Billet invité
A eux cinq, ils représentent 45% de la population mondiale et pèsent un quart du PIB de la planète. Dilma Roussef, Dmitri Medvedev, Hun Jintao, Manmohan Singh et Jacob Zuma viennent de se réunir à New Delhi, à l’occasion du 4éme sommet du BRICS qui regroupe le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Dans les commentaires de la presse internationale, l’accent est mis sur le caractère surtout symbolique de cette réunion ainsi que sur tout ce qui sépare ce groupe disparate de cinq pays émergents : depuis des systèmes politiques très différents jusqu’à leur localisation aux quatre coins du monde. Tout en reconnaissant qu’ils sont désormais des puissances économiques de premier plan et disposent d’une grande part des réserves monétaires mondiales. A tous égards, une réaction défensive.
Certes, les membres du BRICS ne sont pas plus prêts que ceux du G20 à se doter d’une structure de secrétariat permanente. Et la plus importante des décisions prises à leur sommet a été d’engager l’étude de la constitution commune d’une banque de développement et d’investissement, un projet encore très embryonnaire destiné à financer des projets d’infrastructure dans les pays émergents et en développement. Robert Zoellick, le président sortant de la Banque Mondiale, s’est immédiatement répandu pour énumérer toutes les difficultés que ce projet allait selon lui avoir pour sortir de terre et être reconnu par la communauté financière, arguant des approches différentes de ses partenaires; mettant d’abord en évidence que les Américains freinent des quatre fers.
Plus concrets, les ministres du commerce s’étaient réunis la veille du sommet, afin d’impulser le développement de leurs échanges communs – un marché de 230 milliards de dollars – cherchant un remède à la faible croissance et à la baisse de la demande des pays occidentaux qui les affectent durement. Les échanges commerciaux internationaux ne sont pas tous orientés Nord-Sud comme on se le figure à tort ; ceux-ci se développent très rapidement entre pays émergents, non sans concurrence sur leurs marchés intérieurs réciproques. Un important potentiel existe, que les pays émergents voudraient concrétiser, n’étant pas en mesure de changer de modèle de développement aussi simplement qu’il leur est demandé, afin de suppléer par la croissance de leur marché intérieur à la baisse de leurs exportations. Des accords ont donc été signés afin de favoriser les prêts dans les monnaies des membres du BRICS, et donc leurs échanges. Ce qui fait l’affaire de la Chine qui étend lentement l’utilisation du yuan.
La préoccupation la plus immédiate a été exprimée dans la déclaration finale du sommet : « les liquidités excessives émanant de la politique agressive des banques centrale pour stabiliser leur économie sont en train de se répandre dans les économies des marchés émergents ». Elle attire également l’attention « sur les risques d’un important et volatile flux de capitaux auquel les économies émergentes font face ». Ces capitaux servent à acheter des actifs dans celles-ci, contribuant à la création de bulles financières et entraînant une volatilité des taux de change.
Dilma Roussef, la présidente du Brésil, a mis les points sur les « i », évoquant la crise qui a débuté dans les pays développés comme ne pouvant pas être résolue « par simplement des mesures d’austérité, de consolidation budgétaire et de dépréciation de la force de travail, pas plus que par la création monétaire qui a déclenché ce que l’on ne peut décrire autrement que comme un tsunami monétaire, conduisant à une guerre des devises et à l’apparition de nouvelles et perverses formes de protectionnismes dans le monde. »
Enfin, pour revenir à nos préoccupations européennes, les membres du BRICS ont été limpides : pas d’augmentation de la contribution du FMI au sauvetage de l’eurozone sans mise en pratique de la réforme de 2010 qui leur accorde à eux davantage de droits de vote et qui est toujours en attente de ratification par de nombreux États membres, dont les États-Unis.
La crise occidentale se propage selon deux phénomènes : elle atteint les marchés à l’exportation sur lesquels repose la croissance des émergents et suscite la création de bulles financières spéculatives. Dans le cas de la Chine, cette bulle résulte des injections financières massives de la banque centrale, destinées à pallier aux conséquences de la crise occidentale. Selon l’agence Moody’s, qui ne perd pas le Nord, seul un rééquilibrage de l’économie chinoise favorable au secteur privé pourrait contrebalancer le ralentissement de la croissance. Une hausse du coût du pétrole assortie d’une nouvelle baisse des exportations donnerait selon elle le signal de troubles politiques et sociaux importants. Moody’s appelle donc de ses voeux une « réforme du secteur financier », afin que soit accordé un plus grand rôle aux mécanismes de marché, rejoignant sur ce terrain les conclusions du dernier rapport de la Banque Mondiale.
Le capitalisme financier est pressé de voir s’ouvrir de nouveaux terrains afin d’y poursuivre ses jeux habituels.
8 réponses à “L’actualité de la crise : LE MONDE, VU DE L’AUTRE CÔTÉ, par François Leclerc”
Vous avez oublier de dire qu’il posséde aussi l’arme atomique, si qui me semble important, voir indispensable.
Parfaitement d’accord !
Quand on a la première monnaie mondiale, la première armée, la première force nucléaire, la première économie mondiale, on peut raisonnablement penser qu’on a raison à peu près sur tout.
Mais quand on a l’arme nucléaire (cas de plusieurs BRICS), riche ou pas, monnaie forte ou pas, on peut commencer à discuter sérieusement.
C’est horrible mais c’est ainsi (pour l’instant).
« Le capitalisme financier est pressé de voir s’ouvrir de nouveaux terrains afin d’y poursuivre ses jeux habituels. »
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20120329trib000691037/les-nouveaux-milliardaires-prosperent-davantage-que-les-heritiers.html
Mince… un pauvre n’est pas forcément con… Et c’est pour ça qu’il faut l’endetter un MAX lors de ses études… Histoire de le capter et maîtriser. C’est juteux, comme citron.
A ce sujet, un point de vue, comme quoi les membres du BRICS pourraient avoir une analyse indépendante de leur propre situation, en tirer intelligemment les conséquences et en déduire par eux-mêmes des plans d’actions, éventuellement en conformité avec les orientations des instances internationales. Non mais, pour qui se prennent t’ils ?
Et pendant ce temps, le Baltic Dry Index fait plouf !
http://www.dryships.com/pages/report.asp
En France, replouf !
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20120328trib000690758/la-rentabilite-des-entreprises-francaises-au-plus-bas-depuis1985.html#xtor=EPR-2-%5BMorning+Briefing%5D-20120329
Comme cela est bien dit !
Au fait, M LECLERC,
Auriez-vous des informations sur les CDS adossés aux dettes émises par les BRICS ?
Ces dettes sont-elles traitées différemment (je parle du risque) que celles des autres pays ?
Je pose la question car quand on voit ce qui s’est passé avec les CDS grecs (même pas 2 M€), je suis très intéressé de savoir ce qui a été échafaudé pour de des pays « moins sûrs ».
Bilabong, DTTC is your friend…
Dis toi que de toutes façons des pays comme l’Inde ou le Brésil empruntent à des taux de l’ordre de 9/10%. Alors croissance, inflation… ok, mais bon…
La semaine passée les gros volumes de transactions, tous Cds confondus, c’était, pour changer, pas la fRance (un peu moins de 9 milliards $) toujours talonnée par l’Italie (plus de 9 milliards), mais l’Espagne number one (plus de 10 milliards)…
Le Brésil est pas loin à plus de 6 milliards $ de transactions sur cette semaine finissant le 23 mars…
Mais dis toi que ces volumes sont infiniment moindres que ceux des transactions sur les titres de dettes eux-mêmes (qui doivent par ex se situer autour de 150/200 milliards € hebdo pour les obligs françaises…)