Billet invité
Plus la perspective d’une recapitalisation des banques se précise, plus les tensions entre celles-ci et les autorités européennes s’accroissent. Cela se manifeste par les tentatives publiques des établissements bancaires d’y échapper, ainsi que par des discussions plus discrètes sur l’ampleur et les modalités de l’opération.
Josef Ackermann, patron de la Deutsche Bank, s’est dressé vent debout. « Il me paraît douteux qu’une hausse du niveau des fonds propres pour l’ensemble des banques soit une mesure appropriée pour résorber la crise de la dette publique », a-t-il déclaré, en insistant bien : « Le débat actuel sur la recapitalisation est contre-productif parce que d’une part il envoie le message qu’une décote est plus probable, et d’autre part comme les moyens nécessaires à une recapitalisation ne vont sûrement pas venir des investisseurs privés, ce serait finalement aux Etats de lever les fonds, ce qui ne ferait qu’aggraver la crise de la dette ». Tout est dit, ou presque.
Les autorités européennes ont finalement admis que le renforcement des banques s’imposait, mais sans en clarifier les raisons. Les Français ont pratiqué l’art du camouflage en prétextant qu’il s’agissait de respecter les nouveaux ratios de Bâle III. En réalité, la situation des banques européennes est très variée, suivant que l’on considère les espagnoles, plombées par l’éclatement de la bulle immobilière, les allemandes qui n’ont toujours pas digéré leurs actifs toxiques américains ou les françaises et italiennes en raison de leur exposition à la dette souveraine. Comme on le voit, l’opacité continue sans surprise de régner. Seule réponse possible, est-il désormais concédé : un coup de bazooka, qui risque à l’arrivée d’être un pétard mouillé.
Le bras de fer engagé est promis à rebondir. Car les banques tentent de biaiser en cherchant à améliorer leur ratio via la vente d’actifs et la réduction de la taille de leurs bilans et engagements. BNP Paribas et la Société Générale ont montré la voie et d’autres banques italiennes et allemandes seraient sur le point de les suivre. Cela ne fait pas l’affaire des autorités européennes, qui craignent que cette réduction de voilure ne se traduise par une diminution du crédit aux entreprises. Celles-ci, à la différence des entreprises américaines qui vont directement se financer sur le marché, sont dépendantes à hauteur de 80 % des banques pour se financer. Déjà atone, la croissance économique en souffrirait. Pour préserver autant que possible sa rentabilité, le système bancaire apporterait une nouvelle fois sa contribution à l’économie en appuyant sur ses épaules alors qu’elle se noie.
Les banques cherchent à éviter les voies qui leur sont proposées : soit de se recapitaliser par leurs propres moyens, soit de subir une infamante injection de capitaux publics. Cette hypothèse s’imposerait après une période de 6 à 9 mois, si elles n’y parvenaient pas elles-mêmes, après avoir été reconnues défaillantes par de nouveaux stress tests qui sont dans les tuyaux.
L’intervention dans leurs affaires des États n’est évidemment pas souhaitée par les banquiers, dans le contexte de défiance dans lequel leurs établissements sont plongés, qui pourrait inciter les dirigeants politiques à exiger cette fois-ci quelques compensations. À imposer des conditionnalités, comme dit le FMI quand il s’agit des États. On a entendu à ce propos Jean-Claude Juncker réclamer des sièges dans les conseils d’administration et José Luis Barroso l’arrêt de la distribution des dividendes et bonus. Il y a loin de la coupe aux lèvres, mais on ne sait jamais…
Le renforcement des fonds propres des banques n’a pas non plus leurs faveurs. Trouver de nouveaux investisseurs, argumentent-ils, est tâche impossible, alors que se dessine la perspective de décotes sur les obligations souveraines détenues par les banques : ce serait comme leur demander de venir perdre de l’argent !
Derrière cet argument s’en dissimule deux autres :
1/ Les actionnaires ne veulent pas vendre à prix sacrifiés les nouvelles actions qu’ils devraient émettre pour augmenter le capital, étant donné le coup de tabac que les banques viennent de subir. La valorisation boursière des banques a en effet été rabotée en moyenne de 40 %. Procéder ainsi reviendrait dans ces conditions à accorder une place importante aux entrants et à un partage du gâteau au détriment des actionnaires en place. L’hypothèse d’une augmentation de capital réservée aux actionnaires n’est même pas envisagée…
2/ Toute autre forme de renforcement des fonds propres, telle l’émission d’obligations sécurisées, se fera à un coût élevé – en dépit des achats décidés par la BCE qui sont destinés à l’éviter – et diminuera d’autant la rentabilité des futures opérations financières des banques. En désespoir de cause, on voit ainsi poindre à nouveau les CoCos (obligations convertibles), bien que le Comité de Bâle ait refusé de les prendre en considération dans le calcul du noyau dur des fonds propres. Mais on peut toujours essayer…
La farce va changer de décor. Une intransigeance de façade va être proclamée, mais des assouplissements vont être concédés. Toute l’attention va être dirigée vers la nécessité de respecter un nouveau ratio de fonds propres durs, considéré comme le plus solide rempart que les banques doivent bâtir. Au détriment des modalités détaillées de son calcul, qui repose sur une définition des fonds propres à géométrie incertaine et sur une pondération des risques de leurs actifs effectuée selon les modèles des banques elles-mêmes.
109 réponses à “L’actualité de la crise : COMEDIANTE ! TRAGEDIANTE ! par François Leclerc”
@ Paul Jorion,
ce lien vous mènera à une vidéo de François De Closets, qui fut l’un de vos contradicteurs lors de la fameuse émission où vous vous êtes opposé à Eric Woerth chez Frédéric Taddéï. Il y explique que la seule solution pour s’en sortir est une cure d’austérité d’au moins 100 milliards (et qu’il faudra imposer tout de suite). Voilà en tout cas un homme qui n’a pas peur de ses convictions mais qui ferait mieux de regarder à quoi ont mené les politiques d’austérité en Grèce ou en Argentine. Rappelez-vous, M. Jorion, cet homme riait lorsque vous aviez dit que le gouvernement allait nous servir sa potion libérale… Et il va de soi que pas un mot n’est dit de la politique fiscale désastreuse des 20 dernières années ni de la crise de 2008. Quel faussaire !
Voici le lien :
http://www.laprovence.com/video/Pour%2BFran%25C3%25A7ois%2BDe%2BClosets%252C%2Bla%2Bcrise%2Bne%2Bfait%2Bque%2Bcommencer/iLyROoaf2xtM/laprovence/
Et quand je pense que ce »journaliste », »pseudo économiste » a écrit il y a quelques années un »torchon » intitulé : Toujours Plus, dans lequel il critiquait les avantages des salariés de la fonction publique, etc, etc.
S’il avait la moindre honneteté intellectuelle, il devrait réécrire son bouquin afin de le réactualiser en montrant qui sont les véritables parasites de la société : banques, fonds de pension, etc, etc.
Mais il fait partie du système alors …
>jeanpaulmichel
Et quand je pense que ce monsieur a été longtemps « journaliste » sur NOS chaines publiques, payés avec NOS impôts. Autant dire qu’il a eu un sacré fromage pendant toute sa petite vie…
Sacrés libéraux: toujours à vouloir avoir le beurre, l’argent du beurre, la crémière et en plus à réclamer les applaudissements du public pour leur courage!
Par ailleurs, question vulgarisation scientifique, il a toujours été d’une profonde incompétence.
Autant dire que voilà quelqu’un qui mérite son salaire.
Jeudi 13 octobre 2011 :
L’agence d’évaluation financière Fitch a abaissé jeudi la note de la banque suisse UBS d’un cran à « A », et a indiqué qu’elle envisageait d’abaisser les notes de nombreuses autres grandes banques, dont les banques françaises Crédit Agricole et BNP Paribas, et la banque helvétique Credit Suisse.
Fitch a par ailleurs abaissé d’un cran, à « A+ » les notes de deux banques régionales allemandes, Landesbank Berlin (LBB) et Berlin-Hannoversche Hypothekenbank.
http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20111013.AFP5666/fitch-abaisse-la-note-d-ubs-et-envisage-d-abaisser-celles-d-autres-banques.html
@ BA: mais quand on emprunte, on doit rembourser le capital plus les intérêts, si je ne m’abuse…donc on va rajouter de la dette à la dette, non ?
2500 milliards, ça fait quand même un gros paquet de fric; on va où là ?
PS: la dégradation de l’UBS ( les pires des tordus qui vivent de l’évasion fiscale comme des proxénètes du pain de fesse ) me fait frétiller du goujon, si j’ose dire!
La J.P. Morgan pariant contre elle même ! 🙂
http://www.marketwatch.com/story/jp-morgans-bet-against-jp-morgan-2011-10-13
On va où ?
On va vers la falaise, comme un troupeau de lemmings va vers la falaise quand il est affolé.
Et nous allons tomber dans le fjord.
Et nous allons nager dans l’eau glacée du fjord.
Jeudi 13 octobre 2011 :
L’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé jeudi soir la note souveraine de crédit à long terme de l’Espagne d’un cran, de « AA » à « AA-« , avec perspective négative.
http://www.boursorama.com/actualites/s-p-abaisse-la-note-de-l-espagne-aa-avec-perspective-n-gative-46d1b2a8f6e18ae5bf6beecfa066d6f0
Exceeeellent, ça, BA.
Que les dettes deviennent de plus en plus insurmontables et injustifiées. Cela aidera le mouvement suivant.
« Les banques cherchent à éviter les voies qui leur sont proposées : soit de se recapitaliser par leurs propres moyens, soit de subir une infamante injection de capitaux publics. »
C’est ce que les « cajas » espagnoles ont fait : de 45 il y a 4 ans il ne reste que 15, dont 5 intervenues à 100% par l’état, dont deux il y déjà plus d’un an, et on ne voit pas de modèle se dessiner. Trois ou quatre des dix sont devenues des entreprises cotées et ont trouvé assez de capital; elles ont commencé à réduire leur bilan, personnel, points de vente, etc (sans pour autant réduire les rémunerations et parachutes dorés de leur cadres). En tout cas le flou reste, puisqu’elles doivent reconnaitre que le sol et les appartements dans leurs bilan valent beaucoup moins, la reconnaissance de ce fait est trop lente.
Si la récapitalisation veut dire continuer à ne pas reconnaitre les pertes et faire payer le contribuable on n’ira pas loin. Quelques banques doivent faire faillite.
Vendredi 14 octobre 2011 :
Banques européennes : recapitalisation à 298 milliards d’euros, selon une étude de Goldman Sachs.
Les nouveaux tests de résistance menés par l’autorité bancaire européenne (EBA) pourraient révéler des besoins de recapitalisation de 298 milliards d’euros, selon une simulation réalisée par les analystes de la banque américaine Goldman Sachs publiée vendredi.
Jeudi, les analystes de la banque helvétique Credit Suisse avaient évalué les besoins de fonds propres au terme de tests de même nature à 221 milliards d’euros.
http://www.boursorama.com/actualites/banques-recapitalisation-a-298-mds-d-euros-selon-etude-de-goldman-sachs-3048b13de67d602ad2a15bc3431158c8
Le fait d’accepter d’intégrer la décote du marché secondaire des titres de dette des principaux états en difficulté dans les bilans du privé marque une étape essentielle dans cette crise et renforce énormément l’euro.
L’addition va être sacrément salée pour les banques et représentera au moins une voir deux années de résultat perdu pour les actionnaires car devant être réinvesti en fonds propres.
La situation n’est pas la même qu’en 2008 : les politiques vont chèrement défendre le bout de gras et tout faire pour ne pas reporter le poids des pertes sur la collectivité et si cela doit être le cas, ils auront leur mot à dire dans la gestion de tout ça.
Cette 3em crise de l’euro commence visiblement à se terminer et aura été finalement moins dure que les 2 précédentes, l’euro n’est même pas descendu sous 1.3$ ce coup là. Les marchés croient de moins en moins à l’éclatement de la zone euro.