L’actualité de la crise : LE FOND DE LA CHINE N’EST PAS ROUGE, par François Leclerc

Billet invité

1ère partie

Dès le début de la crise économique occidentale, en soutien d’une croissance qu’elle menaçait, le gouvernement chinois a épaulé l’économie du pays. Non pas par la voie du déficit budgétaire, mais en injectant massivement des liquidités via la Banque centrale : 600 milliards de dollars en deux ans. L’effet n’a pas tardé, sous forme de l’apparition d’une substantielle bulle financière. De 20 à 25 % de ces liquidités ont en effet été dans l’euphorie investies en bourse, suscitant des hausses record. Une bulle immobilière a de son côté enflé, les prix des logements neufs ont grimpé en flèche sur le marché, 60 millions d’entre eux étant aujourd’hui inoccupés.

Devant faire face à une augmentation des défauts de remboursement de leurs crédits, notamment de la part des collectivités locales qui ont crée des sociétés urbaines de développement et d’investissement pour emprunter sans compter, les grandes banques publiques ont sur instruction gouvernementale organisé le roulement des dettes pour ne pas constater de trop lourdes pertes en procédant à la restructuration d’une proportion inconnue des dettes des collectivités, qui s’élevaient à près de 1.300 milliards d’euros fin 2010, dont la moitié venait prochainement à échéance.

Il a ensuite été nécessaire de recapitaliser les banques. Des structures d’investissement, sortes de bad banks, ont été créées par le gouvernement, avec pour mission d’emprunter à taux réduit aux banques, pour en retour acheter leurs actifs douteux. Dispositif complémentaire, les banques ont bénéficié d’un important différentiel de taux entre celui qu’elles accordent aux dépôts de leur clientèle – souvent négatif, compte-tenu de l’inflation – et celui qu’elles pratiquent dans le cadre de leur politique de crédit. Elles ont ainsi rapidement dégagé des profits pour les affecter au renforcement de leurs fonds propres. Les particuliers, qui finançaient ainsi les largesses des banques, se sont retournés vers les circuits florissants de la banque parallèle, où ils trouvent de meilleurs rendements pour leur épargne.

Cette machinerie a ses limites, car si le gouvernement favorise le maintien de taux faibles, afin de rendre plus aisé le roulement des dettes et de permettre aux banques de dégager d’importantes marges, il faudra bien un jour constater les pertes des banques. En attendant, les transferts financiers qui sont opérés au détriment des déposants font obstacle au développement du marché intérieur.

L’État a soutenu l’économie afin de faire face à la crise occidentale, mais il faudrait qu’un relais intervienne rapidement pour soutenir la croissance. Si d’importants surplus à l’exportation ne peuvent pas continuer à être dégagés, un développement de la consommation intérieure devrait intervenir pour soutenir une industrie de transformation qui exporte actuellement environ 50 % de sa production. Mais, dans la pratique, l’essor du marché intérieur est beaucoup plus lent que le perceptible et durable déclin des exportations et la baisse de la croissance qui en résultent déjà.

Par ailleurs, ce n’est pas la politique de grands travaux d’infrastructures (autoroutes, chemins de fer à grande vitesse et aéroports) – dont beaucoup sont d’une utilité économique discutable – qui va le permettre. Pas plus que vont y contribuer les pertes que les banques vont éponger, qui vont restreindre l’enveloppe des crédits destinés au secteur productif de l’économie.

Le fossé entre les deux Chines – celle qui connait un développement économique intensif et la Chine rurale et paysanne, réservoir de main d’œuvre en exode vers la première – risque fort de s’agrandir. Comme tous les pays du BRICS, la Chine s’est engagée dans un modèle de développement très déséquilibré, sur lequel il est difficile de revenir une fois le pli pris. Celui-ci n’est pas seulement source d’une grande injustice sociale, mais il s’est également révélé à l’origine d’un très grand déséquilibre – cette fois-ci mondial – héritage des bienfaits d’une mondialisation réalisée sous des auspices financiers de mauvais conseil. Les occidentaux voudraient revenir dessus par des mesures monétaires, en obtenant une réévaluation du yuan, en attendant qu’un nouveau modèle de développement soit adopté. Ils cherchent à accélérer un processus que les dirigeants chinois tentent de contrôler en l’inscrivant dans la durée.

Mais si ni les exportations, ni le développement du marché intérieur ne prennent le relais, la question se pose de savoir combien de temps la croissance, qui commence à fléchir, va pouvoir être maintenue au rythme actuel et grâce aux moyens qui sont déployés, même en prenant en compte les colossaux surplus commerciaux engrangés. Dans le cas contraire, de gigantesques problèmes sociaux pourraient menacer le régime. Une perspective que Wen Jiabao, le premier ministre sur le départ, a voulu rappeler en invoquant le spectre d’une nouvelle Révolution culturelle.

Les mirifiques surplus commerciaux chinois ne règlent pas tout. D’autant qu’une partie importante des réserves, estimées à 3,2 milliers de milliards de dollars, a été utilisée pour acheter de la dette américaine, et secondairement européenne, finançant ainsi les marchés à l’export de la Chine qui en avaient bien besoin (et aujourd’hui encore davantage). Ne pouvant et ne voulant plus acheter des dollars au rythme d’environ 400 milliards par an, pesant ainsi à la baisse sur le taux américain, le gouvernement chinois doit se préparer à enregistrer une hausse des taux obligataires, et par voie de conséquence une baisse de la valeur des titres qu’elle détient, ce qui diminuera ses réserves et restreindra ses marges de manœuvre.

Par ailleurs, l’endettement public du pays a beaucoup augmenté, même si les créanciers sont nationaux. Au total – État, collectivités locales, grandes entreprises publiques, etc. – on avoisinerait 60 % du PIB, selon des estimations ne prenant pas en compte les activités financières parallèles. Même dans un pays comme la Chine, une telle situation pourrait devenir problématique si elle s’accentuait exagérément.

(à suivre…)

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75 réponses à “L’actualité de la crise : LE FOND DE LA CHINE N’EST PAS ROUGE, par François Leclerc”

  1. Avatar de Genetais
    Genetais

    Le chef du SPD veut  » un pacte pour la croissance « 
    Berlin Correspondant LE MONDE
    Sigmar Gabriel, président du Parti social-démocrate allemand, apporte son soutien à la proposition de M. Hollande

    Agé de 51 ans, Sigmar Gabriel est président du Parti social-démocrate (SPD) allemand depuis l’automne 2009. A ce titre, il est l’un des principaux intervenants du séminaire organisé à Paris les 16 et 17 mars par quatre fondations social-démocrates européennes, à l’issue duquel François Hollande doit prononcer un discours sur l’Europe. Avec Frank-Walter Steinmeier, président du groupe parlementaire du SPD du Bundestag, et Peer Steinbrück, ancien ministre des finances, il est l’un des candidats possibles du SPD pour affronter Angela Merkel aux élections de l’automne 2013.

    Comprenez-vous qu’Angela Merkel ne veuille pas recevoir François Hollande ?

    Non. C’est une grave erreur. Je n’ai rien contre le fait qu’elle soutienne Nicolas Sarkozy : ils sont de la même formation politique et la politique européenne est depuis longtemps devenue une affaire de politique intérieure. Mais la chancelière allemande ne doit pas donner l’impression que la qualité de la relation franco-allemande dépend de la façon dont votent les Français.
    Je trouve scandaleux le comportement des dirigeants de partis et de gouvernements conservateurs européens qui ne veulent pas recevoir François Hollande. Je suis d’autant plus admiratif de sa réaction. Sa sérénité et son assurance face à ces comportements montrent sa véritable envergure. Angela Merkel nuit à l’Allemagne quand elle fait passer la politique partisane avant les intérêts du pays.

    François Hollande veut renégocier le pacte budgétaire, signé par 25 pays de l’UE, s’il est élu. Est-ce naïf, comme l’affirme Peer Steinbrück ?

    Ce n’est absolument pas naïf, car François Hollande ne dit pas qu’il est fondamentalement opposé au pacte fiscal. Il dit, et il a absolument raison, que le pacte n’est que la moitié du chemin que l’Europe doit parcourir.
    Ce qu’il manque dans ce pacte, c’est, par exemple, une juste participation des marchés financiers à la résolution de la crise. C’est une erreur de Mme Merkel et de M. Sarkozy d’interpréter la crise actuelle uniquement en termes de dettes souveraines provoquées par une mauvaise gestion publique des Etats concernés. C’est vrai en partie pour la Grèce, mais l’Espagne, le Portugal, l’Irlande avaient des dettes proportionnellement plus faibles que l’Allemagne. C’est la crise financière qui les a contraints de s’endetter.
    C’est l’une des grandes injustices de cette crise et les gens ne comprennent pas pourquoi les marchés financiers qui sont à l’origine de la crise ne doivent pas participer à sa résolution.
    Deuxième point qui fait défaut dans le pacte fiscal : une initiative pour l’emploi et la croissance à l’échelle européenne. Une génération entière de jeunes sans emploi, c’est une véritable menace pour l’avenir de l’Europe. Mais l’Europe d’aujourd’hui, gouvernée par les conservateurs et les libéraux, ne leur offre aucune perspective.

    Mme Merkel a besoin des voix du SPD pour faire approuver ce pacte en Allemagne. Quelles sont vos conditions ?

    Une chose est sûre : nous voulons que le gouvernement allemand fasse des concessions. Qu’il cesse de s’opposer à une taxe sur les transactions financières et que soit envisagée une initiative pour la croissance et l’emploi. Nous avons besoin d’un second plan Marshall en Europe, notamment pour diminuer le chômage des jeunes.
    Le SPD a accepté l’introduction dans notre Constitution d’un mécanisme dit de frein à la dette. Nous croyons aussi judicieux d’établir des règles strictes en matière de rigueur budgétaire et de désendettement à l’échelle européenne. Mais ces mesures ne suffisent précisément pas.

    Comment stimuler la croissance européenne ?

    Deux exemples : la France et l’Allemagne soutiennent un projet ambitieux, Desertec, destiné à importer de l’énergie solaire en Europe à partir des pays d’Afrique du Nord. C’est un projet gigantesque et intéressant. Toutefois, je pense que l’électricité produite en Afrique devrait être utilisée en premier lieu par les Africains.
    Mais pourquoi ne reprenons-nous pas cette idée pour produire en Europe de l’électricité issue de l’énergie solaire ? Si les énergies renouvelables ont permis de créer 350 000 emplois en Allemagne, imaginez ce que cela pourrait donner à l’échelle européenne !
    Seconde idée : nous pourrions lancer un grand programme d’économies d’énergie en étoffant les réseaux énergétiques européens et en améliorant leur efficacité.

    Jusqu’à présent, le SPD critique la politique européenne d’Angela Merkel, mais l’a toujours soutenue sur le sujet au Bundestag. Comment expliquez-vous cette contradiction ?

    Mme Merkel refuse toujours dans un premier temps ce que nous proposons avant de faire un pas dans cette direction. Et cela se répète tous les trois mois. Il est difficile de ne pas approuver des décisions qui s’inspirent de nos propositions. Mais cela donne l’impression que vous évoquez.
    Prenons par ailleurs le programme de 130 milliards d’euros d’aide à la Grèce. C’est parce que la chancelière a hésité si longtemps que ce programme a atteint une telle ampleur. Devons-nous refuser un plan parce qu’il vient trop tard et est trop limité, au risque de mener la Grèce à la faillite ? Le SPD refuse toujours les positions populistes dans des situations difficiles et prend ses responsabilités.
    Le tragique de la situation est que tout ce qu’on fait maintenant aurait pu l’être, à moindre coût, il y a deux ans. Le reste du monde se demande pourquoi la zone euro est incapable de résoudre une crise dans un pays qui ne représente que 2 % de son PIB. Il y a deux ans, Mme Merkel et M. Sarkozy auraient dû dire : nous, Européens, allons résoudre la crise ensemble. Mais ils ont tergiversé et aujourd’hui certains acteurs spéculent en pariant sur l’éclatement de la zone euro.
    La crise grecque n’est qu’une facette de la situation actuelle. La vraie question est de savoir qui fixe les règles du jeu des marchés financiers mondialisés : les joueurs et les spéculateurs ? Ou la politique ? La question décisive est : l’Europe reste-t-elle unie ou commence-t-elle à se désintégrer à la première difficulté venue ?
    La politique de Mme Merkel ces dernières années nous expose au risque croissant de voir resurgir les vieux ressentiments contre l’Allemagne. Certains ont l’impression en Europe que dès qu’il y a des difficultés, les Allemands ne s’occupent plus des autres. Cette idée, si jamais elle s’ancre, aurait des conséquences à long terme et conduirait à une montée des forces centrifuges en Europe.

    (…)

    M. Hollande propose de taxer à 75 % les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Votre avis ?

    Je ne connais pas assez bien le système français, mais je sais qu’il existe des différences profondes entre nos deux systèmes. Je me méfie des comparaisons simplistes, elles sont en général boiteuses.
    Je sais en revanche que ce qui nous unit est que nous souhaitons plus de justice dans le système fiscal. Nous devons faire attention à ce que les plus faibles ne soient pas les seuls à contribuer à une répartition juste des charges, les plus forts doivent y avoir leur part.

    L’Allemagne est-elle un exemple pour l’Europe ?

    La combinaison allemande de grandes industries et d’un tissu de petites et moyennes entreprises très flexibles et très innovantes enrichit l’économie européenne.
    Mais l’Allemagne doit savoir qu’il y a toujours eu des problèmes quand elle a tenté d’imposer aux autres sa vision des choses. L’histoire montre que l’Europe ne fonctionne que si l’Allemagne ne s’impose pas. Or beaucoup ont actuellement l’impression que Mme Merkel veut dominer l’Europe. Ses successeurs auront à corriger ce sentiment.

    La victoire de François Hollande aurait-elle une signification européenne ?
    Absolument ! Angela Merkel estime qu’on a besoin d’une  » démocratie conforme au marché « . Nous, sociaux-démocrates et socialistes, voulons exactement l’inverse : des marchés conformes à la démocratie. C’est ce qui nous unit avec François Hollande, et c’est pourquoi nous plaçons tant d’espoir dans sa victoire.

    Propos recueillis par Frédéric Lemaître
    © Le Monde

  2. Avatar de Cassiopée
    Cassiopée

    La Chine comme l’ Inde montrent que l’approche économique n’a absolument rien de limitatif dans sa pensée. Il n’est pas question de revenus des habitants ou d’autres questions sociales, au niveau sociétale, de toute façon ils sont complètement dépendants d’un système où la censure règnerait en maître, la Chine par exemple.

    Imaginez qu’une artiste comme Lady Gaga, l’une des plus vendeuses et populaires musiciennes au monde est tout simplement interdite en Chine (Youtube,ect…). C’est à dire que la pensée libérale du commerce salvateur qui va liberaliser les libertés (j’aime bien aussi en abusé), est économiquement absurde au niveau sociétal, surtout pour exploiter de la main d’oeuvre à bas prix (34 heures d’affilés de travail pour certains).

    Le fait que l’intégration de 2 mastodontes dans l’économie mondiale a juste été interpréter comme une équation uniquement vers le haut, comme si l’économie par les émergeants allaient de plus en plus haut, sans penser un seul instant à d’autres conséquences logiques prochaines.

    Quelle est l’énergie qui a permis le développement le plus expansionniste ses derniers siècles ? Le pétrole Co2 (dans l’atmosphère). Il est inconcevable, même irréaliste de croire qu’une énergie non renouvelable, en plus dont les pics ont été dépassé depuis 2006 ou encore dans les années qui suivent (selon différentes les sources).

    La redistribution de ce secteur d’énergie et cette ouverture devaient être obligatoirement anticipé par l’arrivée logique de crises diverses, rien qu’au niveau économique. C’est à dire que économiquement, la prise en compte d’un changement de situation économique, était déjà une réalité. Au lieu de nous répéter, et bien c’est simple, il y a les pays émergeants, bientôt les satellites émergeants, les exoplanètes émergeantes, les galaxies émergeantes, les étoiles filantes émergeantes, certaines rumeurs parlent de mondes parallèles émergeants. Ca n’a aucune réalité économique que de croire à une stabilisation alors que les capacités énergétiques n’y sont pas.

    Les classes moyennes Indiennes ou Chinoises ne peuvent rêver arriver au niveau des classes moyennes occidentales. La Terre n’a pas des capacités de regénération naturelle suffisantes, réalistes tout simplement. C’est un désastre déjà au niveau des classes occidentales.

    Alors il y a deux formes de limitations. La limitation économique. De part l’ultra-dépendance au pétrole (énergie de développement moderne/pic dépassé/non renouvelable), les théories économiques sur l’ouverture de ses marchés n’ont jamais été affiné, jamais était anticipé, jamais remis en cause, le mot dogme paraîtrait même être très doux par rapport à ses réalités. Et bien sûr la limite écologique et climatique, qui font que la planète ne peut supporter ce rythme alors que nous cosommons 5 à 6 fois ses capacités actuellement.

    1. Avatar de RV
      RV

      Il serait peut-être temps, judicieux, opportun, stratégiquement correct de détourner la notion de too big to fail au profit de la lutte contre le dérèglement climatique. La « finance » a pu être « sauvée » à coup de milliard de milliard de dollars créés ex abrupto, alors pourquoi pas appliquer la recette à la transition écologique ? La cause en serait autrement légitime . . .
      Et bien peut-être simplement parce que nous sommes face à un rapport de force et pas seulement à un problème de répartition et d’utilisation des ressources et que les raisonnements économiques et écologiques sont voués à le rester si ils n’abordent pas de front le problème politique. (qui ne se résume pas à une élection . . .)
      Ce soir sur radio libertaire, une info parmi d’autres, les européens (chiffres de 1995) dépensent 50 milliard d’euros par an en cigarettes et, l’éducation à l’échelle de toute la planète serait évaluée à 6 milliards . . . Alors, oui notre vaisseau a ses limites, mais à l’intérieur de ces limites il y a de la marge pour répartir les richesses autrement !

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