Billet invité
Deux interprétations contradictoires peuvent être données de l’échec de l’émission des Bunds allemands intervenue hier. Soit que les marchés craignaient que l’Allemagne soit entraînée dans une solidarité financière accrue au sein de la zone euro, soit qu’ils entendaient au contraire s’opposer ainsi à cette perspective, en donnant un avant-goût de ce qui allait se passer.
Les partisans d’une intervention de la BCE, les Français au premier rang, espéraient pour leur part que cet événement imprévu allait contribuer à débloquer la situation à Berlin.
La fenêtre d’un accord de compromis a minima négocié entre Allemands, Français, et cette fois-ci Italiens, est néanmoins très étroite. En quoi celui-ci pourrait-il consister, dans les circonstances actuelles ? Quelles seraient ses chances de succès ?
Il pourrait s’appuyer sur un projet musclé de révision des Traités européens, en appui de la poursuite de la stratégie de diminution des déficits et de la dette publique. En contrepartie, l’émission d’euro-obligations serait rendue possible, en choisissant la plus restrictive des options proposées dans le « Livre Vert » de la Commission européenne. Accessoirement, la BCE maintiendrait au niveau actuel ses achats d’obligations sur le marché secondaire, et le FMI se tiendrait prêt à aider les Espagnols et les Italiens avec le filet de sécurité de ses prêts de précaution.
Dans un premier temps, un accord portant sur la révision des Traités pourrait être affiché, dans l’espoir d’une évolution de la position allemande, lors du sommet du 9 décembre prochain par exemple. Mario Monti, favorable aux euro-obligations mais opposé à l’intervention de la BCE, pourrait y pousser et donner son accord à une telle révision, à condition que les investissements stratégiques de croissance soient exclus du calcul des déficits publics.
Si ce compromis devait intervenir, il permettrait d’éviter l’éclatement de la zone euro, mais il est condamné par avance, pour deux simples raisons.
1/ Il fait l’impasse sur la crise montante de la dette privée et sur les difficultés rencontrées au sein du système bancaire européen.
Signe des difficultés qu’elles rencontrent, les banques allemandes viennent de demander à l’Autorité bancaire européenne (EBA), un délai avant de soumettre leurs plans de recapitalisation. Elles souhaitent également que soit revu l’exigence de valorisation des obligations souveraines au prix du marché… car celle-ci accroît leur vulnérabilité (c’est le monde à l’envers).
2/ Son application entraîne l’Union européenne plus profond dans la récession, rendant encore plus aléatoire l’objectif de réduction des déficits.
Estimant qu’une récession peut encore être évitée, mais reconnaissant « une croissance qui décline, et est très faible », l’OCDE est très inquiète, selon ses propres termes. Tout en s’inscrivant sans surprise dans le schéma stratégique des dirigeants européens, elle se raccroche à l’idée de l’intervention du Fonds européen de stabilité, montrant combien elle est déconnectée de la réalité.
Cette stratégie s’appuie sur une analyse fausse à deux titres. Elle voit dans le seul endettement public la cause de la crise européenne, et elle s’oppose à toute intervention de la BCE, au prétexte qu’elle déclencherait un dérapage inflationniste.
Les marchés ont pourtant clairement signifié qu’ils ne croient pas à ses chances de succès, ayant observé ses résultats là où elle est appliquée. Paradoxalement, ce sont eux qui appellent à la raison des autorités européennes, ne croyant plus qu’à une intervention de la BCE pour étouffer le feu. Sans doute même son annonce ne suffirait-elle pas, vu le contexte, et il faudrait que celle-ci passe à l’acte.
Dans le meilleur des cas, le lent processus en cours va donc se poursuivre, associant mesures de rigueur budgétaire et détérioration accrue de la situation sociale. Seule promesse possible de gouvernements dépassés par l’implosion qu’ils constatent mais se repliant sur de désastreuses solutions qu’ils croient éprouvées.
233 réponses à “L’actualité de la crise : DÉSASTREUSES PROMESSES AU SOMMET, par François Leclerc”
Question innocente d’un béotien, sous forme d’un scénario fiction, l’auteur ayant fumé la moquette de bon matin:
» Décembre 2011, la crise de l’euro s’intensifie, sous fond de bisbilles franco allemandes et tandem Merkozy face aux autres pays européens rechignant à remettre au pot pour les euro bonds, quant à la monétisation par la BCE, c’est Nein!, les forces centrifuges l’emportent….
Dans leur grande sagesse, nos élites censées nous gouverner ( tout est sous contrôle, passez de bonnes fêtes ) respectent la trêve des confiseurs, mais une fois les lampions éteints, et juste avant les soldes, l’EUROGUEDDON se déclenche un beau week end:
– Phase 1: les pays de la zone euro sortent tous simultanément de l’Euro, la conversion s’établissant provisoirement à 1/1 avec la nouvelle monnaie nationale ( du Drachme au Mark en passant par la Lire, le Franc, etc…)
Phase 2: laissant agir la main invisible, mais oh combien perspicace des marchés, les cotations des nouvelles monnaies reflètent le consensus sur l’état de santé des différents émetteurs: le Mark vaut 1.3 par rapport à l’ euro ( que personne ne pleure, du moins chez les débiteurs ), la drachme 0.50, le Franc 0.8, la lire 0.7, etc…..
Phase 3: grande réunion entre états créanciers et institutions débitrices avec au menu: où vous acceptez gentiment un air cut de tant, ou bien vous actionnez vos fichus CDS, à vous de choisir….sachant qu’à partir d’une certaine somme ce sont les débiteurs qui tiennent les créanciers par les roubignolles…résultat des courses: Grèce – 80 %, Italie -40 France, -30 %, etc etc etc. De plus, les remboursements des créances se font sur la base 1/1, et pas 0.5 en ce qui concerne par exemple la Drachme, évidemment…pour une fois, les états peuvent dire à la finance » on vous fait des propositions que vous ne pourrez pas refuser… »
Phase 4 : graaaaande loi d’amnistie fiscale afin de favoriser le rapatriement des sous planqués dans les paradis fiscaux frappés d’embargo ( plus rien ne rentre, plus rien ne sort ) et emprunt ‘forcé’ pour les nationaux qui ont de la braise au delà d’un certain montant ….nationalisation des banques ne pouvant tenir le choc, séparation entre activités de banques de dépôt et de banques d’investissement…..
Phase 5: hyperinflation ? ben pas tant que ça vu que des baisses de prix compensent des hausses, le système met 6 mois à se stabiliser, l’économie repart…mais différemment: relocalisations, financements non spéculatifs, politique de l’emploi, TVA différenciée..impôts revus dans le sens de la proportionnalité et de la progressivité. »
Ca vous parle ?
PS: Dammed, pris de vitesse par Attali ( à quelques minutes près, semble t’il: http://lci.tf1.fr/economie/conjoncture/attali-est-ce-que-l-euro-existera-toujours-a-noel-6843414.html
oui, ça me parle. Sauf que je ne vois pas ceci arriver aussi gentiment, il y aura de la résistance, les banques vendront cher leur peau. Je vois ça arriver quand un pays en aura vraiment marre, décidera de renoncer à rembourses sa dette, et par effet domino tous les CDS s’écroulent, et ensuite ce scénario.
Je parierais de plus-en-plus sur la Hongrie pour ce pays. J’y lis les commentaires des lecteurs, et c’est passionnant. Là-bas, les gens ont compris, le gouvernement aussi, visiblement les agences de notation aussi, ce n’est qu’une question de temps. Soit ils jouent la montre en attendant que quelqu’un d’autre fasse le 1-er pas, soit ils ne vont pas tarder à le faire.
Pousse un peu plus loin, comme en Argentine, après le krak de 2001. Rétablissement des droits de doua(censuré par le FMI). Et ça marche! Chantage: on vous rembourse 40°/° de la dette , ou bien banqueroute nationale, réponse des banquiers: ok, c’est mieux que rien. Il faut dire que les cochons avaient bien profité de la grande braderie organisée par leur marionnette Menem.Privatisations à outrance pour trois pesos six sous.
Je pense toujours à ce pays, car j’y suis allé peu de temps après le krak, et j’ai vu ce que donne un tsunami financier. Ce n’est pas beau. Le problème, ici, en Europe, c’est que la plus part de nos concitoyens refusent totalement ne serait-ce que d’envisager que ce puisse être notre tour.
l’alternative:
la ruine ( déflation) ou l’asservissement (IV ème Reich)
et pourquoi pas les deux?
la déflation sur l’immobilier, du – 30 à – 40 %, que de bonnes nouvelles!
tes sources?
Vendredi 25 novembre 2011 :
Les taux d’emprunt de l’Italie se sont envolés vendredi à des niveaux records lors d’une émission obligataire, mais le pays a réussi à lever comme prévu 10 milliards d’euros grâce à une demande qui reste soutenue, a annoncé la Banque d’Italie.
Les taux d’intérêt des obligations à six mois ont bondi à 6,504%, contre 3,535% lors de la dernière opération similaire le 26 octobre 2011.
Les taux à deux ans se sont envolés à 7,814%, contre 4,628% lors de la précédente émission, des niveaux jugés insoutenables sur la durée pour la péninsule qui croule sous une dette colossale de 1.900 milliards d’euros (environ 120% de son PIB).
http://www.romandie.com/news/n/_ALERTE___Dette_les_taux_s_envolent_mais_l_Italie_reussit_a_lever_10_mds_EUR251120111111.asp
Sinon, pour ceux qui veulent quitter l’Euro, ils peuvent aller en Hongrie :
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20111125trib000666727/moody-s-a-degrade-la-note-de-la-hongrie.html
Et dans un article précédent :
http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20111107trib000662190/la-hongrie-prise-en-tenaille-entre-la-grece-le-franc-suisse-et-son-gouvernement.html
« Seul signe positif: le ministre de l’Economie, Györgi Matolcsy, a finalement renoncé à imposer unilatéralement aux banques une taxe supplémentaire et a annoncé que le gouvernement allait désormais « coopérer » avec les institutions financières et les consulter préalablement à toute décision. »
Voilà…
« la Hongrie est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif depuis son entrée dans l’Union européenne en 2004, ce qui est unique parmi les 27 Etats-membres. »
mais pas la France, curieux hein ? En fait, la Hongrie est sous le coup d’une procédure pour déficit excessif depuis que le gouvernement Hongrois a décidé de taxer les banques. Et de nationaliser les fonds de pension privés introduits par le gouvernement précédent … « socialiste »
nuance.
Alors Zolko.
On défend ses copains d’extrême-droite..?? 😉
Faire venir au Fémi essayer la nouvelle ligne de prêt-à-porter automne hiver 2011-2012 les petits européens qui trouvent pus de sous ?
Haute couture, garde ligne souple de fer et sens d’atlante exacerberisé ?
Une fenêtre obligataire ? Nous sommes tellement obligés, veuillez oblitérer votre ticket, hé, hé !
Peau veau retourné et monolight ?
Zolko, vous vous moquez de nous là, j’espère…
Déficit de la Hongrie en 2006 quand les socialistes et Giurczany alliés au Parti Libéral arrivent au pouvoir : 10,1%.. Et ça ne faisait qu’augmenter tous les ans, en 2002 on en était déjà à 6,6%. Il me semble bien qu’elle etait là la raison de la procédure européenne et pas ailleurs. Ils prétendaient pas entrer dans la zone euro en 2009/2010 ? Et puis le pouvoir socialiste-libéral a engagé une politique de rigueur (hausse des impôts, diminution des prestations, diminution du nombre de fonctionnaires, privatisations, etc), même qu’il parait que l’ambiance était un peu électrique à Budapest et ailleurs cette année là… Et oui ça nous a fait un beau déficit ramené à 3,1% en 2007… et cette raclure de bidet d’Orban « que d’la gueule » qui prend le pouvoir, cata économique aidant. Point.
qu’est ce que je disais! : http://www.lefigaro.fr/marches/2011/11/25/04003-20111125ARTFIG00493-les-francais-diraient-oui-a-un-grand-emprunt-national.php
sinon, on pourrait se lancer dans la version Giscard, indexé sur l’or, un grand succès pour les finances publiques à l’époque.
PS: message personnel à Henri Guaino qui se colle le discours de Toulon du 1/12: Riton, arrête de nous bassiner avec les industries en déclin, le nucléaire, l’automobile, etc…parle nous d’abord de l’emploi, parce que c’est ça que les français attendent, de comment en recréer et aussi comment faire de la croissance qui ne soit pas vorace en énergie mais créatrice d’emplois…le reste suivra!
commence comme ça: « mes chers concitoyens, n’ayons pas peur, entrons dans l’espérance, ce que nous devons redouter c’est de ne pas oser, car ne pas oser rend les choses encore plus difficiles, etc etc etc «
ce serait l’agence de la dette allemande qui a racheté le surplus d’obligations. chose qu’elle fait à chaque fois que les obligations sont mises en vente, et non pas la bund. alphaville/financial times en parle sur son blog. cette opération est courante. ce qui l’est moins est son montant. ils le font pour se garder une reserve avec laquelle ils vont jouer sur le marché secondaire et soulager les taux de la dette quand ils sont trop tendus. le texte en anglais:
http://ftalphaville.ft.com/blog/2011/11/24/761871/bund-auction-reaction-the-liquidity-case/
avez-vous vu le saut que les taux belges ont fait: 5.88 sur 10ans. 1.3% en 15 jours. la belgique rejoint le peloton de tête formé par l’italie et l’espagne.
La course d’échalas à l’échéance allote la corde ferme ?
Désespérés, les monstres liquides en perdaient la liberté de l’identité, milliard après taux, écart après rencard..cernés de hâves pêcheurs desséchés de rage. Le paradis était trop petit pour leurs gigantesques moyens.
@Mr J,
Je ne vois pas bien en quoi le fait pour l’agence du trésor allemande de posséder en réserve des bons allemands peut aider à jouer à la baisse les tx allemands en cas de besoin. (en acheter oui ! mais pas en vendre !)
Ca, il faut qu’on m’explique !
trouvé sur un blog de the economist:
« The Finanzagentur issued only 3.9bln cash. They gave 3.9bln bunds to the market and kept 2.1bln bonds on their books. In the future they can sell this retention amount into the secondary market, raising cash. You may have read that the Bundesbank bought the unfilled part of the auction; this is not correct. The Bundesbank is not financing Germany; it just operates as an agency for Finanzagentur. It is worth repeating that Finanzagentur always retains part of the bonds, so this part of the process is normal. Today the retention was larger than usual. This is probably due to low liquidity across market, lower incentive to place certain minimum size bids by dealers, and richness of bunds in general. »
la source: http://www.economist.com/blogs/freeexchange/2011/11/german-bunds
le reste étant sur alphaville…dont j’ai mis le lien aussi. certes c’est en anglais, mais c’est visiblement une pratique courante. on garde une partie des emissions pour faire du benef dessus sur le marché secondaire.
Vendredi 25 novembre 2011 :
Londres se prépare à la fin de la zone euro, mais les « plans » sont flous.
Les autorités britanniques évoquent désormais ouvertement des « plans » pour faire face à un démantèlement de la zone euro, demandant en particulier aux banques de s’organiser en conséquence, mais les mesures envisagées restent à ce stade particulièrement floues.
Un responsable de l’Autorité des services financiers (FSA), le superviseur des marchés britanniques, a relancé les spéculations en affirmant jeudi que les banques du pays avaient été priées de se tenir prêtes à affronter tous les scénarios, y compris les « pires ».
« Nous ne pouvons pas ignorer l’éventualité d’une sortie désordonnée de certains pays de la zone euro », a expliqué Andrew Bailey lors d’une conférence à Londres.
Le ministre des Finances George Osborne avait été le premier à dire, début novembre, que Londres « préparait des plans » en cas d’éclatement de la monnaie unique.
« Ici, hors de l’euro, il faut nous préparer à toutes les éventualités et c’est exactement ce que nous faisons », avait renchéri un peu plus tard devant des hommes d’affaires le Premier ministre David Cameron, sans donner lui non plus le moindre détail.
http://www.romandie.com/news/n/CRISELondres_se_prepare_a_la_fin_de_la_zone_euro_mais_les_plans_sont_flous251120111511.asp
J’ai une petite question:
Si demain une nouvelle banque est crée, qui se contente du coeur de métier traditionnel de banquier, voire de simple « coffre fort », cette dernière sera ipso facto une « good bank » non?
Je suppose que les capitaux afflueraient des clients des autres banques. Ou bien les transactions inévitables avec les banques concurrentes, à la solvabilité douteuse, mettraient-elles de facto les avoirs de ladite banque en danger?
Puisque nous sommes nombreux sur ce blog, je suis sûr que nous pourrions faire ça très bien, le cas échéant. Non?
Elle existe:
http://www.triodos.be/fr/particuliers/
Quelqu’un aurait remarqué que le rythme s’accélère..??
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20111125trib000666768/le-tresor-italien-au-bord-de-la-rupture.html
J’espère que ceux qui ont planqué leur argent à l’étranger vont penser à le rapatrier dans les 24 heures, car il va leur devenir impossible de le récupérer…
Vendredi 25 novembre 2011 :
Belgique : taux des obligations à 10 ans : 5,863 %. Record historique battu.
Espagne : taux des obligations à 10 ans : 6,699 %. Record historique battu.
Italie : taux des obligations à 10 ans : 7,261 %. Record historique battu.
http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBTPGR10:IND
Portugal : taux des obligations à 10 ans : 12,643 %.
Grèce : taux des obligations à 10 ans : 29,872 %.
Bis répétita, allez va moi je commence à spéculer sur la prochaine en Chine !!!
La crise russe
Dossier : « La Russie ne relève pas de la raison »
Par Isabelle BAUDELOCQUE
Le 01/06/1999
Il n’est pas aisé de déterminer l’origine de la crise financière, d’autant plus que les différents économistes et spécialistes de la région divergent plus ou moins sur ce point, les uns affirmant qu’elle est essentiellement d’origine politique, les autres soulignant plutôt la dégradation de la situation de l’économie réelle ou les activités spéculatives des banques. Sans doute est-ce tout cela à la fois, les causes étant multiples et complexes.La crise financière s’expliquerait tout d’abord par la crise des finances publiques.
Il convient, afin de comprendre l’engrenage du déficit public, de remonter à l’année 1995 : face au taux d’inflation élevé, le gouvernement russe décide de financer sa dette publique non plus par l’émission de monnaie (c’est ce que l’on appelle vulgairement la « planche à billet »), mais par l’emprunt. Malgré le risque d’une hausse du montant des impayés (au fisc, aux fournisseurs, aux salariés), ainsi que d’une multiplication des formes d’échanges non monétaires, des bons du Trésor, les GKO et les OFZ, sont émis avec des taux d’intérêt annuels de 70 %. Le taux d’inflation chute alors de 18 à 3%, mais en 1996, l’Etat s’avère incapable de payer ses fournisseurs, de rémunérer ses fonctionnaires et ses retraités.
A l’approche de l’échéance présidentielle, le gouvernement multiplie les remises fiscales et repousse à plus tard les faillites bancaires et industrielles. Parallèlement, les acteurs économiques continuent de spéculer sur le marché lucratif des GKO, si bien que leur rendement tombe à 20%. Les nouveaux capitaux ne servent alors plus qu’à payer les intérêts et à rembourser les premiers spéculateurs. En 1997, l’exécution du budget « fait apparaître un déficit équivalant à 6,1% du PIB. Le déficit total des dépenses publiques (y compris Etat Central) atteint, la même année, 7,3% du PIB ».[1]Ce déficit public, bien que non excessif, est rendu préoccupant tout d’abord par la faiblesse des recettes fiscales : toutes les réformes proposées pour augmenter le niveau des recettes sont rejetées par le parlement, que domine l’opposition au président Eltsine. Ensuite, l’épargne intérieure rendait la Russie tributaire de l’extérieur pour assurer l’équilibre de son budget.
D’autant plus que la crise asiatique, qui survient à l’automne 1997, entraîne une première augmentation des taux d’intérêt et porte un premier coup au système financier russe. C’est par le vecteur du marché des titres que les effets de la crise financière asiatique affectent les banques russes. Selon une étude de Natalia Lapina sur le secteur bancaire russe[2], au cours des mois de novembre et décembre, le retrait du marché russe de grands investisseurs non-résidents provoque une forte hausse des rendements des titres souverains en roubles. Cette première défiance des investisseurs étrangers envers les marchés émergents, dont fait partie la Russie, est renforcée par toute une série d’événements. Tout d’abord la démission de V. Tchernomyrdine du poste de Premier ministre, fin mars. Puis la mise sous administration provisoire de la Tokobank en mai. Enfin, l’annonce du report de la privatisation de Rosneft (la dernière grande compagnie pétrolière publique) qui aurait permis d’assainir un peu la situation des finances publiques.
Aussitôt, les investisseurs étrangers vendent massivement leurs titres, ce qui entraîne une hausse des taux (80% sur le marché secondaire). L’effet sur le service de la dette publique est immédiat. Parallèlement, on constate dès le premier trimestre de l’année 1998 « une stagnation des flux d’investissements directs, ainsi que des entrées d’investissement de portefeuille moins importantes et la poursuite des sorties de capitaux ». Ce qui contraint la Banque centrale de Russie à puiser dans ses réserves de change pour financer le déficit courant, provoqué également par la baisse continue des prix du pétrole (qui est le principal secteur exportateur russe). Selon Philippe Bourgeois, vers la fin du mois de mai, ces réserves constituent environ 15 milliards de dollars, c’est-à-dire moins que la dette due aux non-résidents, qui s’élève alors à 20 milliards de dollars.
Dès lors, rien, pas même le prêt octroyé par la communauté internationale, ne permet de freiner la dégradation du système bancaire et de rétablir la confiance des marchés. En effet, fin juillet, le FMI verse 4,8 milliards de dollars, première tranche d’un prêt de 22,6 milliards de dollars. Mais les exigences demandées par le FMI en contrepartie ne tiennent compte ni du « caractère politique du blocage des réformes, ni de l’urgence de la situation en raison de la maturité très courte de la dette ».Mais la crise financière russe ne s’explique pas seulement par l’incapacité du gouvernement à mener les réformes nécessaires et à gérer correctement le déficit public, par les conséquences de la crise asiatique, par la perte de confiance des investisseurs étrangers ou encore par la baisse des prix du pétrole. Selon certains économistes comme Jacques Sapir, directeur d’étude à l’EHESS, la crise financière est liée à la « nature largement perverse de la restructuration économique de la Russie ». [3]
Avec la disparition du système soviétique, certaines entreprises ne purent établir le contact avec leurs fournisseurs. Des entrepreneurs étrangers proposèrent alors à ces entreprises de leur fournir la matière première en échange d’une partie de la production transformée. Les entreprises n’eurent d’autre choix que d’accepter l’accord, tout en sachant que la part de production qui leur était laissée ne leur permettrait pas de payer à la fois les salaires et les autres consommations intermédiaires comme l’électricité : en effet, les banques, à cette époque, se souciaient peu de financer l’investissement productif (préférant spéculer sur le marché des GKO).
Aussi ne proposaient-elles des devises aux entrepreneurs pour acheter leurs matières premières qu’à des conditions financières inacceptables. Afin de poursuivre leurs activités, les entreprises furent donc contraintes de faire appel à ces entrepreneurs étrangers qui possédaient le « savoir vendre », accumulant les impayés, pour les salaires, pour l’énergie ou même pour les impôts. La richesse réelle, produite par les entreprises russes, fut ainsi captée par des sociétés étrangères. Ce mécanisme est désigné par le terme de « tolling ». On comprend donc mieux que l’effondrement des recettes fiscales, la fuite des capitaux, ainsi que la « financiarisation spéculative » aient constitué une limite à la politique économique et financière russe, à la fois inadaptée et rigide. La forme particulière de régulation économique qui s’instaura alors possédait certes des marges de stabilité, mais également « un risque de système généralisé, c’est-à-dire d’enchaînements catastrophiques ». Aussi, dès l’apparition de chocs tels que la crise asiatique, les marges de stabilité se transformèrent-elles en leurs contraires, engendrant la crise d’août.
La vague déferlante
Le 17 août 1998, le gouvernement russe annonce un certain nombre de décisions: la suspension du remboursement de la dette intérieure en attendant sa restructuration, « un moratoire de 90 jours sur le remboursement du principal des prêts accordés par les non-résidents, des primes d’assurances des crédits cautionnés par des titres, des contrats de change à terme ». Le « corridor de change » du rouble par rapport au dollar est élargi à 9,5 roubles (contre 7,15 auparavant), ce qui entraîne une dévaluation de facto de 34%. Dans les bureaux de change, le prix de vente du dollar augmente de 50%. Puis le système bancaire se bloque, empêchant toute transaction. Fin août, le cours du rouble et des actions des sociétés russes continue de s’effondrer, le taux d’inflation ne cesse d’augmenter, atteignant 15% (contre 2% en juillet et 0,1% en juin). Des banques commerciales licencient ou ferment, les entreprises réduisent leurs coûts fixes (salaires revus à la baisse, chômage technique), de grandes compagnies pétrolières sont amenées à fusionner (Loukoïl, par exemple, ferme 4500 puits et se rapproche de Gaz-Prom).Les régions de Russie, quant à elles, réagissent à leur manière, adoptant différents comportements qui ne manquent pas d’accentuer l’écart d’appréciation avec le centre, de même que les disparités entre les modèles de politique régionale.
Les conséquences de la crise
A peine sept mois après l’annonce des décisions gouvernementales d’août 98, il est difficile d’analyser les conséquences de la crise en raison de l’insuffisance d’informations définitives sur une situation qui ne cesse d’évoluer, notamment dans le secteur bancaire. La décision du gouvernement de geler le remboursement de la dette interne et d’élargir la bande de fluctuation du rouble porte un coup terrible aux banques, malgré le moratoire de 90 jours sur leurs engagements externes, instauré sous leur pression. Les banques russes auraient subi une perte de 100 milliards de roubles, ayant préféré spéculer sur le marché très lucratif des bons du Trésor plutôt que de financer l’investissement industriel. Sur 1500 banques présentes avant la crise, la moitié a disparu, le reste parvenant à survivre grâce à une meilleure gestion ou à un soutien de la part de grands groupes industriels ou d’administrations locales.
La Banque Centrale place sous son contrôle tout le secteur bancaire en vue d’une restructuration et envisage de procéder à une nationalisation, tandis qu’un regroupement et une fusion entre les différents établissements financiers s’opèrent : la Banque de Moscou acquiert la majeure partie des actions de Mosbiznesbank. Incombank (la deuxième banque russe) et la Natsionalisalny Reservny Bank (quatorzième) ne forment désormais qu’un seul et même groupe. Enfin, Oneksimbank (quatrième), Menatep (septième) et Most-Bank (dix-septième) décident de fusionner.Sur les 250 milliards de roubles de GKO, 20% étaient détenus par des banques étrangères, c’est-à-dire 15 milliards de dollars.
En décembre 98, le gouvernement décide d’opérer une restructuration des GKO en roubles, défavorable aux investisseurs étrangers. Il est prévu un remboursement en liquide de 10% seulement, le solde étant transformé en bons d’investissement. Les établissements bancaires européens (essentiellement des banques allemandes, autrichiennes et britanniques) qui détiennent des créances sur des banques russes qui ont acquis des bons du Trésor sont donc frappés de plein fouet par la crise. Mais les entreprises étrangères (Moulinex par exemple) qui ont investi en Russie dans la production et la distribution de biens de consommation le sont tout autant (mais on oublie souvent de rappeler que ces mêmes entreprises ont beaucoup gagné avant la crise). Il convient toutefois de relativiser les conséquences de la crise sur l’Union Européenne (les exportations russes n’ont qu’une incidence légère sur le commerce européen), et plus généralement sur le monde, le poids économique de la Russie étant faible (il représente seulement 1,5%).
En Russie, les importations se réduisent selon Françoise Barry de 45%, essentiellement sur les biens agro-alimentaires, les équipements et les médicaments. D’après la même source, le secteur agricole non modernisé est en stagnation, tandis que celui des services est au ralenti. Dans un premier temps, face à l’inflation galopante et malgré la baisse du pouvoir d’achat occasionnée par la forte dévaluation du rouble, la population se rue dans les magasins pour parer à l’éventuelle pénurie: tous types de produits sont achetés, des biens de première nécessité aux biens de consommation étrangers. Ceux qui ont pu sauver quelques dollars ou qui consomment l’argent « placé sous l’oreiller », préfèrent placer cet argent dans des produits qui restent monnayables après la crise. L’économie parallèle, estimée à 50% du PIB, permet la dissimulation de revenus subsidiaires. La thésaurisation s’élèverait, elle, à 30 milliards de dollars, 80 milliards si l’on en croit madame Barry. On peut ainsi observer une certaine « inertie des comportements de consommation », d’autant plus, souligne Dominique Klein, conseiller économique et commercial au PEE[4] de Moscou, que « la classe moyenne qui avait pris l’habitude de consommer ne va pas s’arrêter de le faire du jour au lendemain ».
Cette nouvelle couche de la population est la première victime de la crise, les pauvres restant pauvres et les riches étant à peine atteints par la déferlante. La crise a en effet frappé en premier lieu la classe moyenne émergente, estimée à 15-30 % (les chiffres sont très variables) de la population. La moitié des 15 millions de foyers qui disposaient avant la crise d’un revenu net par mois compris entre 500 et 2000 dollars, ont été balayés. Les professions les plus touchées par le chômage sont les publicitaires, les commerçants, les agents touristiques, les journalistes ou encore les personnes travaillant dans les banques et les finances.Curieusement, cette nouvelle crise économique, politique et financière n’a pas provoqué de crise sociale, comme l’on s’y attendait. Selon un sondage mené par l’Institut de sociologie du parlementarisme, seuls 8% des personnes interrogées se disaient prêts à bloquer les routes et les voies ferrées, 6% à s’associer à des marches de protestation vers la capitale et à des soulèvements.
Le nouveau prêt octroyé par le FMI
Lundi 29 mars 1999, le Premier ministre russe Evgueni Primakov a annoncé qu’il était parvenu à un accord avec le directeur général du FMI, Michel Camdessus, sur l’octroi d’un nouveau prêt à la Russie. Il n’a cependant pas spécifié le montant du prêt. Selon l’agence Interfax, le prêt s’élèverait à 4,8 milliards de dollars (4,6 selon une autre source), en quatre tranches égales, la dernière devant être versée en février 2000. Les échéances de la dette extérieure de la Russie font état, en 1999, d’un montant de 17,5 milliards de dollars (dus notamment aux Clubs de Paris et de Londres), dont 4,5 milliards dus au Fonds Monétaire International. Or le budget 1999 ne prévoit pour le service de la dette extérieure que 9,5 milliards de dollars. Le prêt consenti par la communauté internationale (perçu par certains analystes comme un geste politique) est donc destiné à rembourser le FMI de ce que lui doit la Russie. Cela ouvre par ailleurs les négociations pour un nouveau rééchelonnement de la dette extérieure.
Pas encore assez fatigués des – DESASTREUSES PROUESSES AU SOMMET –
on pourrait résumer la position française mieux que par long discours par un slogan : » L’ALLEMAGNE PAIERA! » . La question de savoir si c’est la BCE qui doit abonder est une maniére indirecte de de faire payer les créanciers Allemands par la dévaluation de la monnaie d’occupation : l’euro . L’euro ayant l’avantage par rapport au mark de ne pas devoir étre constamment réévalué grace à au contre-poids de la gabegie latine , France en chef .
La différence avec l’entre deux guerre c’est que maintenant au contraire de la longue histoire de
notre pays qui avait fait sa spécifité , nous ne sommes plus le trublion continental du Saint-Empire , la province autonome de l’Empire Romain , nous sommes inclus dedans maintenant , pas seulement par une zoll-verein (Saint-Empire à la Prussienne) , mais une euro-verein , dans la direction d’une politik-verein : la reconstituition de l’Empire avec son prolongement germanique mais dominant .
Quelque chose me dit que cette stratégie de collabo-opposant cloche , parce que l’Empire
Romain christianisé , le Saint-Empire , pour l’un a disparu , pour l’autre n’a jamais abouti .
Pour poursuivre l’analogie historique face à ces monstres historiques ce sont toujours opposés deux trublions : un continental , le peuple Français marqué par des intermittences ,
l’autre maritime , Viking , Hollandais , Anglais puis US , (demain les « Chinois » d’outre-mer ?) ,
et le deuxiéme trublion a toujours eu le dernier mot .
Bonjour,
Parmi ce qu’on peut lire à gauche et à droite, les analyses du LEAP me paraissent souvent originales. De plus leur liberté de ton est agréable.
En résumant fortement leurs anticipations actuelles :
Décote moyenne de 30% de l’ensemble des dettes publiques occidentales.
Disparition de 30.000 milliards d’actifs-fantômes d’ici le début 2013.
Décimation des banques occidentales.
Baisse de 30% de la devise US.
La bombe systémique se trouve aux US, non en Europe.
http://www.leap2020.eu/GEAB-N-59-est-disponible-Crise-systemique-globale-30-000-milliards-USD-d-actifs-fantomes-vont-disparaitre-d-ici-debut_a8138.html
Et à plus longue échéance (cf. bulletins précédents du LEAP) nécessaire refondation du système monétaire global associant EU et BRICS (hypothèse de nouveaux DTS).
Un avis des auteurs/lecteurs de ce blog ?