L’actualité de la crise : LE RENDEZ-VOUS DU 3 NOVEMBRE, par François Leclerc

Billet invité

Une très discrète réunion tenue en mars dernier au Brésil est à l’origine du vent nouveau qui souffle sur la planète. C’est dans un discret hôtel abrité par la base militaire de Cumbica (*), qui jouxte et protège l’aéroport international de Garhulos, à Sao Paulo, que les banquiers centraux des BRICS se sont rencontrés durant plus d’une semaine, en mars dernier. Il n’en a rien transpiré à l’époque.

Dans une atmosphère de conspiration, il y avait là le Chinois Zhou Xiaochuan, le Russe Serguei Ignatiev, l’Indien Duvvuri Subbarao, le Sud-africain Gill Marcus, ainsi que leur hôte, le Brésilien Alexandre Tombini. Quel était l’objet de leurs discussions ? Rien de moins que la fondation d’un nouvel ordre mondial, clé selon eux de la fin de la crise économique et financière qui dégénérait et menaçait leurs pays. Afin, en désespoir de cause, d’imposer par un coup de force une redistribution des cartes monétaires en prenant le pouvoir au sein du FMI, dont ils entendaient faire une super banque centrale mondiale.

Ils avaient en tête un précédent, lorsque fut fondé la Federal Reserve (Fed) sur Jekyll Island en 1910, par une poignée de banquiers et de haut fonctionnaires, dans des circonstances extrêmes à certains égards analogues, mais avec des intentions plus nobles. À un an près, c’était il y a un siècle.

Le plan qui fut conçu à Cumbica est depuis connu, puisqu’il a été mis en pratique et que le monde s’est brutalement réveillé un beau matin de novembre, la veille d’un énième G20, avec à la tête du système financier international une direction collégiale formée par leurs soins et élue sans tambour ni trompette à Washington par un conseil d’administration du FMI tiré du lit, qui n’avait plus d’autre choix que d’obtempérer. Comme s’il s’agissait d’un pronuncamiento militaire mettant en place une junte de salut public, les cinq banquiers centraux rendaient immédiatement public un communiqué.

Une nouvelle monnaie était crée, le goldban, s’appuyant sur un package de devises nationales, dont les leurs, et fonctionnant selon le mécanisme inventé par Keynes pour le bancor. Un Tribunal arbitral mondial (TAM) était mis sur pied, présidé par le Français Michel Camdessus, tiré lui de sa bucolique retraite béarnaise.

Toutes affaires cessantes, une gigantesque opération était entamée, les transactions financières interrompues pour les 96 heures à venir, les systèmes informatiques des chambres de compensation et des bourses désactivés, leur alimentation électrique interrompue. Prise au dépourvu, la planète finance n’eut d’autre ressource que de retenir son souffle pendant ces 4 jours qui ébranlèrent le monde, mais beaucoup de ses acteurs ne résistèrent pas à l’épreuve, privés de leur refinancement. Il s’en suivit un tourbillon systémique.

Radical, le plan n’en était pas moins fort simple. Le FMI engageait à l’intention des États, et à marche forcée, une opération de création monétaire de goldbans, une faculté prévue par ses statuts dès son origine, mais restreinte à l’émission de ses droits de tirage spéciaux (DTS). Sous les auspices du nouveau Tribunal arbitral mondial (TAM), il était procédé à une opération de swap (échange) de la nouvelle monnaie avec les détenteurs de réserves dans les différentes devises qui dominaient le système monétaire international, à commencer par le dollar. Suivant des parités fixées proportionnellement au PIBP (le produit intérieur brut pondéré, un nouvel indicateur prenant en compte les besoins sociaux et environnementaux), avec pour objectif de contracter brutalement la masse monétaire mondiale.

Dans un même mouvement, la dette souveraine faisait l’objet d’une restructuration d’ensemble, afin que les États retrouvent leur solvabilité perdue ; un guichet permanent était ouvert à leur intention auprès du FMI, afin qu’ils puissent dorénavant s’y financer à des taux fixes bonifiés suivant des besoins définis collégialement, dans le cadre d’une péréquation.

En contre-partie, l’activité des banques privées était suspendue sine die, leurs actionnaires intimés d’éponger les pertes de leurs bad banks. Reprenant leurs dépôts, quand elles en possédaient, des good banks étaient créées en leur lieu et place par la puissance publique, gérées par leurs usagers. Enfin, un ensemble de réformes et d’interdictions était promulgué avec effet immédiat, autour de la notion centrale d’interdiction des paris sur les fluctuations des prix, en vue de réorienter le système financier vers le soutien prioritaire aux activités économiques engagées dans le développement durable.

Mais, le cinquième jour, le plan dérapa sans crier gare. Les assemblées d’indignés se multiplièrent et une bulle désormais contestatrice enfla irrésistiblement, l’indignation éclata et il fut décidé de ne confier à personne d’autres qu’à ceux qui la partageaient l’organisation de la future vie collective, sur le mode même du fonctionnement de leurs congrégations laiques. Il se dégagea des discussions – immanquablement qualifiées d’enfiévrées – un programme intitulé : « Un seul monde, quatre richesses », qui se répandit immédiatement dans tous ses coins, même les plus reculés, via les réseaux sociaux. Comme si une bouteille tombait du ciel devant le nez d’un Aborigène, qui s’en emparait. Que réclamait-il ?

1/ La distribution égalitaire de la richesse produite.
2/ Une division internationale du travail en conséquence.
3/ L’optimisation de l’utilisation des ressources afin de les préserver.
4/ La distribution à toutes et à tous d’un revenu de vie selon une liste de biens publics sortis de la sphère des échanges marchands.

Dans la foulée, les indignés s’instituaient en assemblées constituantes, afin de définir les principes d’une « Déclaration universelle des droits des femmes et des hommes. »

—-
(*) strictement authentique.

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135 réponses à “L’actualité de la crise : LE RENDEZ-VOUS DU 3 NOVEMBRE, par François Leclerc”

  1. Avatar de Mianne
    Mianne

    @ Yvan

    Et le 6 ème jour, les US lancèrent leurs ogives nucléaires par dizaines sur la Chine.

    Pas facile, avec le JSF et les drones américains encore cloués au sol par un mystérieux virus informatique ?
    http://arstechnica.com/business/news/2011/10/exclusive-computer-virus-hits-drone-fleet.ars

  2. Avatar de fujisan

    « un programme intitulé : « Un seul monde, quatre richesses » »

    Copieur ! 😉

    Association pour l’Économie Distributive

  3. […] attendre le 5éme jour annoncé dans un précédent billet, qui donnait le 3 novembre comme point de départ ? Une sorte de répétition générale a en tout […]

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