On parle ce matin de gouvernement d’unité nationale non plus seulement pour la Grèce, mais dorénavant aussi pour l’Italie, progression inéluctable des temps normaux vers les temps d’exception que j’annonçais déjà dans une chronique d’avril 2010 pour Le Monde-Économie :
Les gouvernements d’unité nationale sont pour bientôt, quand il sera devenu évident aux yeux de tous qu’aucun parti ne connaît à lui tout seul la solution des problèmes insolubles qui se posent, suivis alors de Comités de Salut Public, quand il sera clair que même tous ensemble ils n’y comprennent rien…
Pourquoi mon pessimisme anticipé ? Parce que la machine de destruction s’était mise en branle et les moyens de l’arrêter, inexistants, la zone euro s’étant privée délibérément des soupapes de sûreté que sont d’une part la dévaluation et la réévaluation de la devise et, d’autre part, le défaut et la restructuration de la dette. Un fédéralisme voulu comme simplement superficiel, limité à l’Europe des marchands, exigeait cela.
Un taux de la dette italienne à dix ans supérieur à 6,5%, comme c’est le cas désormais, déclenche une dynamique perverse qui devient irréversible : le taux poursuit sa progression vers le haut, tandis qu’en écho, la dette existante se déprécie de plus en plus rapidement. Dans la logique à l’intérieur du cadre néo-libéral, qui est celle de tous les gouvernements occidentaux – de gauche comme de droite – de leurs banques centrales et du FMI, les seules variables d’ajustement sont la suppression de l’État-Providence et de la protection des salariés contre les abus au sein du droit du travail. Une agence de presse donnait hier la parole à trois économistes représentants de cette idéologie désormais suicidaire, répétant les lignes de leur catéchisme : que l’augmentation de l’imposition sur les grosses fortunes est anathème aux yeux du marché des capitaux – à la tête maintenant de toutes nos nations, et que seule compte pour lui, comme mesure valable, le démantèlement de l’État-Providence.
Les 14 membres restants de la cordée zone euro suffisaient de justesse à soutenir les corps pendants dans le vide de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande. L’Italie qui tombe, et c’est la cordée toute entière qui est précipitée dans l’abîme.
Le seul sursaut possible consisterait à sortir immédiatement de ce cadre néo-libéral réfuté en ce moment par l’histoire. Sinon, le suicide collectif est déjà programmé.
339 réponses à “LA FIN PRÉPROGRAMMÉE”
Ce n’est pas le « cadre néo-libéral », ainsi que vous le dites, comme le disent tous ceux pour qui le capital n’existe pas comme tel: c’est à dire comme rapport entre les personnes médiatisé par des objets, ou comme valeur se valorisant, ou comme autoprésupposition….
Ce n’est pas le cadre, ni la faute aux cadres, c’est le capital qui a une histoire comme ça.
L’économie dicte sa loi.
[…] Blog de Paul Jorion » LA FIN PRÉPROGRAMMÉE […]
Note AF :
Cela est illustré par les thèses de l’Institut Turgot où le divin marché règle tout et qui prétend que le capitalisme va plus que bien mais que les Etats doivent disparaître car trop inefficaces ; sans parler de Keynes, condamné à mort ou de la zone Euro assimilée à la défunte URSS.
Le divin marché amoral et intemporel n’a que faire des besoins sociaux collectifs que l’Etat représente.
Il ne s’occupe que de transactions marchandes, de « doux commerce » quitte à créer un contexte accapareur quasi colonial d’asservissement, conduisant finalement à la guerre.
Le divin marché finit en pillage frénétique et insensé des ressources.
Aux USA des régions entières ne sont que ruines, plaies ouvertes, misère affreuse …