L’actualité de la crise : L’USINE A GAZ DE LA DERNIÈRE CHANCE, par François Leclerc

Billet invité

De quelles couleurs vont être les lapins qui vont sortir du chapeau ? Il est encore bien trop tôt pour l’annoncer, car « les discussions portent sur des sujets parfois techniquement très complexes », a cru devoir expliquer Angela Merkel. Mais l’EBA, le régulateur des banques, qui est précisément en charge d’instruire leurs besoins de recapitalisation, avait annoncé vendredi que « aucune annonce ne sera faite avant qu’une décision ne soit prise par le Conseil », reconnaissant de facto que la décision finale était de nature politique…

La confiance dans la portée des mesures qui devraient finalement être adoptées est a priori telle que les dirigeants européens ont convoqué séance tenante Silvio Berlusconi. Exprimant leurs doutes à propos de la capacité du gouvernement italien à maintenir sous contrôle ses finances, et lui demandant de nouvelles mesures de réduction du déficit budgétaire ainsi que de nouvelles réformes structurelles. Faute de se mettre d’accord sur un renforcement tangible des moyens financiers du FESF, on revient à la case départ et prétend faire porter sur un pays l’essentiel de l’effort… On sait ce que cela a déjà donné.

Deux des trois volets du triptyque qui doit être mis en place – décote de la dette et recapitalisation des banques – sont étroitement liés entre eux. Or une négociation parallèle aux réunions gouvernementales, qui portent sur la première, se déroule simultanément avec les représentants des banques. Elles sont menées de leur côté par Charles Dallara, le directeur de l’Institute of International Finance, a qui avait été délégué lors du précédent épisode de restucturation de la dette la responsabilité de mettre au point son mécanisme, sur la base du volontariat. « Les discussions font des progrès, bien que ceux-ci soient limités », a-t-il déclaré, relativisant les assurances gouvernementales.

Ce qui est en discussion dépasse le seul chiffrage de la décote mais inclut l’ensemble des modalités de l’opération : maturité et taux des actifs qui seront apportés en échange des anciens, garanties qui seront fournies. Toutes dispositions qui affectent le montant réel de la remise de peine et diminuent l’impact réel de la décote dans les bilans bancaires. Annoncée comme acquise, la décision de recapitalisation des banques à hauteur de 108 milliards d’euros dépend en réalité de la conclusion de ces discussions avec les banques pour devenir effective. Quant à la décote grecque, les discussions se poursuivent, les Français toujours réticents à ce qu’elle soit augmentée. La cohérence finale des décisions prises dans les différents domaines reste dans ces conditions à établir…

L’idée serait pour l’instant de répartir par tiers l’effort de recapitalisation entre les banques, les Etats et l’Union européenne, ce qui ne laisserait aux premières qu’une quarantaine de milliards à mobiliser sur les 108 milliards, mais le double à financer sur fonds publics. Si cela devait se confirmer, il sera intéressant de voir de quelles conditions effectives cette aide publique sera assortie. José Luis Barroso a parlé de l’interdiction de verser des bonus et des dividendes pour les banques bénéficiant de fonds publics, les Suédois, d’entrée de l’Etat au conseil d’administration (telle qu’ils l’avaient pratiquée), tandis que François Fillon préférait prudemment dire que cela ne serait pas selon les mêmes modalités que la fois précédente…

Résultat des discussions dans l’immédiat : les banques devront désormais valoriser leurs titres de dette souveraine à leur valeur de marché et celles qui ne s’y plieraient pas auraient interdiction de verser des dividendes et des bonus.

Il reste à dégager un compromis – encore introuvable – à propos du renforcement financier du FESF, destiné à éviter que l’Italie et l’Espagne ne tombent dans le trou. La journée d’hier a été marquée par des déclarations contradictoires, les uns considérant que la proposition française impliquant la BCE n’était plus sur la table et d’autres si ! Cette option est impossible car contrevenant aux Traités européens, disent ceux qui s’y opposent tout en préconisant par ailleurs que ceux-ci soient revus, pour y adjoindre des dispositions en matière de rigueur fiscale ! Mais le dispositif alternatif assuranciel qui est proposé est financièrement fragile, tel qu’on le pressent, expliquant l’émergence d’une troisième voie impliquant le renfort du FMI. Il reste trois jours et demi de négociations…

Faute d’un bazooka dont seule la BCE dispose, un montage financier miracle est recherché. Il présage un saupoudrage de mesures portées du bout des doigts.

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89 réponses à “L’actualité de la crise : L’USINE A GAZ DE LA DERNIÈRE CHANCE, par François Leclerc”

  1. Avatar de logique
    logique

    Le probléme avec les CDS est de savoir si les vendeurs de se genre d’assurance ont les moyens de payer en cas de défauts. Et dans le cas ou ses assureur n’est pas les moyen de remplir leurs contrat est ce que les états garantissent se genre de produits ?

    1. Avatar de Julien Alexandre

      Les réponses sont non, dans les 2 cas. Ce qui ne règle pas grand-chose…

      1. Avatar de logique
        logique

        Cela ne régle pas grand chose mais nous apprends beaucoup de choses :

        1) Le CDS est un instrument hypertrophier qui fonctionne uniquement en cas de risque minimale, en cas de vrai risque vendre un CDS revient a risqué la faillite de l’émetteur.

        2) Ont comprends mieux pourquoi personne ne veut que la gréce fasse defaut, puisque le pertes seront séche et non rembourser, surtout si cela implique d’autre défaut en chaine.

        3) le CDS n’as aucune utilité en période de grosse crise est dans le cas ou le montant des crédits devient supérieur aux PIB des états et surtout des assureurs.

        4) En cas de gros defaut d’un emprunteur, la banque assurance prends des risques avec ses clients, puisque les dépots des clients seront mis a contribution pour rembourser se qui peut être rembourser, jusqu’a la faillte de la banque.

        5) dans le cas particulier « 4) », les états qui garantissent les dépts en seront de leur poche, et donc le contribuable.

        6) la cas 5) montre et démontre que; l’état bien que ne garantissant pas les CDS reste impliqué envers les assureurs qui serait aussi des banquiers, et cela nous donnent une trés bonne idées de risques encouru actuellement pour la stabilité des états qui ont laissé leurs banques jouer a se petit jeux. Cela a deja couter trés cher aux USA, est se n’est peut être pas fini.

        Tout cela ressemble a une énorme arnaque

        1. Avatar de Julien Alexandre

          Logique, les lecteurs du blog savent déjà tout cela depuis un bout de temps, non ? Ce n’est pas faute d’en avoir fait des articles sur le sujet.

      2. Avatar de Marx prénom Groucho
        Marx prénom Groucho

        @ Julien Alexandre: un moment, là! si je comprends bien, les assureurs de la dette grecque, via les CDS, n’ont pas les moyens de couvrir les assurés ( les banques détentrices d’obligation grecques ) de leur perte ? un peu comme si l’assureur de ma bagnole me disait après un gros sinistre « désolé, je ne vous rembourse pas la caisse, j’ai pas les ronds » ça a un nom, ce genre de situation?
        du coup, il faut une décote « volontaire » des banques à hauteur de 60% aux dernières nouvelles pour que les fameux CDS ne soient pas actionnés, entrainant des faillites en cascade ?
        Et évidemment le pognon correspondant pour recapitaliser les banques, pognon provenant soit d’investisseurs actionnaires, soit de l’Etat ( le contribuable )
        question subsidiaire: pourquoi il n’y a pas un seul journaliste assez curieux pour poser la question à l’ami Baroin, histoire de connaitre sa réponse ?
        PS: après avoir lu les réactions de logique, j’ai une partie de la réponse: il s’agit d’une arnaque avec l’Etat – c’est à dire le contribuable – assureur de dernier ressort….j’aimerais bien qu’un politique vienne à la télé mettre les points sur les « i ».

      3. Avatar de vigneron
        vigneron

        @Groucho

        Personne n’est assuré contre le défaut grec, pas tellement parce qu’il n’est pas assurable mais simplement parce que le montant notionnel effectivement assuré sur la totalité des contrats enregistrés aujourd’hui n’est que de 50 milliards d’euros, le montant net, après compensation n’étant lui que de 2,7 milliards.
        Ce qui signifie que dans la pire des situations imaginables, une seule banque cocue concentrant toute l’exposition au risque de défaut sur cds, c’est 1,35 milliards qui sont en jeu au bout du compte.
        il y a longtemps que les hedge-funds qui shortaient la dette grecque par le cds, à nu ou pas, s’en sont débarrassés – en prenant leur marge dessus… Ils savent très bien que ça vaut zéro, sauf pour les détenteurs d’obligations grecques, pour maquiller un peu leur bilan auprès de leurs actionnaires, maquillage hélas non waterproof…
        Ne restent plus donc que les gros acteurs de marché, les 20 ou 30 grosses banques qui font le marché, qui détiennent des cds, mais le plus souvent en position acheteuse autant qu’en position vendeuse (d’où l’exposition nette après compensation de seulement 2,7 milliards pour 50 milliards d’exposition brute, 330 milliards de sous-jacent – mais seulement 67,5 milliards de décote suivant le dernier plan de restructuration de l’UE qui n’appliquerait les 50 % d’haircut « volontaire » que sur 90 % des créances privées venant à échéance avant 2020, soit 135 milliards..).
        Bref l’UE veut absolument éviter l’évènement de crédit pour ne pas donner l’impression de récompenser les spéculateurs qui détiendraient des cds grecs, sauf que ceux- ci ont déjà fait leur sale boulot et ne sont plus sur le marché depuis lurette, et pour ne pas créer un précédent de défaut dans la zone euro qui pourrait peser dans la suite du feuilleton via les notes des agences.
        On pourrait imaginer que cette stratégie de l’UE consistant à afficher une volonté indéfectible du « zéro défaut » a permis d’expulser les spéculateurs shortant la Grèce via les cds, sauf que c’est il y a au moins un an et demi ou deux ans qu’il fallait les refroidir, maintenant c’est beaucoup beaucoup trop tard.
        Toujours est-il qu’aujourd’hui le défaut, et donc le dénouement des positions sur le cds grecs, serait tout à fait envisageable – il ne représenterait guère plus qu’un « arrondi à la virgule » sur la facture des décotes sur la dette grecque pour les créanciers… Mais le seul résultat tangible de l’acharnement coupablement tardif de l’UE à éviter le credit-event consiste juste en une récompense à la ou les grandes banques en position vendeuse sur ces cds. Et le problème des cds et du tabou du credit-event, aussi symbolique soit-il, reste pendant, puisque par définition (interdiction future ou pas mais non-rétroactive), les positions sur cds seront toujours là après et durant les restructurations « volontaires »…

      4. Avatar de logique
        logique

        Merci vigneron pour tout ces détails. Savez vous me montants total des CDS dans le monde, ou savaez vous ou ont peut trouver se genre d’infos ?

      5. Avatar de Martine Mounier
        Martine Mounier

        @Logique

        Vigneron ou Julien pourront vous répondre mieux que moi, mais : « selon les comptes de la FED* publiés en Décembre 2010 , le montant des CDS serait de 233 Mille milliards de dollars, soit 4,5 fois les PIB mondiaux et 97% seraient émis par les 5 majors américains (…). »

        *l’article qui vous donne accès au rapport de la FED.

      6. Avatar de logique
        logique

        Merci pour les réponses, mon premier commentaire n’était pas si mauvais que cela. Les US ont chaud aux fesse si les faillite s’enchaine. D’ailleurs je me demande pourquoi les éuropéens s’inquiéte d’une faillite de la gréce. Surement pas pour les européens mais pour les banques US. Car si j’ais bien compris il assurent 97% des CDS, ça sens le sapins outre atlantique.

      7. Avatar de bernique
        bernique

        à logique : c’est encore pire car les CDS sont comme des mines invisibles et imprévisibles répandues un peu partout ce qui fait que par la méfiance généralisé, une crise moyenne devient une crise importante « grâce » au gel de l’une ou l’autre des composantes du crédit.
        Par contre les sommes invoquées sont des montant notionnels, c’est à dire le montant qui fait l’objet des CDS, pas le prix du CDS en tant que tels : ex 3 000 € annuels pour assurer 100 000 € d’obligations de la BBB (banque du Bas-Berry) fait 100 000 € de notionnel et 3 000 de chiffre d’affaire annuel.

      8. Avatar de logique
        logique

        J’espére que les montants sont le notoniel.

        Par contre je ne connais pas vraiment le fonctionnement des CDS, pour beaucoup de dérivé les primes sont réactualisé au jours le jours et les nouveaux appels de fond en cas d’augmentation de la prime ont lieu.

        Du coup je ne sais pas si le CDS fonctionne comme un dérivé ou comme un contrat d’assurance avec une prime déterminé et fixe, a la signature du contrat.

        Dans le cas ou le CDS serait un dérivé, les emetteur de CDS ont tout interets a faire monter la prime, prime de risques, afin de pouvoir augmenter leur bénéfice. A la diference des autrs dérivé, aurait donc comme sont jacent le risque, qui est purement virtuel et pour qui il suffit juste de colporter des informations effreyante pour le voir monter. En tout cas depuis 2007 l’augmentation de certains CDS dépasse les 1000% soit une multiplication du prix par 10.

        C’est trés juteux en tout cas …..

  2. Avatar de Oil Man

    L’ambiance entre le dirigeants européens est quelque peu délétère…. On connait la situation du couple Sarkozy-Merkel.

    On imagine après la vindicte franco-allemande à l’encontre de l’Italie, l’humeur de Silvio ; et là l’article du Telegraph relate les relations « cordiales » entre Sarkozy et Cameron.

    Nicolas Sarkozy tells David Cameron: ‘We’re sick of you telling us what to do’

    Good night, and good luck !

  3. Avatar de Marx prénom Groucho
    Marx prénom Groucho

    @ vigneron: merci pour l’effort d’explication; je me sens un peu moins bête…

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  1. Dans ce cas, effectivement, c’est plus délicat.

  2. nb : j’ai écrit imaginer et non croire.

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