L’actualité de la crise : LES PENDULES REMISES À L’HEURE ! par François Leclerc

Billet invité

Parmi les remèdes qui tuent le malade figure en bonne place sur les étagères la dévaluation interne. Une de ces expressions sibyllines employées par les économistes quand il faut parler des mesures qui font mal. Comme si les mots allaient l’atténuer, ou en tout cas ne pas leur en faire porter la responsabilité. En l’occurrence, il s’agit de la baisse du coût du travail, c’est à dire des rémunérations salariales. La nécessité de réformes structurelles, l’accroissement de la flexibilité du marché du travail, deux formules qui noient encore plus le poisson, sont toutefois généralement préférées.

La dévaluation interne est la clé de voûte de la stratégie poursuivie avec le succès que l’on connaît par les autorités européennes. Cela coule de source : si la dévaluation monétaire n’est pas possible pour un pays en difficulté, en raison de son appartenance à une union monétaire (la zone euro), il faut procéder autrement pour accroître la compétitivité de son économie et créer la croissance qui le sortira de l’ornière. L’idée est d’aller affronter sur les marchés internationaux la production en provenance des pays émergents où les salaires sont bien plus faibles. Une bataille gagnée d’avance !

Jean-Claude Trichet, à qui on ne fera pas le procès de l’inconstance sur ce sujet, vient de revenir sur celui-ci, qui lui tient particulièrement à cœur. « L’Espagne doit continuer à consacrer une attention particulière à l’application déterminée de nouvelles réformes structurelles, afin d’atteindre une croissance potentielle aussi élevée que possible, d’améliorer sa productivité et de pouvoir rétablir ainsi la confiance des investisseurs », a-t-il déclaré à L’Expansion.

Pour ne pas être en reste, rappelant la phraséologie employée par les bureaucrates soviétiques lorsqu’ils évoquaient les perspectives flamboyantes du prochain plan quinquennal, le FMI qualifiait dans son dernier rapport sur l’Espagne d’audacieuses les réformes du marché du travail. Peut-on être contre le fait d’avoir de l’audace ?

Sur un terrain proche, puisqu’il s’agit de diminuer les pensions des retraités et de licencier massivement dans le service public, les négociations se poursuivent entre le FMI et le gouvernement grec, n’ayant pas abouti hier. On avait déjà appris comment le représentant du FMI entendait obtenir que soit accéléré le processus de privatisation en Grèce, présenté comme la solution pour débloquer la croissance, et donc pour accroître les recettes de l’État.

Standard & Poor’s vient de dégrader sur le front des troupes l’Italie. L’Espagne craint de connaître le même sort de la part de Moody’s, qui a prolongé sa réflexion à propos de l’Italie. Elena Salgado, la ministre espagnole des finances, s’inquiète d’une reprise beaucoup plus faible qu’espérée, puisque la croissance de l’économie était de 0,2 % au second trimestre et qu’elle n’atteindra pas à la fin de l’année les 1,3 % qui sont prévus.

Retour sur la réunion des ministres des finances européens de Wroclaw, qui a été présentée comme un affrontement entre Européens et Américains à propos de la relance économique. Les seconds voulant convaincre les premiers qu’il fallait la susciter sur fonds publics, les premiers répondant qu’ils n’en avaient plus les moyens et rétorquant que les Américains seraient bien inspirés de faire le ménage chez eux avant de venir donner des leçons. Cette présentation tronquée permettait d’escamoter l’essentiel du message de Tim Geithner, bien plus embarrassant, qui portait sur la nécessité de créer une seconde ligne de défense en protégeant les banques, la première risquant d’être enfoncée. Le problème de la relance n’étant pas moins posé.

Tout à sa campagne électorale, Barack Obama vient de rendre public un nouveau plan destiné à favoriser l’emploi, prenant les Américains à témoin que les républicains sont les membres du parti des riches, lesquels lui répondent qu’il favorise « la lutte des classes »… Passé plus inaperçu, il a pour la seconde fois conversé hier soir par téléphone avec Angela Merkel – devenue son interlocutrice européenne de référence – dégageant selon la présidence américaine un accord « sur le fait qu’une action concertée sera nécessaire dans les prochains mois pour répondre aux difficultés actuelles de l’économie et assurer une reprise de l’économie mondiale ». Cette question épineuse est donc renvoyée à plus tard, mais elle sera au centre du prochain G20, en novembre prochain.

Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, une même interrogation reste sans réponse. Elle ne porte pas sur le calendrier du retour de la croissance, que personne ne s’aventure plus à prédire, mais sur ses moyens et sa nature même. Ce dernier sujet n’étant abordé qu’en termes très généraux, à long terme et bateaux, comme investir dans la formation et l’éducation.

La réponse apportée s’inscrit dans le cadre d’une surprenante conception de l’économie mondiale, où tous les pays devraient simultanément trouver dans le développement de leurs exportations la solution à la panne de croissance qu’ils connaissent, sauf les émergents, priés de développer leur marché intérieur pour laisser place libre. L’Allemagne priée de faire de même pour rééquilibrer l’Europe, ce qui risque de s’opérer en raison du ralentissement mondial de l’économie et de la baisse de la croissance allemande qui en résultera, étant donné sa forte dépendance aux exportations. Certaines prévisions prévoient même une croissance zéro en 2013.

Tout cela comme si un déséquilibre général, abusivement présenté comme cause de la crise actuelle, allait être réglé par un retournement magistral de tendance. Une inversion des grands flux commerciaux planétaires, gageure à laquelle la dévaluation intérieure pourrait contribuer. Comme si les pays exportateurs devaient cesser de l’être et les autres prendre leur succession !

Le Comité de politique monétaire de la Fed va se réunir demain et après-demain et se pencher sur ce que pourrait être sa contribution à la relance de l’économie américaine. Il n’en est plus attendu des miracles, mais des mesures limitées destinées à abaisser les taux longs et à favoriser le crédit.

Deux leviers – la baisse des salaires et le crédit – sont actionnés pour relancer la croissance économique. Précisément ceux qui ont été a l’origine première de la crise actuelle : une distribution inégale de la richesse impliquant le développement du crédit pour maintenir la consommation grâce au développement de l’endettement. Avec désormais une nouveauté, à savoir que le crédit ne pourra pas reprendre avec la même ampleur. La conclusion s’impose donc : une longue période récessive est inévitable.

La Grande Perdition porte en elle une interrogation qui est encore éludée à propos non pas de la croissance, cette divinité qui se fait prier, mais du modèle de développement et de société auquel il est possible et nécessaire d’aspirer. C’est en ce sens qu’elle remet les pendules à l’heure.

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241 réponses à “L’actualité de la crise : LES PENDULES REMISES À L’HEURE ! par François Leclerc”

  1. Avatar de D-croissance
    D-croissance

    @Sébastien
    Hitler n’a pas réussi à installer son Reich de mille ans alors je ne vois en effet pas comment le Reich du capitalisme pourrait durer mille ans!
    Mais vous savez l’homme a peur de l’inconnu c’est bien normal: si on perd la bourse, le règne de l’argent et notre chère croissance est-ce qu’on ne va pas avoir pire à la place? Voilà pourquoi beaucoup voudraient replâtrer la façade du capitalisme plutôt que d’oeuvrer à sa perte (et parfois mes propres peurs me font me dire qu’ils n’ont peut-être pas tort?)
    A part ça je veux bien visiter les galaxies mais si je ne dois manger que des Mac do je préfère rester à la campagne avec mes bons légumes 😉

  2. Avatar de BA
    BA

    Mercredi 21 septembre 2011 :

    Les banques françaises n’ont pas besoin d’être recapitalisées, affirme Valérie Pécresse.

    « Les banques françaises sont solides et n’ont pas besoin d’être recapitalisées », a réaffirmé mercredi la ministre du Budget Valérie Pécresse, au lendemain d’un revirement de la Commission européenne, qui juge une recapitalisation nécessaire en Europe.

    « Il n’y a aucun problème de solvabilité, de liquidité des banques françaises. Les banques françaises sont solides », a-t-elle assuré sur RMC et BFM TV.

    http://www.boursorama.com/actualites/les-banques-francaises-n-ont-pas-besoin-d-etre-recapitalisees-affirme-valerie-pecresse-7ff7a2fcc8f6961c0643561dc63bb28a

    Et Christine Lagarde ?

    Qu’est-ce qu’elle devient, Christine Lagarde ?

  3. Avatar de yvan
    yvan

    Il y a un magnifique parallèle à faire entre le système capitaleux et la relation commerciale entre individus.
    En effet, il existe deux types de relation commerciale. Celle de long terme et la ponctuelle.
    Celle de long terme repose sur un respect réciproque des intervenants et celle de court terme, au contraire, sur un déséquilibre d’une des parties sur l’autre.
    La progression de cette fantastique machine ainsi que son effondrement comportent les mêmes dimensions de court terme et de déséquilibre que la vente ou l’achat « Alarache ».

    Pour les béotiens, la méthode « Alarache » est sous copyright internationale des chefs de projet et complètement utilisée dans l’informatique. Veuillez donc être prudent dans son emploi.

  4. Avatar de barberis
    barberis

    Bonjour,

    la dévaluation interne pour faire de la croissance ! bientôt, la majorité d’entre nous, et pas seulement les « pauvres », travaillera que pour les dépenses contraintes, avec ou sans retraites incluses ? en fait c’est le nivellement avec les pays pauvres. Juste retour de balancier ? la révolte c’est quand ont découvre que tout ce systéme de servage, gâchis humain et écologique généralisé aboutit à nourrir une partie du monde connectée à 142 entreprises trans nationale qui se payent de la bête. Ce genre d’économie est elle écrite dans les livres scolaires ?

    Cordialement

  5. Avatar de Joan
    Joan

    La seule question qui vaille désormais, c’est de savoir quand le système atteindra son point de rupture ou la bifurcation qui le fera passer de l’ancien équilibre – qui est devient de plus en plus instable – à un nouvel équilibre dont les contours sont encore imprécis et qui on l’espère sera plus stable.
    Reste aussi à savoir combien durera la transition, et quelles turbulences elle générera.

  6. Avatar de pseudo cyclique

    libé rapporte les ennuis financiers des régions (que la mort beaucoup trop prématurée de mr Seguin de la Cour des Comptes n’a fait finalement que reporter de quelques mois une inévitable parution ) ..

    on peut raisonablement penser que si le winconsin et la californie sont en faillite alors il n’y a de raison qu’une région française ou un Land allemand ne le fussent pas tout autant !

  7. Avatar de LEON
    LEON

     » Parmi les autres valeurs, le titre Belvédère bondissait de 23,69% à 26 euros alors que le groupe de spiritueux, en proie à des difficultés financières, a été placé mardi en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nîmes (Gard).  » ( source : Boursorama).

    Alors la je n’ y comprend plus rien, ils ont perdu la raison ( je sais, c’est pas un scoop ). Qqn peut m’ éclairer ?

    1. Avatar de eric
      eric

      ils ont des hedges funds qui leurs ont prete du fric
      sur le cul,et a causes de traites pas respectees avec celles ci,elles veulent tout le navire.mais ils ont un endettement comptablement dans la norme de ce qu’il se fait,il y a actuellement un debat interessant la dessus,la loi donne raison aux hedges funds si on respecte la loi a l’euro pres ,mais il y a l’aspect moral…;Les juges du tribunal de commerce de dijon n’ont rien prononce de definitif je croit.

  8. Avatar de eric
    eric

    En 1981 j’avais 24ans,un type en pleine campagne pour la presidentielle annonce qu’il abolira la peine de mort sachant que la majorite des francais etait pour(la peine de mort),sur que j’ai courru voter,et depuis il en a coule de l’eau sous les ponts…..

    1. Avatar de D-croissance
      D-croissance

      @eric
      L’abolition de la peine de mort est une des plus belles actions politiques de Mitterrand.
      A cette époque, pour reprendre la formule de Giesbert, il voulait encore changer la vie. Après, c’est la vie qui l’a changé! Une fin de règne pathétique, avec toutes ces affaires et ces scandales…
      Un personnage fascinant mais sulfureux ce Mitterrand, mais les morts sont toujours des braves types comme l’a bien chanté le grand Georges (un vrai brave type celui-là, encore plus bon vivant que mort!)

      1. Avatar de ploucplouc
        ploucplouc

        A bas la peine de mort vive le néolibéralisme! !!

  9. Avatar de eric
    eric

    Ce commentaire pour dire que ne connaissant pas nos ages respectifs,je voit que beaucoup de problemes sont attaques sous des angles differents voir polemiques selon que l’on les a vecut ou appris dans des livres.Et avec mitterrand on peut polemiquer pendant des heures l’a pas fait que du propre,mais ceci n’est qu’un exemple

  10. Avatar de Hatoup
    Hatoup

    Lorsque l’on envisage une solution il faut toujours regarder les inconvénients pas seulement les avantages… Si l’Allemagne sortait de l’€uro pour nous laisser nous démieller…

    Les taux d’intérêt du 10 ans français monterait recta à… j’estime 8%.

    Bon courage…

    1. Avatar de Luxy Luxe
      Luxy Luxe

      Ben, c’est pas grave, puisque, au choix :

      1. la nouvelle banque centrale européenne, succursale de la banque de France, financerait les déficits par création monétaire; entraînant une dévaluation supplémentaire de l’euro et renforçant notre compétitivité par rapport à celle de l’allemagne (et comme on bouffe de l’uranium et pas du gaz, la facture des importations énergétiques n’augmenterait pas trop…)

      2. la France répudierait sa dette (plus besoin de rouler la dette existante et comme le budget, hors charge d’intérêt, est en équilibre, plus besoin d’aller se financer sur les marchés)…

      1. Avatar de Hatoup
        Hatoup

        Tiens encore un qui croit que l’argent pousse sur les pommiers et/ou qu’il suffit de l’imprimer.

      2. Avatar de ploucplouc
        ploucplouc

        @Hatoup
        Ben ouais C’est ce fait fait ben Bernanke imprimer des billets pour les banques

      3. Avatar de Luxy Luxe
        Luxy Luxe

        @Hatoup : comment appelez-vous le fait pour la BdF de souscrire aux émissions obligataires de l’ETat français ?

      4. Avatar de hatoup
        hatoup

        @ploucplouc

        on a vu les résultats :
        – un beau zéro pointé pour l’économie réelle (chômage etc…),
        – une inflation du feu de dieu sur les produits impactant les plus pauvres (matières premières),

        Par contre les banquiers en redemandent !
        Cela ne te fait pas réfléchir ?

        @Luxy Luxe
        J’appelle cela tout simplement monétiser les dettes, le Japon… Quoi… C’est ça que vous nous proposer comme solution. Ah elle est belle la France, maintenant notre modèle c’est le « kick the can further » Japonais…

        Ecoutez il y a des coûts, vous voulez des services de l’état… et bien nous payons et au moyen de l’impôt. Ce n’est pas plus compliqué. Pas besoin de présenter ds bouts de papier sur les marchés ou de créer ex nihilo de la monnaie (qui paye cette création monétaire ?, il y toujours quelqu’un qui paye même lorsque l’on imprime !). rien n’est gratuit dans la vie…

  11. Avatar de Thierry
    Thierry

    Je sais que c’est un peu hors sujet, mais j’aimerais signaler une très intéressante nouvelle vidéo de Arnie Gundersen de FAIRWIND sur l’accident de Fukushima et plus généralement sur tous les risques inhérents aux réacteurs du même type (Boiling Water Reactors) de par le monde. La vidéo est en anglais (mais il y a désormais un site miroir en japonais pour ceux qui préfèrent)…

    http://www.fairewinds.com/updates

    (C’est un peu hors sujet, quoique…. Dans le cas de ces réacteurs comme dans la « gestion » de la crise de la dette, ce qui apparaît clairement, c’est le mépris absolu de la vie des gens).

    1. Avatar de ploucplouc
      ploucplouc

      Vous avez bien raison la vie des gens c’est que dale seul l’argent compte le prix, crever pour du papier merci au super intelligent qui nous gouverne vive la mort radioactif qui vous pend au nez.

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