Billet invité
Pris par une petite angoisse de la dernière heure – qui pourrait tourner à la grosse frayeur au fur et à mesure que le temps passe – les marchés sont dans l’attente des résultats de l’échange des titres de la dette grecque, jeudi à 20 heures GMT étant la date limite pour se présenter au guichet. À moins de 90 % des titres échangés, mais plus de 75 %, la clause d’action collective votée par le parlement grec sera susceptible d’être activée, créant un événement de crédit caractérisé devant lequel l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association) pourra difficilement ne pas activer les CDS sur cette même dette. Tout un symbole qu’il est souhaité éviter.
Si le seuil de 75 % n’était pas atteint, une perspective que douze grandes banques ont repoussé lundi dernier en annonçant publiquement qu’elles participaient à l’échange et en incitant les autres à faire de même, le scénario catastrophe – décrit par un document élaboré à la mi-février par l’Institute of International Finance, opportunément rendu public hier pour faire peur aux autres – pourrait se réaliser. Les conséquences d’un défaut seraient « bien plus graves que celles de la faillite de Lehman Brothers », est-il prédit. La contagion s’accélérerait au Portugal, en Irlande, puis atteindrait l’Italie et l’Espagne ; les échanges commerciaux diminueraient, affectant les économies du Nord de la zone euro et les banques européennes devraient être recapitalisées à hauteur de 160 milliards d’euros. « Il est difficile de chiffrer tout avec précision, conclut le rapport en évoquant les conséquences du défaut, mais il l’est tout autant de croire que leur montant pourrait être inférieur à 1.000 milliards de dollars ».
Tout aussi symbolique, une autre situation délicate devrait être contournée. Après avoir tonné que « le dérapage est grave », suite à l’annonce inopinée de Mariano Rajoy selon laquelle l’Espagne n’allait pas respecter ses objectifs de réduction du déficit en 2012, la Commission européenne a adoucit son propos, le commissaire Olli Rehn déclarant qu’il est « essentiel que l’Espagne définisse une stratégie de moyen terme en vue de cet objectif [un déficit de 3 % du PIB en 2013] », saisissant la perche tendue par Mariano Rajoy qui avait fait valoir que le pays allait « respecter scrupuleusement ses engagements » pour 2013 : « on a ajusté le rythme, mais le point d’arrivée ne change pas ».
Il n’est cependant pas certain qu’une telle porte de sortie soit acceptable par tous… Encore moins que le compromis envisagé puisse déminer la situation espagnole, dont se soucient de plus en plus les marchés : le spread espagnol (l’écart de taux obligataire avec l’Allemagne) a fait un grand bond hier à 3,445 %, surpassant celui de l’Italie.
Ce compromis tout juste esquissé, il apparaît déjà peu probable qu’il puisse être respecté. Car l’adoption d’un objectif de réduction du déficit moindre n’a pas eu pour effet de diminuer le montant des coupes budgétaires réclamées aux régions, qui ont déjà du effectuer d’importantes coupes budgétaires en 2011. Selon les objectifs qui leur sont assignés, procéder à de nouvelles coupes claires pour un montant de 15,6 milliards d’euros reviendra à sabrer à nouveau dans les budgets de la santé et de l’éducation, du ressort des régions. Le budget de ces matières correspond en effet à un tiers des dépenses publiques du pays. Les gouverneurs conservateurs des régions, majoritaires depuis les dernières élections, cherchent des accommodements auprès de Madrid, inquiets des réactions que cela pourrait susciter.
C’est sans doute pour partager cette même appréhension que Michel Barnier, le commissaire européen au marché intérieur, vient de lancer un appel en faveur de l’urgence d’une « initiative européenne de croissance ». Avec en tête l’émission de « projects bonds », des obligations européennes qui pourraient financer « des investissements d’avenir », pour lesquels il souhaite que se dégage « une volonté politique », car « ce n’est pas un traité qui décrète la croissance ».
Michael Spindelegger, le ministre conservateur autrichien des Affaires étrangères se situe sur la même ligne, mais avec moins d’ambition, en proposant la création d’un « fonds européen de croissance », le faisant toutefois reposer sur une réaffectation de crédits existants au sein du budget communautaire. Il faut dire que l’Autriche, elle aussi, a décidé d’importantes coupes budgétaires.
D’autres ajustements stratégiques vont être également nécessaires, si l’on en croit l’agence Moody’s, qui a annoncé que l’Irlande – après le Portugal, clairement dans ce cas – va avoir besoin d’un second plan de sauvetage, celui qui est en cours expirant en 2014. Ceci dans le contexte politiquement délicat du référendum qui va être organisé à propos de l’adoption ou du rejet du traité portant sur le renforcement des contraintes budgétaires adopté lors du dernier sommet européen. Car le texte prévoit que les pays ne l’ayant pas adopté ne pourront pas bénéficier de l’aide du futur MES… Le gouvernement irlandais s’apprête certes à tester le marché dès cette année, en vue d’un retour sur celui-ci l’année prochaine, mais Moody’s prédit des difficultés, une analyse partagée par Michael Sanders, un économiste de Citigroup.
C’est dès 2015, selon Der Spiegel, que la Grèce quant à elle pourrait avoir besoin d’un troisième plan de sauvetage, se référant à une version préliminaire du dernier rapport de la Troïka qui évoquait cette hypothèse, en précisant que les besoins de financement du pays pourraient atteindre 50 milliards d’euros pour la période 2015-2020. À la demande du gouvernement allemand, ce passage du rapport aurait été supprimé, toujours d’après l’hebdomadaire.
L’accalmie actuelle est donc toute relative, en attendant de nouveaux développements. La BCE a donné tout ce qu’elle pouvait, les dirigeants européens se retrouvent en première ligne pour la suite. Se refusant à jouer les Cassandre, selon ses propres mots, le commissaire européen Olli Rehn n’a pas voulu commenter l’hypothèse d’un troisième round pour le sauvetage de la Grèce, ne voulant reconnaître qu’un « moment critique », celui « où les États membres doivent tenir leurs engagements budgétaires, faire les réformes structurelles nécessaires, tout en renforçant le pare-feu anti-crise à 750 milliards d’euros ». « Le risque d’explosion [de la zone euro] est derrière nous », mais « la récession est là, le chômage est inquiétant ». Il n’a pas été plus avant, cela viendra…
128 réponses à “L’actualité de la crise : UN CALME GAGNÉ MAIS TROMPEUR, par François Leclerc”
Un peu HS , mais des infos pour ceux qui pensent a une corrélation forte entre PO et crise eco.
Un article dans « Nature » et des courbes ..encore des courbes ..
http://www.oleocene.org/phpBB3/viewtopic.php?f=26&t=12994
entre autre :
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What does this mean for the global economy, which is so closely tied to physical resources? Of the 11 recessions in the United States since the Second World War, 10, including the most recent, were preceded by a spike in oil prices13. It seems clear that it wasn’t just the ‘credit crunch’ that triggered the 2008 recession, but the rarely-talked-about ‘oil-price crunch’ as well. High energy prices erode family budgets and act as a head wind against economic recovery.
The United States and Europe each spends $1 billion per day on oil imports. The average price of petrol in the United States increased from 75 cents per litre in 2010 to 95 cents per litre in 2011. Because the United States consumes about 1.4 billion litres per day, the nation spent about $280 million a day more on petrol in 2011, leaving less for discretionary items.
“The price of oil is likely to have been a large contributor to the euro crisis in southern Europe.”//////
Vraiment HS ?
The success of the PSI: O ilios esvise…
tout continue donc comme avant. Et le maintien de l’euro finira par produire la violente dépression comparable à celle des années 30!
Quoi qu’elle dise, la BCE va arroser cela à nouveau avec 1000 millirds d’euros avant la fin de l’année!
Champagne!
Ca y est: les créanciers de la Grèce renoncent à la plus grande partie de leurs créances.
Néanmoins il y a une chose que je ne comprends pas (au moins!)
Je cite actu.orange.fr du 09-03: » la zone euro a déjà entamé le processus en débloquant
35,5 milliards d’euros d’aides pour les banques qui ont consenti à échanger leurs titres de
dette » (en quoi consiste cette fameuse remise de dette à la Grèce).
Mais si ils (les banques, les créanciers) reçoivent d’une main ce qu’ils abandonnent de
l’autre, je ne vois pas en quoi il s’agit d’une remise de dette….
signé Béotien 127