voyez comment je suis tombé dans la marmite :
Qu’est-ce qui est cause et qu’est-ce qui est effet? Lorsqu’on doit se mettre à la tâche, et qu’elle est rébarbative ou vécue comme telle, souvent on joue la montre, procrastine; on attend le déclic, l’envie de s’y mettre; plus le temps s’étire et plus le conflit désir / volonté (pour aller vite) se tend, jusqu’au moment où effectivement on s’y met. A partir de là, grande perplexité! Me suis-je mis au travail par un effort de la volonté, qui a sifflé la fin de la récré à un moment précis; ou bien est-ce la force de m’y mettre (l’impulsion, l’envie, la force) qui a déclenché et même déterminé la décision de passer à l’acte? Car si c’est la volonté qui est souveraine, pourquoi pas plus tôt? Car si la volonté est une faculté du sujet, comment puis-je en manquer? etc. Inversement lorsqu’il y a du coeur à l’ouvrage, lorsque l’envie est présente, c’est fou comme la volonté tend à se faire discrète etc.
Au microscope : Et puis bon sang, la volonté est souveraine, la volonté est décision consciente, donc contenu de pensée en même temps qu’efficiente. Cherchons donc à l’isoler, à observer ce phénomène étrange. Et là stupeur (j’étais jeune et influençable alors!) impossible de saisir la volonté autrement que comme volition et commencement d’acte : la volonté de lever le bras ne se sépare pas de l’effectuation de l’acte lui-même, la volonté n’existe pas en puissance à titre de faculté (pouvoir en réserve dont on use à loisir) mais toujours en acte dans/par mon corps. Sainte Tortille! Que de complications!
J’étais mûr pour la déconstruction spinoziste du système du jugement, et je suis certain qu’on est nombreux dans ce cas. Reconnaissez que c’est une bonne propédeutique aux problèmes étudiés par les « disciplines de la cognition ».
Sur les limites du spinozisme, ou ses difficultés, en particulier vis-à-vis des problèmes économiques (et techniques) qui sont nôtre, une autre fois, si le coeur vous en dit.
@ Emile Pouget
« C’est sans doute au plan philosophique que nos modèles présentent l’apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l’être vivant, ils dissolvent l’antinomie de l’âme et du corps en une entité géométrique unique. »
René Thom, conclusion de Stabilité structurelle et morphogénèse.
Le spinozisme est une affection relativement fréquente, qui se guérit lentement. Il faut du repos.
Il s’agit de l’ersatz des philosophes concernant la psychologie, cela leur permet de brandir quelque chose de vaguement en rapport avec un domaine d’où leur idéalisme de profession leur interdit des incursions, domaine empirique impropre à la démarche déductive du philosophe.
Alors on opère un « raid » spinosiste en neuro-psychiatrie ! Et attention, car on en a vu comme cela beaucoup qui envahissent les UFR de psycho, capturant tout ce qui bouge, saccageant tout, barbouillant le reste. Ce sont de dangereux iconoclastes. Après leur passage il ne reste que du « bien », du conatus et du corps.
Chaque philosophe repart avec son bout de psychologie et il est bien content car cela lui appartient à lui tout seul… c’est le « droit de propriété » des facultés de Lettres / SH. Droit de rapine, ou de cuissage.
Il est bien certain que la neurologie doit tout à Spinoza. Non content de vandaliser les UFR de psychologie, on étend ses prérogatives aux sciences dures !
Spinoza et Merleau ponty… et Deleuze lorsqu’il traite de Spinoza… c’est de la bouillie pour les chats.
Il faudrait s’interroger sur le spinosisme comme symptôme ou comme discours socialement utile à certains intellectuels, comme théorie permettant d’annexer un domaine voisin. Le spinozisme en tant que tel est un outil conceptuel permettant une prise de pouvoir, une emprise virtuelle, par le discours, sur un champ du savoir mitoyen : la psychologie, le social, etc.
Tentative illusoire car ces champs sont totalement étanches en interne, à cette tentative de putsch philosophique. Le spinoziste est d’autant plus frénétique que ses outils conceptuels sont rudimentaires, et son accoutrement ne passe pas inaperçu : veste, short, et gourdin.
Plaisanterie à part, je suis toujours étonné de la sorte de fierté et d’absence de doute avec laquelle on présente la pensé de Spinoza comme s’il s’agissait du Messie en personne, cf. la page de F. Lordon ! … et Spinoza arriva, contre les idées reçues, et enfin, la lumière fut, contre l’obscurantisme ! Vade retro satana, les ténèbres reculèrent ! Spinoza libéra la pensée de ses chaînes, c’est le sauveur, rien de moins.
Spinoza est l’arme philosophique sensé compenser, racheter, l’exclusion du philosophe de l’aventure freudienne, la grande aventure du 20è s. C’est le pain noir de ceux qui se sont sentis exclus de la grande fête freudienne du psychisme, de l’éros, du rêve, etc. Ce pain amère ils le remâchent et cela ne les arrange pas. De cette philosophie étriquée, même mouillée de larmes, on ne pourra renchérir sur le sciences vivantes modernes.
Mais pour avoir quelque chose à dire quand-même, même si ça n’a aucun sens, on se rabat sur Spinoza. Voilà, Spinoza est sensé tout racheter, c’est pourquoi c’est le Sauveur.
Il est un peu bizarre votre billet là; il met ceux qui ont parlé du truc dans une position inconfortable, comme s’il avait un champion ou un prophète à défendre… Drôle de conception de l’échange… Il y a aussi un ton étrangement vindicatif dans votre propos, relisez-vous c’est frappant. Je laisse de côté ce que je pressens d’ignorance, d’écrits connus par ouïe-dire. Ce qu’il y a d’intéressant c’est le croisement des théorisations et des langages, pas la revendication d’une occupation premières des territoires. Si j’ai questionné PJ sur les influences qui ont pu être les siennes dans ce travail-ci, c’est parce que et les arguments et le lexique sont proches voire identiques à ceux de Spinoza (affect, corps, imagination, conscience comme produit du corps). Quant à prétendre que toute les sciences sont dans Spinoza ou dans un autre quelconque, vous n’avez eu besoin de personnes pour former cette idée idiote. Ce qui fera toujours la faiblesse des spéculations philosophiques sur les questions empiriques, c’est l’absence ou le mouvement des données positives. Qui peut l’ignorer? Inversement, la misère conceptuelle de nombre de chercheurs est pire que la misère sexuelle du bas clergé breton (là je parle sans donnée positive -quelqu’un peut peut-être témoigner?). En plus vous faites un mauvais procès à ce philosophe qui serait plutôt passionné des découvertes scientifiques sur ces questions.
Et puis, mince, comme il y a une once de méchanceté pleine de ressentiment dans votre propos, je me permets de vous faire remarquer qu’à part l’acrimonie vous ne proposez aucun argument -sans doute l’effet de l’indignation- si ce n’est vaguement l’idée d’étanchéité des champs d’analyse, sans doute lié à votre charge contre ceux qui voudraient dériver la psychologie de etc. Bon, si cela vous paraît en valoir la peine, prenez le temps de vous calmer de d’exposer clairement l’objet du délit.
A demain donc.
@ jicé
1) Je crois qu’il y a toujours chez Paul Jorion un anthropologue qui sommeille.
2) Il est très vraisemblable qu’un représentant du bas clergé breton figure parmi mes ancêtres. Si c’est le cas la misère conceptuelle ne serait alors pas complète … puisque je suis ici.
@ Paul Jorion
Vous pensez que ce genre de mesure est pertinent si on regarde un départ du 100 m , une reprise au Tennis, une course automobile F1, ou un pilote de chasse dans la patrouille ou en combat ? Il me semble que les temps de réactions sont bien plus rapide que cela non ? Un coureur se rend compte qu’il est parti 1/2 seconde après le coup de feu ?
Oui, il est parti 1/10 de seconde après l’avoir entendu, mais cela n’arrive à sa conscience que 5/10e de seconde après le coup de feu. Ceci dit, il imagine être parti au moment-même où le coup de feu était tiré.
Sachant bien que le 100 m se fait en 10 secondes, 1/2 seconde représente donc 5 ml hors du champs de conscience ? Je suis dubitatif pour le moins. Vous vous rendez compte la distance parcourue dans un avion de chasse à Mach 3 (3x 340 = 1020 ml /s soit 510m hors du champ de conscience ? Imagination ? Je ne voudrais pas voler avec pareil pilote.
Enfin, le départ se fait maxi 100 à 200 centièmes de seconde chez les champions APRES le coup de feu, et c’est bien une décision consciente, qu’on peut améliorer avec de l’entraînement, si on part avant c’est faux départ ! Non ?
Oui, mais il n’y a pas une demi-seconde de « perdue », puisque le corps s’est lui mis en mouvement au 1/10e de seconde. Ce n’est pas la conscience qui décide de mettre le corps en mouvement, c’est lui-même. A la limite, l’arrivée à la conscience pourrait avoir lieu 10 secondes plus tard, alors que le corps a déjà franchi la ligne d’arrivée. Ça ne changerait rien, les coureurs courraient à la même vitesse.
Votre objection est liée au fait que vous continuez de penser que c’est la conscience qui prend la décision de mettre le corps en mouvement, or, ce n’est pas le cas.
Je ne comprends pas vraiment cette distinction entre le corps et conscience. C’est très corporel la conscience ahma, ça n’existe pas hors le corps. Mais ce n’est pas grave, ce qui le devient c’est lorsque vous m’objectez que même si cela, l’acte d’être parti, arrivait 10 secondes plus tard à la conscience, ça ne changerait rien. Là je dois dire que je ne vois plus trop ce qu’est la conscience dans votre système. Parce que si vous transposez dans la conduite automobile, ou même traversée un trottoir dans un carrefour, c’est la mort assurée. La nuance entre réflexe et décision est tenue et je pense que même si il y a une multitude de paramètres à la prise de décision, dire comme vous le faite que la conscience ne fait qu’imaginer à rebours en être la cause, me fait dire que nous n’avons pas la même perception de ce qu’est être conscient. Cela tient au fait que l’inconscient ça n’a pas de sens dans ma vision de la chose je pense.
Très clairement, qu’est ce qui décide de partir au coup de feu dans votre perception ? Il n’y a pas de décision ? Où est le détonateur interne final dans la suite des enchaînements physiques, comment faire véritablement la part des choses entre réflexe et décision, comment dénouer le mélange des deux ? Chapeau si vous acceptez cette histoire de Libet et de sa 1/2 seconde. Mais accepter n’est pas démontrer.
Lisez l’article, on en reparlera après.
Ce n’est pas la conscience qui décide de mettre le corps en mouvement, c’est lui-même.
Ce « lui-même » est très troublant. La fonction « mise en mouvement »
possède une localisation, sans doute quelque part dans le cerveau
proche des événements.
Mais ce n’est pas le corps, indéterminé.
Je propose : le cerveau reptilien possède des canaux entrée/sortie
très rapides, assurant la vitesse des réflexes y compris digestion et respiration
par exemple.
Au dessus de ce noyau , le cortex assure une fonction générale
de supervision : il est lent mais généraliste et doté de mémoire.
Ce processus de supervision est la conscience en tant que émergence
par rapport aux actes réflexes et prise en compte de l’environnement.
[ tout ceci sur le mode interrogatif.]
@ Paul Jorion,
OK, je lis peut-être vite, mal, certainement, mais je ne suis pas responsable, c’est mon corps. Sans plaisanter, il me semble que de votre article, il faut s’attacher à lire ceci puisque il ouvre sur la condition finale :
Vous remplacez, « inconscient » par « corps » et « conscience » par « imagination ». Et c’est là que le bas blesse. Je ne veux pas être désobligeant, vos connaissances, vos savoirs sont, il est claire plus étendus et plus assurés que les miens. Mais, nul besoin de savoir d’expert pour lire et commenter. Je me permet donc, cher paul, de vous faire remarquer quelques points qui me laissent perplexe pour le moins.
A part une certaine vision on va dire « psy »,qui pense que ce n’est pas le corps qui de facto décide ? Je répète la conscience est corporelle, elle n’existe pas hors le corps. Le mot cul de sac est intéressant, comme point final de l’agitation corporelle, mais c’est tout. Dire qu’il n’y a pas de rétroaction quasi instantané décisionnel est assez présomptueux et en tout cas trop affirmatif pour être démonstratif. Puisque faire la part de la mesure dans un acte entre la décision et le réflexe est très contestable à mon avis. Libet constate ce qu’il constate, et interprète à sa sauce.
Pourquoi changer les mots change la chose ? L’imagination n’est -il pas le corps ? Je ne comprends pas. Il me semble en fait que vous essayez de parler du contrôle de son corps et de ses émotions, je me trompe ? Or, cela passe bien par un entraînement de la conscience pour capter au plus près les processus décisionnel et de réaction corporelle non ? Les grands champions pilotes, sportifs, utilisent effectivement leur capacité d’imagination pour vivre et sentir une course mentalement afin d’être au top et de maîtriser un circuit, mais c’est très conscient et très corporel. Bref, de quoi parlons nous au juste, je ne suis pas certain de savoir.
Pour la partie évolutive, je ne capte pas du tout la démonstration. La mémoire est la conséquence de la conscience ? Ou la conscience arbitre-t-elle les éléments qui s’enregistrent dans la mémoire. Pas clair.
Je ne voulais pas dire : lisez le billet, je voulais dire : lisez mon article de 1999 : Le secret de la chambre chinoise.
Hé ! l’interné clownesque ! Le monsieur te dit d’aller lire l’article :
http://www.pauljorion.com/index.php?no_article=3
Dodo ninette fanfarinette…
@ Paul Jorion
Sorry, pas le temps de tout lire, me renvoyer à un article suite à un billet, c’est un trop long dédale pour mon corps dans cette soirée. Donc, abandon corporel par forfait. Je vous laisse avec Vigneron qui infuse le thé chinois mieux que moi.
Surtout quand la première phrase du dit article est :
« À partir d’une observation de Jean Pouillon, il est montré, à la fois de manière déductive et en se fondant sur des données expérimentales, que la conscience ne dispose pas d’un pouvoir décisionnel. »
Que voulez-vous discuter ? On s’incline et on va se coucher.
J’ai fait mien ce que Vigneron comprendra un jour :
« Voilà en quelques mots ce qui expliquerait pourquoi les penseurs qui se sont penchés sur le mystère de la chambre chinoise se sont arrêtés au bord de son élucidation, puisque ce qu’il s’agissait de découvrir les aurait privés de la satisfaction de mettre en avant leur propre personne – satisfaction qui guide de t out temps le processus de la découverte. »
A plus.
@ Paul Jorion
Avec franchise, j’ai survolé votre article avant de faire un gros dodo. C’est intéressant, mais je n’ai plus le temps, ni l’envie de partir en discussion sur un sujet aussi vaste. Freud, Darwin, et Cie, sont tous de gentils penseurs mais depuis le savoir des hommes a un peu évolué. Heureusement. Je ne suis qu’une toute petite chose, mais je vous invite à regarder cette petite vidéo qu’un compagnon m’a fait parvenir, bien terre à terre, elle parle à votre corps, à votre imagination. Le reste, mon dieu, le reste, y-a-t-il un reste ? Affect ou conscience ? Est-ce important ? Je ne pense pas, et la maîtrise de la langue et de la formule n’a jamais rendu un homme conscient, ça se saurait. Bon visionnage :
http://www.midwayfilm.com/
Le sprinter au départ du 100 m :
le cerveau a prépositionné ses systèmes pour le déroulement de la suite (il a rendu compte qu’il la fait à la conscience), donc la première demi-seconde peut se dérouler sans accès à la conscience, les infos des premières 0,2 s après le départ ne seront conscientes que lorsqu’elle seront à la limite « remémorables », avant, les informations sont passées dans les circuits sans réveiller plus qu’il ne fallait la chambre de la conscience.
Des cas tous aussi flagrant sont la simple exécution musicale, où le corps enchaine, n’ayant plus besoin que de très peu d’input. Presque aucune note frappée ne l’est « vraiment consciemment » à part lors du déchiffrage de relatifs débutants.
Je me rappelle aussi que quand j’ai commencé à être conscient de mes propres apprentissages (? piano vers 9 ans), j’ai demandé à ma mère si elle devait réfléchir à comment elle décidait de tourner le volant en conduisant.
L’apprentissage est légèrement hors sujet, mais ses linéaments me semblent assez proches questions posées ici. Et comme chacun le sait, l’infinie difficulté d’un désapprentissage (un mauvais doigté au piano, ou une exécution trop rapide…) est un autre signe que le corps tient la route, et ne demande à la conscience que d’être un manteau aux coutures pas trop visibles.
Tiens d’ailleurs ça me fait penser à Zenon d’Elée à l’envers, ce sprinter.
Paradoxde d’Eele d’Nonez ?
@ Timiota
iuo Bulgroz!
Est-ce que nous parlons parce que nous pensons ou l’inverse?
@ Dr Georges Clownet
1er évangile selon Saint Jean: « et le verbe s’est fait chair ».
1er évangile selon Saint Paul (Jorion): « et la chair s’est faite verbe ».
Le jour de Pâques!
Le pire (en fait j’espère le meilleur) c’est qu’avec mes lunettes thomiennes j’arrive à exactement la même conclusion.
Puisque c’est le jour de Pâques, extrait du dernier évangile selon Saint René:
« Aristote dit du germe à sa naissance qu’il est inachevé: « D’une façon générale, il est visible que ce qui est engendré est imparfait et marche vers son principe; par suite le dernier selon la génération doit être le premier selon la nature. ». […] Cette formule d’Aristote suggère une réponse théologiquement étrange: peut-être Dieu n’existera-t-il pleinement qu’une fois Sa création achevée: « Premier selon l’être, dernier selon la génération ».
Esquisse d’une sémiophysique p. 216.
Vous n’êtes pas sur le même plan. Vous êtes sur le plan du conscient c.à.d. après que l’acte a été posé c.à.d. quand vous avez conscience de la volonté.
Un coup trop tard par rapport à ce qui est écrit et que vous citez.
Les mesures millimétrées des « psychologues » des années 60, moi, ça me laisse sceptique.
Comment définissent t ils la volonté ? Y a t il une seule forme de volonté, selon quelles temporalités ?
Voilà des questions pas évoquées. Ni non plus la précision de la mesure et le protocole expérimental. Le raisonnement me parait trop simpliste pour des questions complexes.
Je pratique et ai pratiqué divers sports, de combat, de glisse ou de balle entre autres, comme le tennis ou le badminton.
Ce dernier sport est le plus drôle, surtout joué à quatre, 2 contre 2, et là çà va très très vite, c’est de l’ordre de la milliseconde, capter en permanence la position du volant par rapport à la géométrie du terrain, ses appuis, la position des autres, adversaires ou partenaires, la vitesse du volant etc… Ce type d’activité rapide entraine des schémas d’apprentissage qui sont revus en permanence pendant l’entrainement. Mais il s’agit d’une activité particulière peu comparable avec d’autres activités qui laissent du temps au temps de la conscience.
Quand je signe un contrat, par exemple, j’y ai réfléchi avant, le stylo ne m’échappe pas des mains et je ne me dis pas la tête enfarinée, après coup, « mais où avais je la tête ? ».
Les découvertes sidérantes, il faut s’en méfier. Le neutrino plus vite que la lumière, c’est raté, c’était un problème de mesure.
Ceci dit, il me parait clair que la réflexion un peu créative nécessite une forme de divagation. Souvent je me pose une question, parfois je trouve la solution en me concentrant, parfois pas et je pense à autre chose, je fais autre chose et c’est aussi comme ça que je trouve des réponses, en laissant ma cervelle travailler en coulisses, à l’arrière de ma tête, et je fais revenir devant ma tête.
Lisez l’article original de 1999 en suivant le lien, vous verrez que vos objections y ont déjà été réfutées.
Ma petite lecture « diagonale » :
….. si le langage est un moyen de communiquer, on peut l’entendre fonctionner en restant à l’extérieur de la communication, dans cette marge où se tient l’entendeur-voyeur, sur le seuil qu’il ne veut pas franchir » (Pouillon 1993 : 155-157).
(…) La conscience doit se concevoir désormais comme un cul-de-sac, le mot imagination, avec la connotation qui est la sienne d’évoquer un monde de fantaisie, rend la chose plus aisée.
On pourrait dire de manière lapidaire que le prix est la vérité des choses humaines exprimée en nombres et la vérité, le prix des choses humaines exprimé en mots.
Merleau-Ponty écrivait, « … mes paroles me surprennent moi-même et m’enseignent ma pensée (…)
Qu’est-ce que cela implique ? Cela implique la chose suivante : notre discours (aussi bien intérieur qu’extérieur) au moment où il est entendu, modifie notre affect, c’est-à-dire modifie le profil du gradient d’affect qui sous-tend notre discours alors même que celui-ci est en train de se dérouler. Il y a rétroaction (feedback), effet en boucle, et comme pour tout effet en boucle – effet cybernétique – la dynamique se nourrit du léger retard qui existe entre le « me l’entendre dire » et « me mettre en émoi ».
(…) Dans un autre registre, le fait qu’une machine, en l’occurrence un ordinateur, puisse se passer complètement d’être en prise avec le monde physique qui l’entoure, et produise néanmoins par l’intermédiaire d’un logiciel une manipulation adéquate de suites de mots – suffisante en tout cas pour réaliser les fonctionnalités qui sont les siennes – vient conforter l’hypothèse qu’il pourrait en être de même pour les êtres humains : à savoir que le langage permet que le comportement du corps et le comportement verbal se développent en parallèle, et soient à la limite parfaitement orthogonaux : entièrement dissociés l’un de l’autre.
L’intellectuel incarne souvent une telle déconnection sous une forme au moins partielle…….
Au moment où j’ai suggéré une « rectification des noms » où le mot « inconscient » est remplacé par le mot « corps » et le mot « conscience » remplacé par le mot « imagination », certains lecteurs auront peut-être fait le pas suivant qui consiste à remplacer le mot « imagination » par le mot « âme ». Ce pas est minime et peut être posé maintenant sans objection majeure. On serait parti alors des concepts de la psychanalyse en termes de « conscient » et d’« inconscient » pour aboutir à la dichotomie « corps » et « âme », beaucoup plus ancienne, et correspondant à ce que j’ai appelé une psychologie spontanée inscrite dans la langue.
La seule différence, mais elle est essentielle, c’est qu’ici, on a affaire à un rapport inversé par rapport au schéma classique pour ce qu’il en va des responsabilités, de la prise de décision : ici, l’âme n’est pas aux commandes, c’est le corps ; l’âme lui est entièrement subordonnée.
Diabolique.
M. Jorion, loin de moi l’intention de créer une polémique mais je pense que ce que vous dites dans votre article de 1999 : « On aura noté cependant qu’aucune de ces trois solutions de rechange à la thèse de l’impuissance causale de la conscience ne relève d’un type d’explication classique en science : pour celle-ci, comme l’on sait, les effets physiques sont toujours décelables. » est démenti par les expériences de Le Bihan ( dont j’ai donné la référence plus haut ) où il apparaît que la volonté consciente est capable d’inhiber une réponse préparée inconsciemment si elle la pense erronée.
Cela conduit vers d’autres interprétations possibles. L’appareil cognitif fut modelé par l’évolution de l’espèce privilégiant une meilleure réponse à la pression du milieu. Même erronée, une décision rapide peut sauver la vie alors que la meilleure solution réfléchie du monde ne sauvera jamais rien si elle est appliquée trop tard. Il est donc logique que les procédés décisionnels inconscients soient toujours à la base de toute décision même complexe mais la conscience n’a pas l’air si dupe et impuissante que cela. Elle tenterait de filtrer le flux incessant de décisions automatiques – préparées et lancées par un système résultant de l’évolution et renforcé ou pas par la culture, l’entraînement, le conditionnement… – et provenant de cet inconscient. Une sorte de membrane couvrant la bouilloire, en quelque sorte.
« … où il apparaît que la volonté consciente est capable d’inhiber une réponse préparée inconsciemment si elle la pense erronée »
Très intéressant. Il pourrait s’agir de l’effet en retour de l’affect dont je parle. Par quel moyen la « conscience » peut-elle être informée de cette réponse préparée inconsciemment ? Si on parle de « volonté » comme de quelque chose de visible par un expérimentateur, comment la définit-on ?
Pourriez-vous nous dire où l’on voit ça ?
« Pourriez-vous nous dire où l’on voit ça ? »
Je suggère l’excellent Alain Berthoz, par exemple dans La décision
Oui Berthoz est important lui aussi, surtout sur le terrain de l’organisation spatiale et l’importance du système limbique dans l’organisation générale des processus cognitifs. Dans la ligne de l’intuition de Poincaré qui voyait la géométrie comme une sorte d’émanation d’un procédé interne d’organisation de l’information.
M. Jorion, il me semble que le matériel que l’on trouve au bout du lien que j’ai donné ( http://www.diffusion.ens.fr/index.php?idconf=1683&res=conf ) est déficient, du moins en ce qui concerne la qualité. D’ailleurs, si vous aviez la possibilité de m’envoyer une adresse FTP, je pourrais déposer quelques vidéos ramassés par ci et par là ( en moyenne 300 Mo chacun).
L’expérience dont je vous parle ( et que Le Bihan détalle dans cette conférence ) consiste à présenter à un sujet des cartons succesifs portant une suite de lettres incompréhensible ou un mot représentant un chiffre ou un chiffre arabe et de lui demander de signaler si le chiffre est plus grand ou plus petit que 5 en appuyant sur un bouton situé à droite ou a gauche, selon le résultat
Par exemple, l’expérience est en anglais et les intervalles entre carton et carton sont en millisecondes :
– 71 ms – tsPLqA – 43 ms – NINE – 71 ms – WLuIMB – 200 ms – 6 .
Le NINE est subliminal, le temps trop court ne permet pas à la conscience de l’appréhender. La suite est congruente, le NINE ne gêne pas la résolution du problème puisque NINE et 6 sont tous les deux supérieurs à 5
– tsPLqA – ONE – WLuIMB – 6 Cette suite est incongruente ONE est inférieur à 5 tandis que 6 lui est supérieur.
Le premier résultat immédiat est que dans le cas incongru, le sujet tarde un peu plus à trouver la bonne réponse. Sa conscience est gênée par la décision déjà prise à son insu et doit faire un effort supplémentaire, calculé en aprox. 20 ms de temps supplémentaire par rapport à la suite congruente pour donner l’ordre d’appuyer sur le bon bouton.
Mais ce n’est pas tout. Pendant ce temps, l’IRM observe les régions du cerveau impliquées dans les mouvements simples conduisant à appuyer sur un bouton ou un autre. Et, voilà que dans les essais incongruents non seulement le cerveau capte un chiffre sans que la conscience le sache et a déjà une réponse au problème, sinon qu’il prépare aussi la région correspondant au mouvement pour appuyer sur le bouton, erroné mais la conscience ne le sait que quand le dernier carton apparaît. Une sorte de bataille entre la conscience et la décision déjà prise d’appuyer sur le mauvais bouton s’engage et le sujet corrige, si sa conscience gagne devrait-on peut-être préciser.
Désolé pour ces explications confuses. Je vous réitère ma proposition de vous faire parvenir ces vidéos et quelques livres, si vous le désirez.
Il me semble que c’est plutôt une confirmation de ce que je dis : je ne nie pas qu’il y ait un retour d’affect, au contraire, c’est la thèse centrale de mon livre Principes des systèmes intelligents (1990).
Oui, effectivement, il y a un terrain commun entre votre approche, disons psychanalytique, et ce que découvrent les neurosciences qui, néanmoins, affaiblit ce concept d’impuissance causale de la conscience que vous proposez. Pour ma part, la modélisation intuitive de ses découvertes ( que j’ai voulu résumer par l’image de la membrane sur la bouilloire ) me conduit vers quelque chose de similaire à ce que vous appeliez effervescence du monde – dans un modèle universel -, c’est à dire, à mon sens, la fine couche de l’instant présent où les événements interagissent entre eux, un peu comme la conscience qui pourrait n’être que l’effervescence de tout un appareil cognitif dont le fonctionnement profond ne lui est pas accessible directement.
Pour tout vous dire, je rêve un peu d’un déshabillage autocritique général à la lumière des IRM. Toutes les grandes théories à poil et on repart de zéro – pas tout à fait, bien sûr -, Freud, Lacan, Piaget, Jung, Spinoza, les grecs, Nietzsche et la bande à Onfray aussi, bien sûr 🙂
… Je renonce à écrire ce commentaire … Mon esprit bouillonne … Pour répondre sérieusement à toutes ces questions, il faudrait y consacrer des heures et des dizaines de pages, ce qui dépasse l’exercice de ce blog…, et aussi, il faut bien l’avouer, de mon temps de cerveau humain disponible …
Donc, juste une remarque – qui va sans doute vous sembler anecdotique, mais il se pourrait qu’elle soit en plein cœur du sujet. Dans votre article, vous citez la fameuse « fenêtre ouverte sur le monde », citation que l’on attribue au peintre italien Alberti. Or, comme l’a remarqué l’historien de l’art Daniel Arasse récemment décédé, cette interprétation relève d’une erreur de traduction. Voici la sienne:
« La première opération du peintre, avant le point de fuite, c’est ce qu’on appelerait aujourd’hui le cadrage, c’est-à-dire le fait de poser le cadre à l’intérieur duquel on pourra contempler l’histoire. Je le répète parce que j’y tiens beaucoup, la fenêtre d’Alberti n’ouvre pas du tout sur le monde, ce n’est pas un détail du monde qu’on voit à travers cette fenêtre, c’est le cadre à partir duquel on peut contempler l’histoire. »
(Histoites de peintures)
Cette conscience – constater avec retard et mémoriser – qui joue au carabinier italien possède une utilité:
Vous direz à Dick Rivers que lui et ses « chats sauvages » valaient bien Elvis Presley. Yeh! That’s all right ( mama).
( J’espère ne pas commettre de contre sens historico-musical, pire que les chaussettes noires d’Eddy!)
C’est ce à quoi sert l’apprentissage : action et correction répétées
jusqu’à temps que l’action soit conforme ou efficiente.
Un exemple, l’ apprentissage de la conduite auto et les interactions
codifiées par le code de la route.
Et c’est heureux. Car il serait tentant de sanctifier l’irresponsabilité:
» pas ma faute, c’est mon cerveau reptilien, une impulsion soudaine etc… »
En fait , que la conscience n’intervienne pas immédiatement est vraie pour une situation nouvelle, mais non lorqu’il s’agit d’une répétition.
Un bébé inconscient des dangers en comprendra et préviendra ceux qui ont été douloureux une fois, la première.
Au sens propre : chat échaudé…
Nous sommes responsables de nos actes.
La violence, si ubiquitaire, ou l’avidité d’un trader reste condamnable
et amendable. Ce n’est qu’une affaire de sanctions, comme la réprobation
sociale ou une condamnation en justice…. L’ irresponsabilité d’un trader
est absolument condamnable, ce qui nous empêche pas de payer
le pétrole -avant impôts- au prix déterminé à 80% par leurs spéculations…
Perspectives vertigineuses si on veut vraiment admettre ce qui est dit ici…
Divers témoignages donnés vont dans le même sens…
On a déjà moultes fois expliqué que la vraie découverte scientifique a un côté sidérant, illogique, étrange : le serpent de Kekule vu en rêve pour expliquer le benzène, ces démonstrations de math qui surgissent soudain après des heures d’efforts ‘conscients’; et l’enchaînement d’un raisonnement mathématique est supposé être l’apogée de la pensée logique consciente…
Et puis qui peut parler une langue étrangère en oubliant cette demi-seconde? : impossible tout simplement. On dit d’abord, on ‘pense’ ensuite; jamais on ne construit une phrase avec des conjugaisons ou autres règles grammaticales en voulant dire ce que l’on veut soi-disant dire.
Et que dire d’un suicide? une balle percute le cerveau – ça prend moins d’une demi-seconde non? ; le corps a tiré ; l’imagination jamais peut-être ne va-t-elle savoir? Et pour boucler : place Sintagma à Athènes un homme veut mourir pour que vive son peuple. A-t-il su qu’il mourrait? Il savait se battre: corps ou imagination?
« A-t-il su qu’il mourrait? »
Mettez-vous un pistolet dans la bouche….
« Et puis qui peut parler une langue étrangère en oubliant cette demi-seconde? : impossible tout simplement. On dit d’abord, on ‘pense’ ensuite; »
Me souvenant d’une phrase en anglais que j’avais rêvée mais à laquelle je ne comprenais rien j’ai utilisé un dictionnaire et constaté qu’elle était tout à fait cohérente avec le rêve (ça m’a fait un effet bizarre ;o)
Expérience vécue par tous:
Vous êtes seul chez vous, concentré sur votre lecture, quand soudain vous entendez un petit bruit anormal derrière vous, suggérant une présence. En un dixième de seconde, votre coeur s’affole, votre sang entre en ébullition, vous “tirez” un cri (car, dans ces cas-là, on vocalise en inspirant)… mais ce n’est que dans un deuxième temps (au bout d’environ une seconde) que se cristallise dans votre conscience l’idée que vous avez cru qu’il y avait un intrus dans votre dos, et que votre corps, le comprenant bien avant vous, a de ce fait déclenché l’alarme générale.
La prochaine fois qu’il vous arrive ce genre de choses fort désagréable, prenez le temps de méditer sur l’expérience directe que vous aurez faite alors, de ce décalage avec lequel de votre conscience interprète après-coup le vécu de votre corps. Vous verrez, c’est saisissant.
C’est particulièrement saisissant quand on comprend que ce qui a déclenché la réaction n’est pas tant l’occurrence d’un bruit quelconque (il y a tellement d’autres bruits, comme les cloches de l’église du village, les cigales, ou les réfrigérateurs, que se laissent si simplement oublier lorsque l’on est absorbé), que son improbabilité. Ce qui indique que le bruit a été analysé par certaines des fonctions les plus haut-niveau de notre cerveau, et c’est l’inférence logique qui en a été tirée par ledit cerveau, de ce que ce bruit ne faisait pas sens dans le contexte, qui a été le déclencheur de votre affolement. Le tout, en court-circuitant totalement votre conscience.
Pour une discussion sur l’improvisation musicale faisant allusion aux idées de Libet – Jorion
http://www.mqcd-musique-classique.com/forum/showthread.php?t=413&page=2
Ah oui, très intéressante discussion de mon article, en rapport avec l’interprétation musicale.