Ce que je vais faire ici est un peu inhabituel : je vais vous proposer comme billet, trois pages d’un de mes livres. La raison est la suivante : dans « Les questions qui restent à résoudre » que je termine en ce moment de rédiger, je reviens entre autres, et dans une perspective plus globale, sur des questions que j’ai déjà évoquées dans mon livre « Le prix » (2010 : 295-297). La question que je vous pose, c’est celle-ci : à la lumière du débat que nous avons eu il y a quelques semaines autour de mon feuilleton des « questions à résoudre », faut-il modifier les conclusions que je proposais dans ce livre il y a deux ans ?
L’économique comme l’interaction humaine dans la perspective du prix
Une nouvelle théorie de l’économie est impliquée par la double hypothèse développée dans cet ouvrage, du « prix comme interaction humaine », et de « l’économie comme les choses dans la perspective du prix ». Il a été suggéré ici que l’équation abondance ou rareté des personnes contribuant à définir le risque de crédit qu’elles constituent pour les autres, à quoi s’ajoutent la dangerosité des activités exercées et l’irrégularité de celles-ci, le risque global des personnes déterminant leur statut, le statut relatif de différents sous-groupes définissant le prix, procure le cadre d’une nouvelle théorie de la société où le prix des personnes détermine le prix des choses.
Une ligne qui se dégage, et qui s’inscrit logiquement dans l’évolution récente de l’anthropologie économique, est la nécessité d’envisager l’économie non pas comme un domaine autonome mais comme un élément serti (embedded) dans le contexte sociopolitique. C’est là une réalité à laquelle m’a confronté la décision de prendre au sérieux les conceptions qu’entretiennent les acteurs qui me fournirent mes données initiales relatives aux marchés de producteurs. En accordant foi aux représentations des pêcheurs artisans européens et africains eux-mêmes sur la formation des prix, j’ai refusé de suivre la « ligne de moindre résistance » qui s’offrait tout naturellement à moi : qu’en cas de désaccord entre le pêcheur et l’économiste, ce dernier avait nécessairement raison et le premier nécessairement tort.
En dépit de la possibilité toujours offerte au pêcheur d’alterner ou même d’invoquer simultanément le modèle de l’économiste valant pour la Réalité-objective et son modèle à lui valant pour le monde réel, leur mise en parallèle finit toujours par achopper sur ce fait central à l’économie telle qu’elle est vécue par le pêcheur : l’importance vitale de pouvoir « défendre sa marchandise » au cours de la vente, condition sine qua non pour lui, non seulement de la réussite sociale mais plus simplement de la satisfaction humaine. La perspective qui se dégage dans la ligne esquissée par le pêcheur évoquant ses ventes, suggère en effet que le facteur déterminant de la formation des prix ne serait pas la confrontation nue de l’offre et de la demande mais le statut réciproque des parties mises en présence dans la vente des produits de la mer.
Cela signifie que l’« économisme » inhérent aux sciences sociales contemporaines, et qui conduit souvent à rendre compte de la sociologie de nos sociétés en termes de leur contexte économique (voire – dans le pire des cas – à vouloir construire une sociologie autour de l’homo oeconomicus), devrait être inversé : c’est au contraire, semble-t-il, l’économie dont il devrait être rendu compte dans le contexte du tissu social dont nos sociétés se composent. C’est donc un « sociologisme » qui remplacerait nécessairement l’« économisme » dans des réflexions du type de celle que je mène ici.
Pour ce qui touche au débat interne aux sciences économiques, entre économie politique et science économique (marginaliste), il devrait être clair que, dans l’examen des faits présentés ici, les perspectives ouvertes par la première s’avèrent plus éclairantes que celles ouvertes par la seconde, qui demeure emprisonnée dans un psychologisme et un moralisme dont elle est bien loin de maîtriser les implications méthodologiques et épistémologiques. Notons cependant que la théorie de la valeur sous-jacente à l’économie politique, d’Adam Smith à Marx en passant par Ricardo, celle du coût du travail (social) incorporé, semble, elle aussi, battue en brèche, dans la mesure où il est possible de se passer entièrement d’une théorie économique de la valeur au profit d’une théorie sociologique du statut.
J’ai cependant retenu à titre d’hypothèse plausible, la notion de salaire de subsistance dont le montant doit être nécessairement incorporé au prix obtenu dans les échanges, et dont les parties en présence tiennent compte implicitement quand elles expriment leur évaluation d’un « juste prix ».
Si la voie entrouverte ici, qui reconnaît au statut social des acteurs un rôle déterminant dans la formation des prix, devait se révéler féconde, il serait a posteriori surprenant que Marx ne l’ait pas envisagée lui-même : la notion de détermination du prix en termes de statut social des parties n’est-elle pas en fait mieux accordée à sa théorie politique, que la théorie de la valeur en termes de quantité de travail incorporée aux produits, théorie qu’il emprunta sans plus à Smith et à Ricardo, et qui pose alors à son tour la question devenue insoluble de la valeur du temps de travail ?
Le paradoxe n’est qu’apparent qui me conduit – sur la suggestion de Polanyi – à retrouver chez Aristote une conception de la formation des prix davantage en prise avec les faits que l’ensemble de celles proposées par la science économique : l’économie à petite échelle de la Grèce antique, où le partage de la société en classes, en conditions, avait valeur légale, se prêtait sans doute mieux à ce qu’apparaisse la subordination de l’économique au sociopolitique, que celle des sociétés modernes où les variations de prix peuvent être attribuées, avec une vraisemblance relative, à la seule confrontation de l’offre et de la demande.
La conception aristotélicienne présente aussi l’avantage décisif de rendre compte de manière satisfaisante du sentiment probablement justifié éprouvé par pêcheurs et mareyeurs qu’ils jouent un rôle effectif dans la détermination du prix. Elle rend compte également d’une observation banale que nulle théorisation n’a cependant prise au sérieux : que dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse, en tant qu’il règle l’accès à cette fraction du surplus qui revient aux partenaires économiques au titre de rente, de profit ou de salaire.
192 réponses à “L’ÉCONOMIQUE COMME L’INTERACTION HUMAINE DANS LA PERSPECTIVE DU PRIX”
Artisans et industriels.
Je pense qu’il est raisonnable de dire que Marx a essentiellement critiqué la production industrielle c’est-à-dire un moment du capitalisme qui a maintenant envahi le temps et l’espace.
Les pécheurs et les mareyeurs que Paul Jorion évoque me semblent plus proches de l’artisanat que de l’industrie alors même que depuis quelques dizaines d’années ces professions ont connu une évolution qui intégre les différentes étapes, de la pêche en amont à la transformation du poisson (conserves et plats préparés) en aval.
J’en veux pour preuve la disparition programmée de centaines de poissonneries en France.
Cela modifie un peu la donne.
En ce qui concerne la production de la valeur, je vais évoquer un article d’Anselm Jappe dans lequel il traite de la circulation et de la production dans le capitalisme.
Extrait d’un article d’Anselm Jappe : grandeur et limites du romantisme révolutionnaire paru dans le numéro 002 de la Revue des Livres (sur abonnement ou en kiosque et librairie) avec un aperçu : http://www.revuedeslivres.fr
« Qu’on nous permette ici de faire un détour, et de rappeler ce que la théorie de Marx se donne pour objectif de saisir : l’essentiel de la société capitaliste, sa structure cachée, et pas seulement les phénomènes qui sautent aux yeux. Elle met l’accent sur la production : la sphère où se crée la valeur, et donc aussi la survaleur (ou plus-value), grâce au surtravail non payé de l’ouvrier que le capital peut s’approprier. La circulation englobe tout ce qui est nécessaire pour la réalisation de la valeur sur le marché : le commerce, les banques et la finance, ainsi que la publicité, etc. Selon la critique de l’économie politique de Marx, c’est la sphère de la production qui cause toutes les misères, les injustices et les crises dans le capitalisme. La fraude dans le commerce, les déséquilibres dans les échanges commerciaux, l’intérêt monétaire (et donc toute la sphère financière) ne sont que des éléments dérivés, et le profit qu’on peut y faire est prélevé sur le véritable profit, celui obtenu par le capital investi dans la production. »
Dans un autre ordre d’idées, quelqu’un a-t-il examiné l’ouvrage, qui semble bien intéressant :
Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, de Serge Audier
Tout compte-rendu bienvenu.
Je pense qu’il faut toujours être extrêmement prudent lors de la remise en cause d’un paradigme éprouvé.
Lorsque je me procure un nouveau frigidaire, nulle importance du statut social du vendeur et de l’acheteur.
En tout cas ce qui me semble fausser votre perspective, est l’adjectif « nu » dont vous qualifiez l’offre et la demande, comme s’il s’agissait là de forces abstraites économiquement pures, or c’est là l’erreur ! Il n’y a rien de plus fondé socialement et de plus enraciné dans le terreaux des motivations psychologiques, que l’offre et la demande.
Je me souviendrai toujours du jour où nous avons acheté 6 grands verres à Décorador à Varsovie, et mon amie levait ce grand verre déjà comme pour une libation, dans ce geste s’incarnait tout un imaginaire bien au de la de l’utilité de ce verre et de la réalité de celui-ci. La demande était toute, imaginaire, et donc loin d’être « nue », – substrat de toutes les festivités futures.
Vous attribuez à mon livre l’inverse de ce qu’il dit. J’accumule ici les extraits pour précisément éviter cela : j’arriverai petit à petit à ce que ceux qui comme vous sont déterminés à ne pas le lire, finissent quand même par l’avoir lu entièrement à leur insu.
Bon bin je suis content d’avoir compris l’inverse 🙂
un vieux dicton
ne dit on pas que les choses ne valent ,que pour ce qu’elles sont utiles?
Té …
En parlant de prix, on peut aussi parler de prix du travail pour le prolétaire, soit le salaire.
Y en a un qui disait ‘travaillez plus pour gagnez plus et vous serez plus nombreux à travailler’ (oui je sais, ça a l’air débile comme ça mais 53% de français y ont cru …).
S’avère que non en fait, pas plus d’heures de travail réalisés dis donc (la grossss surprise) :
« Plus d’heures supplémentaires mais pas forcément plus d’heures travaillées »
Que ce serait même un sacré ‘effet d’aubaine’ (tiens, on reviens à la notion de ‘droit d’aubaine’, là …), parce que les capitalistes-entrepreneurs sont ‘propriétaires’ de leurs ‘outil de production’ sur lesquels ils font travailler les prolétaires (pardon, les salariés).
Y aurait pas non plus là quekque chose en lien sur la définition du prix du travail, en lien avec ce qui doit relever du ‘surplus’, soit de ce qu’on appelait ‘les primes’ avant que l’on appelle ça ‘la défiscalisation des heures supplémentaires’ (comme le serait la valeur supplémentaire, apportée par les salariés dans la création de richesse, la plus-value dont une [petite] part reviendrait aux salariés) ?
Quekque chose qui serait pas en lien avec le statut social relatif du salarié au regard de sa position sociale spécifique au sein de sa classe des actifs, employés comme inemployés ?
Et que les dits salariés ‘bénéficiaires’ de la dite ‘défiscalisation’ de leur ‘surplus’ de travail, induisant un surplus de salaire ont donc un statut social relativement plus favorable du fait qu’ils occupent un emploi par rapport à ceux qui n’en n’ont pas, mais sans pour autant remédier au fait que la négociation de leur prix sur leur salaire horaire n’ait bougé d’un iota, face au rapport de force social plus que favorable au capital et à l’entrepreneur ?
Quekque chose à voir avec le divisé pour régner je crois …
à zébu,
Petite correction : pas 53 % des Français, mais 53 % de ceux qui ont voté au deuxième tour.
Par ailleurs, vous avez bien raison de parler de la création de valeur, au sens de richesse, par le travail humain.
Allez voir ma citation d’Anselm Jappe en 31.
Hello, désolé de balancer un pâté, je copie colle un long texte, qui me parait prendre selon une hypothétique inversion ; que tout cela ne peut pas être compris comme économie ou sociologie, mais uniquement compris philosophiquement (puisque je soutiens que la philosophie crée le monde : sans rire …:- ). au sens, développé ci-dessous, de l’Universel comme fondement de l’histoire.
Si l’ensemble d’une société consiste en sa richesse, il apparait que la version courte, limitée, absurde et sans aucun avenir (puisque cette version le supprime de fait) définit cette richesse par l’accumulation de chacun. Le reste, cad l’ensemble de toutes les conditions nécessaires qui permettent à chacun de manœuvre cahin-caha dans son seul vécu sont reléguées au titre de simples moyens, sur lesquels éventuellement selon les conjonctures, on rognera.
Les justifications sont élucubrées de différentes façons, des religiosités aux idéologies, mais tout autant dans le silence et la dissimulation ; ne pas en parler, ne pas exposer le scandale c’est avant tout ne pas autoriser que soit mesuré le taux de profit.
Il est bien clair que tout se joue autour de cette usure. Du boulanger au financier, si le taux d’usurpation est trop élevé et disproportionné, c’est du vol.
Les libéraux bon teint, sont stupéfiants. Ils manient une logique si réduite qui parait couler de source d’une fondation moralisante du monde, et se confortent de leur limitation de mener tout crûment cette moralité jusqu’à ses conséquences les plus idiotes ou absurdes. Puisqu’il n’est aucune morale qui puisse couvrir assumer tout ce qui est et que toute morale en sa finalité propre (et légitime) doit aboutir (sous peine de ne plus rien signifier), déboucher sur une politique ; toute politique est le déploiement élargi et plus ou moins rationnel d’une moralité en soi limitée.
Le libéralisme en ce sens est une vision réductrice tout comme le communisme ou les simplicités écologiques ou les passéismes divers ou les théocraties.
Si l’on veut y contrevenir, il est alors nécessaire d’établir ce qui ne fut jamais ; la comptabilité exacte de tout ce qui constitue ce que l’on nomme « richesse » d’une société. Comptabiliser les conséquences et les effets, les conditions et les égalités comme les libertés, et de modéliser (ce qui n’est pas planifier) ce qui coute et ce qui revient.
Au lieu de cela, de cette modélisation, on nous offre qu’il existe une nature humaine qui s’auto organiserait selon cet impératif aveugle de la seule liberté et sans ajouter que toute liberté dépourvue d’intelligence est livrée aux immédiatetés (aux petits désirs ou au gros égocentrisme qui accumule pour soi seul ou selon une soif soi-disant immanquable de reconnaissance…). L’égocentrisme des puissants est équivalent aux petitesses des moins-que-rien.
Ce qui ne suit pas le donné nécessiteux, des egos ou des petitesses, s’impose par-dessus comme régulation universelle ; et cela n’est pas extérieur à la liberté, puisqu’il n’est de liberté que de partage. Soit donc le seul moyen d’utiliser cette liberté qui lui rende la pareille ; qui la provoque plus libre encore. Ce qui est conservé par devers soi, est abîmé dans l’inutilisable, dans l’investissement absurde et les faux besoins ; des besoins ajoutés aux besoins réels, mais qui font, investissements, font l’impasse sur les besoins de vérité, de justice, de libertés, de réalisations et de prévisions.
Les libertés absurdes, limitées, aboutissent à des monopoles, à la privatisation de l’avenir ; la richesse de tous est confondue avec la limitation de quelques uns. L’impossibilité d’investissements réellement historiques (qui subviennent aux réalités que les monopoles cachent, et engloutissent) c’est l’accaparement de quelques uns qui pensent toujours selon le monde précédant, de leur accumulation qui se perpétue, de leur gloire qui s’impose de plus en plus durement dans la reconnaissance figée, de leur immédiateté à laquelle se condamnent leurs productions.
Fausse reconnaissances, productions destructives, resserrement des monopoles, accumulation inutile de la richesse par quelques uns, épuisement du possible en somme dans un mini monde.
Un monde qui n’assume pas l’universel et reste incapable de répondre adéquatement : il demeure enferré dans son acquisition. Il manque à ce qui constitue le devenir même de l’universel ; de se remodeler constamment. L’universel est actif ou disparait. Il n’est pas un cadre achevé à quelque moment historique, mais la refonte constante qui doit subvenir à cela même qu’il provoquât ; c’est de s’inscrire comme cadre général des libertés, que l’universel pût produire un tel monde humain, qui puisât dans les ressources mis au jour par l’universalité.
De connaissances théoriques ou appliquées, de mesures, de comptabilisation et de monnayage objectifs qui ne malmènent pas que la liberté en question ait à se réfléchir. Et de liberté individuée ou relationnelle, par quoi chacun mène son vécu comme si il était une destination, alors que ça n’est que rencontres et hasards, péniblement attaché à en former une unité qui serait prétendument vivante, organique, significative en elle-même, acteurs sur l’écran embués, emmitouflés. Dont le fondement serait le corps ; le donné-là inerte clos imprenable du corps.
Mais l’universel qui est tout autant le sujet en chacun, et l’universel se débat pour passer outre le monde donné là, pour subvertir en plus grand, en plus puissant, en plus réflexif ce qui se contente d’être-là tel-quel. Le corps du moi, les monopoles ou l’universalité figée du cadre historique font bloc pour emprisonner, clore, replier l’universel ; toutes les réflexions en reviennent à l’être-là de « ce qui est déjà déterminé » (selon un monde acquis). Et parviennent peu, bien peu, à refondre les déterminations dans une autre, une nouvelle universalité.
Les cadres de la liberté, de la vérité, de la réalisation (effective et non pas illusoire ou vaine et gaspilleuse soumise aux nécessités immédiates ou fantasmées) marchent sur leurs propres pas, sans avancer, figés puisque claquemurés dans l’universalité acquise utilisée seulement pour conforter un monde dont le centre s’incruste dans l’inertie (de l’être-là du corps, du relationnel, des nécessités, des fantasmes, de la fausse reconnaissance, de la limitation du libre qui ne se comprend pas lui-même) ; puisque ces encadrements ne trouvent pas dans le monde immédiat, ou historiquement déjà là, de quoi se nourrir, de quoi devenir. Encadrement universel qui célèbre sa propre fondation mais ne peut plus devenir.
Il est donc une inertie centrale qui utilise l’universel acquis, et le replie sur les immédiatetés, et cependant un encadrement universel pur qui manque de devenirs –tant que la richesse ne sera pas assignée à son destin ; le partage égalitaire.
Excellent!!!!
Cette réflexion est dans la continuité de de vos réflexions sur les classes sociales et je la partage totalement.
Je me souviens de débats très durs avec des camarades sur la définition de la bourgeoisie ou je voulais qu’on y intègre aussi la notion de culture et de réseaux.
Est-ce l’oeuf qui à fait la poule ou la poule qui a fait l’oeuf ??
Surement une histoire de concomitance entre la fortune et le statut social mais les 2 se nourrissent mutuellement.
Je me demande si davantage que le statut social des parties, le prix n’est pas le produit d’une formation sociale concrete (la cite grecque, la societe urbaine americaine contemporaine par exemple) ou plutot le reflet du pouvoir qu’a une formation sociale specifique sur les marges de manoeuvre de l’individu. Je reflechissais ces jours-ci (ma voiture est tombee en panne et j’essayais d’echapper au racket automobile en envisageant toutes les possibilites, reparation, achat d’une voiture neuve a credit ou cash, leasing, location, demenager en centre ville et me passer de voiture, zip cars…) a la notion de « bonne affaire » comme dans « j’ai fait une bonne affaire, j’ai achete une Renault Espace d’occasion pour 5000 euros! ». Dans la formation sociale dans laquelle je suis serti (merci pour ce mot), une bonne affaire n’est pas possible, j’ai le sentiment que je me fais avoir a tous les coups, je me cogne aux parois du bocal inevitablement. La seule possibilite d’une bonne affaire, c’est si ma tata Lulu qui m’aime bien me vend sa vieille voiture qu’elle n’utilise plus a un prix tres bas. Mais la, ce n’est plus un echange economique mais un geste d’amour. La seule facon pour moi de faire une bonne affaire, ce serait de changer mon mode de vie, et donc, par mon comportement individuel, de changer a ma petite mesure la formation sociale concrete dans laquelle je suis serti. Habiter en centre-ville, tout faire a velo, passer un BEP de mecanicien et reparer moi-meme ma voiture et donc accepter de laisser mon travail etc… Just a thought….
Hmm… je vois votre problème : vous ne voulez pas reconnaître que votre statut social est… « loser ». 😉
Mais rassurez-vous, dans le deuil, après le déni vient la colère ! … qui vous incitera à voter SuperMario ! ou à ne pas voter du tout !
Ceci dit, tout ça est bien dû à une formation sociale concrète (je n’ai jamais rien dit d’autre).
Je veux bien admettre que mon statut social est « loser » mais au sens ou la formation sociale concrete a laquelle j’appartiens fait que tout le monde est « loser » dans le jeu de la formation des prix, a part un tres petit nombre de personnes qui sont (momentanement comme avec la crise on le sait maintenant, « winners »). Pensez-vous que je sois davantage « loser » que mon garagiste ou mon concessionnaire qui me vole?
C’est la deuxieme fois que vous faites des suppositions sur qui je vote. Ca tombe bien loin de la verite meme si j’avoue que la tentation de ne rien voter du tout m’a effleure parfois. Ceci dit c’est difficile d’essayer de deviner qui sont les gens avec 5 lignes ecrites tous les mois. Je ne crois pas d’ailleurs que ce soit un jeu tres utile.
« C’est la deuxieme fois que vous faites des suppositions sur qui je vote. »
???
De la théorie à la pratique
Le « facteur déterminant » dans la fixation des prix des loyers en France ?
Absence de volonté de régulation de l ‘état , cupidité des bailleurs , coût de l’immobilier , coût des crédits, nécessité de se loger , faiblesse du parc immobilier , culture ultra-libérale préconisant la liberté totale dans la fixation des prix , volonté de défavoriser la propriété ?
En fait , on ne peut étudier la formation des prix sans étudier la formation du pouvoir d’achat .
Fixer un prix déraisonnable implique la mévente , loi naturelle qui selon les libéraux mettrait en branle la main invisible ( la recherche d’un prix qui ne tuent pas les transactions mais les favorisent ) .
Tout çà pour dire que le désir d’achat , tout comme la fixation des prix , sont des choses qui concerne AVANT TOUT la nature humaine, et pas seulement une histoire de coûts et de profits .
Le prix « raisonnable » puise dans ce qui reste du porte monnaie du consommateur , les besoins vitaux ayant la priorité .
Prix et désirs d’achats obéissent à une hiérarchisation , dont les cupides n’ont rien à foutre. En théorie , çà serait à l’état de remettre un peu d’ordre afin que le système fonctionne . Mais les politiques n’ont déjà pas compris, en l’état actuel, pourquoi le chômage était inéluctable , alors pour le reste …
http://www.20minutes.fr/economie/910451-logement-plombe-budget-menages-francais
« L’économique comme l’interaction humaine dans la perspective du prix… »
Vente aux enchères: paire de mules de Marie-Antoinette 43000 euros, manuscrit de Jaurès…Pas de preneur…
Bientôt, nous aurons le droit aux brioches…!
http://www.francetv.fr/culturebox/une-paire-de-mules-de-marie-antoinette-vendue-43225-euros-87929
http://www.humanite.fr/tribunes/le-manuscrit-de-jaures-n%E2%80%99-pas-trouve-preneur-493268
Bonjour,
je n’ai jamais encore pris le temps de lire vos livres, seulement les extraits que vous proposez sur le blogue, et ce depuis quelques années maintenant. Histoire de situer mes potentielles lacunes.
Mon commentaire se base sur certaines idées que je retiens de B. Latour et de quelques autres anthropologues qui s’intéressent comme lui aux ontologies et aux relations humains/non-humains (Descola, De Castro, Brightman, etc.).
Comme (+ou-) anthropologue, je comprends très bien l’inscription de l’économie dans des rapports sociaux et politiques, cela tombe sous le sens. J’apprécie énormément également votre refus de la ligne de « moindre résistance », c’est en toute recherche sociologique la voie la plus féconde. Je comprends aussi les résistances, ça et là, à votre refus de l’isolement de l’économie, comme des signes de modernité, au sens de cette disjonction sans pareille opérée en pensée et en institution entre des « domaines » du monde qui, lorsqu’on s’y intéresse du point de vue réel et pratique, celui des pêcheurs par exemple, n’ont rien de disjoints.
En un sens, votre travail, que ce soit en revenant à Aristote, et en allant de l’avant, s’inscrit dans une non-modernité (je pense à Latour donc), une vision du monde qui théorise à partir de liens réels et non pas de domaines pré-découpés à fin de science et de manipulation. Bref.
Le point qui m’intéressait, dans cet ordre d’idées, consiste à étendre cette économie, ce social, au delà des limites modernes de la société, entendu, des relations stables entre humains. Envisager les relations entre humains et non-humains, que soient regroupés sous cette étiquette, à la manière de l’anthropologie plus classique, les animaux, les défunts, les esprits, végétaux, etc., ou à la manière d’une anthropologie qui se penche sur nos sociétés contemporaines, ces mêmes êtres, mais également les microbes, l’ozone, le cuivre, etc…
C’est probablement une idée qui anticipe beaucoup trop les conclusions qu’on pourrait tirer de cette théorie du prix, et des « questions qui restent à résoudre ». Mais la partie sur « l’ébullition du monde » me semblait ouvrir cette porte.
En tant que, en régime moderne, aucun statut social n’est (institutionnellement) reconnu aux non-humains, à quelques exceptions près (torture animale, etc.), on pourrait peut-être dire que « leur prix sera le nôtre ». Pas de négociation de leur part, appropriation unilatérale, prix « d’exploitations » et de transformation, mais gratuité du premier transfert, de la possibilité même de leur appropriation. Ils n’entrent pas, comme acteur, dans la négociation du prix final, ou des prix intermédiaires.
L’appropriation d’un animal, dans une société de chasseurs-cueilleurs (théorie…), est en général du domaine du « sans-prix », mais cette absence de prix est au contraire lié au statut social de l’animal qui le rapproche d’une personne ou l’identifie comme telle. Cette appropriation économique n’en implique pas moins une politique, en ce sens que la relation de la personne et de son groupe à l’espèce animale est sans cesse l’objet de « négociations » et de « renouvellement de contrat » si l’on veut. Ces négociations ne sont pas dénuées d’économisme, ni de transferts de la part des humains vers les non-humains. Pas d’idée de valeur cependant dans ces échanges, on est dans le « sans-prix ». Ce contre-exemple visait simplement à élargir le propos. J’emprunte le « sans-prix » à Marcel Hénaff.
Je souffre d’un manque de maîtrise des idées économiques, d’un manque d’exemples et d’expérience pratique à leur égard. On pourrait certainement tirer ces idées plus loin, et j’imagine que cela fait partie de votre projet, peut-être pas dans les termes qui m’ont servi à traduire un peu votre pensée. Mais je trouve ce projet extrêmement excitant et prometteur, car il ouvre (avec d’autres certainement) la porte à une pensée non-moderne de l’économie.
Pour ma part je vous invite à poursuivre dans cette voie, je crois que c’est bien de cela qu’il s’agit.
Amicalement. Jicé.
Le prix ne dépends t-il pas simplement des alternatives ?
Et le prix de la monnaie ?
Les véritables changements dans l’histoire de nos sociétés ont été apportés par l’entremise d’avancées technologiques. Ainsi, l’imprimerie a permis l’accès à l’éducation, l’accès à la connaissance au plus grand nombre, la diffusion des idées et même de la contestation… Cela, en son époque a représenté un réel danger pour les pouvoirs politiques.
L’ordinateur personnel a permis une plus grande démocratisation de la connaissance via l’Internet, la communication à l’échelle de la planète, un développement accéléré de diverses techniques dont la robotique, la recherche, etc.
Ce nouvel élan technologique a permis, là encore, un nouvel essor de la contestation. On n’a qu’à penser au Printemps arabe ou aux manifestations gérées via Twitter ou Facebook.
D’après moi pour qu’il y ait un véritable changement de paradigme, il faut qu’il y ait un apport rapide et gratuit de nouvelles technologies, qui puisse permettre aux citoyens ordinaires de s’affranchir des faux pouvoirs, d’avoir accès à plus d’autonomie et à une abondance de ressources.
Il nous faut rendre disponible l’imprimante 3D au plus grand nombre et le plus rapidement. Cette invention modifiera complètement nos façons de produire des biens de consommation dans le futur et rendra caduques nos chaînes de montage. De même, toutes inventions permettant d’utiliser des ressources gratuites et renouvelables : moteur à eau, ressources géothermales, éoliennes personnelles, etc.
L’idée est de donner du pouvoir au plus grand nombre pour que le chantage des 1 %, les pénuries, les fausses raretés, le contrôle des ressources ne puissent plus s’exercer sur les populations, et donc, par voie de conséquence répartir le pouvoir entre tous et non entre quelques-uns.
Cà risque d’être un peu long pour monter sa bagnole …
http://www.kallisto.net/-Impression-3D-.html?gclid=CLiEs-bgm68CFcEPfAodHQ_jdw
Ceci dit, encore une invention qui ne répond pas à la question cruciale :
« .. si la technologie intelligente remplace toujours plus de salariés et les laisse sans revenu, qui va acheter les biens produits et services offerts? »
ps / Bien d’accord avec vous , le monde de demain passera par des énergies bien moins polluantes que celles d’aujourd’hui .
Le problème étant que le monde d’aujourd’hui fait de la résistance …
Ne limitez pas votre pensée.
On peut facilement imaginer que dans moins d’une dizaine d’années, on pourra obtenir une véhicule moulé d’une seule pièce ou encore un pan de maison.
Imaginez la révolution technique et économique!
« On peut facilement imaginer que dans moins d’une dizaine d’années, on pourra obtenir une véhicule moulé d’une seule pièce ou encore un pan de maison. »
On peut en rêver mais ce qu’on sait faire n’est presque toujours qu’un plan en 3 dimensions. C’est déjà très utile mais ça ne donne pas des objets utilisables (sauf cas très particuliers.)
« Imaginez la révolution technique et économique! »
Une telle révolution (pas sur du mot, mais bof !) est en cours en ce qui concerne les livres, la musique enregistrée, les images fixes et animées, les logiciels informatiques. Dans tous ces domaines le « plus grand nombre » peine à prendre conscience des possibilités offertes et les anciennes industries concernées peinent à garder le contrôle de leurs marchés mais de nouvelles industries crées à cette occasion prospèrent.
J’ai l’impression que les cas où la mise au point du premier exemplaire est extrêmement coûteuse mais où le coût marginal est infime n’intéressent absolument pas les théoriciens de l’économie (pour les logiciels informatiques vendus sur Internet il est par exemple quasiment nul si bien que quand le nombre d’exemplaires vendus est très grand les profits sont fantastiques.) Les gouvernements et la presse ne s’y intéresse que sous l’angle du « piratage »…
30 ans plus tard …
» chéri , tu devrais aller dans le jardin .
Le petit à encore téléchargé la tour Eiffel! «
Un dénommé Jorion, petit nom Thomas a quitté la finance et l’assurance pour la photographie.
Ses clichés rassemblés dans un livre ILOTS INTEMPORELS ou le temps à l’oeuvre et ses effets inflationnistes, ce qu’il reste lorsque la vie se retire. Des images qui donnent une valeur toute relative à ces lieux de création de richesses. Une autre mise en scène de la valeur.
Un peu décalé avec votre billet mais de belles illustrations.
J’ai comme d’autres du mal à saisir si vous jouez exprès ou pas sur Fortuna, chance hasard destin ou simplement capital.
Quelque chose passe à la trappe avec ce terme de « statut social », qui précipite à évaluer, à imaginer, un niveau de capital ou de pouvoir d’achat.
Il laisse dans l’ombre la richesse du savoir comme tel, ce capital virtuel dont usent toutes les formes d’organisations sociales.
Bien sûr que l’accès aux savoirs est facilité par l’argent disponible, mais c’est d’abord – au moins dans les pays où existent des systèmes boursiers – la transmission de l’environnement familial qui favorise ou défavorise la jeunesse dans l’accès aux savoirs. C’est aussi devenu sensible en France dans la multiplication des écoles privées, où se retrouvent – et pour quelques dollars de plus – une sélection reproductible d’une génération, à « bon » statut social déjà acquis.
Les savoirs sont devenues la clef des échanges ascendants ou descendants de statut social, avec l’apparition de nouveaux et la disparition d’anciens métiers.
On peut trouver des leviers politiques pour déranger cet ordre établi mais on a pu remarquer qu’il était plus facile à un gosse d’ouvrier d’accéder aux disciplines scientifiques pures plutôt qu’aux sciences humaines, car le capital de savoir à acquérir n’est pas de même nature. Et des dynasties sont maintenant en place.
Là où le politique a peu de prise, c’est dans ces affaires de désir des parents pour leur progénitures, et les identifications qui seront opérantes pour leurs gosses. En gros, on a les désirs raisonnables de son statut social, l’aliénation dans l’accomplissement du désir parental (au mieux, quand il y a en) est banale, la rupture plus rare. Le jeune fils De Villiers en bisbille avec son clan en témoigne très bien.
C’est par ce biais que s’installe une nouvelle élite après une révolution qu’elle soit politique, industrielle, informatique ou numérique, ce biais de la reproduction du même qui devient règle, avec des exceptions payantes ou coûteuses subjectivement comme toujours.
L’abandon progressif de la transmission transgénérationnelle quasi-identique des statuts sociaux, de l’immobilisme de l’aristocratie de droit divin, du clergé, et du tiers-état, n’a été possible que par les effets de la révolution scientifique qui a perturbé un monde pas si immobile que ça dans la durée, mais semblant figé à l’échelle de mémoire humaine, mémoire humaine à l’époque peut instruite majoritairement de la marche du monde sinon par sa place occupée et donc déjà réglée.
Rien à voir entre les deux derniers siècles et tous les précédents, coté mouvement des statuts sociaux, dans le passage d’un monde paysan majoritaire à la luxuriance de l’actuelle diversité.
L’accélération récente de la mondialisation pourrait donc limiter la déportation de la juste analyse d’Aristote constatée dans l’immobilité de l’espace grec antique, à notre espace mondial, mouvant en crises tellement permanentes que c’en est devenu le régime normal.
En dehors de la promotion de l’oxymore de la révolution permanente, ou ponctuel comme la révolution culturelle chinoise, je ne discerne pas de leviers politiques propres à enrayer la transmission identificatoire intra-familiale des savoirs.
Je joue exprès.
OK, merci !
@ Rosebud1871
Merci d’avoir si bien exprimé ce que je n’arrivais pas à formuler.
Casser l’enchainement de la « culture familiale » pour en transmettre les modifications durement acquises relève de l’héroïsme.
Rosebud1871
Ne confondez-vous pas deux questions distinctes, avec d’une part la diversification des statuts sociaux et d’autre part le statut social (structurellement déterminé) comme facteur déterminant pour l’accès à la fortune ?
Les statuts sociaux sont relatifs ou réciproques, comme le précise Paul Jorion. Ils ne tirent pas leurs pouvoirs d’eux-mêmes. Si les riches sont riches et sont donc gagnants dans les rapports de force pour l’obtention des profits, ce n’est pas fondamentalement parce qu’ils disposent d’un certain stock de capital ou d’un pouvoir d’achat, mais parce que la structure sociale est telle qu’elle leur accorde généralement le bénéfice de la meilleure crédibilité et de la meilleure fiabilité ce qui les placent en position avantageuse pour effectuer les transactions dans lesquelles ils s’engagent, pour acheter, vendre, obtenir des prêts, prêter, l’institution de la propriété, le droit des affaires, et les pouvoirs judiciaire et de Police qui les garantissent au besoin par la force y pourvoyant. Le statut social précède donc bien la fortune et non l’inverse.
Plus fondamentalement encore cet édifice repose sur un certain nombre de représentations qui légitiment la structure, ce qu’on appelle l’idéologie. La science économique en fait partie.
La structure c’est un ordre des choses qui a une existence matérielle, mais cet ordre matériel n’aurait pas pu voir le jour s’il n’avait d’abord eu une existence idéelle.
Jusqu’au jour où l’édifice se fissure, car il apparaît que les petits gains pour les petits joueurs deviennent difficiles, voire impossibles, que le jeu n’en vaut plus la chandelle, que l’ordre social doit donc être critiqué pour ce qu’il est.
Le levier fondamental il se trouve donc dans les représentations sous-jaçantes à la structure sociale.
Le catalyseur de sa transformation c’est le sentiment de révolte suscité par l’inadéquation de la représentation sociale associée pour chacun à son statut et la réalité présente dudit statut que l’explication antérieure ne peut plus justifier : le sentiment nous fait alors prendre collectivement conscience que c’est la structure qui est en cause par delà la question des positions sociales individuelles. La nécessité de redéfinir le « nous » ou plutôt de lui donner une existence qui s’effilocher devient urgente.
à demain promis !
@Pierre-Yves D.5 avril 2012 à 01:35
L’effet du rouleau compresseur de la science modifie à l’œil nu à l’échelle d’une vie, le panel des activités professionnelles possibles. Quel est le point commun entre la fortune d’un Bill Gates et celle de M. Godin si ce n’est d’avoir crûe, du fait qu’ils aient cru aux effets d’un usage des puces pour l’un, du charbon et de la fonte pour l’autre. Et puis l’usage de leur fortune entre Fondation et Familistère est aussi l’effet de l’air du temps dans leur espace eco-pol.
C’est à distinguer bien sûr pourtant ça s’articule.
Oui le statut social, comme le phonème, défini par différenciation-opposition à un autre.
L’assertion « Le statut social précède donc bien la fortune et non l’inverse » n’est pas fausse mais est-elle toujours vraie ? Non, sinon vous décririez alors un monde figé depuis la nuit des temps, ce qui ne tient pas.
Même quelque chose d’aussi fixé que le statut social du Roi de France, immobile dans sa définition, a eu de considérables fluctuations dans ses rapports de forces à d’autres statuts sociaux depuis ses origines.
Il reste donc une certaine élasticité à ce que vous appelez structure (en parlant de « déterminisme structurel » cette élasticité qui rend notre monde mouvant malgré son aspect répétitif. Je doute que « structure » dans « les structures élémentaires de la parenté » ou dans « infra-structure économique » et « super-structure idéologique » aient la même consistance, pour autant chaque syntagme est un bon opérateur, un ouvre-boîte opérant.
Tout à fait d’accord pour votre remarque concernant la tension entre représentation sociale transmise et sentiment personnel de réalité, vous dites « inadéquation ». Ce hiatus où le sens fuit, s’égare, devient flou, énigmatique, ce qui crée un malaise multiforme, demande à être refermé par de nouvelles représentations plus fidèles à ce qui se passe, et d’intervenir réellement donc sur le sentiment de réalité. Le sens finit toujours par boucher le non-sens; il est là pour ça !
Carl Orff – Carmina Burana – O Fortuna
http://www.lastfm.fr/music/Carl+Orff/+videos/+1-QEllLECo4OM
Paroles et traduction de O Fortuna
O Fortuna (O Fortune)
O fortuna
O fortune
Velut luna
Comme la lune
Statu variabilis
Tu es variable
Semper crescis
Toujours croissante
Aut decrescis,
Et décroissante
Vita detestabilis
La vie détestable
Nunc obdurat
Opprime d’abord
Et tunc curat
Et apaise ensuite
Ludo mentis aciem
Comme la fantaisie la prend
Egestatem
Pauvreté
Potestatem
Et pouvoir
Dissolvit ut glaciem.
Elle les fait fondre comme la glace.
Sors immanis
Sort monstrueux
Et inanis
Et vide
Rota tu volubilis
Tu es une roue tournoyante
Status malus
Tu est malveillant
Vana salus
Le bien-être est vain
Semper dissolubilis
Et se fane toujours pour rien
Obumbrata
Ombragé
Et velata
Et voilé
Michi quoque niteris
Tu m’infestes aussi
Nunc per ludum
Maintenant à travers le jeu
Dorsum nudum
J’apporte mon dos nu
Fero tui sceleris.
A ta méchanceté.
Sors salutis
Sort du Salut
Et virtutis
Et du courage
Michi nunc contraria
Maintenant opposé à moi
Est affectus
Léger
Et defectus
Et surchargé
Semper in angaria
Toujours asservi
Hac in hora
Ainsi à cette heure
Sine mora
Sans tarder
Corde pulsum tangite
Cueille les cordes vibrantes
Quod per sortem
Lorsque le sort
Sternit forterm
Frappe l’homme attaché
Mecum omnes plangite !
Tout le monde pleure avec moi !
http://www.lacoccinelle.net/246606.html
Avez-vous eu le temps de consulter le dernier ouvrage d’Aglietta, L’empire de la valeur ? (publié après « le prix » )
Il me semble que son analyse est intéressante et peut être pas si éloignée de la votre …
oups !!! c’est un ouvrage écrit par Orléan
Vous voulez probablement parler d’Orléan plutôt que d’Aglietta.
Un commentateur ici avait affirmé qu’il s’agit d’un plagiat de mon livre Le prix. J’avais répondu que je ne pense pas que ce soit le cas. Il me semble que la projet d’Orléan est – comme le mien – de proposer une nouvelle théorie du prix. Nos tentatives sont parallèles, la différence réside dans le fait qu’il cherche une explication « psychologique », là où je propose moi une explication « sociologique ». Vous ne serez pas trop surprise si je dis que je pense avoir réussi là où lui échoue.
La preuve qu’Orléan a échoué là ou Jorion a réussi ? Le premier a eu son prix spécial du jury Turgot…
Alors que le second remet son ouvrage sur le métier devant son jury bloguesque… qui, apparemment, peine énormément à remettre en cause les premières conclusions au regard des derniers débats…le « ré-accouchement » suggèré (le presqu’intimé et intime « faut-il modifier les conclusions… » ) par le boss semble appeler le forceps…
Ce serait la lutte des classes à l’intérieur du marché…
Que la loi de l’offre et la demande ne s’applique plus quand elle met en danger la survie humaine.
Le pécheur propose un prix minimum, car il doit survivre, meme s’il y a peu de demande.
Et la demande qui reste…Doit payer!
Etonnante loi de l’économie, non?
Mais elle est vitale…
Remarquez qu’elle est dans le sens de ma théorie non pas « heuristique » mais celle du feedback biologique du maintient un milieu propice à la vie, et qui a existé dés la premiere cellule vivante.
Ni trop, ni trop peu….
C’est tellement éloigné de l’actuelle mentalité néolibérale…
La stabilité économique nuit à la spéculation et la formation des riches, pas des richesses, nuance!
La stabilité de la monnaie favorise la richesse individuelle au détriment de la richesse collective.
La monnaie est un instrument variable qui doit stabiliser l’économie mais non pas elle meme.
Une monnaie stable est fondamentalement absurde.
Une monnaie instable détruit la spéculation, mais permet la vitalité et l’adaptation continue de l’économie réelle…
Ce sont les lois futures de l’économie politique du milieu du XXIeme Siécle…
On réintroduit les loups. Puis on change d’avis. Après on changera encore d’avis, etc.
Des photos de loups morts ravivent les tensions aux Etats-Unis
Parenthèse zoologique, qu’on s’interdira de commenter ne sachant pas quel valeur métaphorique Paul lui attribue.
La pianiste Hélène Grimaud joue avec les loups.
Ici elle joue du Mozart : Concerto pour piano no. 23 en La majeur K. 488 : Adagio.
On n’est pas encore tout à fait rationnel. Plutôt que les éliminer, quitte à expérimenter On devrait les envoyer à Fukushima.
« Qui a peur du grand méchant loup, méchant loup… » Ouaip, c’était le grand méchant loup aussi qui croquait le gibier dans les forêts seigneuriales aussi, pas les croquants… Pis aussi le loup-garou qui croquait, violait, éventrait les petit(e)s croquant(e)s…
L’homme est un renard pour le loup. L’a qu’à bien s’tenir l’bestiau…
hors sujet
Depuis l’immolation du jeune Tunisien de Sidi Bouzid, et d’une dizaine de personnes en Égypte, en Algérie et en Mauritanie, au tour de l’Italie, il y a qques jours, un maçon à Bologne et un Marocain de Vérone, passés sous silence, plus dérangeant qu’un fait divers. Aujourd’hui, à quelques mètres du Parlement grec, Le suicide d’un retraité dans les rues d’Athènes bouleverse la Grèce
Hors sujet :
http://www.imdb.com/title/tt0037638/
Detour (1945)
An unforgettable accident that paved the low road for film noir
… Thus Savage’s Vera entered film history as the hardest-boiled of its femmes fatales. And Neal never knew what hit him.
http://www.youtube.com/watch?v=vlQ9xdHyVqs&list=LLM7YDFq9ZOl5gCCTSU2R-aw&feature=mh_lolz
Du même cinéaste on peut voir, 1930 people on sunday :
http://www.youtube.com/watch?v=sEH1roiLHUQ
http://www.imdb.com/title/tt0020163/
http://www.imdb.com/title/tt0019655/
People on Sunday (1930)
Having said that, I would like to point out two additional things about this film, that make it unique. First of all, with its on-location shot, its amateur actors and its next-to-nothing, yet social realist story, it is a rare fore-runner of the post-war cinema of Italy etc, that has not acknowledged. (Then again, Rosselini et al never saw this film, but then again, where is the « neo » in « neo-realism » coming from.)
En fait c’est déjà du Romer avant l’heure ! en 1930 !
Thats what makes this film even more special in my thinking. It shows that there could have been potentially another Germany … !
Eu oui, si libre, sans même de scénario… un véritable bonheur.
========================
On peut voir aussi Asphalt, 1929 :
http://www.imdb.com/title/tt0019655/
http://www.youtube.com/watch?v=10peez4xUVs&feature=relmfu
Si le prix est une formation sociale, alors nous pouvons agir sur lui (en tant qu’intervenant dans la vie quotidienne); cela peut-il marché pour des prix internationaux, comme les prix du gaz et du pétrole… Dans ces cas la négociation ne se déroule pas entre l’offreur et le demandeur, mais entre élites négociatrices, je pense plus particulièrement au gaz. Le fait d’accepter ce prix serait le signe de notre impuissance politique…. VOIRE SANS doute militaire à la différence des USA et du pétrole. A ce propos la fixation du prix des matériels d’armement ne doit pas être mal non-plus…. Votre analyse comprend-t-elle les rétro-commission et les Bakchich. Pensez -vous que dans la formation du prix du gaz nous avons la rétribution d’un ancien homme politique allemand d’importance internationale qui a récemment fait la promo d’un réseaux physique de distribution gazier via l’Allemagne de l’Europe pour éviter l’Ukraine…. C’est une formation politique issue de la formation sociale entre l’Allemagne, la Russie, et l’U.E. ou se trouve -t-on dans des stratégies de fixation d’un prix hors prix monétaire ( pour service rendu).
alors même ses domaines là peuvent être aborder (avec pincette et pince à « beau lingerie » svp).Si les consommateurs ne sont pas informés de l’informelle négociation sur des prix réglementer alors « c’est parce que j’ai pas le statut social pour en coller une à un président….
Bonjour Paul,
A lire
, je me demande s’il peut être possible qu’il ne l’ait pas envisagé ! Mais qu’en bon stratège il ait trouvé plus « percutant » ou « pertinent » de reprendre les outils (les théories) de ses adversaires pour en » démontrer les limites, les erreurs « pour l’écrire simplement.
BAV
L’Emmerdeur
Quant aux marché de l’eau en France avec nos grands champion du bidonnage des déléguations de services publics ….ça marche aussi. Je comprends maintenant pourquoi je me fais « u »!
http://www.youtube.com/watch?v=qJ5-FoiBuVc
Scotch & Sofa – Visite des Recoins
http://www.youtube.com/watch?v=pgjl_GomWwQ
Je pense que cette réflexion nous montre le chemin a parcourir de la démocratie réel (plutôt censitaire) à la véritable démocratie politique et économique….
Le prix n’est pas différent de la valeur.
La valeur économique d’un travail se confond avec la valeur sociale du travailleur.
Il n’est pas plus le fruit d’un marché, d’une offre et d’une demande, que le résultat des différenciations sociales.
Dans un univers sans marché, les différenciations sociales se fondent sur des aptitudes individuelles et une compétition entre les individus qui structurent et distribuent les tâches et les rôles de chacun, qui déterminent les règles communes, les lois et les interdits,
et qui fondent la légitimité et la régulation sociale entre les individus, le juste et le vrai.
Dans des économies monétaires de marché, la régulation sociale entre les multiples individus se fait via le commerce des valeurs. L’univers social tout entier est soumis au prix. c’est le prix qui fixe les degrés de la différenciation économique et sociale entre les individus qui, par le jeu de la compétition, accumulent des possessions, autrement dits des valeurs, c’est à dire leur valeur propre.
L’accumulation de valeurs est donc un mode de différenciation social, forme moderne de l’invariant anthropologique de la domination sous une forme moins primaire que la force brute, que l’on appelle le pouvoir d’achat.
Le dominant moderne et civilisé, cherche donc à accroitre sa domination sur le monde, sur les choses et sur ses semblables non plus en écrasant les autres ou en les tuants, mais en accumulant des biens matériels, un pouvoir d’achat qui lui permet de se différencier des autres sur cette échelle de valeurs.
Le prix, la valeur, est indissociable de la monnaie, mais la monnaie n’a pas de valeur en soi, elle est symbolique et politique, fondée sur une convention sociale et l’institution d’un pouvoir. Dans ce système, ce ne sont pas les prix en eux-mêmes qui importent mais les rapports entre les prix qui déterminent la hiérarchie des valeurs.
La monnaie n’a pas de valeur en soi, elle n’a de valeur qu’entre soi, dans la zone d’échange précisément qu’elle définit, un espace monétaire où les valeurs s’échangent les unes aux autres, changent de mains et de propriétaires.
Seule le régime de la propriété privée permet l’accumulation des valeurs et donc les différenciations sociales basées sur celles-ci.
La monnaie ne sert pas à satisfaire des besoins ou des utilités, elle sert à satisfaire des désirs : désirs élémentaires comme boire, manger, se vêtir, mais aussi désir de possession , avoir une maison, une voiture, une retraite…et désir de puissance, désir de grandeur, désir de pouvoir et de domination…la monnaie est la possession dans son acception la plus complète, le désir matérialisé, tant est si bien que l’on confond parfois le moyen avec la fin. L’argent devient lui-même objet de désir alors qu’il n’est qu’un moyen de satisfaire nos désirs.
Mais l’argent, ce grand facilitateur des échanges, et aussi le grand corrupteur.
Tiré profit veut bien dire tirer le maximum d’un échange ou d’un travail à son avantage et au détriment de l’autre. Les désirs de l’homme étant illimités et parfois même immoraux, l’usage de la monnaie et du crédit (le désir immédiat) comme moteur de l’économie par
son pouvoir d’acheter les choses, puis les hommes et le produit de leur travail, conduit inévitablement à l’expression de la domination des uns sur les autres, mais non plus sur un mode guerrier comme auparavant, mais plus sur un mode pacifié en apparence par les différences d’accaparement. Celui qui possède les choses, possède les hommes et celui qui possèdent les hommes, dirige le monde, où en tout cas le croient-ils.
Dans la compétition grégaire pour notre survie, les individus, puis les groupes sociaux aux intérêts communs se constituent pour assurer leurs dominations et la domination de leurs descendances via leurs possessions.
Dans ce processus, la structure sociale est stable tant que les règles de répartition des possessions sont acceptées comme étant justes.
Lorsqu’elles viennent à être contestées, lorsque le sentiment d’injustice prédomine, lorsque la corruption est trop forte, la société se délite. La régulation du corps social se fait de plus en plus mal, sa reproduction à l’identique vacille et les élites le sont de moins en moins. Ainsi, en 1789, la légitimité du roi hérité d’un droit divin basé sur la possession de terre et un système d’accumulation par héritage de naissance fut renversé.
Mais le système capitaliste qui l’a remplacé, basée sur l’accumulation de la monnaie,
n’a fait que remplacer le droit divin par le droit du capital, un régime d’accumulation par un autre, sans véritablement renverser le principe de la possession et de l’aliénation.
On peut donc hypothéquer la fin du capitalisme dans les excès de ce dernier, dans l’accumulation démesurée qui détruit les valeurs , c’est à dire les références sociales sans lesquelles les individus ne trouvent plus leurs places. A la crise matérielle succèdera la crise morale et démocratique qui établira de nouvelles règles de légitimation de nouveaux dominants.
Si la valeur et le prix, c’est la même chose, alors, cessez d’utiliser le mot « valeur ». Cela simplifiera les choses.
Prix et valeur.
Je pense que le prix n’est pas la même chose que la valeur.
Le prix constate à un moment donné ce que doit payer l’acheteur pour obtenir une marchandise et réciproquement ce qu’attend le vendeur pour accepter la transaction.
On sait que le prix d’une marchandise à un moment donné est le résultat d’un rapport de force tempéré par la coutume et que ce prix de vents n’a pas toujours un rapport logique avec le prix de revient théorique.
La valeur est un terme passe partout dans le vocabulaire économique et le vocabulaire moral.
Je préfère parler de la valeur d’échange, de la valeur d’usage et de la survaleur qui est le synonyme de la plus value.
Le prix c’est bien évidemment la valeur d’échange et dans ce prix le profit est une composante essentielle.
Il est nécessaire aussi de savoir si les mots sont utilisés dans le cadre de la production ou dans celui de la circulation.
Quelle est la différence entre la valeur d’échange et le prix ?
Quelle est la différence entre la valeur d’usage et l’utilité ? C’est qualitatif la valeur ? Si oui, on ne peut pas la mesurer et à quoi ça sert d’en parler ? Et si c’est quantitatif, quelle est la différence avec le prix ? … et avec la valeur d’échange ?
Le prix (2010), un livre où on vous explique le prix en termes de prix et de prix uniquement !
@Paul Jorion:
//// Quelle est la différence entre la valeur d’échange et le prix ? ///
Avis exogène hétérodoxe :
Pour moi le prix serait une réduction , moyenne , simplification … de la valeur . Cette derniere etant relative a l’ époque , la date, le lieu et surtout a l’interaction (affective) entre l’émetteur et le récepteur (rémanence de l’ échange et du don) .
Si je peux vendre 100 euros un objet , je vais préférer le vendre 10 euros pour combler un contre donqui me met en dette par rapport a un individu avec qui j’ai établi des rapports …Ce peut meme etre mes parents qui étaient « redevable ». Le prix restera à 10 euros pour ne pas faire perdre la face a mon débiteur .
La valeur d’ usage serait une valeur neutre ou « moyenne » qui exclurait l’ historique .Donc le temps .
« La valeur, c’est le prix moyen », « … c’est le prix instantané… ou quand il cesse de bouger… », etc.
Hélas, tout cela a déjà été essayé, et rien de tout ça n’arrive à fonctionner.
La valeur, on le sait maintenant (article de Sylvain Piron), c’est une invention d’Albert le Grand (1193-1280).
à Paul Jorion,
Nous avons déjà abordé cette différence entre votre langage et celui que j’utilise, comme je l’ai appris il y a plus de quarante ans chez Marx et chez Debord.
« Mais de même que la marchandise est à la fois valeur d’usage et valeur d’échange, de même sa production doit être à la fois formation de valeurs d’usage et formation de valeur. » Le Capital, Troisième section, chapitre VII, traduction de J.Roy)
« La valeur d’échange n’a pu se former qu’en tant qu’agent de la valeur d’usage, mais sa victoire par ses propres armes a créé les conditions de sa domination autonome. Mobilisant tout usage humain et saisissant le monopole de sa satisfaction, elle a fini par diriger l’usage.Le processus de l’échange s’est identifié à tout usage possible, et l’a réduit à sa merci. La valeur d’échange est le condottiere de la valeur d’usage, qui finit par mener la guerre pour son propre compte. » Guy Debord, la Société du Spectacle, thèse 46.
Les valeurs d’échange et d’usage sont dialectiquement liées. Dans la société marchande elles s’opposent l’une à l’autre et ne peuvent exister l’une sans l’autre.
La valeur serait-elle qualitative ? Non.
La valeur d’usage est-elle qualitative ? Oui
La falsification de tout, de l’air qu’on respire à la nourriture en passant par les sciences et le vaste domaine appelé culture, n’est pas mesurable. Ce n’est pas pour celà que cette falsification marchande n’est pas réelle.
« S’efforcerait-on de n’en rien savoir, les rêves comme les nuages sont exacts ». Annie Le Brun, Appel d’air. Présentation de la réédition (août 2011)
P.S. Il me semble que vous avez présenté ce texte « les nuages sont exacts », il y a quelques semaines, ce qui est bien logique puisque vous y êtes cité à côté de l’Encyclopédie des Nuisances.
Ce qui semble poser problème entre le prix et la valeur, c’est que si le prix est le résultat, à un moment donné de la confrontation d’une offre avec une demande, elle refléterait imparfaitement la valeur intrinsèque de la chose échangée. Valeur d’usage, valeur d’échange, valeur utilité, valeur rareté, valeur travail, toutes ces constructions théoriques ne peuvent résoudre le paradoxe qui est que si le prix reflète la valeur d’une chose, comment expliquer que ce prix ne soit pas fixe et quand bien même on peut imaginer des prix fluctuant et une valeur fixe, comment exprimer cette valeur ?
L’aporie d’une telle approche est en réalité celle d’une croyance que la valeur d’une chose est une valeur en soi, et qu’il existerait un maître étalon pour en mesurer exactement la quantité fixe.
Mon approche que vous semblez brocarder renverse ce pré-supposé : et si la valeur n’était pas fixe ? et si l’échelle de mesure était élastique ?
Incidemment, l’hypothèse que je formule est la suivante : la confrontation de l’offre et de la demande ne suffit pas à l’échange, car c’est oublier que offreurs et demandeurs sont sous contraintes budgétaires. Autrement dit, le fait d’être riche ou pauvre influence le sens de la négociation, et le sens des arbitrages entre prix et quantité que chacun est prêt à négocier sur un marché. Cela signifie que l’échange est déséquilibré puisqu’il y a des gros acheteurs ou vendeurs et des petits acheteurs ou vendeurs, qui n’ont pas le même pouvoir de négociation du simple fait de leur richesse plus ou moins grande. Or il se trouve que cette dotation initiale reflète en grande partie des positions sociales différentes, des pouvoirs d’achat différents, des capacités d’accaparement différentes, c’est à dire des échelles de valeurs différentes qui expriment, en termes relatifs et non absolus la préférence des agents.
Cela revient à dire que chaque acteur se présente sur le marché avec son système de valeur sous le bras, largement conventionnel, hérité des us et des coutumes de son rang et que l’opération d’arbitrage qui consiste à opérer des choix pour affecter aux mieux les valeurs que l’on possède aux valeurs que l’on désire se confrontent à celles des autres via le mécanisme des prix. Ainsi donc, je dis que les valeurs sont comme les prix, c’est à dire que c’est un rapport social aux autres qui déterminent et l’échelle de valeur et les valeurs qui en découlent en même temps au travers de la formation du prix. La valeur peut donc fluer alors que le prix, en fixant cet état, permet de réaliser l’échange, c’est à dire la substitution d’une valeur par une autre entre des échelles de valeurs différentes.
Le prix est le résultat d’une négociation entre le vendeur et l’acheteur. La valeur serait un attribut d’un bien qui ne dépendrait pas d’une telle négociation.
Quel est le prix d’un verre d’eau? En France on est proche de la gratuité, mais si vous êtes dans le désert, assoiffé, proche de la mort, vous allez accepter un prix élevé pour ce verre d’eau. On peut donc parler du prix d’un verre d’eau mais pas de sa valeur. La valeur est fondée sur un implicite (ce serait une caractéristique absolue du bien) qui n’est pas vrai.
L’ÉCONOMIQUE COMME L’INTERACTION DU PRIX DANS LA PERSPECTIVE HUMAINE …….
C’est pas mal non plus !!!
Moi, à propos du prix – je n’ai pas lu le livre de Paul Jorion j’avoue – j’en reste au ras des pâquerettes. Je veux dire des tulipes. Qui ne connait pas la fameuse crise des tulipes du XVIIe siècle ? N’ illustre t-elle pas comment dans une économie pré capitaliste se forme le prix d’un produit ? Il évolue en fonction du marché.
Les tulipes étaient très appréciées. Relisez la Tulipe Noire d’Alexandre Dumas.Le marché ayant explosé chacun se mit bien sûr à en planter. Et bien évidemment l’année suivante les cours s’effondrèrent avec un marché saturé.
Même chose avec les actions de la Compagnie du Mississippi de Law au début du XVIIIe siècle. Leur prix s’effondra d’autant plus vite que tout le monde en possédait. La confiance. Quand on s’aperçut que la Louisiane n’était en rien un el dorado on la perdit d’autant plus rapidement. Pourtant Law était un habile financier. C’était un joueur de cartes hors pair. A la limite de l’escroc comme tout bon financier qui se respecte…
J’ai lu le livre il y a quelque temps de cela et il me paraissait d’une extrême densité.
Une question qui me vient cependant : vous ne vous êtes pas intéressés au High Frequency Trading dans votre livre et je ne crois pas que les algorithmes du HFT correspondent à la théorie de la formation des prix que vous concevez. Notamment, ce que vous appelez, si je me souviens bien, la philia aristotélicienne, c’est-à-dire la prise en compte des besoins de la contrepartie dans le mécanisme de négociation du prix pour la préservation de l’intérêt général (donc se préserver de la faillite).
Il est peut-être vrai que la philia existe dans les marchés financiers (vous évoquez même un trader qui préfère appeler un concurrent pour lui conseiller d’annuler l’ordre qu’il a effectué, afin de le sauver de la faillite) mais est-ce que les mécanismes qui libèrent les marchés financiers de l’emprise humaine ne sont pas un frein à votre théorie ?