L’actualité de la crise : LA PARTIE CHANGE DE TERRAIN, par François Leclerc

Billet invité

Le moment est arrivé où tout peut basculer, où au lieu d’être sauvée la Grèce peut être coulée par le fond, les péripéties devenant secondaires par rapport à l’enjeu.

La question que se posent les dirigeants européens est des plus simples : « comment donner le plus de force à la démonstration que vous voulons faire, en faisant plier les Grecs et en leur accordant des fonds – ce qui nous expose à ce que ce nouveau sauvetage ne fonctionne pas plus que le précédent – ou bien en les excluant une fois pour toutse de la zone euro comme des pestiférés » ?

Cette interrogation prend tout son relief, si l’on considère que le candidat suivant – l’Espagne – est déjà dans les starting-blocks et que son gouvernement prend un mauvais départ dans la lutte contre le déficit (en dépit des apparences). Une sévère mise au point est indispensable, alors que le gouvernement italien s’efforce toujours de négocier avec les Allemands un assouplissement de leur politique et l’obtention d’une assise financière, car tel est l’objet de la rencontre prévue ce vendredi à Rome entre Mario Monti et Angela Merkel. Les pressions destinées à amender la stratégie suivie doivent cesser, les tergiversations stopper.

Un autre paramètre entre aussi en ligne de compte dans la réflexion : quelle est la solution la moins chère, sauver la Grèce ou la couler ? Au moment où les commentaires rassurants convergent à propos de l’ampleur du choc de la seconde option et de la capacité à y faire face, la tentation est grande de changer son fusil d’épaule. Car les derniers chiffres de l’économie grecque démontrent clairement que le plan en discussion est déjà dépassé alors qu’il n’est pas encore adopté. Que l’objectif de parvenir à une dette correspondant à 120% du PIB en 2020 n’est pas atteignable.

A l’appui de cette présentation du débat qui a lieu actuellement au sein de la direction européenne – qui est divisée à ce sujet – un dernier épisode vient d’être révélé par le quotidien grec Kathimeri. Le groupe de travail de l’Eurogroupe aurait exigé que les pensions de retraite soient diminuées afin de combler le trou de 325 millions d’euros restant dans le plan voté par les députés dimanche soir dernier, alors que le gouvernement grec proposait de couper dans les crédits de l’armée, dans les fonds d’investissement et dans le secteur de la santé. C’est bien une démonstration à portée générale pour toute l’Europe qui doit être faite.

Membre du conseil des gouverneurs de la BCE et président de la Bundesbank, Jens Weidmann joue sa partie dans la tentative de couper court à toute remise en cause de la stratégie du gouvernement allemand. Au nom de la loi suprême inscrite au fronton de la BCE, qui lui interdit de financer les États pour préserver son indépendance, il met en cause deux aspects de la récente politique de celle-ci. La première qui a pour conséquence de fragiliser les Banques centrales nationales en leur faisant prendre en pension des actifs de moindre qualité à la faveur de ses LTRO (prêts à trois ans aux banques), la seconde qui prévoit de redistribuer aux États membres, au titre de participation de la BCE au sauvetage de la Grèce, les revenus provenant des obligations souveraines du pays qu’elle détient.

De l’issue des débats masqués en cours dépend le sort qui va être réservé à la Grèce, et au-delà, la poursuite ou l’inflexion de la stratégie européenne allemande. L’existence de ceux-ci – ainsi que leur âpreté – reflètent une indécision grandissante à propos des choix à faire, même si les piètres résultats obtenus jusqu’à ce jour ne plaident pas en faveur de la poursuite de l’application du plan A, il n’est pas acquis que les partisans d’un plan A’ puissent l’emporter.

Ce qui se joue, c’est aussi l’élargissement ou non des marges de manœuvre des futures directions allemande et française, une fois le cap des élections passé. Car pour sa part, David Cameron a déjà tranché et reste inflexible, se refusant à tout assouplissement de sa politique, telle que le FMI continue de la préconiser, et derrière lui les Américains qui s’inquiètent de voir l’Europe sombrer dans la récession. L’Italie vient officiellement d’y entrer aujourd’hui, poursuivant la partie sur un nouveau terrain.

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141 réponses à “L’actualité de la crise : LA PARTIE CHANGE DE TERRAIN, par François Leclerc”

  1. Avatar de JT
    JT

    Bonsoir François,

    puisque vous préparez un billet sur la bulle de l’immobilier en Chine, voici une information complémentaire sur le taux de chômage : officiellement, il n’est que de 4.1% de la population active urbaine. Si l’on tient compte de la population rurale, on arrive à 22% :

    http://www.lepoint.fr/monde/chomage-de-masse-en-chine-22-de-la-population-active-sans-emploi-10-09-2010-1234861_24.php

      1. Avatar de JT
        JT

        Le même texte (ou presque) publié dans le figaro économie :

        http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2010/09/10/97002-20100910FILWWW00486-chomage-de-masse-en-chine.php

        J’ai également trouvé le texte dans la presse anglophone mais je n’ai pas réussi à trouver d’autres articles plus détaillés (on peut comprendre que dans le contexte actuel, ce genre d’informations ne fasse pas la une des quotidiens).

      2. Avatar de Charles A.
        Charles A.

        @ François

        Faisant recherches sur luttes ouvrières en Chine,
        ai trouvé ici plein d’infos:
        http://forummarxiste.forum-actif.net/t30p135-chine?highlight=Chine#33437

  2. Avatar de Oil Man
    Oil Man

    Je vous conseille de jeter un œil à l’émission « C dans l’air » d’aujourd’hui sur la Grèce.

    Même si les intervenants veulent terminer sur une note optimiste, le reste de l’émission est assez sombre. Les élections d’avril sont sur le point de balayer le PASOK et la ND !

  3. Avatar de Tracking
    Tracking

    Un article important du figaro.fr rubrique économie a rapidement disparu du site figaro ce jour…copie pour info à tous:

    (je cite ci-dessous Le Figaro rubrique économie aujourd’hui)

    « Goldman Sachs profite de son réseau d’anciens pour faire de gros profits sur l’euro face aux autres devises.
    Quel est le point commun entre Lucas Papademos, premier ministre de la Grèce, Mario Monti, président du Conseil italien et Mario Draghi à la tête de la BCE? Ce sont tous des anciens de Goldman Sachs. Et ils sont tous en train d’oeuvre au sauvetage de l’euro. Chacun de ces hommes politiques a des informations de tout premier ordre sur la situation. Autant dire qu’elles valent de l’or.

    La banque d’affaires américaine la plus prestigieuse serait en train de rafler la mise. Ses clients en profitent car l’établissement leur a envoyé des notes leur conseillant d’acheter la devise européenne avant que la Grèce vote le plan de sauvetage.

    D’après une source de marché, Goldman Sachs aurait bâti d’importantes positions spéculatives sur l’euro, par le biais d’achats au comptant et avec des produits dérivés. C’est très facile car le marché des changes est le plus liquide au monde, avec 4.000 milliards de dollars échangés par jour. L’euro-dollar est la paire de devises qui suscite le plus de transactions. Récemment, de très gros volumes ont été échangés sous 1,31 et vers 1,3110 dollar. L’euro-yen, qui a bien rebondi ces derniers temps, est aussi apprécié des cambistes.

    Il convient de rester prudent car la spéculation sur fonds propres est sensée être très encadrée avec les règles bancaires votées aux Etats-Unis. Les comptes trimestriels de Goldman Sachs permettront d’en savoir plus.

    Absence de risque juridique en raison de la nature du marché des changes
    Grâce à son réseau d’anciens, Goldman Sachs a un temps d’avance sur les marchés. Elle peut utiliser ces informations en toute légalité car il n’y a pas de délits d’initiés sur le marché des changes. Les opérations se font de gré à gré entre de nombreux participants, fonds spéculatifs, banques centrales ou traders de banques… Goldman Sachs ne devra pas endurer de procès comme ceux subis en raison de ses opérations de vendre de créances liées aux crédits américains pourris («subprime»).

    Même si elle risque fort de ne pas détailler sa stratégie, la banque devrait faire état de gros profits de trading à l’issue du premier trimestre. Une partie significative devrait venir de sa spéculation réussie sur l’euro, pour peu que la stratégie risquée soit récompensée. Une nouvelle fois, Goldman Sachs réussit en étant en avance sur les autres intervenants. En effet, de très nombreux hedge funds avaient vendu de l’euro encore récemment.

    Il reste bien entendu des questions. La principale est de savoir comment Goldman Sachs a couvert ses risques. En général les traders aiment acheter un sous-jacent, par exemple l’euro-dollar, et en vendre un autre. De toute façon la banque refuse de communiquer sur ses stratégies. Elle aurait tort de le faire. Son culte du secret fait partie de ses recettes pour réussir.

    Le sentiment des Experts Figaro Bourse: il paraît judicieux de ramasser du Goldman Sachs vers 110 dollars. La valorisation est élevée mais la banque a encore les moyens de générer beaucoup de profits, pour peu que le marché des fusions-acquisitions reparte.

    Horizon d’investissement: pour six mois.

    Profil d’investissement: pour les investisseurs appréciant les valeurs financières.

    1. Avatar de izarn
      izarn

      Peut importe les misérables magouilles des charognards…
      Ce qui hallucine c’est leur coure vue et leur imbécillité…
      J’insiste sur ma position: C’est de la folie…
      Un changement de paradigme a lieu, et Jorion l’avait prévu.
      Les stratégies de Goldman sont donc dérisoires, stratégies d’ancien régime…
      Ces gens pédalent dans la choucroute d’un dollar ne valant plus tripette…
      On est en plein délire…
      Peut importe leur niaiserie financière, leur ère est terminée…
      C’est le marquis de Caraba…
      Bientot le roi Capital aura disparu…

  4. Avatar de izarn
    izarn

    J’en profite pour dire un truc:
    C’était folie de le dire:
    Un CDS n’assure rien du tout. Il est adossé a des organismes fantoches qui se mettent en faillite au moindre remboursement excessif.
    Comme les CDS font des dizaines de trillions de dollars de paris, il est évident que personne ne peut rembourser sur la planète…
    C’est impossible et impensable…
    Surtout que le CDS est dérégulé, sans aucune contrainte de capitaux minimum….
    Bref c’est de l’arnaque totale…Si c’est dérégulé, pourquoi respecter le contrat, hein?
    Faut etre maso….
    En clair, les banques ne sont pas du tout assurées sur leurs risques…Cela était bon pour rassurer l’abruti rentiers qui écoute les agences de notation…Du pipeau pour couillons.
    Elle le savent, et sont au bord ou littéralement en faillite.

  5. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    Mon impression, connaisant Merkel: elle fait peut-être exprès, elle et Schäuble, pour pousser la Grèce vers la sortie. Il faut bien trouver une solution, mais le gouvernement grec a peur d’une faillite ou d’une sortie de la zone euro, peur des conséquences économiques et son impacte social. L’euro est devenu, en quelque sorte, le symbole pour ce que l’on appelle en ethnologie « le culte cargo ».

  6. Avatar de Charles A.
    Charles A.

    On avance, pour autant qu’on peut croire un sondage…
    la moitié des Grecs en faveur de la répudiation de la dette !

    « Un sondage paru ce jour dans Paron tis Kyriakis donne plusieurs éléments : d’abord, 48 % des sondés préfèrent la faillite du pays et 38 % la refusent. Ce chiffre renforce à sa manière ce que la gauche radicale et anticapitaliste dit depuis des mois : les mémorandums et autres mesures non seulement appauvrissent la population, mais elles n’ouvrent aucune perspective de relance, contrairement à ce que claironnent les héraults libéraux ! Ce constat est aujourd’hui largement partagé, y compris par des « compagnons de route » de la social-démocratie traditionnelle.

    Mais les pourcentages de vote pour les partis sont aussi impressionnants : le Pasok, largement élu en 2009, passe au quatrième rang avec 8, 7 %, la droite arrivant en tête avec 21, 4 %. En second une scission droitière et inexistante du Synaspismos emporterait 13, 7 %, et en troisième Syriza avec 8, 8 %. Le KKE (PC grec) arrive à 7, 1 %, l’extrême droite Laos tombe à 3, 9 %. »
    Article intégral sur la situation politique:
    http://www.npa2009.org/content/gr%C

  7. Avatar de Stephane
    Stephane

    la corruption généralisée qui gangrène les relation économiques au sein de l’UE et qui est le principal générateur de ce que les juristes appellent la Dette Odieuse, c’est-à-dire une dette contractée contre l’intérêt des citoyens, non solvable et par le moyen de la corruption.
    Voici donc quelques points étapes qui ont massivement contribué à enfoncer la Grèce dans la dette :

    Arrière plan historique
    -1967-1974 La dette a quadruplé pendant la dictature des colonels. C’est open-bar pour les vendeurs d’armes américains qui fourguent tout une flotte de chasseurs F104G Starfighter, F102 Convair, F4 Fantom et F5 Freedom Fighter. Il faut bien payer son dû à Oncle Sam qui a mis la Junte au pouvoir.

    Dès la chute du régime, on change de fournisseurs : Pour entrer dans la CEE la Grèce fait les yeux doux aux vendeurs de canon européens : Dassault (chasseurs Mirage) et à Krupps (Chars Leopard)

    La grande bouffe européenne du XXIe siècle

    1999-2000 La firme américaine Raytheon vend son système antimissiles Patriot. 10 millions d’euros en pots de vin via des cadres de Siemens selon le témoignage de Reinhard Siekaczek.

    2000-2002 Le constructeur automobile allemand MAN est mis en examen par le parquet de Munich pour avoir soudoyé les autorités dans plusieurs pays pour obtenir des contrats parmi lesquels celui de fourniture de véhicules à Athènes et au Pirée (une centaine de Trolleys bus, des véhicules militaires…).

    2004 : Gabegie Olympique
    Le budget initial prévu 1,3 milliard de dollars.
    Coût réel estimé 14,2 milliards de dollars.
    Cout réel incluant les pots de vins : plus de 20 milliards de dollars.

    Pourtant un seul cas de corruption fait l’objet de poursuites en Grèce comme en Allemagne : celui du Groupe Siemens qui a fourni le système de sécurité c4i (Command, Control, Communications, Computers, and Intelligence) qui n’a jamais fonctionné (10 millions € de pots de vins).

    http://www.scribd.com/doc/14433472/

    Siemens décroche aussi en 2004 la digitalisation des centres téléphoniques de la compagnie nationale de télécoms OTE (100 millions d’euros en pots de vin)
    Siemens arrosait le personnel politique des deux bords, les hauts gradés et la haute administration grecque pour décrocher des contrats mirifiques . Les pots de vins dépasseraient le milliard d’euros.
    L’ Allemagne a refusé d’extrader l’ex-patron du groupe Siemens-Hellas en Grèce.

    La construction du métro d’Athènes a donné lieu aussi à 50 million € de pots de vins, dont le bénéficiaire était la compagnie allemande Ferrostall.

    2007 Scandale des sous-marins allemands U-214 de HDW (Howaldtswerke-Deutsche Werft) d’une valeur globale de 5 milliards d’euros (120 millions de pots de vins) qui plus est défectueux (gitent énormément à gauche et équipement électronique HS).
    http://www.defenseindustrydaily.com/

    Autres scandales en vrac :

    Pots de vins dans la vente de matériel aux chemins de fer grecs (SEK),
    Pots de vins lors de l’acquisition du système de télécommunications Hermès par l’armée grecque (Siemens, EADS)
    Scandale du marché des équipements surfacturés des hôpitaux grecs.
    Le mirifique pont-Rion-Antirion.
    La mégalomane voie AEgnatia romaine devenue autoroute déserte avec 1650 ponts et 76 tunnels (100 mk de tunnels) !
    Trop !
    Trop de fric, trop de projets, trop de dettes.
    Les grosses puissances européennes sont allé « chercher la croissance avec les dents » et elles l’ont trouvée chez les Grecs en achetant la complaisance de la classe dirigeante.
    Comment pouvait-on ignorer que l’économie de la Grèce ne pouvait pas supporter tous ces investissements titanesques et tous les autres dont je ne parle pas, l’aéroport Vénizélos, l’autoroute Attiki… tous deux concessions allemandes ?

    Et ces scandales ne vous en rappellent-ils pas d’autres ?
    Celui des frégates vendues à Taiwan ?
    Celui des sous-marins de l’affaire Karatchi ?
    Ce n’est pas une coïncidence. La corruption fait partie du système et le finance.
    L’UE, si prompte à donner des leçons de démocratie aux antipodes ne parle jamais de la corruption qui gangrène les échanges entre pays membres et les grand marchés publics. La corruption des élites des pays clients par les gros industriels des pays industriels, le tout au détriment des contribuables est la face cachée du « libre échange » européen.

    C’est le système des assassins économiques décrit par John Perkins.

    Personne en Europe ne lutte. Les affaires sont étouffées. C’est l’omerta.
    Et « ils » voudraient nous mettre sur la paille pour continuer leur manège?
    Réveillons nous! refusons toutes ces « aides » et systèmes de soutien à des économies pourries! Allons chercher l’argent des commissions occultes là où il se trouve: Dans la poche des politiciens véreux qui se sont laissé acheter!

    1. Avatar de liervol
      liervol

      http://www.automobile-club.org/se-deplacer-mobilite/prix-des-carburants.html

      ceci pour ceux qui croient encore que l’euro nous protège sur le prix des carburant et de l’énergie

  8. Avatar de Victor
    Victor

    Ce billet de M. Paul Jorion m’a rappelé celui du 26 Septembre 2011:

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