Billet invité
Les dirigeants allemands et français, qui campent chacun sur leurs positions, se débattent dans leurs contradictions et tentent de sauver la face, sinon la situation, encouragés de loin par la Maison Blanche et les autorités japonaises et britanniques, tandis que Barack Obama s’en mêle et discute directement avec eux par visioconférence.
Premier partenaire commercial de l’Europe, la Chine n’a pas mâché ses mots, une fois annoncée le report du sommet annuel sino-européen à la demande de ces derniers, qui ont une autre priorité. Wen Jiabao, le premier ministre, a déclaré : « En dehors de mesures d’aides d’urgence, la clé pour résoudre le problème sont des réformes institutionnelles fondamentales des finances et des politiques budgétaires », estimant que « cela nécessite un courage et une détermination politiques hors pair, ainsi qu’un consensus de toutes les parties ». Un garde rouge passe…
Mais si le monde entier attend avec anxiété que soit trouvé un compromis – et que le bébé soit viable bien que tardif – une autre grande interrogation se fait progressivement jour, pour l’instant masquée par la crise européenne : l’économie occidentale est promise à une récession généralisée, comment y faire face pour la relancer ?
Le secteur bancaire n’est pas en mesure d’ouvrir les vannes du crédit dans un contexte où prime la nécessité du renforcement de ses fonds propres et la baisse de ses résultats. Sans compter les mauvais souvenirs que ses largesses dans ce domaine ont laissé. De plus en plus de regards se tournent donc vers les banques centrales, sauveurs en dernier ressort, de qui tout est espéré quand cela ne va pas du tout bien. Leurs dirigeants ont beau dire et répéter qu’ils ne peuvent pas tout faire, que ce soit Ben Bernanke pour la Fed ou Jean-Claude Trichet au nom de la BCE, rien n’y fait !
Or, tous les signaux sont au rouge. Rien qu’aujourd’hui, Masaaki Shirakawa, le gouverneur de la Bank of Japan, vient de déclarer que « il faut être conscient des risques de dégradation des perspectives économiques japonaises », laissant entendre une nouvelle baisse du PIB. Standard & Poor’s vient de rendre public un « scénario du pire », prévoyant que tous les pays européens excepté l’Allemagne pourraient voir leur note dégradée dans l’hypothèse d’une entrée en récession de l’ensemble de la zone euro.
Aux Etats-Unis, sous couvert d’une réévaluation du rôle de la Fed, les pressions se multiplient pour qu’un nouveau round de quantitative easing soit en désespoir de cause engagé, face au blocage de toute nouvelle relance par la majorité républicaine de la Chambre des représentants. Cela prend la forme d’une réflexion portant sur ses missions, en particulier sur la nécessité qu’elle accorde plus d’importance à la croissance et moins à la stabilité des prix.
Dans des contextes et pour des raisons invoquées différentes, la diminution des déficits public prévaut aux Etats-Unis et en Europe, ainsi qu’une nouvelle réduction de l’action publique. Après la distribution de crédits bancaires, les dotations budgétaires sont à leur tour réduites. Atténuant encore moins la distribution inégalitaire de la richesse.
Selon les partisans de la réorientation de la Fed, celle-ci devrait fixer un objectif de croissance nominale du PIB minimum à atteindre, qui deviendrait son objectif principal, ce qui représenterait un total renversement de ses priorités. Ses moyens resteraient par contre inchangés, associant la baisse de ses taux à court terme à des achats d’actifs (impliquant la création monétaire).
Cette approche ne fait toutefois pas l’unanimité chez les économistes distingués. Claudio Borio est l’un d’entre eux, à la Banque des règlements internationaux, qui s’est déjà signalé en avertissant, avant le démarrage de la crise, que le système financier était en train de devenir hors contrôle en raison du poids excessif des produits complexes de crédit. Gillian Tett vient de le rappeler à notre bon souvenir dans le Financial Times : il vient de se pencher à son tour sur l’état des banques centrales, déplorant qu’elles utilisent toujours la même boussole d’avant la crise. Il relève qu’elles étaient obsédés par la stabilité des prix et oubliaient celle de la finance, sur-estimaient l’impact de la détermination des taux d’intérêt à court terme et privilégiaient une vision nationale (ou régionale) totalement dépassée. En creux, on peut lire dans ses critiques les remèdes qu’il préconise en des termes très généraux.
Ses préconisations contrarient celles de ceux qui mettent l’accent sur la nécessité d’un nouveau round de création monétaire, comme la Bank of England s’y est finalement résolue. Il estime au contraire que la poursuite d’une politique de bas taux d’intérêt et d’injection monétaire fait jouer aux banques centrales un rôle qu’elles ne doivent pas jouer, faisant selon lui plus de mal que de bien.
Les banques centrales renvoient la balle aux Etats, qui ne savent qu’en faire, n’étant pas les seules à avoir besoin d’une bonne boussole comme on peut le constater actuellement. Le système financier cherche quant à lui son second souffle et voudrait le trouver grâce à un accommodement, un de plus. Les banques centrales, si l’on comprend bien, devraient être investies d’une nouvelle mission : celle de suppléer au manque d’oxygène nécessaire au système en remplaçant la création démesurée du crédit par les banques par celle de la monnaie qui est dévolue aux banques centrales. Renforçant leur rôle et devenant ainsi des sauveurs de permanent ressort.
Mais l’objectif serait de moins relancer l’économie que de permettre la poursuite de la croissance de la finance et sa fuite en avant…
226 réponses à “L’actualité de la crise : LE COUP D’APRÈS , par François Leclerc”
Eurostat revoit a la hausse le deficit de l’Allemagne a 4,1% pour 2010.
Elle va etre de mauvaise humeur la Merkel!
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-21102011-AP/EN/2-21102011-AP-EN.PDF
Ouais! même qu’elle se passe les nerfs sur Berlu…extrait d’un discours officiel capté sur LCI: en substance, on ne peut pas laisser les pays que l’on aide continuer à faire n’importe quoi, voyez l’Italie, etc etc , et vlan et vlan!
il faut dire que les commentaires peu galants au téléphone ( écoutes publiées largement ) de l’autre satrape sur le physique d’Angela n’ont pas arrangé le ticket du gougnafier transalpin…
les relations inter étatiques tiennent à peu de choses, isn’it ?
Monsieur Leclerc, dans le situation actuelle, pensez-vous que les Etats-Unis aient intérêt à la disparition de l’Euro (en tant que monnaie de réserve) ou qu’au contraire l’Euro reste pour eux, indispensable à la « stabilité » du système monétaire mondial?
Les Etats-Unis ont intérêt à ce que le statut actuel du dollar perdure le plus longtemps possible, leur politique se résume à cela…
Je comprends mieux à quel point la position états-unienne est dépendante de ce statut et du droit d’émission « illimité » de papier-monnaie qui en découle.
La fin de ce système furieusement inflationniste, sera t-elle la conséquence d’un accident « imprévisible »?
C’est terriblement dangereux, non?
merci sentinelle du peuple