Billet invité
Il règne ces jours derniers un silence trompeur, uniquement ponctué par des déclarations allemandes répétant que pas un euro de plus ne sera donné au FESF. Ce qui, faut-il le remarquer, ne ferme pas la porte à un montage financier lui permettant de disposer d’un effet de levier sur la base de son financement actuel. Mais n’anticipons pas, cherchons en attendant ce que ce calme inhabituel en ces temps agités dissimule…
Tout simplement des pourparlers à propos de deux nouveaux sauvetages. Avec pour objectifs de soulager davantage la dette de la Grèce, ainsi que de contenir préventivement l’hémorragie au sein de la zone euro. Les principes et ajustements du premier font l’objet des discussions, tandis que ceux du second sont à peine abordés.
Ces plans seront délicats à annoncer, dans un contexte où tant de mesures de rigueur déferlent, sans compter celles qui restent à venir. Alors que les opérations de diversion, comme la taxe sur les transactions financières, peinent à remplir leur rôle. Afin d’occuper les esprits, le débat sur le renforcement du pilotage économique de la zone euro va donc rebondir, car lui au moins peut être tenu publiquement. A condition d’escamoter les divergences avec les Américains, qui réclament des mesures de relance dont les Allemands ne veulent pas. Et d’y aller pour infléchir la ligne des Allemands, en ce qui concerne les Français.
Dans l’immédiat, une rumeur se propage : la BCE pourrait entamer un nouveau programme d’achats d’obligations sécurisées des banques, comme déjà fait. Le but serait d’aider celles-ci à renforcer leurs fonds propres, alors qu’elles doivent consentir sur le marché obligataire des taux à la hausse et qui rognent leurs marges. Par cette ouverture, ainsi que par une baisse de son taux principal, en dépit de l’augmentation de l’inflation, la BCE pourrait chercher à être tenue pour quitte, afin de ne pas s’impliquer dans des montages financiers avec le FESF qui lui répugnent. A chacun ses pauvres dans un monde bien gardé : à elle les banques, aux Etats leurs homologues.
Entre les décisions qui pourraient être prises lors de la réunion de jeudi prochain de son conseil des gouverneurs et l’ensemble des manifestations qui se préparent à l’occasion du départ de Jean-Claude Trichet et de l’arrivée de Mario Draghi à sa tête, le terrain médiatique va être occupé par la BCE. C’est tout du moins l’espoir qui anime les dirigeants européens, bousculés à Washington et faisant le dos rond.
Il est attendu d’eux qu’ils résolvent sans tarder des questions capitales, en premier lieu en faveur de la Grèce et du système bancaire, car elles sont étroitement liées. Le second plan de sauvetage de la Grèce étant notoirement sous-dimensionné avant même d’avoir été appliqué, son renforcement s’impose en effet. Il pourrait être demandé aux banques d’accepter une décote supplémentaire sur les 135 milliards d’euros d’obligations grecques qui doivent faire l’objet d’un swap, pour l’instant assorti d’une décote fixée à 21%. Une hypothèse ouvertement évoquée par les Allemands, qui attendent pour se prononcer le rapport de la Troïka finalement retournée à Athènes, objet de tous les enjeux et de toutes les pressions.
Mais les autorités françaises craignent pour la solidité de leurs banques et ne voudraient pas avoir à les aider ouvertement. Ils préféreraient l’adoption d’une autre formule – l’achat par le FESF de dettes grecque – afin de ne pas à nouveau consentir aux banques des prêts participatifs (et sans conditions), une formule qui pourrait cette fois-ci être mal ressentie.
Cette option mobilisant le FESF n’a pas la faveur des Allemands, qui considèrent qu’elle permettrait aux banques, qui ont acheté des obligations grecques à très bas prix (en raison de la hausse de leur taux), de les revendre à bon prix à celui-ci, ce qui représenterait une aide déguisée et ferait appel à des fonds publics et non au financement du privé. A l’opposé de ce qu’ils préconisent. Elargir le champ des obligations faisant l’objet du swap pour l’étendre à des maturités plus longues, comme il en est également question, défavoriserait sans doute les banques allemandes, qui semblent en posséder le plus, mais le gouvernement allemand ne verrait pourtant pas d’un mauvais œil cette solution, décidé au contraire du français à faire contribuer les banques.
Comme on le constate sans surprise, le gouvernement français reste sur une ligne de défense et soutien inconditionnel des banques, tandis que les Allemands poursuivent et accentuent une politique visant à partager avec celles-ci la charge, cohérents avec leur volonté de réduction des déficits publics.
Tel serait, reconstitué, le dessous des cartes de ce premier volet du sauvetage de la zone euro. Dans l’attente de sa clarification, il est acquis que l’échange d’obligations en cours d’être entériné par les parlements nationaux n’est pas une mauvaise affaire pour les banques, les marchés enregistrant une décote de 40 à 50% au lieu des 21% qu’elles consentent. Ce qui explique que l’objectif de réunir des engagements représentant 90% de 135 milliards d’euros d’obligations soit en passe d’être atteint.
Une nouvelle réunion des ministres des finances européens se tiendra lundi et mardi prochains, ainsi qu’une autre de la BCE jeudi, dans l’attente d’une future rencontre d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy « les jours prochains », a vaguement précisé vendredi ce dernier. Un sommet aura lieu les 17 et 18 octobre à Bruxelles et le G20 se tiendra à Cannes début novembre. Autant d’échéances qui sont attendues pour que soit clarifiée la stratégie européenne, les dirigeants européens se réfugiant dans le silence ou, non sans démagogie, derrière le nécessaire temps de la démocratie pour masquer leurs atermoiements. Un bien grand mot pour un futur petit tête à tête !
Si le renforcement du second plan de sauvetage de la Grèce pourrait être annoncé dès ce mois d’octobre, le casse-tête que représente le choix de la méthode utilisée pour créer un effet de levier au FESF reste entier. Les montages financiers envisageables sont étudiés sous tous les angles. Comment pourrait-il mettre sur la table les montants nécessaires pour empêcher que les Italiens et les Espagnols ne tombent dans le trou, sans augmenter ses moyens propres comme l’exigent les Allemands ? Le sujet est bien plus épineux que le précédent. Ce ne sont plus du tout les mêmes montants qui sont en jeu, impliquant que la BCE s’en mêle.
Même si le FESF prend son relais pour soutenir le marché obligataire, en procédant à des achats sur le marché secondaire, la BCE pourrait en effet être appelée à jouer un rôle clé peu orthodoxe, auquel elle ne va pouvoir échapper que par des acrobaties financières des Etats. Une logique qui pourrait rétrospectivement mieux éclairer la démission de son économiste en chef, Jürgen Stark.
Les autorités européennes sont confrontées à une décision difficile à prendre, qui avive leurs divergences. Tout nouveau plan de financement de la crise financière européenne les conduirait à prendre des engagements financiers énormes, sous une forme ou sous une autre. Sans garantie d’éteindre pour autant le feu. Rester les bras croisés n’est pas non plus possible. Elles sont désormais incitées à devoir contracter – dans la logique de ce qu’elles ont entrepris depuis le commencement – de nouvelles dettes pour financer un désendettement qui coince ! Vont-elles alors se poser une question triviale, ou continuer leur fuite en avant : quelle va être à l’arrivé la balance de l’opération, la dette globale va-t-elle être diminuée ou augmentée ?
D’un côté on serre les vis, de l’autre on ouvre les vannes, quelle est la logique de tout cela ? Il n’y en a pas, ont beau jeu de faire remarquer les Allemands, qui ne disposent pas pour autant de stratégie de rechange et en conséquence avancent à reculons dans cette direction.
Tous ces constructions financières sont absurdes et dangereuses, elles reposent une nouvelle fois sur l’espoir qu’elles seront dissuasives et n’auront pas à servir. Sempiternelle vision optimiste démentie tous les jours par les tensions qui se manifestent sur les marchés, et par les difficultés continuelles que rencontrent les dirigeants espagnols et italiens.
Reculant devant l’énormité de ce qui leur a été demandé par le concert des nations à Washington, les dirigeants Européens se préparent une fois de plus à lamentablement bidouiller. Ce qui est bien entendu la pire des options ! Ils parlent haut et fort des plans de réduction du déficit public et de leur futur gouvernance miracle pour masquer qu’ils pédalent dans le vide. Rappelant ces exécrables gestionnaires qui se font à peu de frais une réputation de managers de haut vol en jouant les cost killers. En réalité des apprentis.
141 réponses à “L’actualité de la crise : ILS PÉDALENT DANS LE VIDE ! par François Leclerc”
Les prix de l’immobilier en chute de 58 pct depuis le début de la crise en Irlande et ce n’est visiblement pas encore le plus bas envisagé.
House prices plummet to 58pc of peak asking price as market continues to fall .
http://www.independent.ie/business/personal-finance/property-mortgages/house-prices-plummet-to-58pc-of-peak-asking-price-as-market-continues-to-fall-2894073.html
En direct :
Dexia à l’agonie : le journal radio de 13h00 à la RTBF conclut :
« Que nos auditeurs soient rassurés. Les meilleurs spécialistes sont au chevet de Dexia ».
Enfin une bonne nouvelle!
Saignarer d’abord, ensuite purgarer…
J’aime bien cette phrase, il n’y a aucune honte dans la démarche de nos dirigeants, les banquiers frappent des deux mains et le peuple rêve déjà à la misère. Il manque juste une pluie de coups de pied au derrière, à défaut une multiplication de pains dans la figure.
Ca ne fait pas que pédaler dans le vide sur certains sujets, car sur d’autres sujets ca marche surtout à reculons.
Nous avons pourtant encore des atouts pour résoudre la crise , même si elle es t d’une exceptionnelle gravité !
Tentative d’illustration ci après : http://www.crayondenuit.com
Serait-il possible de faire un point sur les fameux Crédits défault swap, qui ont agi comme un virus et qui exposent, au-delà des banques dans un premier temps, le citoyen dans un deuxième pour régler l’ardoise finale ?
A priori ce mécanisme pourtant vanté par des prix Nobel d’économie et défendu bec et ongle par la FED, n’est toujours pas, sauf erreur, remis en cause non ?
Paul (Jorion), vous appelez souvent à l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix, mais qu’en est-il des CDS ?
@céténorme
Ne faites pas un monde des CDS. Malgré le chiffre des montants nominaux, ils ne constituent pas le coeur du problème de la dette, dette souveraine ou corporate aujourd’hui comme dette liée aux subprimes hier.
Jorion n’est pas opposé au principe de l’assurance-crédit, mais partisan d’en interdire l’accès aux acteurs non-détenteurs des titres de crédits sous-jacent ainsi qu’à,l’obligation pour « l’assureur » de disposer des réserves suffisantes pour faire face à ses engagements en cas de défaut. Bref interdire les postions « à nu » sur les contrats d’assurance sur défaut de crédit…
Trés amusant.
Malheureusement cette prude assurance crédit n’interesse aucun banquier….
Bonne réforme, en fait qui consisterait de fait à éradiquer les CDS, sans les interdire.
Vous devriez faire de la politique….
Sur le principe, vous avez raison et les propositions de PJ sont logiques.
Sauf qu’aujourd’hui personne ne sait combien il y a de CDS à nu, ni qui les détient, ni qui les a émis.
On comprendrait beaucoup mieux le jeu de différents acteurs si on savait.
Supposons que les CDS sur la dette grecque couvrent, comme je l’ai lu je sais plus où, dix fois le montant de cette dette. Ça nous fait bien des gens intéressés à voir chuter le pays, bien des gens intéressés à le sauver à tout prix.
Les CDS à nu, c’est un pari sur la mort de l’autre entre les main de serial killers.
Bonjour : je vous livre le lien d’un texte important paraît il que je suis incapable de décrypter…
http://arxiv.org/PS_cache/arxiv/pdf/1107/1107.5728v1.pdf
@ Boson
Merci, mais :
http://www.pauljorion.com/blog/?p=28308
http://www.pauljorion.com/blog/?p=28360
Sorry, je suis un peu confus ….
Au point où nous en sommes, quid de contacter directement ces sympathiques Zurichois pour discuter de la topologie d’un certain nombre de structures de finance/économie ?
(@ Boson, c’est moi qui ai traduit en français de cuisine cet article)
Il y a sûrement un enseignement à tirer des flux qui ont eu lieu entre les masses identifiées, ou entre d’autres à identifier : flux nord-sud, flux petit-gros, flux primaire/secondaire/tertiaire, …
C’est le début, sur un flanc complémentaire de l’approche aristotélicienne de PJ, d’un travail « d’anthropologie de l’économie », travail qui ne serait pas spécialement « structuraliste » (on prend le réseau tel qu’il est les régularités ne demandent pas à être universelles) ni « fractal » (tout uréseau n’est pas formé de sous-réseau suivant une loi d’échelle, on va trouver une partie de choses « évidentes » liées aux formes de telles ou telles branches du capitalisme mais aussi une partie qui l’est beaucoup moins, qui est davantage « systémique »).
Cela pourrait conduire à inventer de nouvelles armes pour l’après capitalisme, ou pour ce qu’on appellera encore le capitalisme mais qui consistera à retrouver les quelques molécules de peuples qu’on a daigné y dissoudre pour leur fournir le minimum de vivre ensemble, de savoir-vivre devrais-je simplement dire.
Ces mots « nouvelles armes » sont aussi ceux d’ARS INDUSTRIALIS, l’assoc de Bernard Stiegler, par laquelle un détour n’est pas inintéressant, leur point de vue étant une forme de réenchantement d’un capitalisme compris en tant que structure de sublimation des désirs, ce à quoi il échoue dans les grandes largeurs et ce pourquoi il faut le sauver de lui-même, ils ne veulent pas une « destruction du capitalisme », quoiqu’on entende par cela.
« Un système bancaire à repenser »
« […] le sauvetage par la garantie publique, et donc au final par le contribuable, ne sera plus possible, les dettes publiques sont déjà trop fortes et les Parlements refuseront. Ce seront les fonds souverains qui seront en première ligne. J’ai même l’impression que l’ampleur de ce danger est telle qu’elle provoque une inhibition de la parole, voire de la pensée. Le commentaire financier, partout, ne traite que de la prochaine échéance, il n’ose plus aborder le problème financier d’ensemble. »
[…]
« Enfin, la prévention des catastrophes financières et des récessions dramatiques fait partie de notre sécurité. Il existe un Conseil de sécurité des Nations unies, et on y vote, sans attendre d’improbables consensus. Il faudra bien finir par le saisir ! » (M. Rocard – Le Monde du mardi 3 octobre)
Même si les solutions proposées (la séparation entre les banques de dépôt et les banques faisant tous les métiers de financement du risque, y compris l’investissement – annulation d’une notable proportion des créances douteuses) sont insuffisantes et si l’idée de faire appel au Conseil de Sécurité de l’ONU va provoquer pas mal de railleries, ce qui me frappe c’est qu’il suggère qu’on ose envisager le problème financier dans son ensemble…
[…] Blog de Paul Jorion » L’actualité de la crise : ILS PÉDALENT DANS LE VIDE… Source: http://www.pauljorion.com […]
C’est vieux mais tellement d’actualité en même temps :
Réprimez-moi si vous voulez
A cause de mes cheveux trop longs
A cause de ma gueule arrogante
Au passage des cars de poulets
Donnez-moi des coups de pied dans l’ fion
Des coups d’ bidule dans les roustons
Puis enfin, traitez-moi de tante
Faites-moi une tête bien rasée
Comme les nazis en l’an quarante
{Refrain:}
Vous n’aurez pas ma fleur
Celle qui me pousse à l’intérieur
Fleur cérébrale et fleur de cœur, ma fleur
Fleur de cœur, ma fleur
Vous êtes les plus forts
Mais tous, vous êtes morts
Et je vous emmerde !
Réprimez-moi si vous voulez
Pour avoir essayé d’aimer
Sur les pelouses interdites
Hors des institutions sacrées
Sacré nom de Dieu ! C’est meilleur
Essayez pour voir et puis dites
Divorcez-moi, châtrez-moi l’ cœur
Et puis l’ reste aussi, quel bonheur
Et mangez-les avec des frites
{au Refrain}
Réprimez-moi si vous voulez
Pour m’être évadé de ces villes
Qui puent, qui font du bruit, qui meurent
D’avoir laissé aux créanciers
La rage de n’être pas payés
D’avoir perdu toute ma bile
Le long des routes qui vont ailleurs
Bordées de cannabis en fleurs
Et puis d’en être revenu
{au Refrain}
Réprimez-moi si vous voulez
Etre différent c’est un crime
Etre noir ou jaune ou pédé
Ne pas respecter votre frime
Avez-vous une fois seulement
Songé que la haine, ça mine
Alors que l’amour, ça détend
Que ça rend jeune et beau tout l’ temps ?
Mais bien sûr, c’est un gros péché…
{au Refrain}
Vous n’aurez pas ma fleur
Celle qui me pousse à l’intérieur
Fleur cérébrale et fleur de cœur, ma fleur
Fleur de cœur, ma fleur
François Béranger
http://www.dailymotion.com/video/x74lou_francois-beranger-vous-n-aurez-pas_music
Juan 😉 J’avais juste un peu oublié….pourquoi,… j’étais en colère…;-)