L’ÉCONOMIQUE COMME L’INTERACTION HUMAINE DANS LA PERSPECTIVE DU PRIX

Ce que je vais faire ici est un peu inhabituel : je vais vous proposer comme billet, trois pages d’un de mes livres. La raison est la suivante : dans « Les questions qui restent à résoudre » que je termine en ce moment de rédiger, je reviens entre autres, et dans une perspective plus globale, sur des questions que j’ai déjà évoquées dans mon livre « Le prix » (2010 : 295-297). La question que je vous pose, c’est celle-ci : à la lumière du débat que nous avons eu il y a quelques semaines autour de mon feuilleton des « questions à résoudre », faut-il modifier les conclusions que je proposais dans ce livre il y a deux ans ?

L’économique comme l’interaction humaine dans la perspective du prix

Une nouvelle théorie de l’économie est impliquée par la double hypothèse développée dans cet ouvrage, du « prix comme interaction humaine », et de « l’économie comme les choses dans la perspective du prix ». Il a été suggéré ici que l’équation abondance ou rareté des personnes contribuant à définir le risque de crédit qu’elles constituent pour les autres, à quoi s’ajoutent la dangerosité des activités exercées et l’irrégularité de celles-ci, le risque global des personnes déterminant leur statut, le statut relatif de différents sous-groupes définissant le prix, procure le cadre d’une nouvelle théorie de la société où le prix des personnes détermine le prix des choses.

Une ligne qui se dégage, et qui s’inscrit logiquement dans l’évolution récente de l’anthropologie économique, est la nécessité d’envisager l’économie non pas comme un domaine autonome mais comme un élément serti (embedded) dans le contexte sociopolitique. C’est là une réalité à laquelle m’a confronté la décision de prendre au sérieux les conceptions qu’entretiennent les acteurs qui me fournirent mes données initiales relatives aux marchés de producteurs. En accordant foi aux représentations des pêcheurs artisans européens et africains eux-mêmes sur la formation des prix, j’ai refusé de suivre la « ligne de moindre résistance » qui s’offrait tout naturellement à moi : qu’en cas de désaccord entre le pêcheur et l’économiste, ce dernier avait nécessairement raison et le premier nécessairement tort.

En dépit de la possibilité toujours offerte au pêcheur d’alterner ou même d’invoquer simultanément le modèle de l’économiste valant pour la Réalité-objective et son modèle à lui valant pour le monde réel, leur mise en parallèle finit toujours par achopper sur ce fait central à l’économie telle qu’elle est vécue par le pêcheur : l’importance vitale de pouvoir « défendre sa marchandise » au cours de la vente, condition sine qua non pour lui, non seulement de la réussite sociale mais plus simplement de la satisfaction humaine. La perspective qui se dégage dans la ligne esquissée par le pêcheur évoquant ses ventes, suggère en effet que le facteur déterminant de la formation des prix ne serait pas la confrontation nue de l’offre et de la demande mais le statut réciproque des parties mises en présence dans la vente des produits de la mer.

Cela signifie que l’« économisme » inhérent aux sciences sociales contemporaines, et qui conduit souvent à rendre compte de la sociologie de nos sociétés en termes de leur contexte économique (voire – dans le pire des cas – à vouloir construire une sociologie autour de l’homo oeconomicus), devrait être inversé : c’est au contraire, semble-t-il, l’économie dont il devrait être rendu compte dans le contexte du tissu social dont nos sociétés se composent. C’est donc un « sociologisme » qui remplacerait nécessairement l’« économisme » dans des réflexions du type de celle que je mène ici.

Pour ce qui touche au débat interne aux sciences économiques, entre économie politique et science économique (marginaliste), il devrait être clair que, dans l’examen des faits présentés ici, les perspectives ouvertes par la première s’avèrent plus éclairantes que celles ouvertes par la seconde, qui demeure emprisonnée dans un psychologisme et un moralisme dont elle est bien loin de maîtriser les implications méthodologiques et épistémologiques. Notons cependant que la théorie de la valeur sous-jacente à l’économie politique, d’Adam Smith à Marx en passant par Ricardo, celle du coût du travail (social) incorporé, semble, elle aussi, battue en brèche, dans la mesure où il est possible de se passer entièrement d’une théorie économique de la valeur au profit d’une théorie sociologique du statut.

J’ai cependant retenu à titre d’hypothèse plausible, la notion de salaire de subsistance dont le montant doit être nécessairement incorporé au prix obtenu dans les échanges, et dont les parties en présence tiennent compte implicitement quand elles expriment leur évaluation d’un « juste prix ».

Si la voie entrouverte ici, qui reconnaît au statut social des acteurs un rôle déterminant dans la formation des prix, devait se révéler féconde, il serait a posteriori surprenant que Marx ne l’ait pas envisagée lui-même : la notion de détermination du prix en termes de statut social des parties n’est-elle pas en fait mieux accordée à sa théorie politique, que la théorie de la valeur en termes de quantité de travail incorporée aux produits, théorie qu’il emprunta sans plus à Smith et à Ricardo, et qui pose alors à son tour la question devenue insoluble de la valeur du temps de travail ?

Le paradoxe n’est qu’apparent qui me conduit – sur la suggestion de Polanyi – à retrouver chez Aristote une conception de la formation des prix davantage en prise avec les faits que l’ensemble de celles proposées par la science économique : l’économie à petite échelle de la Grèce antique, où le partage de la société en classes, en conditions, avait valeur légale, se prêtait sans doute mieux à ce qu’apparaisse la subordination de l’économique au sociopolitique, que celle des sociétés modernes où les variations de prix peuvent être attribuées, avec une vraisemblance relative, à la seule confrontation de l’offre et de la demande.

La conception aristotélicienne présente aussi l’avantage décisif de rendre compte de manière satisfaisante du sentiment probablement justifié éprouvé par pêcheurs et mareyeurs qu’ils jouent un rôle effectif dans la détermination du prix. Elle rend compte également d’une observation banale que nulle théorisation n’a cependant prise au sérieux : que dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse, en tant qu’il règle l’accès à cette fraction du surplus qui revient aux partenaires économiques au titre de rente, de profit ou de salaire.

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192 réponses à “L’ÉCONOMIQUE COMME L’INTERACTION HUMAINE DANS LA PERSPECTIVE DU PRIX

  1. Avatar de MAZERAN Jean-marc
    MAZERAN Jean-marc

    Faut-il pour vous que le prix soit juste (au sens de tomber pile), parce que si on regarde autour de nous, le prix qui est le résultat d’une négociation satisfaisant toutes les parties est plutôt une exception. C’est un cas particulier d’une vérité générale… Qui dit négociation (sociale ou individuelle) dit rapport de force, l’enjeu n’est unique et central, chaque partie à les sien…. Les enjeu d’une négociation et l’élaboration d’un rapport de force implique des désirs et/ou des peurs, et nous voilà dans la libido humaine….. C’est pas scientifique du tout ça !!!
    Je n’ai pas lu votre livre, je m’en tient à la manière dont vous résumé la question plus haut…. Vous parlez de statut sociale qui détermine la fortune…. Cela m’a fait pensé à la Noblesse d’ancien Régime dont on disait : La noblesse a payé le prix du sang pour son statut social. Le prix ne se porte pas que sur des objets ou sujets matérialistes…. Le psychisme humain rentre-t-il en boite théorique….

  2. Avatar de Contempteur
    Contempteur

    Oui, c’est intéressant. En fait, il n’y a pas contradiction. Le coeur de la dynamique capitaliste pour Marx est la formation de la plus-value, mais le maintien de la plus-value ne s’opère, dans le cas du pêcheur, que par la négation de son statut. Il y a sans doute corrélation positive entre la qualité des statuts et la quantité de plus-value – au sens général, puisque tout le monde n’est pas ouvrier, ou n’exerce pas une profession pour laquelle il est facile de déterminer la plus-value, ce qui est d’ailleurs un des problèmes des continuateurs de Marx – et donc la relation entre les deux revisiterait la vieille histoire de la poule et de l’œuf.

  3. Avatar de atanguy
    atanguy

    dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse

    Je pensais effectivement que c’etait l’inverse… Pouvez-vous m’expliquer?

    1. Avatar de wildleech
      wildleech

      Soutenu par une bonne famille, on obtient le bon diplôme de la bonne école qui permet avec la bonne mine et les bonnes relations d’obtenir le bon poste.
      N’est-ce pas ce qu’on peut constater très souvent ?

      1. Avatar de atanguy
        atanguy

        Les riches et les puissants ont toujours soutenu leur progéniture avec l’éducation,le piston,le mariage et bien sur l’héritage. Ce n’est pas nouveau et ça ne s’applique pas seulement a nos sociétés…

      2. Avatar de lars
        lars

        Et surtout maintenant, nous nous rendons compte que le fameux « ascenseur social » est particulièrement grippé. Foi d’un père de classe très moyenne, qui s’est démené pour que ses deux fils soient ingénieurs et qui se retrouvent en recherche d’emploi . Là, nous réalisons l’importance du « carnet d’adresse », du bon vieux piston. C’est effectivement notre statut social, et je rajouterai géographique (fond de Province) qui détermine l’aisance ou la difficulté à prendre l’ascenseur.

    2. Avatar de Piotr
      Piotr

      J’ai la même difficulté.
      Dans quelle acception faut-il prendre le mot fortune?
      Qu’elle est la proposition inverse?
      En quoi serait-elle complètement fausse?

      1. Avatar de Piotr
        Piotr

        Et non l’inverse me perturbe…

    3. Avatar de cedric7693

      @atanguy :
      Je me suis dis la même chose que vous, voilà une proposition plutôt loufoque.
      Pourquoi cette première réaction ? A mon sens, deux éléments : le mythe du self made man et l’illusion du système méritocratique.

    4. Avatar de Dup
      Dup

      J’aurai plutot l’impression que ça se réfère au prix, on peut vendre un café 5€ a qqn qui gagne 10000€/mois mais pas a qqn qui gagne 1000€/mois. Le prix est plus fonction du pouvoir d’achat du client (et du vendeur qui doit maintenir le sien) que de l’offre et de la demande. Il faut que je relise tranquilement car cette fois la prose de Mr Jorion est plutot lourde. Une petite critique qui se veut constructive donc : pas très accessible.

    5. Avatar de Lien
      Lien

      Tout simplement que, selon que vous serez riche ou misérable, vous ne serez pas payé la même chose pour le même travail…. ou ne tirerez pas le même bénéfice de la même transaction.

  4. Avatar de juan nessy
    juan nessy

    « Le prix » est il bien le « signe » fugitif de « l’inaccessible étoile » chère à Jacques Brel ?

  5. Avatar de Haiku
    Haiku

    Yes, enfin quelque chose que je comprends. Ouf, le soulagement. Merci.

    Pour approfondir, je dirais que les pêcheurs profitant de leur statut d’être humains peuvent organiser la solidarité, construire ensemble les bateaux, les filets pour se donner à chacun ensemble et individuellement les mêmes capacités de pêcher du poisson, ce qui influera sur le prix à la baisse pour les acheteurs sans entamer le revenus des pêcheurs. Plus loin, ils interpellerons les pêcheurs industriels convertis à la discussion démocratique qu’ils doivent abandonner leurs techniques de surpèche qui désertifient les océans pour nourir des populations obèses… Je m’emballe, je m’emballe…

    L’économisme est le triomphe de la fragmentattion individualiste du social pour que puisse s’appliquer les fameuses théorie de la formation des prix. Un processus social et théorique mortifère. Des individus asociaux, atomiques, soumis à des flux collectifs, sans capacité d’échange et d’action collective consciente. La mort.

    Le prix, le salaire est le terminus la consommation d’un rapport de force qui voit à chaque foi la défaite du social et du collectif. Le triomphe de la défiance et de l’ignorance sur la confiance.

    Comment faire pour rémunérer le risque? Le faire disparaitre par la solidarité et la confiance dans les rapports sociaux. Le négarisque, à l’instar du négawatt. La solidarité, le partage est ce qui comble les pertes inévitables dues à la friction de l’organisation sociale dans la production. Super! Chouette! Merci Paul Jorion.

  6. Avatar de RUTILY

    Votre texte m’inspire une réflexion sur le fait que vous décrivez bien l’interaction élémentaire qui conduit à la formation d’un prix. Mais le prix à la criée n’est pas le prix chez Carrefour. Ce dernier prix est plus « statistique » plus décorrélé de la réalité, laquelle se traduit par une négociation, il se place dans un monde un peu virtuel décrit sommairement par « le marché » où les rapports sociaux sont réduit à la loi de l’offre et de la demande.

    1. Avatar de RUTILY

      Le problème c’est que le monde virtuel influe sur le monde réel et que le monde réel influe sur le monde virtuel. La stabilité de l’ensemble peut donc être remise en question assez facilement.

    2. Avatar de Gyps
      Gyps

      Dans un livre de science-fiction de John Brunner (Sur l’onde de choc), il y a une formule intéressante de salaire. Si ma mémoire est bonne, elle est basée sur 4 critères.

      Il y a un montant de base pour tous, auquel on peut ajouter des primes.
      Ces primes sont fonction des 4 critères suivants:
      1- le niveau technique (médecin, enseignant, menuisier, ingénieur…)
      2- la prestation correspond à l’intérêt général (infirmier, balayeur de rues, médecin…)
      3- la pénibilité (travail en usine, éboueur, horaires…)
      4- le risque (pêcheur, ardoisier…)

      Un médecin additionne 1+2+base
      Un éboueur additionne 3+2+base
      etc…

      1. Avatar de Paul Jorion

        Alors que dans la réalité, la pénibilité et le risque font perdre des points : on est moins « fiable » dans ses interactions avec les autres, et on est pénalisé en conséquence.

        Le prix (2010 : 225)

        « Revenus plus aléatoires ensuite en raison du caractère périlleux de l’activité productive elle-même qui comporte un risque permanent d’accident pouvant déboucher sur l’incapacité momentanée, l’invalidité permanente, voire la mort. À la saliculture en Bretagne méridionale autrefois, comme à la pêche en mer dans le golfe de Guinée encore aujourd’hui, les aléas de l’activité peuvent être suffisamment adverses pour que l’économie du ménage soit en péril, ou en termes explicites, pour que la menace d’une famine demeure présente : dans l’horticulture ou dans l’agriculture, en Afrique comme en France, ce risque a toujours été bien moindre.

        Une équation existe donc ici : en exerçant une activité risquée du point de vue de la régularité des rentrées, on représente automatiquement un risque de défaillance plus grand pour les contreparties commerciales vis-à-vis desquelles on est endetté. Plus la concurrence est vive au sein de la profession que l’on exerce, plus le risque personnel d’échec financier est élevé car plus il est difficile de trouver des commanditaires si l’on est maçon ou d’imposer son prix au mareyeur si l’on est pêcheur. De même, comme on vient de le voir, plus les revenus de l’activité sont aléatoires, plus l’on représente un risque de défaillance pour quiconque est votre prêteur. Il est donc justifié d’extrapoler dans le domaine du statut social réciproque ce qui a été dit plus haut quant à la relation dans le monde financier entre risque de crédit et statut. Le statut réciproque des groupes sociaux dépend de la concurrence plus ou moins vive qui règne en leur sein entre leurs membres, celle-ci se transpose automatiquement en risque de défaillance dans l’engagement contractuel : le statut réciproque des conditions sociales exprime donc bien le risque de défaillance individuel de ses représentants. »

      2. Avatar de RUTILY

        Il faudrait que les différents critères jouent en positif et négatif :

        Médecin : base+1+2+3 (horaires) – 4
        Eboueur : base+2+3 – 1
        Trader : base+1-2-3-4

        Cela permettrait de décourager les métiers où il y aurait trop de volontaires.

  7. Avatar de Cassiopée
    Cassiopée

    La perspective des prix en cas d’hyperinflation, des prix en milliards d’euros, de dollars, de yen,…

    Lien vers l’hyperinflation
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Hyperinflation

    Citation

    “L’hyperinflation est une inflation extrêmement élevée échappant à tout contrôle”.

    “Les causes de l’hyperinflation sont budgétaires, elles tiennent à une émission excessive de monnaie.”

    “La monnaie perd ses fonctions d’intermédiaire des échanges, de réserve de valeur et d’unité de compte.”

    1. Avatar de Lisztfr

      @Cassiopée :

      Il est sûr qu’avec une baisse de 30% des ventes de Peugeot et Renault, ces constructeurs ne vont pas tarder à hausser les prix.

      Si au lieu de lire vos livres d’horreurs économiques, vous vous teniez au courant des faits ? Juste au cas où.

    2. Avatar de lorimiera
      lorimiera

      Comment comprendre le paradoxe de l’Argentine: hyperinflation de +/- 20% par an par contre augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs et recul de la pauvreté?
      Je sais que les anti-Kirchner diront que les chiffres sont truqués…
      Deux-Montagnes Québec

  8. Avatar de Dontworry
    Dontworry

    Une chose m’avait frappé il y a quelques années : des chaussures rouges sont régulièrement offertes au pape. Cela continue. Derniers dons :
    http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Photos/mars-2012/Cadeau-384819/
    http://redingote.fr/breves/les-sapes-du-pape/
    Il y a aussi un dicton : « On ne prête qu’aux riches »
    http://fr.wiktionary.org/wiki/on_ne_pr%C3%AAte_qu%E2%80%99aux_riches
    Le statut social joue indubitablement dans le prix !
    Il semblerait que plus la différence est (ressentie) grande, plus le prix baisse ! Paradoxe.

    1. Avatar de Marc Peltier
      Marc Peltier

      Le rouge serait une référence au sang des martyrs.

      Malicieusement, j’y associais plutôt Satan… Le pape ferait la part du diable!

  9. […] Blog de Paul Jorion » L’ÉCONOMIQUE COMME L’INTERACTION HUMAINE DANS LA PERSPECTIVE DU PRIX. […]

  10. Avatar de daniel
    daniel

    Je suis entièrement d’accord avec la conclusion.
    Je crois que les Pinçon-Charlot ne pourraient qu’approuver.

    Si votre assertion est juste ( mon avis est très modeste )
    alors vous aurez prouvé qu’un élément fondateur de la « science » économique
    traditionnelle- le valeur et le prix- est faux, pire fantaisiste,
    donc que ce n’est qu’une pseudo-science. Ni dure, ni molle, mais fausse.
    J’en soupire d’aise.
    La sociologie appliquée à l’ économique devrait avoir de beaux jours
    devant elle.

    Un point de détail dans la négociation entre acheteur et vendeur,
    vu dans les relation entre donneur d’ordre et sous-traitant.
    Les 2 parties savent que le donneur d’ordre – l’acheteur –
    a presque droit de vie ou de mort sur le vendeur.
    Il peut être dans l’intérêt de l’acheteur de maintenir en vie,
    ou même d’aider, un sous-traitant en acceptant un prix que les deux
    parties savent, ou sur-évalué ou juste, selon l’ observateur.
    Le rapport de force, s’exprimant par un prix, peut être modulé à l’infini.

    1. Avatar de Gyps
      Gyps

      De ma longue vie professionnelle, je retiens qu’il n’y a pas de prix fixe, que c’est souvent une question de relations entre personnes, de situation privilégiée (spécialité rare, statut, vedette), de façon de (se) vendre, de paresse de l’interlocuteur, de bienveillance, de connaissance des prix habituellement pratiqués, etc. En tout cas dans le domaine des prestations de service.

      La fameuse « valeur » varie selon l’utilisation que l’on va faire de cet objet au sein d’un budget général qu’il faut gérer. Et de son nécessaire niveau de qualité. De l’éventail du choix en concurrence.
      C’est pourquoi la communication publicitaire sur les produits a pris autant d’importance. On y crée des personnalités-produits qui crée une relation avec les consommateurs. Ce qui fait qu’on ne sélectionne pas toujours les produits achetés uniquement sur la base de leur prix.

      Par contre, lors de négociation entre producteur et « re-distributeur » ou transformateur, il est évident que le prix est imposé en fonction d’un rapport de forces. L’objectif est le profit maximum. Sans doute que la taille d’une entreprise exerce une influence sur le comportement de ses agents. Le pouvoir rend fou, c’est bien connu. 😉

      1. Avatar de Efarista
        Efarista

        Au début des années 80, je suis arrivée en Gréce (Crête) pour la récolte des oranges en février. Cette année là, surprise……il fallait ramasser les oranges tombées au sol… moisies, en cours de décomposition. On a fait ça 15 jours au moins. Les grecs chargeaient les sacs dans leur pick up et partaient a la pesée. Il y avait une colline d’oranges pourries. On a mis quelques temps a connaitre le fin mot de l’histoire. A l’époque, l’union européenne avait proposé un prix X a la Grèce pour la récolte d’oranges. Un prix que les grecs ont trouvé nettement sous estimé. L’UE est donc partie s’approvisionner a Jaffa. Pas de chance, cette année là, la récolte a été mauvaise la bas. L’UE est donc revenue voir les Grecs en proposant un prix revu a la hausse. Les grecs ont dit ok mais vous payez avant tout le gâchis au sol. Bilan de l’opération : Le négoce sous forme de rapport de force a ses limites.

      2. Avatar de Polaire
        Polaire

        @Gyps,
        En tous points d’accord. Sauf les prix administrés, la valeur des biens et services est déterminée par le désir humain qui est « l’essence de l’homme » Il suffit de se rendre à une vente aux enchère pour le constater. C’est plus l’appétit que la raison qui guide la demande. Quant à l’offre, elle n’a qu’un rôle passif, sauf à se parer de tous ses atours faire succomber le demandeur. L’adage « trompe qui peut » est l’âme du marché.

    2. Avatar de sentier198
      sentier198

      @ Gyps

      « …C’est pourquoi la communication publicitaire sur les produits a pris autant d’importance… »
      en effet , voir :
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bernays

  11. Avatar de Jmemeledetout
    Jmemeledetout

    Serais bien en peine de vous aider à conclure votre livre :-))) N’ai strictement rien compris à votre texte.

    Mon sens de l’économie s’arrête à : « Ha tiens, il ne me reste que 50 cts en poche, pas grave l’argent va tomber, faut vous bouger là-haut »

    Le pire, c’est que ça fonctionne depuis 61 ans HA HA

    La confiance en l’univers doit être porteuse de miracles.

    Je sens que mon commentaire va encore être censuré 😉 avec ma bénédiction.

    1. Avatar de Paul Jorion

      Vous espériez secrètement que votre commentaire finirait à la poubelle. Et vous voilà déçue !

    2. Avatar de jean-yves
      jean-yves

      Il conviendrait de savoir si :
      – vous avez toujours au moins 50 cts en poche, auquel cas vous n’êtes pas si pauvre
      – vous n’avez jamais plus de 50 cts en poche, ce qui ne veut rien dire
      – vous vous en foutez, parce-que vous ne payez rien en espèces,
      – …

      faudrait voir à être précis.

  12. Avatar de PHILGILL
    PHILGILL

    que dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse,

    Cela me semble une excellente formule, en effet.

    1. Avatar de atanguy
      atanguy

      Ouai, il y a des prix Nobel qui ne sont pas très fortunés,j’ai plutôt l’impression que au mieux ça va ensemble. Un type ordinaire qui fait fortune acquiert d’un seul coup un statut social élevé, exemple Steve Job. D’après ce que je comprend,dans la haute,on juge le plus haut statut social par la plus grande fortune. A l’inverse un comte machinchouette sans le sou n’a pas grand statut social parmi ses pairs. Maintenant que Madoff est en prison et sans le sou son statut social en a pris un coup…

    2. Avatar de jean-yves
      jean-yves

      Lumineux, en effet. Vraiment lumineux.
      On pouvait le pressentir, mais posé là, comme ça…

      Ceci me fait penser à une anecdote : Giscard, répondant aux questions sur son éventuelle rémunération pour diriger une commission planchant sur une constitution européenne (réponse de mémoire) : « Il faudra faire les choses de façon convenable » (20000 € par mois en l’espèce).

      Ou ces propos sincèrement indignés de bénéficiaires de très hauts revenus lorsque l’on ose les critiquer : « Mais voyons, c’est le prix normal partout dans le monde ».

      Ou les prix imposés par la grande distribution aux producteurs dans le style : « j’ai un monopole ; tu acceptes ou tu meurs ».
      Un parent me racontait qu’il y a 40 ans les paysans qui se jetaient les premiers dans le commerce avec la grande distribution en retiraient de gros profits et la certitude de détenir les clés de l’avenir. On a vu ce qu’il en est advenu : ils ont contribué à forger le monopole qui les a asservis.

      Ou les salaires et autres avantages que se voient octroyer les cadres dirigeants (du public ou du privé) par ceux qui ont intérêt à s’assurer leur fidélité et leur dévouement.

      Je suis donc convaincu qu’effectivement, en raison de leur statut, certains groupes sociaux ou entités économiques fixent leurs prix. Ce qui revient aussi, par un effet miroir, à s’estimer, au sein de l’oligarchie, à un prix très élevé.
      Le prix nécessaire, en fait, pour pouvoir affirmer que l’on fait indiscutablement partie du même monde, le prix du « Pass ».
      D’où ce basculement de l’immense majorité des élites dans une infernale course à l’argent : journalistes, enseignants, médecins, chercheurs, hauts fonctionnaires,… qui ne fait que renforcer leur connivence puisqu’ils ont un maître commun : l’argent.

      Je parlerais presque, pour les humains, de « sphères de prix » :
      – Du prix des vulgum pecus ( 2 queues de cerise à temps partiel explosé), mettons un taux de base.
      – au prix de la classe moyenne (vraiment moyenne et pas encore supérieure), mettons de 2 à 3 taux de base.
      – jusqu’au prix des 5% d’en haut, mettons de 5 à 20 taux de base.
      – et, in fine, des fameux 1%, soit de 20 taux de base à l’infini.

  13. Avatar de timiota
    timiota

    Alors Polanyi aurait vu comme « dessertissage » (de-embedding) de l’économie –qu’il constate vers 1950 — ce qui est seulement le passage d’un premier balancier dans un grand mécanisme où le prix resterait fixé de façon « sertie », déterminée par les statuts sociaux encore en 2012 ?

    Si un de nos lecteurs de Polanyi veut bien nous éclairer.

    Quant à l’aspect « psychologique », je ne peux que noter le parallèle avec  » l’Erreur de Descartes » d’Antonio Damasio, qui relie notre pellicule rationnelle de surface à nos émotions, lui par une analyse des lésions cérébrales notamment au néo-cortex, ou de cas comme l’anosognosie devenue abracadabrantesquement célèbre (maladie mentale où le patient dit que tout va bien même si son bras est paralysé par exemple, et ce en toute sincérité de sa conscience, c’est arrivé notamment à un « justice », un juge de la cour suprême… voulait pas démissionner..).
    Ce que le mareyeur ou le pêcheur recherchent, c’est la satisfaction d’un peu de logos (le prix est un chiffre, nolens volens) avec un système de reconnaissance tout personnel qui permet l’estime de soi, éventuellement elle aussi « sertie » dans celle des autres à la Robin des Bois.
    Cela me ramène vers un Richard Sennett qui dans « Respect » enquête les tréfonds de ces relations interhumaines de force/faiblesse/considération/ etc. de façon fort profonde.

    Si on tenait à faire une représentation mathématique de cela (il y en aura bien, d’ici quelques décennies), il faudrait a minima que la relation offre-demande soit revisitée de façon « tensorielle » (matricielle) avec un indice social dans le vecteur. Les termes non diagonaux du tenseur serait la source de phénomènes « nouveaux » (d’éclairage nouveaux) , comme l’est la double réfraction dans le spath d’Islande, liée à la nature tensorielle de la réponse d’un cristal à une onde incidente.

    Pour conclure, je pense toutefois que l’analyse du prix « de marché » ne s’applique pas directement aux profits juste et injustes et à la ppté privée comme discutée récemment. Ceci parce que les « rétentions » psychologiques sous-jacentes sont de niveaux différents. Un rentier fait tout ce qu’il faut pour ignorer la source du profit, il voit son courtier comme interlocuteur et ne lui associé pas ce que le pêcheur-vendeur associe au mareyeur-acheteur. La médiation est trop étirée et les représentations en oeuvre sont celles du « bienfait d’une banque comme fournisseur de liquidité », « évaluateur de risque ». Elles n’ont de sens dans l’individu qu’au travers de « rétentions tertiaires » dans le vocabulaire stieglierien, telle la nation ou d’autres concepts généraux qui subsument beaucoup de choses mais qui font néanmoins partie de la « transindividuation », donc susceptible de déclencher des actes pour « ce qui en vaut la peine ».
    Certes, l’acte d’un rentier sauvant sa banque consiste simplement à faire confiance à l’exploitation systémique du contribuable lambda par l’establishment alpha.. je dis ça je dis rien.

  14. Avatar de zébu
    zébu

    Vais dire une connerie (une de plus) : sans doute le prolongement d’avec la propriété.
    Comme un croisement des abscisses et des ordonnées, des rapports de force sociaux et des rapports à la propriété.
    D’où provient le statut social ?
    Pas de la fortune, si on suit la conclusion du ‘Prix’.
    L’antériorité et les particularités de la propriété, sans doute.
    Dans l’ancien régime, les rapports de forces sociaux étaient figés parce que les droits liés à la propriété (droits d’aubaine, …) étaient eux-mêmes figés, comme ‘naturalisés’. En supprimant les privilèges et la justification quant à la propriété de certains et de leurs droits, on a modifié les rapports de force sociaux et donc la détermination des prix. Mais aussi l’explication sur les phénomènes : on est passé des rapports de forces légitimés (par l’ordre divin, par le besoin de sécurité, etc.) à des rapports de force rationalisés (valeur, travail).
    Entre les deux, les rapports à la propriété ont évolué, les droits aussi, les rapports de force aussi.
    ‘Le prix’ serait donc une ‘conjonction’ entre des rapports de force entre statuts sociaux, lesquels sont eux-mêmes définis par des positionnements par rapport à la propriété, dans des contextes donnés.
    Exemple : être propriétaire dans l’ancien régime permettait évidemment de par le statut social de bénéficier d’un prix plus avantageux que pour un fermier ou un salarié mais moins cependant qu’un noble, lequel possédaient des droits dans un système de droits que ne possédait pas le dit propriétaire bourgeois par exemple.
    Autre exemple.
    Être propriétaire d’un bien immobilier aujourd’hui permet d’obtenir un prix plus favorable aujourd’hui, étant donné les rapports de force sociaux entre propriétaires et locataires. Mais un primo accédant ayant acheté un bien à un prix élevé et avec un taux d’effort important aura un prix moins avantageux qu’un propriétaire d’un bien acheté il y a 30 ans ou reçu en héritage.

    Enfin, c’est juste pour dire …
    (le patron pêcheur, l’est bien propriétaire de la barque, non ? S’il participe effectivement par son statut social respectif à la définition du prix avec le mareyeur, il y participe relativement plus que les membres de son équipages, parce qu’il est propriétaire de sa barque, non ? En terme de nombre de parts, je veux dire)

    1. Avatar de gilles
      gilles

      j’irai dans le même sens, il me semble que l’équation se complexifie grandement lorsqu’on entre dans la définition du statut social, dont la propriété, bien qu’élément majeur, n’est qu’un des éléments. Ce sont alors les interactions entre les différentes composantes déterminant le statut social qui permettent d’évaluer l’impact du statut sur le prix. Et là, à mon avis on est pas sortie de l’auberge et isoler la dimension économique, même dans nos société ou propriétés et fortunes sont centrales pour déterminer les statuts, cela n’est pas évident.
      Il faudrait creuser également l’ensemble des composantes d’un rapport de force. Si je suis le seul à posséder une marchandise vitale pour chacun, je suis en position de force, mais on peut venir me casser la gueule ou fixer un prix arbitrairement que je suis obliger d’accepter. C’est ce qui se passait lors de certaines révoltes paysannes dans lesquelles on obligeait les accapareurs à vendre à un prix « décent » sans le voler…

      1. Avatar de zébu
        zébu

        @ gilles :
        toutàfait. On peut aussi parler du monopole de la violence légale de l’Etat, lequel peut effectivement aussi venir arbitrairement, pour les besoins de l’intérêt général, faire cesser le dit monopole privé.
        Enfin, s’il le souhaite …

  15. Avatar de Jean-Luc Mercier
    Jean-Luc Mercier

    Si, dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune et non l’inverse, je m’interroge sur la légitimité de ce statut social qui permet à certains de « recevoir plus en partage » que d’autres…

    En ce qui a trait à l’économie sertie dans le sociopolitique, c’est ce que sentent beaucoup de gens : l’économie est une partie mineure de la vie, en temps comme en importance. Comptent beaucoup plus, en général, la famille, les amis, la société. C’est ce qui devrait être.

    Mais l’économie prend trop d’importance 1° pour les gens qui font du système économique une vérité-réalité-fatalité dont ils sont souvent les défenseurs-croyants (comme nos dirigeants actuels ainsi que les intéressés du système) et 2° pour ceux qui subissent l’agression de contrats économiques iniques leur imposant des conditions de servage, faisant de l’argent un problème par manque. C’est ce qui ne devrait pas être.

    Si l’un apporte son travail et un autre son capital (par propriété d’argent, de terres, d’outils et de matériaux) pour qu’un troisième pilote un projet, le système actuel prétend que la « nature des choses économiques » fait que chacun est le mieux doté, le mieux employé et le mieux rétribué. Je ne vois pas là de la nature, mais plutôt l’iniquité des statuts sociaux. La force est-elle un mérite ?

    Il me semble au contraire légitime de s’interroger sur ce qui fait l’attribution des rôles de chacun, sur ce qui justifie la propriété privée du capital et, en notre époque des limites atteintes, légitime aussi de s’interroger sur le choix des projets et sur la redistribution des bienfaits engendrés.

    D’ailleurs, il faudrait idéalement que le choix des projets soit d’abord le fruit d’un processus à la fois démocratique et « scientifique », c’est-à-dire que l’on base ce choix sur l’utilité des projets pour l’humanité et sa planète, avant que de leur allouer de précieuses et rares ressources (personnes, capital, énergie). Il faudrait donc que la propriété du capital et de l’énergie soit commune. Ce qui n’empêcherait pas l’entrepreneur de proposer des projets. Ce qui n’empêcherait pas de confier à certains la responsabilité de propriétés communes, et qui accepteraient ce genre « d’appartenance à la terre », comme le gardien « appartient » au parc qu’il garde, entretient et chérit. Ce qui n’empêcherait pas une propriété privée de certains biens personnels. Ce qui n’empêcherait pas chacun d’avoir un « fond de roulement » alimenté par un revenu citoyen.

    Pour en arriver à faire ce qui est bon et bien, il nous faut une vraie science de la vie sociale, économique et planétaire. En 2012, avec la sagesse et la science accumulées, ne devrions-nous pas être capables d’un certain regard écologique global sur nous-mêmes ? Capables de faire une écologie socio-économico-planétaire ?

    1. Avatar de Jean-Luc Mercier
      Jean-Luc Mercier

      Erratum : « fonds de roulement ».

    2. Avatar de atanguy
      atanguy

      Une réponse:
      Développer l’Empathie entre humains et la biosphère:
      Jeremy Rifkin – The Empathic Civilization: The Race to Global Consciousness in a World in Crisis
      http://www.youtube.com/watch?v=3EZv9H62xm0&feature=related

  16. Avatar de Béotienne
    Béotienne

    Au pif, comme cela j’ai l’impression qu’il manque une articulation.
    Impossible à chaud de préciser mais le statut social et la fortune donnent un accès privilégié à l’information et dans une négociation c’est souvent le mieux informé qui a l’avantage; cela devrait se vérifier aussi pour la détermination du prix.

  17. Avatar de Bruno
    Bruno

    La question qui me vient à l’esprit, en lisant votre conclusion: le travail – sous quelque forme qu’il soit -, n’est-il pas du servage?

    1. Avatar de Paul Jorion

      Chut ! Il ne faut pas le dire. À l’époque de l’ultralibéralisme triomphant, on était cependant moins discret à ce sujet : Herbert Spencer (1820 – 1903), l’inventeur du « darwinisme social », considérait la guerre de tous contre tous propre au marché, non pas comme une régression aux temps préhistoriques de l’espèce, mais plutôt comme la preuve que le capitalisme, ayant remplacé la guerre proprement dite par la guerre économique, constituait le point culminant de l’évolution humaine. Il fut dans la seconde moitié du XIXe siècle, la source d’inspiration majeure des économistes conservateurs aussi bien germanophones qu’anglophones. Il s’exprimait avec une très grande franchise à propos du salariat dont il disait qu’« il n’équivaut en pratique à rien de plus que la capacité de troquer une forme d’esclavage pour une autre ». Ce qui ne lui causait pas grand souci, puisqu’il écrivait par ailleurs : « il semble que dans le processus du progrès social, des parties, plus ou moins importantes, de chaque société sont sacrifiées pour le bénéfice de la société toute entière ». Aujourd’hui, il faut cacher les choses : nous sommes entrés dans la phase de l’« ultralibéralisme honteux ».

      1. Avatar de jicé
        jicé

        FAUX : Jducac n’affiche aucune honte, lui!

      2. Avatar de zébu
        zébu

        @ jicé :
        Non, c’est vrai : jducac est un ectoplasme ! (et un ectoplasme n’a pas de honte à avoir)

    2. Avatar de timiota
      timiota

      Relire Lordon ? (Capitalisme, désir et servitude)
      Quoique ça ne m’a pas convaincu tant que ça…

      1. Avatar de Vincent Wallon
        Vincent Wallon

        Me suis plutôt pas mal retrouvé dans « Capitalisme, désir et servitude »… Par contre, je suis pas du tout convaincu par un quelconque côté « universel » de la théorie. Cela semble bien fonctionner pour les cadres intermédiaires « dynamiques » comme on dit, ceux ayant atteint le plus haut degré de servitude volontaire non conscientisée (pour mon cas personnel de ma vie d’avant) mais pas trop dans toutes les couches sociales et en tout cas, cela n’a pour moi rien de naturel, c’est bien une construction politique idéologique de société contre laquelle il nous faut lutter avec toute la force des idées échangées.

        En tout cas, j’ai désormais un angle delta à 180°, mais à partir d’un autre axe de force (le pas de côté).

    3. Avatar de Paco76
      Paco76

      Oui da…!
      Lordon parle aussi « d’enrôlement » , c’est une formule qui me semble assez juste…!?

  18. Avatar de Pierre
    Pierre

    Il y a deux façons de lire :  » PREMIER PRIX  »
    « Dernier crie » aussi……
    « Hors de prix » sans doutes !

  19. Avatar de MAZERAN Jean-marc
    MAZERAN Jean-marc

    En fait, je pense qu’on peut voir plusieurs choses dans la notion de prix: prix (sacrifice: ce qu’on est prêt à y laisser), le prix (récompense dans la logique du don; ex : un prix littéraire), le prix réglementation ( définit par un tiers aux parties concernées)….. Evidemment comme nous tendons tous sur ce blog à voir le prix « sacrifice », bon judéo-chrétien que nous sommes… Hors les crié de pêcheurs fonctionne sur le premier mode…. Imaginer deux second qu’on décerne un prix à la plus belle prise de poison…. C’est absurde j’en conviens mais pour pouvoir inventer du neuf le « prix », il faut être le « payer » du ridicule!!!!! Et se lever de bonne heure!

  20. Avatar de baleine
    baleine

    « J’ai cependant retenu à titre d’hypothèse plausible, la notion de salaire de subsistance dont le montant doit être nécessairement incorporé au prix obtenu dans les échanges, et dont les parties en présence tiennent compte implicitement quand elles expriment leur évaluation d’un « juste prix ». »
    Propriétaire de sa barque ou non, le pêcheur estime un salaire de subsistance de pêcheur pour évaluer un juste prix.
    En conséquence « dans nos sociétés, c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse »,. C’est ce que j’ai compris.

    1. Avatar de MAZERAN Jean-marc
      MAZERAN Jean-marc

      Tient les pêcheurs ne voudraient-ils que survivre? Qui leur a mis cette idée dans la tête. La représentation traditionnelle de la valeur des choses. On réitère le face à face amérindiens / colons sanglo-saxons …. La subsistance du pêcheur d’où qu’il viennent convient très bien aux industriels agro-alimentaires, à nos grandes surfaces occidentales pour se faire des biftons sur leurs dos et annexement plus tard aussi sur le notre…. Ainsi que nos bitfons économisées sur le dos des pêcheurs. Ex: dans l’agricultures on a baissé le prix unitaires du produits par le productivisme, résultats quelques tombereaux de pesticides et de produits phytosanitaires plus loin, on recherche à remonter la valeur unitaire du produit (bio)…. Ou bien dans le monde du vin, les premiers a essaye de contrer la logique du marché ( prix, millésime, en France AOC) prix/quantité en valorisant le produit. Mais cela a appelé dans le secteur depuis le XIX°s des grands investisseurs, le capitalisme sait se défaire du prix du marché bête et méchant, par le symbolique lorsqu’il a des intérêts à cela….

      1. Avatar de baleine
        baleine

        C’est quoi une prime de pêcheur pour un trader ? un pourboire
        C’est quoi une prime de trader pour un pêcheur ? Un loto.
        Un trader devenu armateur pour subsister, content du chiffre d’affaires du pêcheur, lui accorde une prime. Subsistance contre subsistance, pourboire ou loto ?
        Et un pêcheur devenu armateur ?

  21. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    « …le modèle de l’économiste valant pour la Réalité-objective et son modèle à lui [le pêcheur] valant pour le monde réel… »

    On sait qu’on a changé de critère d’individuation des processus d’Aristote à Galilée. En substituant à la considération du but instantané la définition purement mathématique de la courbe analytique « on » a substitué la soi-disant « Réalité-objective » au réel.

    « Une ligne qui se dégage, et qui s’inscrit logiquement dans l’évolution récente de l’anthropologie économique, est la nécessité d’envisager l’économie non pas comme un domaine autonome mais comme un élément serti (embedded) dans le contexte sociopolitique. »

    Ama pas seulement de l’anthropologie économique. Car c’est également le cas de la physique et de la politique (cf. la démocratie « formelle » dans le dernier billet de Nadj Popi).

    Le réductionnisme cartésien(?) a conduit à une vision du monde formelle, disjointe de toute matière, de toute substance, et est en train de montrer de toutes part ses limites: en physique, en économie et jusqu’en politique. Un retour à une vision plus holiste, plus aristotélicienne(?), du monde s’impose.

    C’est la vision de René Thom, cet Aristote des temps modernes. Vision contre-révolutionnaire en regard de la vision révolutionnaire de Galilée. Car pour moi nous vivons non seulement l’agonie du capitalisme mais plus généralement l’agonie d’une vision scientiste, mécaniste, du monde. Et c’est pourquoi je fais du prosélytisme pour son oeuvre.
    Et celle de Paul Jorion. Car cette agonie nous force en effet à nous poser la question: « Comment la vérité et la réalité furent-elles inventées? »

    1. Avatar de Paul Jorion

      Vous aurez noté, je suppose, mes références à Thom dans « Comment la vérité et la réalité furent inventées » (2009), en particulier à ses textes

      Thom, René, 1988 Esquisse d’une Sémiophysique. Physique aristotélicienne et Théorie des Catastrophes, Paris : InterEditions

      Thom, René, 1990 « Halte au hasard, silence au bruit », in La querelle du déterminisme, Paris : Gallimard, 61-78

      « J’avais pu constater personnellement au sein du panthéon des mêmes populations Xwéda (du Bénin actuel), le regroupement des phénomènes naturels en vastes catégories reproduisant les sept « catastrophes élémentaires » de la théorie géométrique des catastrophes due à René Thom. » (p. 53)

      « J’ai montré précédemment, ainsi que dans d’autres textes (Jorion 1992 ; 1998) que l’on ne peut rien saisir de ce qu’avance Aristote sur la justice, le syllogisme ou le prix en tant que proportions, si l’on ignore le rôle central joué par la théorie de la proportion attribuée à Eudoxe dans la mathématique grecque du IVe siècle. Il faut aussi, comme le montre l’exemple de René Thom à propos de la physique (1988), que les descendances des sciences particulières aient d’une certaine manière échoué dans leurs objectifs pour que l’on réexamine la manière dont Aristote avait abordé ces questions et que l’on y redécouvre une approche différente restée pour sa grande part inexploitée. » (p. 129)

      « Avec la physique qualitative, et la simulation numérique, la science réalise enfin le programme scientifique d’Aristote (cf. Thom 1988), développé et systématisé par Hegel ; l’histoire dira si la science d’inspiration platonicienne (du XVIIe au XXe siècles) s’effacera petit à petit devant cet outil plus « juste » (puisque non–leurré par le mirage de la Réalité–objective) ou si elle survivra à son assaut. » (p. 183)

      « Là où nous disposons aujourd’hui d’un atomisme, d’atomes génériques désignés par des noms communs (particules plus petites que l’atome proprement dit : « bosons », « fermions »), la pensée primitive utilise des noms propres. Ce n’est pas tellement donc que, comme le dit René Thom, « la physique est une magie contrôlée par la géométrie » (1988 : 45) mais que « la physique est une religion contrôlée par des noms communs ». » p. 192

      1. Avatar de Tigue
        Tigue

        « La physique , une magie contrôlée par la géométrie  »

        Peut on faire autre chose que décrire/montrer ces rites magiques ?
        Si on ne peut rien faire d’ autre que les décrire ou les montrer, nous avons besoin d’ outils de description comme les mathématiques de René Thom, pour reconnaître les formes

        Voir ce que dit Ludwig Wittgenstein p13

        « Le Rameau d’Or de Frazer
        IL FAUT COMMENCER PAR L’ERREUR et lui substituer la vérité. C’est-à-dire qu’il faut découvrir la source de l’erreur, sans quoi en- tendre la vérité ne nous sert à rien. Elle ne peut pénétrer lorsque
        quelque chose d’autre occupe sa place.
        Pour persuader quelqu’un de la vérité, il ne suffit pas de constater la
        vérité, il faut trouver le chemin qui mène de l’erreur à la vérité.
        Il faut sans cesse que je me plonge dans l’eau du doute.
        La manière dont Frazer expose les conceptions magiques et reli- gieuses des hommes n’est pas satisfaisante : elle fait apparaître ces conceptions comme des erreurs.
        Ainsi donc saint Augustin était dans l’erreur lorsqu’il invoque Dieu à chaque page des Confessions ?
        Mais – peut-on dire – s’il n’était pas dans l’erreur, le saint bouddhis- te ou n’importe quel autre l’était tout de même, lui dont la religion ex-prime de tout autres conceptions. Mais aucun d’entre eux n’était dans l’erreur, excepté là où il mettait en place une théorie.
        L’idée déjà de vouloir expliquer l’usage – par exemple le meurtre du roi-prêtre – me semble un échec. Tout ce que Frazer fait consiste à le rendre vraisemblable pour des hommes qui pensent de façon sem- blable à lui. Il est très remarquable que tous ces usages soient au bout du compte présentés pour ainsi dire comme des stupidités.
        Mais jamais il ne devient vraisemblable que les hommes fassent tout cela par pure stupidité.
        Lorsque, par exemple, il nous explique que le roi doit être tué dans la fleur de l’âge parce qu’autrement, d’après les conceptions des sau- vages, son âme ne se maintiendrait pas en état de fraîcheur, on ne peut pourtant que dire : là où cet usage et ces conceptions vont en- semble, l’usage ne provient pas de la façon de voir, mais ils se trouvent justement tous les deux là.
        Il peut bien arriver, et il advient fréquemment aujourd’hui, qu’un homme abandonne un usage après avoir reconnu une erreur sur la- quelle cet usage s’appuyait. Mais ce cas n’existe précisément que là où il suffit d’attirer l’attention de l’homme sur son erreur pour le détour- ner de sa pratique. Or ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit des usages reli- gieux d’un peuple et c’est pour cette raison qu’il ne s’agit pas d’une erreur.
        Frazer dit qu’il est très difficile de découvrir l’erreur dans la magie – et c’est pour cela qu’elle se maintient si longtemps – parce que, par exemple, un sortilège destiné à faire venir la pluie se révèle certaine- ment, tôt ou tard, efficace. Mais alors il est étonnant précisément que les hommes ne s’avisent pas plus tôt que, même sans cela, tôt ou tard, il pleut.
        Je crois que l’entreprise même d’une explication est déjà un échec parce qu’on doit seulement rassembler correctement ce qu’on sait et ne rien ajouter, et la satisfaction qu’on s’efforce d’obtenir par l’explica- tion se donne d’elle-même.
        Et ici ce n’est absolument pas l’explication qui satisfait. Lorsque Frazer commence en nous racontant l’histoire du Roi de la Forêt de Némi, il le fait avec un ton qui indique que se passe ici quelque chose de remarquable et d’effrayant. Mais à la question : « Pourquoi cela a-t- il lieu ? », on a véritablement répondu lorsqu’on dit : « Parce que c’est effrayant ». C’est-à-dire, cela même qui nous apparaît, dans cet acte, effrayant, grandiose, sinistre, tragique, etc., rien moins que trivial et insignifiant, c’est cela qui a donné naissance à cet acte.
        On ne peut ici que décrire et dire : ainsi est la vie humaine. L’explication, comparée à l’impression que fait sur nous ce qui est décrit, est trop incertaine.
        Toute explication est une hypothèse.
        Or une explication hypothétique n’aidera guère, par exemple, celui que l’amour tourmente. Elle ne l’apaisera pas.
        La cohue des pensées qui ne sortent pas parce qu’elles veulent toutes passer en premier et se bloquent alors à la sortie.
        Lorsqu’on associe à ce récit concernant le roi-prêtre de Némi l’ex- pression « la majesté de la mort », on voit que les deux choses sont une.
        La vie du roi-prêtre illustre ce qu’on veut dire par cette expression.
        Celui qui est saisi par la majesté de la mort peut exprimer cela par une vie de ce genre. – Cela ne constitue naturellement pas non plus une explication, et ne fait, au contraire, que mettre un symbole à la place d’un autre. Ou encore : une cérémonie à la place d’une autre.
        Un symbole religieux ne se fonde sur aucune opinion. Et c’est seulement à l’opinion que l’erreur correspond.
        On voudrait dire : cet événement et cet autre ont eu lieu ; ris donc si tu peux. »

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        Je fais du prosélytisme pour l’oeuvre de Thom à l’usage de ceux qui n’ont pas lu « Comment la vérité et la réalité furent inventées »…

        « Avec la physique qualitative, et la simulation numérique… »
        Le « et la simulation numérique » me gêne beaucoup. Thom est, comme Aristote, un penseur du continu et méprise ce qu’il appelle « la quincaillerie électronique ».
        Pour lui le continu précède le discontinu (Apologie du logos p. 563) dans l’aporie discret/continu, alias algèbre/géométrie. Au contraire de Jean Petitot, qui fut intellectuellement très proche de lui, pour qui la différence discret/continu est de nature transcendantale.
        Est-ce cette différence fondamentale qui les conduit à avoir des visions « pratiques » du monde totalement opposées (Thom est (était) pour une société froide à la Lévi-Strauss, alors que Petitot est ultra-libéral, popperien, aronien et hayekien -et directeur du Centre de Recherches en Epistémologie Appliquée de l’école polytechnique, formatant ainsi notre future élite-)?
        Pour moi l’utilisation de la simulation numérique, en intelligence artificielle par exemple, résulte d’une position philosophique démiurgique, le programmeur étant le démiurge…

        PS: J’échange actuellement avec Rosebud1871 à propos des ombilics (cf la file: Réponse à PSDJ).

      3. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Tigue
        Pour Thom la géométrie est une magie qui réussit: « la géométrie euclidienne fut le premier exemple d’un processus spatial bi ou tridiminsionnel dans le langage unidimensionnel de l’écriture.
        Apologie du logos p.563.
        « J’aimerais énonce la réciproque: toute magie qui réussit n’est-elle pas une géométrie? » Stabilité structurelle et morphogénèse p. 12.

        @ Paul Jorion
        René Thom: « la physique est une magie contrôlée par la géométrie »
        Paul Jorion: «la pensée primitive utilise des noms propres […] la physique est une religion contrôlée par des noms communs ».
        « Il n’y a de science que du général » a dit un philosophe célèbre dont j’ai oublié le nom. La science ne s’occupe donc que des situations « génériques » pour utiliser un langage à la mode. Il me paraît donc normal que les substantifs utilisés pour décrire ces situations soient des noms communs.
        Lorsque paul Jorion écrit « la pensée primitive utilise des noms propres », j’y vois une place privilégiée attribuée au sujet. Thom vs Lacan?
        Ce que je crois comprendre de l’oeuvre de Thom c’est que pour lui le noeud de la phrase nucléaire n’est pas le sujet mais le verbe. C’est le verbe (puissance) qui se déploie (acte).
        « C’est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l’apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l’être vivant, ils dissolvent l’antinomie de l’âme et du corps en une entité géométrique unique. » SSM pp. 326,327.
        « Et le verbe s’est fait chair » est cité en épigraphe du chapitre 9 de SSM.

      4. Avatar de Au sud de nulle part
        Au sud de nulle part

        « la physique est une religion contrôlée par des noms communs »

        J’ai fait des études en physique (qui comprend bien des domaines) jusqu’à un âge avancé. On ne m’a jamais rien appris qui puisse s’apparenter de près ou de loin à un quelconque système de croyances -même si l’enseignement est parfois pratiqué comme une manière d’empiler les vérités révélées. Il y a d’ailleurs une excellente raison à cela. La physique ne cherche pas à résoudre les grandes questions métaphysiques de l’existence (à ne pas confondre avec sa naissance) de l’univers.
        Sa vocation est en quelque sorte utilitariste. La grande question de la physique n’est pas le pourquoi mais le comment. Pourquoi les corps lourds attirent ils les corps plus légers? Peu importe. Comment? Consultez les équations de Newton.
        C’est justement parce que la physique n’est pas une religion que Newton et Einstein ne peuvent être assimilés à des prédicateurs de deux religions différentes. Leurs théories respectives ne sont en rien incompatibles. Si les équations qu’Einstein a mis au point permettent de décrire de manière inclusive les phénomènes décrits par celles de Newton, il n’en reste pas moins que leur précision vous sera totalement inutile pour mettre un satellite en orbite.
        En définitive je comprends très bien que l’on souhaite voir assimilée la physique à de la magie ou même une religion afin d’en relativiser la portée des avancées concrètes indiscutables qu’elle a apporté par rapport à celles très discutables de l’économie (ou autre science dite humaine) qui se voudrait être une science à l’instar de la physique. Mais est ce bien nécessaire?

      5. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        Si je fais du prosélytisme pour l’oeuvre de Thom c’est parce que j’y vois un espoir de plus de liberté et à la fois de plus de démocratie.

        La question qui se pose est: qui est habilité à faire des lois?

        1) Position théocratique: Dieu a créé l’Homme, a vu que cela était bien puis en a autorisé la multiplication. D’où les régimes dont la légitimité est tirée de la loi divine (tables de la loi…).
        2) Position néo-darwinienne: Darwin a laïcisé le problème de l’évolution. Les néo-darwiniens ont imposé la prééminence du germen sur le soma et le dogme élitiste selon lequel seules les cellules germinales participent à l’évolution de l’espèce. D’où les régimes actuels fondés sur un darwinisme social mortifère (pour moi la sélection naturelle est lutte contre la mort et non pas lutte pour la vie) où la concurrence est la règle (mais la coopération curieusement interdite!). Seule l’élite peut écrire les lois: vote « chèque en blanc pseudo-démocratique ». En pratique, donc, rien de vraiment nouveau par rapport au cas précédent: Dieu a cédé sa place au hasard des mutations.
        3) Position lamarckienne: il y a possibilité d’action du soma sur le germen avant toute sélection. C’est la position de Thom. On notera que Darwin lui-même, à la fin de sa vie, admettait cette possibilité (théorie des « gemmules »). Cela signifie que l’influence du code génétique est moins grande qu’on ne le croit (ou qu’on nous fait croire) et par suite modifie le rapport inné/acquis. Rapporté à la sociologie (analogie licite pour Thom) cela signifie que les gueux que nous sommes ont une plus grande liberté que ce que nos « élites » nous forcent (par le biais de l’éducation -cf. Petitot ci-dessus-) à admettre. En particulier nous sommes dans ce cas habilités en droit à participer directement à l’élaboration des lois régissant la société dans laquelle nous vivons.
        C’est ama un nouvel espace de véritable liberté, ainsi qu’un nouvel espace de véritable démocratie, que nous ouvre la perspective thomienne.

      6. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        A propos de nom commun/nom propre.
        Je me demande si je ne suis pas allé chercher midi à 14 heures en invoquant l’opposition Thom/Lacan.
        Plus simplement il y a deux façons de désigner un groupe (je n’en vois pas d’autre): soit par un nom commun qui évoque ce qui fait que ce groupe est un groupe, soit par le nom (propre pour les groupes humains) d’un élément représentatif du groupe. Ainsi pair et deux, réfrigérateur et frigidaire, blog de ceux qui cherchent à réinventer la vérité et la réalité et blog de Paul Jorion.

        Pour revenir néanmoins à l’opposition (?) Thom-verbe/Lacan-sujet, je cite Thom (ES p. 196):
        « J’ai toujours demandé aux linguistes que j’ai pu rencontrer de me trouver une langue où l’on puisse « verbaliser » de manière productive tous les noms propres. Aucun contre-exemple ne m’a jamais été apporté (Boycott, Lynch en anglais, Limoges en français ne font pas le poids). »

      7. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        En relisant votre commentaire je tombe sur:
        « « Là où nous disposons aujourd’hui d’un atomisme, d’atomes génériques désignés par des noms communs (particules plus petites que l’atome proprement dit : « bosons », « fermions »), la pensée primitive utilise des noms propres.
        Euh… Bose, Fermi, des noms communs?
        Voulez-vous signifier par là que la pensée de ces physiciens est primitive? 🙂

        1. Avatar de Paul Jorion

          Quand on parle d’un « fermion », on n’imagine pas qu’il s’agit de l’incarnation d’Enrico Fermi (enfin pas moi personnellement 🙂 ). Les paragraphes qui précèdent le passage que vous citez dans mon livre disent ceci :

          « Qu’est-ce qui tient lieu d’inférence causale dans la pensée dite « primitive » ? Pensons au phénomène naturel : quelle est la cause de la foudre dans la pensée dahoméenne traditionnelle ? Xévioso. Quelle est la cause de la variole ? Sakpata. Et ainsi de suite. Autrement dit, l’inférence causale est interrompue, en amont, par une étiquette : la possibilité n’est pas offerte de poursuivre l’explication de la foudre, comme ce serait le cas avec « différence de potentiel électrique entre un nuage et la terre », non, l’explication s’arrête court avec un nom propre parfaitement spécifique et inconnu par ailleurs au bataillon des concepts. John Barrow écrit : « À chaque fois qu’une chaîne explicative courte (“Pourquoi pleut-il ?” – “Parce que le dieu de la pluie pleure”) se boucle, elle tend à aboutir à une divinité. Pour chaque tentative d’explication ultime – qu’elle soit mythologique ou mathématique – il existe un ensemble d’explications par défaut qui sont acceptables d’un point de vue psychologique. Dans la plupart des récits mythologiques, l’intervention d’une divinité qui supervise un domaine constitue un point d’aboutissement acceptable dans le mouvement régressif des questions en forme de “pourquoi”. Plus nos explications des événements naturels seront arbitraires et disparates, plus grand sera le nombre des divinités que nous devrons mobiliser » (Barrow 1990 : 6).

          Autrement dit, on rencontre ici avec l’invention du nom d’un dieu comme inférence causale, le processus qui correspond dans la pensée « moderne » à celui de la définition. Quelle est en effet la définition de Xévioso ? C’est la cause de la foudre. Quelle est la définition de Sakpata ? C’est la cause de la variole. L’explication tourne court par l’énoncé d’un nom propre. Ce qui veut dire que ce qui chez nous débouche sur une théorie physique atomique se cantonne là à l’énoncé d’un panthéon.

          Tricot note très justement à propos de l’atomisme dans un commentaire de La Métaphysique: « L’atomisme mécanique apparaît ainsi au témoignage d’Aristote, comme ayant une origine rationnelle et non empirique, et comme constituant une sorte de compromis entre l’unité, la permanence et l’immobilité de l’être éléatique, d’une part, et les exigences de la diversité et de la multiplicité sensibles, d’autre part. On peut dire encore que les Atomistes ont voulu « dépasser », au sens hégélien, à la fois l’Éléatisme et l’Héraclitéisme, et « sauver » les apparences changeantes tout en conservant l’immutabilité essentielle de l’Être » (in Aristote 1981 La Métaphysique : 40). »

      8. Avatar de Rosebud1871
        Rosebud1871

        @BasicRabbit 4 avril 2012 à 17:39

        une langue où l’on puisse « verbaliser » de manière productive tous les noms propres.

        Dr Guillotin : je guillotine, tu guillotines, il guillotine
        Poubelle !: je poubelle tu poubelles, ça passe pas
        Mais en chantant Sylvie Vartan en karakoe, ça passe « ce soir je serai la poubelle pour aller danser ». Mais le karakoe c’est de la post-production !
        Si les noms propres se translittèrent mais ne se traduisent pas y compris quand ils sont aussi des noms communs, c’est pas pour rien. Allez voir le Débat Russel/Gardiner à ce sujet.

      9. Avatar de Tigue
        Tigue

        Mais quelle était cette cage qui empêchait l’ Eleate Parmenide (rejette l’ unité des contraires ) de s’ entendre avec le Ionien Heraclite (Unité des contraires qui n’ existent pas l un sans l autre ) ?

        Ludwig Wittgenstein parle de cette cage dans sa conférence sur l’ éthique :

        Page 1 ici

        « Mon penchant, qui est aussi, à ce que je crois, celui de tous les hommes qui ont jamais essayé d’écrire sur l’Éthique ou la religion, ou d’en parler, était de buter contre les limites du langage. Buter ainsi contre les murs de notre cage est entièrement, absolument, sans espoir. L’Éthique, pour autant qu’elle provient du désir de dire quelque chose du sens ultime de la vie, du bien absolu, de la valeur absolue, ne peut être une science. Ce qu’elle dit n’ajoute rien, en quelque sens que ce soit, à notre savoir. Mais elle porte témoignage d’un penchant de l’esprit humain que, pour ma part, je ne puis m’empêcher de respecter profondément et que je ne ridiculiserais à aucun prix »

        Dans « le cahier bleu et le cahier brun  » (page 1 de l article donné en lien)

         » Cette soif de généralité est la résultante de nombreuses tendances liées à des confusions philosophiques particulières. II y a –
        (a) La tendance à chercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous subsumons communément sous un terme général. – Nous avons tendance à penser qu’il doit par exemple y avoir quelque chose de commun à tous les jeux, et que cette propriété commune justifie que nous appliquions le terme général « jeu » à tous les jeux ; alors qu’en fait les jeux forment une famille dont les membres ont des ressemblances de famille. Certains d’entre eux ont le même nez, d’autres les mêmes sourcils, et d’autres encore la même démarche ; et ces ressemblances se chevauchent. L’idée qu’un concept général est une propriété commune à ses cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et trop simples sur la structure du langage. Elle est comparable à l’idée que les propriétés sont des ingrédients des choses qui ont ces propriétés ; par exemple que la beauté est un ingrédient de toutes les belles choses,

        Cette soif de généralité est la résultante de nombreuses tendances liées à des confusions philosophiques particulières. II y a –
        (a) La tendance à chercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous subsumons communément sous un terme général. – Nous avons tendance à penser qu’il doit par exemple y avoir quelque chose de commun à tous les jeux, et que cette propriété commune justifie que nous appliquions le terme général « jeu » à tous les jeux ; alors qu’en fait les jeux forment une famille dont les membres ont des ressemblances de famille. Certains d’entre eux ont le même nez, d’autres les mêmes sourcils, et d’autres encore la même démarche ; et ces ressemblances se chevauchent. L’idée qu’un concept général est une propriété commune à ses cas particuliers se rattache à d’autres idées primitives et trop simples sur la structure du langage. Elle est comparable à l’idée que les propriétés sont des ingrédients des choses qui ont ces propriétés ; par exemple que la beauté est un ingrédient de toutes les belles choses, comme l’alcool l’est de la bière et du vin, et que par conséquent nous pourrions avoir
        de la beauté pure, qui ne serait pas frelatée par quelque chose de beau.
        (b) Une tendance enracinée dans nos formes d’expression usuelles conduit à penser que l’homme qui a appris à comprendre un terme général, disons le terme « feuille », en est par là même venu à posséder une sorte d’image générale (general pictures) de feuille, par opposition aux images (pictures) de feuilles particulières. Quand il a appris le sens du mot « feuille », on lui a montré différentes feuilles ; et lui montrer ainsi ces feuilles particulières n’était qu’un moyen dont la fin était de produire ‷EN LUI‖ une idée dont nous imaginons qu’elle est une sorte d’image générale (general image). Nous disons qu’il voit ce qui est commun à toutes ces feuilles ; et cela est vrai si nous voulons dire qu’il peut, lorsqu’on le lui demande, nous citer certains traits ou propriétés qu’elles ont en commun. Cependant, nous sommes enclins à penser que l’idée générale d’une feuille est quelque chose comme une image visuelle (visual image), mais qui ne contient que ce qui est commun à toute feuille (photographie composite de Galton). Cela encore est lié à l’idée que le sens d’un mot est une image (image), ou une chose corrélée à ce mot. (Cela veut dire, en gros, que nous considérons les mots comme s’ils étaient tous des noms propres, et que nous confondons alors le porteur d’un nom avec le sens du nom.)
        (c) De même, l’idée que nous avons de ce qui a lieu lorsque nous saisissons l’idée générale « feuille », « plante », etc. etc., est liée à la confusion entre un état mental au sens de l’état d’un hypothétique mécanisme mental, et un état mental au sens d’un état de conscience (mal de dent, etc.).
        (d) Notre soif de généralité a une autre source importante : nous avons toujours à l’esprit la méthode scientifique. Je veux dire cette méthode qui consiste à réduire l’explication des phénomènes naturels au nombre le plus restreint possible de lois naturelles primitives; et, en mathématiques, à unifier le traitement de différents domaines par généralisation. Les philosophes ont constamment à l’esprit la méthode scientifique, et ils sont irrésistiblement tentés de poser des questions, et d’y répondre, à la manière de la science. Cette tendance est la source véritable de la métaphysique, et elle mène le philosophe en pleine obscurité. Je tiens à dire ici que notre travail ne peut en aucun cas consister à réduire une chose à une autre, ou à expliquer quelque chose. La philosophie est vraiment ‷purement descriptive‖. (Pensez à des questions comme « Les sense data existent-ils ? », et demandez-vous : Quelle méthode y a-t-il pour déterminer cela ? L’introspection ?)
        Au lieu de « soif de généralité », j’aurais aussi bien pu dire « l’attitude dédaigneuse à l’égard du cas particulier ». […] (p. 55-58).
        ***
        Celui qui est philosophiquement perplexe voit une loi dans la manière dont on utilise un mot, et lorsqu’il essaie d’appliquer cette loi systématiquement, il tombe sur des cas où elle conduit à des résultats paradoxaux. Voici la manière dont se déroule très souvent la discussion sur une énigme de ce genre : en premier lieu on pose la question « Qu’est-ce que le temps ? » Cette question donne l’impression que ce que nous voulons, c’est une définition. Nous pensons par erreur qu’il nous faut une définition pour éliminer l’embarras (de même que, dans certains états d’indigestion, nous ressentons une sorte de faim qui ne disparaît pas quand on mange). On répond alors à la question par une mauvaise définition, par exemple : « Le temps est le mouvement des corps célestes. » L’étape suivante consiste à voir que cette définition n’est pas satisfaisante. Mais ceci veut simplement dire que nous n’utilisons pas le mot « temps » comme synonyme de « mouvement des corps célestes ». Cependant, ayant it que la première définition est mauvaise, nous sommes maintenant tentés de penser que nous devons la remplacer par une autre, la bonne définition.  »

        Or pour Aristote et pour nous qu’ il a influencés et dont nous n’ avons retenu que le syllogisme scientifique, en oubliant qu’ Aristote ne considérait pas le syllogisme scientifique comme la seule manière de connaître : lire ici

        « Nous estimons connaître (epistasthai) chaque chose, absolument parlant (et non, à la manière des Sophistes, c’est-à-dire de manière accidentelle), lorsque nous estimons que nous connaissons la cause (tèn aitian) par laquelle la chose (to pragma) est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu’il n’est pas possible que la chose soit autre qu’elle n’est. »1
        Telle est selon Aristote « la nature de la connaissance scientifique ». Le savoir en quoi consiste celle-ci est de la nature suivante :
        « S’il existe en outre une autre manière de connaître (tou epistasthai), nous poserons la question plus tard ; nous parlons pour l’heure de connaissance par voie de démonstration (di’apodeixeos eidenai). Par démonstration j’entends le syllogisme scientifique (sullogismon epistèmonikon), et j’appelle scientifique un syllogisme dont la possession même constitue pour nous la science »2

        La manière scientifique de connaître nous a enfermés dans la nécessité de définir, et ainsi d’ ôter à la chose qui est ,[ lui ôter donc quoi ? : Réponse :] »son être » , remplaçant celle ci par une image définissable mais jamais satisfaisante.

        La cage c’ est la logique du syllogisme scientifique appliquée à ce qui ne s’ y prête pas : l’ Être

      10. Avatar de Marc Peltier
        Marc Peltier

        @Paul Jorion, à propos des « inférences causales interrompues par une étiquette » :

        C’est très bien vu. J’avais cité comme exemple, dans un autre fil, « la nature », étiquette qui permet de la qualifier : magnifique, mystérieuse, profonde, voire sage, ou souffrante…

        C’est toujours un plaisir de révéler, dans notre raison, les ennemis intimes de notre raison.

      11. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        René Thom (AL pp. 175 et 176):
        « La fonction symbolique est, chez l’homme, la construction d’une catégorie d’êtres intermédiaires entre le sujet et l’objet. La forme aliénante (en devenant concept) y perd […] sa capacité d’halluciner le psychisme […] cependant qu’elle se lie à un objet sonore: le mot parlé qui dénote le concept.  »
        Lorsqu’on ne connait pas de cause à cette « forme aliénante qui hallucine le psychisme », la « catégorie d’êtres intermédiaires » se réduit à sa plus simple expression, à savoir un mot. Si l’on admet qu’un nom commun est ainsi nommé parce que susceptible de communiquer, c’est à dire de s’associer avec d’autres, il paraît alors naturel de désigner par un nom propre ce qui est inexpliqué, c’est à dire ce qui n’est pas susceptible d’une « construction d’une catégorie d’êtres intermédiaires ».

        Je suis tout à fait d’accord avec le rapprochement que vous faite avec le processus de définition: lorsque la même périphrase hallucine le psychisme de manière insistante, on soulage ce dernier en remplaçant cette périphrase par un néologisme.

      12. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        René Thom: « la physique est une magie contrôlée par la géométrie »
        Paul Jorion: « la physique est une religion contrôlée par des noms communs ».
        « J’avais pu constater personnellement au sein du panthéon des mêmes populations Xwéda (du Bénin actuel), le regroupement des phénomènes naturels en vastes catégories reproduisant les sept « catastrophes élémentaires » de la théorie géométrique des catastrophes due à René Thom. »

        Tout ça me turlupine. Et me remet en mémoire:
        « Je verrais volontiers dans le mathématicien un perpétuel nouveau-né qui babille devant la nature; seuls ceux qui savent écouter la réponse de Mère Nature arriveront plus tard à ouvrir le dialogue avec elle, et à maîtriser une nouvelle langue. Les autres ne feront que babiller, bourdonner dans le vide -bombinans in vacuo. Et où, me direz-vous, le mathématicien pourrait-il entendre la réponse de la nature? La voix de la réalité est dans le sens du symbole.
        De l’icône au symbole, MMM.

        Je verrais bien un nom propre pour « Mère Nature ».
        Pour moi le nom commun, je l’ai dit plus haut, permet de communier, de communiquer. C’est le langage générique, intersubjectif par excellence. Le problème est de lier « nature » à « Nature » à l’aide de mots génériques, pour moi nécessaires à l’inter-‘intelligibilité du groupe social. Cela pose le problème de l’intelligibilité, de la séparation entre un discours magique et un discours scientifique. Précisément ce dont s’occupe René Thom dans ES avec en particulier sa théorie des saillances et prégnances en particulier.
        Il y a donc pour moi parfaite identité de points de vue entre René Thom et Paul Jorion.

        PS: La conclusion de ES était jusqu’à ce jour un mystère pour moi:
        « Seule une métaphysique réaliste pet redonner du sens au monde. »
        Le slogan du FG « l’humain d’abord » n’est-il pas ce sens? Dans ma citation de Uexkull (cf. la file « Vote utile ») le Triton est une métaphore du continu, la montre du discontinu. Et j’ai interpréter (peut-être trop librement?) le slogan en plaçant le FG du côté du Triton/continu par rapport à la montre/discontinu.
        Or le choix (métaphysique?) de Thom est justement de privilégier le continu par rapport au discontinu (AL p.563). Choix que ne fait pas Petitot et qui le conduit à une attitude démiurgique et donc, à terme (un terme qui peut être proche!) à une attitude dangereuse pour l’humanité.

        1. Avatar de Paul Jorion

          Pour éviter tout malentendu : « neutron », « force », « inertie », sont les noms communs utilisés par la science, « Xevioso », « Jupiter », « Dieu », sont les noms propres utilisés par les religions.

      13. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        Vous me répondez avant que je ne vous aie écrit!
        Je ne vois pas d’autre explication possible que magique. 🙂

        1. Avatar de Paul Jorion

          Non : nous sommes une seule et même personne !

      14. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion

        Le problème est donc de relier la nature telle qu’elle est à la Nature telle qu’on l’imagine. Thom nous indique une voie à suivre: « La voix de la nature est dans le sens du symbole ».
        Lacan aussi avec son noeud borroméen.
        En tout cas je crois que me voilà au coeur du sujet: nature vs Nature, homme vs Homme.

        ça sent les assertions auto-référentes tout ça!

        « Connais-toi toi-même »
        « Je mens »
        « Le prédateur est sa propre proie »

        La première est statique et directe.
        La deuxième est également statique mais comporte une sorte d’inversion.
        La troisième est dynamique. L’ingestion d’un prédateur par lui_même me fait également penser à une inversion, ou mieux, à quelque chose sans dedans ni dehors, à une bouteille de Klein par exemple. Lacan?

        PS: Vous avez oublié un 🙂 pour accompagner votre précédent commentaire.
        PPS: Encore! Votre avant dernier commentaire!

      15. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Paul Jorion
        Je remets ici le peu que je sais sur l’auto-référence (extrait de commentaires d’autres billets de ce blog). Je n’ai pour l’instant rien à dire de plus sur ce passionnant sujet.

        En postulant l’existence d’injections élémentaires de l’univers de la théorie des ensembles dans lui-même, hypothèse hautement spéculative car indémontrable à cause du deuxième théorème d’incomplétude de Gödel, le mathématicien Patrick Dehornoy a réussi à dénouer de manière extrêmement simple le problème on ne peut plus concret de la simplification des tresses.
        Voir «  »A quoi sert l’infini en Mathématiques? »

        Je sais que vous vous êtes attaché à démonter la preuve du deuxième théorème d’incomplétude de Gödel. René Thom dézingue toute la logique formelle en une page (SSM p. 3) et les mathématiques modernes en un article (AL pp.553 à 569). Bien que sur le fond je donne raison à la fois à Thom et à vous, je serais quand même plus nuancé: la logique formelle et la théorie des ensembles sont des constructions peut-être fantasmées mais des constructions quand même qui sortent de cerveaux humains. Je les range dans la classe des constructions centripètes, au même titre qu’une montre, selon la citation de Uexkull.

        La signification que je vois au résultat de Dehornoy est qu’en cherchant à forcer la négation du 2ème théorème d’incomplétude auto-référente de Gödel on arrive à une hypothèse de type « grand cardinal » qui est l’existence d’injections dites élémentaires de l’univers de la théorie des ensembles sur un univers strictement plus petit mais néanmoins identique (hypothèse hautement spéculative que l’on fait quand même!). Deux faits m’intéressent:
        1) les constructions que fait Dehornoy à partir de cette hypothèse aboutissent à un résultat tout à fait non trivial sur les tresses et entrelacs (dont fait partie le noeud borroméen);
        2) apparaissent dans la construction des limites projectives (plus difficiles à imaginer et manier que les limites inductives usuelles) … comme dans la classification des catastrophes SSM pp. 32 et 33).

        Rq: En itérant le processus d’injection élémentaire on pense aux fractales de Mandelbrot. Ce n’est pas le cas: ces descentes s’arrêtent au bout d’un nombre fini d’étapes car la construction des ordinaux est (comme celle des entiers) bien ordonnée.

        1. Avatar de Paul Jorion

          Les mathématiques comme « productions culturelles », dans Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard 2009 : 326-331)

      16. Avatar de kercoz
        kercoz

        @Basic Rabbit .
        Il y a actuellement au Collège de rance un gus (YOCCOZ) , qui sévit sur plusieurs leçons portant sur les equa diff .
        http://mathematiques.ac-bordeaux.fr/viemaths/hist/mthacc/yoccoz.htm
        Comme on le relie a Thom , J’ai pensé que ça pourrais vous interesser (Perso , je me sens largué !)

      17. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @ Kercoz
        Merci. Je connaissais le nom. Nettement au dessus de mon niveau. Ceci dit cela m’intéresse beaucoup de connaître les différences fondamentales qu’il y a entre les systèmes dynamiques à temps discret et ceux à temps continu (je sais qu’il y en a) et Yoccoz s’occupe des deux.
        Tout ceci pour tenter de comprendre pourquoi Thom a choisi de préférer le continu par rapport au discret alors que pour Petitot la différence est de nature transcendantale (cf. mon commentaire précédent).

    2. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      @ Paul Jorion

      « les points de vue des mathématiciens réalistes qui se conçoivent comme découvreurs et des mathématiciens antiréalistes qui s’imaginent inventeurs, peuvent être réconciliés si l’on offre de leur activité à tous une définition opérationnelle qui y voit la génération d’un produit culturel, c’est–à–dire relevant de la manière propre dont notre espèce offre une extension aux processus naturels. Ce produit culturel que les mathématiciens génèrent est une « physique virtuelle » permettant la modélisation du monde sensible de l’Existence-empirique en vue de sa prévisibilité à nos yeux. Cette physique virtuelle n’est ni contrainte de s’astreindre à la rigueur irréprochable des modes de preuve les plus exigeants aux yeux de la logique, ni ne doit s’imaginer décrire une Réalité-objective constituée d’essences mathématiques. La mise au point du calcul différentiel en offrit une illustration lumineuse. »

      « La mise au point du calcul différentiel en offrit une illustration lumineuse. »
      Je ne vois pas en quoi! Le calcul infinitésimal n’est conceptuellement qu’un prolongement du calcul algébrique, prolongement qui introduit il est vrai de sérieuses difficultés techniques. On voit d’ailleurs bien qu’il n’y a pas de différence conceptuelle en utilisant l’analyse non standard de Robinson.
      Exemple simple. Soit à résoudre l’équation différentielle y’=y, y(0)=1. Pour h que l’on imagine très petit (infiniment petit en analyse non standard) l’équation d’Euler associée, « aux différences divisées finies », (z(n+1)-z(n))/h=z(n), z(0)=1, résout approximativement (exactement en ANS) le même problème, z(n) étant très proche (égal en ANS) de y(n*h).

      René Thom a mis en garde à propos de la non pertinence de la théorie des équations aux dérivées partielles dans l’étude des phénomènes naturels (AL pp. 386 et 387).

      Rq1: Je me suis toujours demandé ce que venaient faire les équations aux dérivées partielles (Schrödinger par exemple) en mécanique quantique. Si c’est de mécanique quantique qu’il s’agit alors il y a une constante de Planck h qui force à utiliser des équations aux différences divisées finies.

      Rq2: Après un excellent départ (d’ailleurs de Newton) en une dimension (temporelle pour fixer les idées), on ne sait toujours pas, en 2012, ce qu’est une différence divisée en plusieurs variables (conjecture de Whitney 1934)…

  22. Avatar de bertrand
    bertrand

    Vous travaillez dans l’immobilier , la construction , les travaux , la grande descente commence , chute des prêts de 50 % entre février 2012 et février 2011 , chute des emplois de 50 % , chute des prix ………..de combien ………..faudra attendre……mais nous sommes partis pour plusieurs années de chute.
    Quittez ces jobs.
    Alors la formation du prix laissez moi rire si vous voulez l’encadrer.
    http://www.boursorama.com/actualites/le-credit-immobilier-devisse-en-2012-sans-perspective-de-rebond-b2232f229b0312b9feecce223bead931

    1. Avatar de liervol
      liervol

      élément positif l’état va morfler encore plus les banques avec et peut être qu’au bout l’explosion tant désirée arrive…

      1. Avatar de KIMPORTE
        KIMPORTE

        …c est bien parti

    2. Avatar de Picoli
      Picoli

      Ce n’est qu’ un retour à la normale
      http://www.zerodette.com/immobilier-courbes-friggit-mars-2012/
      La formation des prix est enfin en train de jouer son rôle.

      Fin du H S

  23. Avatar de HARD ROC
    HARD ROC

    …. se prêtait sans doute mieux à ce qu’apparaisse la subordination de l’économique au sociopolitique…..
    … c’est le statut social qui détermine la fortune, et non l’inverse, en tant qu’il règle l’accès à cette fraction du surplus qui revient aux partenaires économiques au titre de rente, de profit ou de salaire.

    Ce qui n’a jamais été théorisé, car trop élémentairement évident et inconvenant : des choses qui ne se disent pas.
    C’est que le statut social résulte des capacités à être le chef naturel du groupe, le « dominant » de la meute, parce que le plus fort et/ou le plus malin et/ou le plus expérimenté. Celui qui veut le pouvoir et qui a les moyens de s’imposer. Machiavel et Sade pas morts…
    Le leader s’approprie naturellement la rente et le surplus, ce qui est plus ou moins tacitement accepté par les autres membres du clan, volens nolens.
    Ce sont les politiques, les chefs d’entreprises, les représentants syndicaux, etc…
    Il se crée des structures ayant pour but de pérenniser, plus ou moins durablement un certain état de fait, les plus forts dans différents domaines se confortant entre eux, structures qui finissent par devenir obsolète: révolution ou retour du balancier.
    C’est la toile de fond, inconvenante, de l’étude sociopolitique, et les mécanismes économiques qui lui sont embedded, ou je dirais plutôt involved. (embedded signifie dans le même lit, n’est-ce pas ?).
    Inconvenante parce cela revient à avouer que notre organisation sociale reste calquée sur le modèle animal et peu valorisant, au pays de Descartes, de la meute, de la loi des plus forts.
    Et il est évident qu’après quelques décennies de légère amélioration, le retour à la barbarie est d’actualité. Exit les bisounours, victimes de leurs propres excès.

    1. Avatar de timiota
      timiota

      Mmm, la meute, la horde, le chef, le paternalisme et/ou la patrilinéairité
      Y a pas que ça !!!
      Rifkin, l’empathie, les groupes se jouent aussi sur ce coefficient là…
      (mais c’est plus « silencieux »)

      Voir aussi Todd : plusieurs systèmes familiaux, certains ont gardé le « tic égalitaire » à travers vents et marées, contre l’extension conquérante de d’influences patrilinéaires.

      La notion d’injustice est assez « gravée » dans nos cerveaux via les neurones miroirs.
      Pour moi les notions de « vergogne » et justice (aidos et dike en grec) en découlent assez directement, elles ont un fond anthropologique et même organique : les neurones miroirs.

      Lire aussi l’anthropologue Demoule (via ce qu’il y a aujourd’hui sur le site de Libération sciences2 sur l’archéologie française de sauvetage), et demander à notre contributeur arkao quelque chose là-dessus.

      1. Avatar de HARD ROC
        HARD ROC

        @timiota
        Conscience altruiste / biosphérique, nouvelles façons de « penser global », ne sont pas antinomiques du respect hiérarchique dans le groupe, dès lors que ses leader s’y conforment.
        Ces comportements nécessaires à la cohésion du groupe ne remplacent pas la structure organisationnelle, relationnelle, celle des rapports de force.
        La patri (ou matri)linéarité ne vient que ensuite justifier un maintien du statut social. C’est un moyen de pérennisation, et c’est alors que se dégrade la logique du système. Il était trouvé normal (naturel, juste…) que le leader profite de sa position, mais ce ne l’est plus pour sa lignée.
        L’archéologie récente éclaire des comportements de servitude acceptée, voire souhaitée, mais c’est bien d’aujourd’hui qu’il s’agit.

  24. Avatar de fnur
    fnur

    Pour imposer la servitude – nécessaire pour que riches et dominants existent, ils ont besoin d’accaparer la production d’autrui – il faut qu’elle soit en grande partie volontaire. Le dominé doit montrer un certain enthousiasme à l’être. L’archéologie des 20 dernières années a permis de suivre la mise en place de ces systèmes.

    http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2012/04/larch%C3%A9ologie-a-retrouv%C3%A9-lhistoire-de-france.html

    1. Avatar de fnur
      fnur

      Sir, yes sir !

  25. Avatar de MadMax
    MadMax

    Si je vous suis bien:

    Les prix ne seraient donc pas le reflet du rapport offre/demande mais celui du rapport des forces sociales entre offrants/demandants et l’economie devrait etre interpretee comme une analyse quantitative de ces rapports de forces au sein d’une societe humaine. La rarete de l’offre donnant une force plus grande aux offrants, c’est a cause de ce genre de mecanisme que l’economie comme etude du rapport offre/demande fonctionne en premiere approximation mais pas plus.

    Mais qu’est-ce qui determine « la force sociale » d’un individus ou d’un groupe d’individus ? Ici, j’ai l’impression qu’on peut reprendre largement les theses de F. Lordon issues de l’application conjointe de la philosophie des affects spinoziste et du structuralisme social Marxiste.

    1. Avatar de sentier198
      sentier198

      « ..le reflet du rapport offre/demande mais celui du rapport des forces sociales entre offrants/demandants.. »
      mais , si l’on cherche bien , c’est un peu la même chose , non ? (cf. Bernays : http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Bernays )
      le rapport offre/demande étant lui-même le « reflet » du rapport de force , lui-même , peut-être , le « reflet » ressources disponibles/ressources exploitables…etc..

      1. Avatar de MadMax
        MadMax

        Je ne comprends pas bien votre reference wikipedia…

        « si l’on cherche bien , c’est un peu la même chose , non ? »

        Pas vraiment. Pour prendre un exemple extreme: si l’offre est a 10 euros la bagette, vous refusez, mais si en plus le boulanger vous colle un pistolet sur la tempe, vous accepterez.

        J’ai peur de deformer les idees de P. Jorion mais dans un cas, votre decision est le reflet de l’offre et de la demande, dans l’autre, d’autres facteurs vous contraignent a faire votre choix.

      2. Avatar de sentier198
        sentier198

        si la baguette est à 10 euros partout , c’est comme si l’on vous mettait un pistolet sur la tempe , non ?

        d’où , mon : « si l’on cherche bien , c’est un peu la même chose , non ? »

        et si , et si , l’on peut s’amuser ainsi longtemps…..

        il faut cesser de suite de « réduire » à des caricatures et accepter que les choses soient complexes dans toutes les dimensions explorables par nos sens (temps,espace) et essayer de les comprendre dans cette complexité.

        ma référence fait allusion à ce que la « psychologie » peut installer de « structures » orientant les processus d’organisations économiques tel un décor coercitif dans lequel va se jouer la pièce de l’offre et la demande , sur-codant totalitairement les effets générés (le prix , la valeur ,la morale,…etc…) .

        P.Jorion dit plus bas : »..les effets « objectifs » de structure suffisent à procurer une explication complète… » , cette « complétude » me pose problème , franchement.

      3. Avatar de MadMax
        MadMax

        « si la baguette est à 10 euros partout , c’est comme si l’on vous mettait un pistolet sur la tempe , non ? »

        Vous avez raison, mais si la baguette est a 10 euros partout, c’est que les producteurs se sont entendus sur les prix. S’ils peuvent s’entendre sur les prix, c’est qu’ils ont reussi a avoir assez de « force sociale » pour contourner/influer les agences de surveillances. A charge aux consommateurs d’influer a leur tour sur ces agences de surveillances. Le prix est donc bien relie a un rapport de « forces sociales » et non a une quantite de baguettes « offerte » par rapport a une quantite de baguette « demandee ».

        Mais tout ca c’est tres complexe 😉

    2. Avatar de Paul Jorion

      « Mais qu’est-ce qui determine « la force sociale » d’un individus ou d’un groupe d’individus ? »

      C’est expliqué dans Le prix, et même sur la 4ème de couverture :

      « Le prix se détermine selon le rapport de force existant entre le groupe des vendeurs et celui des acheteurs, qui se définit à son tour en fonction de la rareté relative de chacun de ceux-ci à l’intérieur du groupe auquel il appartient. La froide logique de l’offre et de la demande s’efface derrière les rapports humains et une image émerge : celle d’un cadre sociopolitique qui trouve dans les prix le moyen de se reproduire à l’identique. Statut social, degré de concurrence de chacun au sein de son groupe, risque que chacun fait subir à sa contrepartie dans une transaction commerciale étalée dans le temps, tout cela s’équivaut en réalité au sein d’une équation complexe. »

      L’affect, c’est important, mais dans la formation des prix, ça ne joue aucun rôle (le « mimétisme » non plus d’ailleurs) : les effets « objectifs » de structure suffisent à procurer une explication complète.

      En rab : l’avant-propos de Le prix

      « Mon ouvrage propose comme théorie de la formation des prix en économie comme en finance, une extension de la théorie des prix d’Aristote, telle que celui–ci l’expose dans quelques brefs paragraphes de son Éthique. Le philosophe explique à l’aide d’une proportion « diagonale », c’est–à–dire croisée que le prix exprime le rapport de force existant entre l’acheteur et le vendeur : plus l’acheteur est d’un statut élevé par rapport au vendeur, moins le profit de celui–ci sera élevé.

      Je fais débuter mon analyse par une réflexion sur le rapport qui existe entre deux notions, celle de « valeur » et celle de « prix » ; je mets en évidence que la valeur est une notion théorique faisant partie d’un modèle, c’est–à–dire d’une fiction méthodologique, visant à offrir au prix en arrière–plan de sa variabilité observée, une stabilité qui lui fait défaut. Au sein de ce modèle, la valeur a un fondement objectif, le prix est censé être sa matérialisation approximative dans un monde nécessairement imparfait. J’explique pourquoi il est en réalité dans la nature intrinsèque du prix de varier : la nécessité d’un recours à la valeur comme facteur explicatif disparaît en conséquence.

      Je montre que la théorie d’Aristote explique la formation des prix aussi bien dans des activités traditionnelles comme la pêche artisanale à partir d’équipages à structure familiale, en Afrique comme en Europe, que dans la formation du prix des instruments financiers contemporains les plus sophistiqués. Loin que le prix soit déterminé comme le veut la science économique contemporaine par la rencontre nue de forces comparables à celles que l’on rencontre en physique, comme l’offre et la demande, il apparaît au contraire comme l’expression de coûts de production modulés pour sa composante de profit par le rapport de force entre acheteur et vendeur, fondé de manière générale sur l’ordre politique. Je montre que c’est la pression concurrentielle entre eux des vendeurs comme des acheteurs qui détermine de rapport de force entre leurs deux groupes. Le statut réciproque des parties fixe le prix attaché à leur travail durant la même unité de temps et détermine leur accès aux surplus dégagés par l’activité économique.

      J’explique comment l’offre et la demande ont pu sembler rendre compte du prix, je montre en particulier de quelle manière d’autres mécanismes à l’œuvre semblent refléter celle–ci, comme dans le cas d’une autre qualité du produit visant une autre clientèle que celle qui lui est habituelle. Je montre surtout comment le rapport entre le nombre d’acheteurs et de vendeurs en présence a pu apparaître comme une confrontation nue de l’offre et de la demande, étant donnée la corrélation normale entre les deux rapports.

      Je propose enfin à ce sujet un cadre au sein duquel situer à la fois les représentations en termes de forces physiques, telle l’offre et la demande, et les décisions exercées librement par les agents économiques impliqués, qui sont les réels créateurs du mécanisme effectivement à l’œuvre.

      Comme l’avaient compris les représentants de l’Économie Politique au XVIIIe et XIXe siècles, les trois éléments qui composent les coûts de production sont la rente perçue par les propriétaires, le profit obtenu par les marchands et le salaire perçus par les travailleurs. Le « salaire de subsistance », une notion introduite par Adam Smith et David Ricardo, représente la somme des dépenses nécessaires aux travailleurs pour assurer la survie de leur famille et d’eux–mêmes, il constitue un plancher dans la détermination du prix de toutes les marchandises. Le salaire de subsistance, comme composante de base du salaire, est l’un des coûts de production et est lui–même défini par eux, dans un rapport de détermination circulaire que Sraffa décrivit dans son ouvrage « Production de marchandises par des marchandises. Prélude à une critique de la théorie économique » (1960). La notion de philia chez Aristote, la contribution que chacun des acteurs apporte (le plus souvent inconsciemment) pour que le marché survive dans de bonnes conditions, explique à la fois pourquoi le salaire de subsistance est assuré dans les économies modernes (chacun comprend qu’il faille supporter sa famille) et pourquoi son mécanisme reste inaperçu (chacun fait cette contribution comme un automatisme).

      La manière dont le rapport de force entre les deux parties détermine le prix est encore plus visible lorsque la transaction est étalée dans la durée comme c’est le cas dans la vente à tempérament. Dans ce cas, un élément de confiance doit intervenir puisque le vendeur court un risque : que les paiements futurs ne seront pas versés. Il se protège de manière statistique sur l’ensemble des prêts qu’il consent en majorant le montant de la traite d’une surcharge qui constitue ainsi l’équivalent d’une prime de risque. Les conditions d’un prêt d’une somme d’argent sont les mêmes que celles d’une vente à tempérament : la « vente » consistant alors dans l’avance du principal. Les deux formules possibles de rétribution du prêteur sont le métayage, qui rétribue le prêteur par une fraction du produit de la fructification du capital avancé, et la location qui rétribue le prêteur par une fraction conventionnelle du capital avancé. Le montant de la part (« 1/3 », « ¼ », etc.) Dans le cas d’un prêt en argent, le taux d’intérêt est, selon l’expression consacrée, le « loyer de l’argent ». Il est montré que la part ou le loyer reflètent conjointement un élément objectif (une prime de risque liée au statut de l’emprunteur) ainsi qu’un profit, c’est alors celui–ci qui sera déterminé par le rapport de force entre prêteur et emprunteur, jusqu’à apparaître, lorsque le rapport de force est particulièrement inégalitaire, comme une surcharge équivalant à une simple « taxe en fonction du rapport de force ». Du fait qu’il est montré que la formation des prix est déterminée par l’ordre politique bien davantage que par des contraintes d’ordre économique, le retour à Aristote constitue en réalité une radicalisation de l’approche de Marx. »

      1. Avatar de MadMax
        MadMax

        Merci pour votre reponse !

        Mais j’ai toujours l’impression que les travaux de F. Lordon peuvent servir. Quand vous ecrivez:

        « Statut social, degré de concurrence de chacun au sein de son groupe, risque que chacun fait subir à sa contrepartie dans une transaction commerciale étalée dans le temps, tout cela s’équivaut en réalité au sein d’une équation complexe. »

        J’ai interprete les reflexions presentees dans le livre « Capitalisme, desir et servitude » comme une analyse detaillee des relations fondamentales aboutissant a cette equation complexe.

      2. Avatar de JC
        JC

        Je suppose que les tarifs du chirurgien qui a opéré J.Halliday de la hanche (je ne veux pas citer son nom ) avec le succès que l’on sait et qui a failli nous priver de notre idole sont bien plus élevés que ceux d’un de ses collègues qui opère au fin fond de l’Ariège avec une meilleure réussite.
        Dans ce cas le prix de l’opération n’est il pas déterminé par le statut social des négociateurs (Jonhy et le Docteur) et le milieu social dans lequel ils évoluent? Il ne serait jamais venu à l’idée de notre rocker national d’aller se faire opérer à Foix ( chef lieu de l’Ariège) même en sachant que le succès de son opération était mieux garanti.
        Pourtant les enjeux économiques de cette opération étaient plus importants que ceux de la même intervention subie par vous ou moi.
        Merci de votre éventuel commentaire. N’oubliez pas que Jonhy est votre compatriote

    3. Avatar de sentier198
      sentier198

      @ Paul
      « … les effets « objectifs » de structure suffisent à procurer une explication complète… »
      c’est bien là que vous faites une « impasse » , à savoir l’oubli (ou la volonté ? , je me pose la question ) de définir ce que vous appelez un « effet de structure » , car en condensant les mots effets+ objectifs +structure vous pratiquez une réduction de sens (donc un acte idéologique , affect-dépendant) , car il est aussi possible de lire ces signifiants à l’envers , la structure devenant un « producteur d’effets » , éventuellement « objectifs » , structure étant elle-même « subjectivement dépendante » , donc liée aux affects.
      je redoute beaucoup cette linéarisation d’un processus complexe (comme vous le dites d’ailleurs) , moteur d’organisations sociales « regressives ».

    4. Avatar de NewOdd
      NewOdd

      Sur ces questions, je crois qu’un passage par G. Simmel et l’un de ses excellents commentateurs, F. Vandenberghe, peut s’avérer très intéressant.
      Pour une lecture complète, je ne peux que conseiller « La philosophie de l’argent » de Simmel, et le très réussi « la sociologie de Simmel » par Vandenberghe (où l’auteur voit clairement une filiation de Marx à simmel d’une part, de Simmel à Weber d’autre part : »Si l’on a pu dire que la philosophie de l’argent n’aurait pu être écrite si elle n’avait été précédée du Capital, on pourrait ajouter que Economie et Société de Max Weber aurait difficilement pu être écrit sans la Philosophie de l’argent »).
      A creuser, l’idée de valeur comme objectivation du désir, de l’échange comme objectivation de la valeur (valeur comme condition de l’échange, à l’inverse de Marx), L’argent comme objectivation des rapports d’échange. Ce faisant, l’argent devient le Media, le moyen absolu, capable d’égaliser les choses les plus inégales. Par la même, il devient un Fin absolue. La qualité est réduite à la quantité. « Si la valeur devient objective par la comparaison, elle devient économique par l’échange ». Economique surtout, parce que l’échange suppose un sacrifice, et c’est précisément ce sacrifice qui conditionne absolument la valeur.

      La force sociale que vous évoquez peut être entendue comme inversement proportionnel à l’ampleur du sacrifice à consentir dans la détermination de la valeur.
      Enfin, je crois…

  26. Avatar de Peter Hoopman

    Le « prix » selon vous M. Jorion incluit-il par exemple « la justice » et « la sécurité » ?

    Autrement dit ou posé la question différement: comment va évoluer « le prix » à partir de deux différents conventions pris à la base?

    1. Profit et croissance

    ou

    2.
    Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
    (Déclaration des droits de l’homme Universelle, article 25.1)

    Encore autrement posé la même question: quelle est « le prix » du profit? 😉

    1. Avatar de Peter Hoopman
      Peter Hoopman

      En ajoutant:

      Une société est basée sur des conventions. Une d’entre elles est la fonctionnement de notre système monétaire.

      Exemple I

      « …L’existence de l’argent n’est pas naturelle mais instituée par la loi. »

      Aristote, Éthique 1133

      C’est sur l’analyse des effets de cette convention que les économistes basent leurs théories scientifiques. Un philosophe est un poseur des questions qui, tôt ou tard, examine les conventions et les soumets à débat. Ce que les économistes sont moins enclins à faire car c’est des fondements mêmes de la science économique qu’il pourrait vite être débattu, au risque de découvrir que leur science s’avère ne pas être une science mais une convention temporaire.
      Source : Le LEURRE politico-économique, Peter Hoopman, p. 19

  27. Avatar de Paul Stieglitz

    Cher PJ, votre phrase :
    « Il a été suggéré ici que l’équation abondance ou rareté des personnes contribuant à définir le risque de crédit qu’elles constituent pour les autres, à quoi s’ajoutent la dangerosité des activités exercées et l’irrégularité de celles-ci, le risque global des personnes déterminant leur statut, le statut relatif de différents sous-groupes définissant le prix, procure le cadre d’une nouvelle théorie de la société où le prix des personnes détermine le prix des choses. »
    …est difficile à comprendre ! C’est dommage vu l’intérêt de la « suggestion ». Fallait-il ramasser tout le sens de l’article dans cette seule phrase ?
    Ne voyez dans cette critique que l’intérêt porté aux idées que vous exprimez. et la vieillesse de mes neurones.

  28. Avatar de fnur
    fnur

    « Une profession si attentive aux incitations ne peut continuer à tenir les siennes propres pour négligeables. Il est parfaitement légitime qu’un économiste qui consulte pour telle ou telle entreprise, ou bénéficie de contrats de recherche finalisés, participe aussi au débat public, à condition qu’il soit transparent sur ses activités et se fixe la discipline de signaler tout conflits d’intérêts potentiel. Ce n’est pas toujours le cas. »

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2012/04/03/des-economistes-au-dessus-de-tout-soupcon/

    http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20120401.OBS5185/les-economistes-sont-ils-des-imposteurs.html

  29. Avatar de Vincent Wallon
    Vincent Wallon

    Excusez moi de me répéter.

    J’ai une proposition à faire aux lecteurs du blog qui nous lisent depuis le taff’, le bahut, la fac, …:

    Là-Bas – Bernard Friot, l’enjeu des salaires

    Si vous êtes sur un Open Space, un lieu public, etc. Branchez une sono et poussez le son.

    Assemblée Générale dans la foulée.

    PS: mieux vaut que vous soyez couvert par un mandat syndical et que vous soyez appréciés de vos collègues tout de même, il se peut que vous ayez besoin de soutien solidaire par la suite…
    Il est bien évident, que je nie toute responsabilité juridique quelle quelle soit, Eh, Oh, ça va ouais, pas les moyens moi…Si vous le faites, c’est votre libre arbitre, rien d’autre.
    C’est juste une stupide idée que je propose à l’opprobre générale.

  30. Avatar de Gyps
    Gyps

    Une réflexion par un exemple de transaction: Achat d’un véhicule. On sait au moment de l’achat que les affaires dans ce domaine sont mauvaises, et que l’on peut obtenir une remise sur le prix (rapport de forces).

    Deux solutions, en fonction des partenaires: dans le premier cas, on est face à un vendeur salarié payé en partie à la commission. La remise se fera en partie au désavantage de ce dernier. L’acheteur réalise un bonus immédiat. La transaction est limitée à l’acte de vente.

    Deuxième cas: face au patron du garage, on n’exige pas la remise, en souhaitant une compensation par la qualité de la relation et du service à plus long terme (les entretiens du véhicule seront faits dans ce garage). L’acheteur espère un bonus étalé sur le long terme. Dans une certaine mesure, il le paie.

    Le prix est ici fonction du statut et de la relation entre les personnes.
    Au plus on s’éloigne du fournisseur de services, au plus le prix devient abstrait.

    1. Avatar de Béotienne
      Béotienne

      Au plus on s’éloigne du fournisseur de services, au plus le prix devient abstrait.

      Niveau des pâquerettes du cochon de client, ma dernière mésaventure date d’avant-hier.
      Nécessité d’acheter 4 essuie-mains tout venant, je les achète donc dans une grande surface qui vend des produits d’importation bon marché.
      Toutes les pièces sont de même qualité mais de couleurs différentes.
      Une teinte est à 0, 69 euros ( produit d’appel ?) tandis que les autres sont à 0, 99.
      J’en achète 2 de chaque catégorie, à la caisse on me les compte tous à 0,99;
      Je le fais remarquer à la caissière et provoque une file presqu’aussi longue que le roulement de la dette.
      Dès que la vérification est effectuée par une responsable qui s’est fait attendre, on me rembourse 2 x 0,30 euro ( environ 20 anciens francs belges).
      C’était une « erreur » programmée dans la caisse enregistreuse.
      Quel est le statut social de cet ordinateur ( la caisse enregistreuse)
      En attendant, ce magasin a fait un profit supplémentaire de +ou – 10 anciens francs belges sur chaque essuie-main vendu, j’avais acheté les deux derniers.
      Le marketing a encore bien frappé et concrètement faire une achat c’est faire la guerre de l’information.

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