Un entretien avec Éric Benhamou. L’article est en ligne.
Prophète de malheur pour les uns, chercheur rigoureux et anticonformiste de la crise pour les autres, Paul Jorion ne laisse pas indifférent. Anthropologue, économiste de terrain, praticien de la finance, blogueur à succès, écrivain prolifique, l’homme « qui avait prédit la crise financière » est devenu une figure incontournable des médias et des colloques émérites pour ses analyses hors cadre et ses attaques ciselées à l’encontre de l’establishment de la « science économique », qui n’a rien vu, rien prévu, rien saisi. On l’aura compris, notre avenir, sinon notre salut, ne viendra pas des économistes, et encore moins des décideurs toujours sous leur influence idéologique. Les thèses de Paul Jorion ont au moins une vertu : créer enfin un nouvel espace de débat sur nos économies.
Pensez-vous que le capitalisme soit réellement au bord de l’effondrement ?
Le capitalisme a toujours été un système instable, car générant sans cesse une concentration du patrimoine qui finit par empêcher la machine de tourner. Le capitalisme ne se nourrit pas de ses crises, comme on l’entend souvent dire, mais il est à chaque crise sauvé par une mobilisation de toutes les énergies et, en premier lieu par l’État, qui a permis jusqu’ici de le remettre à flot. Les économistes y voient des « cycles » alors que le système ne survit qu’à grand renfort de plans de sauvetage successifs.
La suite sur le site de La Tribune.
123 réponses à “LA TRIBUNE, Le système capitaliste s’est laissé piéger par sa propre complexité, mercredi 21 décembre”
sur fb: http://www.facebook.com/bedingungsloses.grundeinkommen
et en francais:
http://revenudebase.free.fr/
Non à la complexité, à l’inintelligible, oui au bon sens.
La société dans laquelle nous vivons est devenue une cacophonie inaudible. Elle est devenue inintelligible.
Je pense (au moins j’espère) que l’enjeu principal de la prochaine campagne présidentielle sera l’intelligibilité, la clarté des buts à se fixer et la simplicité des moyens pour y arriver. Bref, le parler vrai.
Partant de là les éléments de langage pour construire une campagne électorale me semblent évidents: user d’ arguments de bon sens.
A contrario il s’agit de démonter les argumentations adverses construites sur des arguments de « soi-disant » bon sens: le dévoiement du darwinisme par le libéralisme en est l’exemple typique.
Il s’agit également de se réapproprier des mots clé fondamentaux dévoyés par le système actuel tels que liberté (dont le libéralisme est un dévoiement) et confiance (faites moi confiance disent les banquiers, alors que la confiance ne peut être que réciproque).
J’ai proposé une utopie réaliste (dans la file du même nom) fédéraliste, qui se construit de la base au sommet, comme une maison, avec bon sens.
La construction européenne est une construction depuis le sommet. On est en train de voir l’euro s’effondrer. Il en sera de même du soi-disant fédéralisme décrété d’en haut que « l’élite » est en train de nous imposer de façon quasi-dictatoriale.
Après la liberté, dévoyée par le libéralisme, la confiance (alias la fraternité) dévoyée par les banquiers, l’ égalité est elle même dévoyée en une espèce d’égalitarisme rampant: la bien pensance systémique rend tous les individus soi-disant égaux. Les directives européennes sur l’égalité homme-femme sont stupides: le plus élémentaire bon sens nous dit qu’un homme et une femme ce n’est pas pareil. Le système actuel délire en considérant que l’atome social est l’homme asexué; c’est la goutte qui fait déborder le vase, le diviser pour régner de trop. La molécule de base de la société ne peut être que le couple dont on sait depuis la nuit des temps qu’il se complète de façon harmonieuse et qu’ une construction sociale digne de ce nom doit impérativement prendre en compte ce fait fondamental.
Napoléon simplifia d’un code civil.
Avec lui quelques centaines de page, ensuite comme aujourd’hui quelques milliers greffées…
Alors, des avocats….
Simplicité, reviens!
Déjà cinq années de simplismes avec Guaino!
Si les avocats faisaient du tricot, cela ne bouleverserait guère l’idéal de justice.
Mais quand même, pas la peine de passer tant d’avocats instruits en complexités par le fil de l’épée!
Simplement, s’ils tricotaient véritablement, les avocats seraient-ils payés?
Le « bon sens », c’est valise de « purée »!
J’aime la complexité, car elle veut dire:
« Comment payer des avocats qui se contenteraient avec le tricot? »
Il faut cesser d’éliminer les gens pour simplicités, que se soient des gens avocats ou pas!
Il n’y a pas de complexité, et comme disait Soupault il n’y a pas d’inconnu, sauf pour moi. Il n’y a pas de complexité sauf pour ceux qui n’y comprennent rien. Chacun de nous a 100 milliards de neurones et pourtant ne délire pas, ou très peu et est capable de vaquer à ses occupation malgré cette complexité, donc la complexité n’est pas un handicap. Et épistémologiquement autant invoquer le saint esprit..
La complexité est l’autre nom pour escroquerie délibérée. On ‘a pas le droit de l’invoquer, où alors on va se coucher et on abandonne tout.
Vous confondez complexité avec taille.
« Le délire c’est la théorie d’un seul, tandis que la théorie est le délire de plusieurs. »
François Roustang
@Lisztfr
Philippe Soupault parlait, « sauf pour lui ».
Parlez-vous, sauf pour vous?
Le Saint -Esprit, complexe invention, ferait-il handicap?
Il faut quand même le dire:
Si le Saint-Esprit concerne les concernés, rien n’oblige sachant une telle complexion, éliminer les attachés du Saint-Esprit.
Est-ce tellement complexe?
Et que vaut le détachement plus loin que le pouvoir de se le payer, en regard du complexe attachement auprès de qui ne requièrent rien pour leurs attachements, sinon comprendre le constat de la force exercée par tous les autres extérieurs comme détachés volontaires?
C’est quand même pas compliqué!
Is’nt it?
Je conçois vos attachements très importants, puissiez vous comprendre les attachements d’autrui autant important.
C’est pas la peine de passer par la case complexité incommensurable, pour balayer la complexité!
Quelques citations sur le bon sens :
« Tout est fécond excepté le bon sens. » Ernest Renan
« Le bon sens réunit tout d’abord la majorité… mais contre lui. » Alphonse Karr
« Le bon sens est la forme d’aliénation la plus répandue. » Norman Frederik Simpson
« Pour l’intellectuel, l’intelligence commence où s’arrête le bon sens. » François Bluche
» Qui n’a que des vertus, est plat ; qui n’a que du bon sens, est sot. » Françoise de Graffigny
» Le bon sens, c’est ce qui permet d’être écouté quand vous n’êtes pas intelligent. » Fréderic Dard
» Le bon sens un état mitoyen entre la stupidité et l’esprit. » Voltaire
Fod:
Hoplà!
Car tout contre elle, Alphonse!
Merci cette dynamique anthologie.
C’est mini!!!
@ Fod
Les bororos manquent-ils de bon sens lorsqu’ils se disent araras?
La réponse que fait Paul Jorion dans « Comment la vérité et la réalité furent inventées » ne manque à mon avis pas d’intérêt.
La réponse que fait Antonio Damasio dans « L’erreur de Descartes » non plus.
Étant donné ce que j’ai entendu ce matin à la radio de la part d’un centriste vantant le processus de « décentralisation » actuellement en cours, je suis intimement convaincu que votre espoir est un vœu pieux.
J’en veux pour preuve que le bonhomme ne s’est même pas risqué à définir ce qu’il entendait par « décentralisation », car s’il s’était agit d’une réforme territoriale visant à juguler les inégalités démographiques, il aurait déjà su que depuis 20 ans au moins, rien de ce qui a été fait n’a atteint cet objectif, voir pire, tout a contribué à l’effet inverse, et en conséquence il se serait donc tu. Les privatisations et autres mises en concurrence de services publics tels que le service postal en sont les témoins: On ferme les agences rurales à tour de bras et on reconcentre les services techniques au maximum (centres de tri par exemple), jusqu’à l’absurde.
Ainsi, la semaine dernière, j’ai par exemple eu le plaisir de constater qu’un courrier envoyé par une antenne locale du trésor public située à moins de 20kms de chez moi avait mis pas moins de 10 jours pour me parvenir, moyennant un allez-retour jusqu’à l’unique centre de tri régional situé à environ 150kms (soit 300 au total), plus un passage à l’agence référente située dans un autre chef-lieu de canton que le mien, environ à 20kms encore. Les pointilleux et autres pinailleurs apprécieront l’ironie d’une telle démarche de rationalisation du process, les écolos riront sans doute jaune pour leur part… Et Lisztfr qui raconte que la complexité n’existe pas voudra bien m’éclairer sur la nature de ce que je décris dans les lignes précédentes 😉
Est-ce la concentration du patrimoine qui empêche le système de fonctionner ? Imaginons alors une répartition strictement égalitaire du patrimoine, cela irait-il mieux ? Je ne crois pas. Chacun ayant à sa disposition par exemple 100 000 e, eh bien créerait de l’inflation en achetant tout ce qui lui plait, et n’irait pas travailler. Enfin pas tout de suite.
Si vous répartissez le patrimoine autrement, ou les revenus autrement,
a) l’Inflation avale immédiatement tout le bienfait qui en résulte.
b) les gens étant moins dépendants vis-à-vis de l’argent posent des conditions, font grève ou refusent l’exploitation, ce qui provoque de l’inflation au second tour.
Dans ce système, tout est lié : La concentration du patrimoine est nécessaire, la pauvreté est sa résultante nécessaire pour éviter l’inflation et accepter l’esclavage, la seule chose de « dommageable » qui en résulte est une absence de croissance.
En ce qui me concerne il me suffit de voir l’équation de Say pour savoir où se trouve le déséquilibre, il apparaît là parce que toute entreprise produit davantage d’offre que de demande.
Platon :
http://citationstiane.canalblog.com/archives/2007/10/08/index.html
Le premier élément est le nom […]. Le deuxième élément est la définition, et ce sont les phrases qui parlent de ces noms. Dans l’exemple de « livre », une définition possible serait: « le livre est un papyrus écrit qui constitue un texte complet ». […]Le troisième élément est l’image, la vision que chacun d’entre nous se fait dans sa tête lorsque nous pensons à quelque chose. Par exemple, en pensant à un livre, je vois un rouleau de papyrus étalé sur la table…Le quatrième élément, l’intellect, est précisement ce que nous sommes en train de faire : discuter, en utilisant notre intelligence, sur un thème quelconque. Dans notre exemple, cela consisterait à parler du livre : son origine, son propos…Et le cinquième et dernier élément est l’Idée en soi, c’est-à-dire, le véritable objet de la connaissance. Dans l’exemple du livre, ce serait le Livre en soi, le livre idéal, supérieur à tous les livres du monde..
Dans la lettre aux amis, c’est :
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/lettres.htm
Il y a dans tout être trois choses qui sont les conditions de la science : en quatrième lieu vient la science elle-même, et en cinquième lieu [342b] il faut mettre ce qu’il s’agit de connaître, la vérité, La première chose est le nom, la seconde la définition, la troisième l’image ; la science est la quatrième. Si on veut comprendre ce que je viens de dire, il n’y a qu’à choisir un exemple ; il servira pour tout le reste. Prenons le cercle. D’abord il a un nom, celui même que je viens de prononcer. Puis il a une définition composée de noms et de verbes; en effet, ce dont les extrémités sont également distantes du centre, telle est la définition de ce qu’on appelle sphère, circonférence, [342c] cercle. Mais ce cercle est encore un dessin qu’on efface, une figure matérielle qui se brise; tandis que le cercle lui-même auquel tout cela se rapporte ne souffre pourtant rien de tout cela, parce qu’il eu est essentiellement différent. Vient ensuite la science, l’intelligence, l’opinion vraie sur ce que nous venons de dire ; considérées collectivement, voilà un nouvel élément qui n’est ni dans les noms, ni dans les figures des corps, mais dans les âmes ; d’où il est clair que sa nature diffère de celle du cercle même [342d] et des trois choses dont nous avons parlé. De ces quatre éléments, l’intelligence est celui qui, par ses ressemblances et son affinité naturelle, se rapproche le plus du cinquième : les autres en diffèrent beaucoup plus.
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Il y a déjà là, dans l’idée, la difficulté d’arriver à l’Idée et à la vérité, le noumène kantien. Et sinon les distinctions épistémologiques de Platon sont très bien…
C’était si bien parti chez les grecs et ensuite cela a très mal tourné à cause du fanatisme judéo-chrétien.
Ailleurs il y a cette idée que les Lois sont le couronnement d’une cité,
« Mais je finis par me convaincre que tous les états de notre temps sont mal gouvernés, et que leurs lois sont tellement vicieuses qu’elles ne subsistent que par une sorte de prodige. »
« Il n’y a pas de lois qui puissent jamais garantir le repos d’un État si les citoyens se persuadent qu’il faut tout dissiper [326d] en dépenses énormes, et que, sans s’occuper d’autres affaires, on ne doit songer qu’aux délices de la table et aux plaisirs raffinés de l’amour. »
Or c’est exactement ce qu’on a fait. En songeant à tout cela on n’a pas songé aux lois elles mêmes et à la nécessité de les situer au dessus de tous, et on a accordé à la finance toutes les libertés, et ce fut une erreur.
« Chacun ayant à sa disposition par exemple 100 000 e, eh bien créerait de l’inflation »
Ah oui, pourquoi ?
Parce qu’il se mettrait à dépenser cette somme, qu’il n’a pas à l’instant actuel par exemple, ce qui créerait donc bien une augmentation de la demande par rapport à aujourd’hui, donc une inflation… à court terme.
A moyen terme, chacun retrouverait le pouvoir d’achat d’aujourd’hui, à cause de l’inflation, cette inflation qui est le produit du rapport de force offre/demande. Ce rapport de force n’a pas de raison de changer. A mon avis.
Ah ! vous vouliez ajouter ces sommes dans le cadre actuel, sans redistribution, comme un système « en plus », en laissant tout le reste « en l’état » ?
euh oui, sinon c’est trop complexe 🙂
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Theodore Monod
Je crois que nous ne sommes pas encore assez « intelligent » pour faire du « complexe » . La nature est complexe, la vie est complexe, nous, avec beaucoup de prétention, on revendique en faire, on essaye souvent de copier et on ne fait, à la place, que du « compliqué », avec les conséquences que l’on voit.
Le serons nous un jour? (assez intelligent)
Est ce souhaitable?
@Hema:
Pourquoi « faire du complexe » ? …. Il suffit d’éviter d’en sortir . On « fait du complexe » naturellement , comme machin fait de la prose sans le savoir ! La modélisation « naturelle » de groupes vivants soient suit « naturellement » la pente d’ une organisation structurelle complexe en fonction (ou « raison) de ses propres intrants endogènes et exogène .
Je suis assez effaré de voir certains commentaires libertariens sur le site de La Tribune qui ne suscitent que discussions d’apothicaires et bagarres de chiffonniers, quand il serait si simple de leur coller une bonne claque sur le museau en rappelant le simple déroulement des faits, par exemple comment, dans un sursaut libéral, l’État américain a abandonné Lehman Brothers à son triste sort, avec les implications qu’on sait sur le marché des prêts interbancaires ou la matérialisation du risque prétendument couvert par des CDS qu’aucun assureur au monde n’avait les moyens d’assumer.
A croire que tout ce qui a été dit ici durant des années doive être rabâché encore et encore, jusqu’à l’écœurement.
Je suis affolé (parce que votre avis est très connu, alors que le notre non).
Je suis militant anar’ et je découvre que vous partagez une partie de l’analyse qu’on a développé en interne dans notre groupe et qu’on s’échine a présenter et faire débattre depuis plus d’une semaine (on galère un peu, on est pas économiste) !
Partage plein d’aspect, y compris quand vous dite qu’une oligarchie n’a fait qu’en remplacer une autre a travers toute l’histoire (ça c’était a la radio)… Mais précisément c’est pour ça que je suis anar’ et pas communiste stal ou capitaliste, ou d’extrême droite.
Il faut abbatre tous les systèmes de domination. Je sais que sur ce point vous préférez dire il faut réfléchir, qu’il y a des outils du XIXème etc. Mais quand même ! tout ça va bien trop vite a mon avis.
Evidement je ne partage pas du tout votre avis final selon lesquels la bonne réponse viendra des financiers eux-même parcequ’ils connaissent le système. D’une part on est capable de comprendre ce qu’est le principe de l’économie, d’autres part c’est nous que regarde nos besoins et comment on accède a ce qu’on a produit, et pas les économistes qui viennent parasité nos activité pour faire valoir leur « belles analyses ».
Je suis curieux, que pensez vous des thèses d’anthropologues comme Graeber, clastres, ou encore Marshall Sahlins ?
« … que pensez vous des thèses d’anthropologues comme Graeber, Clastres, ou encore Marshall Sahlins ».
Graeber et moi faisions partie de la demi-douzaine d’anthropologues qui avons participé au mini-colloque ce printemps, « Anthropologie de la crise ». J’ai eu la chance d’assister à un exposé de Clastres au séminaire de Lévi-Strauss en 1969 ou 1970. Au début des années 1980, Sahlins m’a offert de venir travailler à ses côtés à Chicago ; malheureusement, au dernier moment, le poste n’a pas pu être créé pour des raisons budgétaires. L’anthropologie, c’est un petit monde.
Éffectivement !
Merci pour votre réponse.
La revue « sortir de l’économie » (http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/) n°4 devrait paraitre avec une traduction d’un texte de Graeber. On a juste un peu de mal a écrire tous les articles, et on a des débats interne (certains sont très partisans de les textes de théoriciens de la valeurs comme Jappe, Kurz ; d’autres pas).