Billet invité.
« Le capitalisme a fait son temps ! » Sommes-nous revenus au temps de Jaurès ? ou bien plutôt aux années qui suivirent, quand on cessa de prêter attention à de telles proclamations tellement elles furent rabâchées ensuite sans succès. Nous nous sommes habitués, résignés à l’idée que le capitalisme en avait encore pour longtemps. Ses laudateurs étant de leur côté habités par la conviction bien ancrée qu’il représentait le stade suprême de l’évolution des sociétés, cadre indépassable qu’il ne s’agissait que de perfectionner.
Au fil des épisodes de la crise actuelle s’insinue sournoisement une petite idée : et si c’était pour de vrai ? Si, après avoir clairement montré ces temps derniers qu’il n’entendait pas s’amender, le système continuait d’imploser, incapable de reprendre pied, pris dans un processus d’auto-destruction irrésistible ? Dorénavant porteur des pires des promesses après avoir longtemps prétendu être l’instrument par excellence du progrès et du bonheur sur Terre.
Est-il nécessaire de tant se pencher pour apercevoir des préfigurations de ces sinistres promesses ? Il n’y a que l’embarras du choix. La figure montante du gouverneur du Texas Rick Perry, déjà donné comme rassembleur des républicains, n’appelle pas de commentaires tellement elle est caricaturale, mais pourtant vraie. Ce que charrient les discours de David Cameron, premier ministre britannique, est à sa manière de la plus grande des éloquences. Mais derrière ces mauvaises comédies se dissimule une stratégie de survie : la leur et celle du monde qui se serre derrière eux. Car ce n’est pas une bataille d’idées !
Elle repose sur une seule et unique conviction : redonner à la finance l’assise qu’elle a perdue, pour que tout puisse recommencer comme avant, à quelques ajustements mineurs près, qu’il faut bien concéder. L’objectif est de relancer la machine, bien qu’elle se soit révélée infernale. Mais un nouvel obstacle surgit actuellement, qui a pour nom récession et que l’on préfère appeler croissance faible en faisant explicitement référence au modèle japonais, et rend le processus de désendettement – promis pour être long pour les uns et expéditif pour les autres – pour le moins hasardeux.
Eludée, une problématique revient au premier plan : comment redonner à l’économie son assise, car il apparaît qu’elle est également perdue, et que la finance ne retrouvera pas la sienne sans elle ? On recherche donc la croissance, mais celle-ci n’est hélas pas au rendez-vous. On ne sait pas très bien pourquoi, ce qui implique que l’on ne sait pas non plus très bien comment la relancer. Sauf en diminuant le coût du travail. En ayant oublié qu’hier encore on s’interrogeait gravement, mais le temps d’un instant, à propos de la mesure de la richesse, sur laquelle est basée celle de la déesse croissance.
Pour un peu, on en viendrait à s’interroger sur la notion même d’assise. C’est quoi, après tout, une assise économique ? La définir comme porteuse de croissance n’aide guère. Invoquer à tout bout de champ les fondamentaux, bien entendu toujours solides, n’est pas davantage d’un grand secours. Le discours économique serait-il creux ?
Ces mises à plat n’en finiront donc jamais ! Si l’économie est indéniablement une activité sociale, serait-elle alors destinée à satisfaire prioritairement les besoins sociaux essentiels ? A une époque où les niveaux de productivité du travail atteints permettent d’assurer la production de biens et de services pour y répondre, sans gaspiller les ressources ? Ce marketing-là est bien déroutant.
Mais s’il n’est pas possible de relancer la machine à produire de la dette à l’échelle qu’elle avait atteinte, parce qu’elle s’écroulerait à nouveau, à quoi faut-il alors se résoudre ? A distribuer la richesse de manière égalitaire ou à restreindre la consommation à ceux qui en ont les moyens, l’économie risquant fort de ne pas y trouver son assise. Toutes ces questions se tiennent, décidément.
Encore une dernière. L’heure est au désendettement, un processus que l’on pourrait désigner plus justement en parlant de crever la baudruche financière, cette excroissance hydrocéphale qui fait perdre l’équilibre. A coeur vaillant, rien d’impossible : ce n’est qu’une question de méthode. La bonne a-t-elle été choisie ?
S’en remettre au marché – comme en toute chose – n’est pas nécessairement la plus efficace des idées. Non pas parce qu’elle suppose la prospérité d’un côté (pour les institutions financières qui peuvent ainsi reconstituer leurs forces) et l’austérité de l’autre, mais parce que suivant ce mode elle n’est plus remboursable. À la main tâtonnante du marché, ne serait-il pas nécessaire de substituer un processus ordonné, dénommé restructuration ? Et de le concevoir pour le mettre en pratique à l’échelle planétaire où ces créances irrécouvrables qu’il faut abandonner se sont répandues. Ce qui revient à crever avec toute l’asepsie nécessaire l’abcès financier.
On est loin de ces taxes epsilonesques sur les transactions financières, refusées pour leur principe par la City et Wall Street. Ou de ces euro-obligations miraculeuses destinées à faire rouler la dette comme roulements à bille, revenant à financer la dette par la vertu d’un nouvel endettement. Autant appeler les choses par leur nom : ce sont des expédients à côté de la plaque. Sans plus de réalité que ces taxations exceptionnelles et transitoires des revenus élevés que l’on voit fleurir au fur et à mesure que se précisent d’autres sacrifices bien plus lourds.
Mais dans la panoplie des mesures illusoires, les euro-obligations ont une place particulière : pour être selon les plus hautes autorités introduites, elle supposent le problème résolu, c’est à dire une politique économique de croissance commune trouvée…
In fine, d’augustes économistes sont mis à contribution pour disserter de l’inflation comme remède de dernier recours, tels ces médecins d’autrefois qui se déchiraient autour du lit du patient sur l’opportunité d’une bonne saignée. Hier mal du siècle combattu par les banques centrales, l’inflation serait-elle aujourd’hui la porte de sortie recherchée ? Plutôt une échappatoire de plus ! Car ce serait s’en remettre par défaut à un processus aveugle là où il faudrait le maîtriser.
L’hypothèse des banques centrales est simple à énoncer : elles anticipent une longue période de croissance très faible et d’une inflation restant mesurée. La capacité des banques à y faire face est une question qui redevient d’actualité après avoir été escamotée. La loi auquel obéit le balancier est inexorable : après avoir penché d’un côté, il revient de l’autre.
Les valeurs financières ont recommencé à chuter, entraînant les places boursières européennes. La Fed s’inquiète de la solidité des filiales américaines des banques européennes. Les Suédois annoncent des mesures de protection des leurs afin de les prémunir de contre-coups à venir. Les remèdes qu’il faut envisager sont assurément autres que ceux qui sont officiellement discutés, au pouvoir comme dans l’opposition…
107 réponses à “L’actualité de la crise : MISES À PLAT par François Leclerc”
@ Luc
« Mais pourquoi donc vous creusez-vous autant les méninges à chercher des raisons et à trouver des solutions ?
Tout va changer, bientôt Il ne sera plus question de répartition de revenus ou de richesses puisqu’il n’y aura plus rien à partager vu qu’une très grande partie de nos PIBs est un mensonge inutile et artificiel. On tente encore de nous faire croire à sa réalité mais de plus en plus de monde commence à se rendre compte qu’il n’y a que du vide. »
Luc me semble représentatif d’un courant « fin de mondiste » bien représenté dans les commentaires. Etant d’une génération dont certains en France attendaient la Révolution pour Septembre 68 (après les vacances) puis quand la barre des 500000 chômeurs, puis un million puis deux millions a été franchie, je n’ai jamais rien vu venir. Pour les crises financières il y a eu 1987, 1992-93 (Maastricht), 1997 (Asie) etc. Idem. Le problème se durcit mais les gens ne choisiront une solution que si elle parait meilleure.
Il faut donc faire des analyses et proposer des solutions
Boycott des consommations inutiles et désobéissance civique sont les premières impulsions à donner. Aucun politicien en France ne les promeut, fut-ce comme pistes de réflexion. Même pas Mélanchon.
Quand on a parfois comme seule publicité « vu à la télé » , sans autre motif d’achat et que les gens achètent en masse .. la question se pose au fond : peut-être y aura -t-il des réactions quand ces ceuss-dits plus haut ne pourront plus acheter leurs merdes vues à la télé ???
Ils achèteront des merdes vues à la radio 🙂
la phrase apocryphe attribuée à Malraux (un cliché médiatique de plus reservi inlassablement en boucle depuis le « new age ») est en réalité de William James (1842-1910), le « père » de la psychologie « moderne » : « Le XXI siècle sera spirituel ou ne sera pas. Les Galilée et les Lavoisier de demain viendront en métaphysiciens »…
Hé hé…
Dans la série de la transparence :
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/economie/20110818.OBS8728/jeudi-noir-pour-les-bourses-europeennes.html
« L’institut monétaire (BCE) a prêté 500 millions de dollars pour sept jours à une banque dont l’identité n’est pas révélée, a-t-elle annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi. »
« chères » onéreuses banques…
« Quant à ceux qui affirment que les hausses d’impôts nuisent à la création d’emplois, je leur ferai remarquer qu’environ 40 millions d’emplois nets ont été créés entre 1980 et 2000. On sait ce qui s’est passé depuis : une baisse des taux d’imposition et de moins en moins de créations d’emplois. » Warren Buffet
la voie de l’équilibre budgétaire passerait elle aussi par une augmentation des impôts ?
A transmettre au ministre du budget de toute urgence.
A A A
ou
A A A A A
il faut choisir mais vite.
inutile de transmettre il sait ce qu’il fait : casser le service public lié au bien de tous pour rentabiliser les services au bénéfice de quelques uns .
40 millions d’emplois nets, et combien d’emplois pas nets?
Synthèse éclairante avec un doigt de porto ironique, ce qui ne gâche rien.
On dirait bien qu’on va vers des replis nationaux, un égoïsme musclé à la schlague qui permettra à la bourgeoisie de survivre, en ordre séparé, tout en attendant une sorte d’épuration darwiniennes des instances financières. Tabula rasa, arasant au passage toute perspective politique et plongeant le social dans l’atonie.
Voilà bien un optimiste ! les bourgeois eux-mêmes n’en sont pas si sûrs !
OUAIP !
je serai brève . comment faire confiance à quiconque au sein de cette humanité qui reste ce qu’elle est « animale » ? avec sa loi du plus fort et autres lois similaires du talion .. car après maints humanistes , prophètes , philosophes et des meilleurs , avant et après le Jésus petit ou grand , que faisons-nous de plus que nos prédécesseurs ???
Que tout s’écroule , que l’on fasse une révolution .. qui va encore s’en tirer ??
Pas le pauvre mec sympa qui pensera aux autres , pas les braves qui se sacrifieront , mais les tarés qui écraseront tout le monde , qui magouilleront , qui friponneront , et les mafieux .
Alors essayons encore de nous en sortir en nous serrant les coudes , à la suite des résistants qui ont envisagé un autre monde moins satanique « indignons-nous » nous aussi vraiment , suivons Hessel et précédons-le !
Tous à Paris et ailleurs , montrons notre force , notre volonté , c’est à nous de commander , pas à « eux » !!!!
Les mots en dé…
désendettement
décroissance
délocalisation
désinvestissement
déréglementation
…
Tous ces mots qui commencent par dé et qui suggèrent un retour en arrière me persuadent de la nocivité de l’idéologie du progrès.
Je vous en livre quelques autres :
débâcle
débandade
débusquement
décadence
décapitation
déchéance
déchirement
déchristianisation
déclassement
décolonisation
décomposition
déconnection
décontamination
décriminalisation
…
dégénérescence
…
désespoir.
Et le plus d’actualité : démondialisation
J’ai aussi omis : déconstruction
départ … aussi !
Passionnant ! On se croirait sur « Langue sauce piquante »…
Paradoxalement dé-gommer quelques intervenants ne ferait pas de tort.
Pffff… Et ya délire, dédain, déréliction désintoxication et déconnance aussi, et au hasard… désobligeance, j’l’aime ben çuila, et mon préféré : désembuage (pas désenfumage, ça c’est pour les fumistes Moyiens).
Mais bon, le top niveau c’est kamême déshérence et désœuvrement…
Et le choc face à cette stratégie pourrait bien s’avérer brutale.
Quand les pertes seront arrivées à un point de non retour et qu’il ne servira alors plus à rien de s’en affliger, les mauvaises comédies des mondialiste du désastre seront vaines :
Dorénavant, l’espèce humaine ne se sent concernée non pas par les idéologies mais par ce qui lui permet de survivre.
Le capitalisme, le communisme, le socialisme, la social-démocratie sont des mots qu’il faut jeter à la poubelle immédiatement, parce que toutes ces idéologies reposent sur l’hypothèse de ressources (et une croissance) infinies.
Aucune de ces idéologies qui sont des dinosaures morts, des fossiles archaïques, dénués de pertinence quant à notre de mode de vie actuelle, aucun d’entre eux ne reconnait le nécessaire équilibre entre la croissance et la planète.
Oublions l’idée que nous pouvons posséder autant que nous le voulons parce que tant que l’humanité n’aura pas accepté le fait qu’elle habite une planète finie et qu’elle doit vivre en équilibre avec cette planète, avec les ressources de cette planète, sa vie animale et les autres formes de vies, il ne peut y avoir aucune forme de bonheur.
« Quand vous cherchez, partez de votre coeur,
le coeur est la maison de la vérité. »
Oh c’est joooolii ! Deepak Chopra la citation de neuneu, Sam’s, non ?. Manquait plus que ce grand gourou new-age sur le blog. C’est fait. Nous v’là dorénavant tout oints de sa bienveillante prêsence.
Saviez qu’il avait eu droit à un prix Ig® Nobel de physique en 98 ? Si si,
Pensez ! Un mec qu’avait l’oreille attentive de Michael Jackson inquiet comme on sait de sa santé… ou de Lady Gaga aujourd’hui. Une sommité le zig.
… Incroyable hein ? L’Ig® Nobel, vous savez… décerné chaque année
…
Cette année là, Benveniste y avait eu droit aussi
A tous. Allez voir la liste des Prix Ig® Nobel, ça paye… surtout en éco, presqu’aussi comiques que les vrais Nobel, vous dire !
http://improbable.com/ig/ig-pastwinners.html#ig1998
Bon et bien voilà , on sait dorénavant coment la réalite et la vérité ont été inventées , et même où .
On sait donc aussi greffer la vérité .
Vous êtes vraiment formidable @Vigneron et j’aime beaucoup votre talent à débusquer l’ombre et les contradictions.
La plupart des gens sont dans le déni de leur propre part d’ombre.
Vos remarques forcent mon admiration car elles sonnent souvent justes.
Que Deepak Chopra soit connu pour être un gourou et ici, dans votre remarque, auprès de certaines célébrités du show-biz ne me gène pas.
Chacun est libre d’adhérer ou non à son cheminement.
Je ne prends que le meilleur dans ce qui m’est utile.
Cependant, vous semblez avoir oublier les prédicateurs et autres prophètes millénaristes autrement plus dangereux, ces matérialistes de la spiritualité moderne par une prise en otage pour le retour de rites creux, naïfs et anciens, une infantilisation infinie de ces thèmes à travers des notions d’obscurantisme – 4D5D, la pensée positive d’un jusqu’au-boutisme à outrance, conscience universelle, amour inconditionnel et autres bizounours salvateurs …
… à mille lieux des connaissances de notre époque pourtant si prodigue en découvertes et en réalisations d’ampleur.
Leurs pratiques sont nouvelles, mais la méthode est ancienne.
Car ce sont les résultats qui mesurent une théorie : toute philosophie doit passer l’épreuve des faits pour ne pas constituer une fuite du réel, une substance hallucinogène, un carcan dogmatique, un prétexte à « gouroutéiser » la planète et ses habitants, d’un nouvel (dés-) ordre mondial.
Je pourrais répondre sous l’angle de la physique quantique cher à Chopra, mais ce n’est pas mon but ici.
Ce en quoi je crois et ce qui m’anime face à ce que nous vivons actuellement, passe par ce que cela fait résonner en moi.
Qu’est-ce qui me révolte autant des dérives du système, si ce n’est en effet miroir, les résistances que je n’aurais pas résolu concernant ma propre vie ?
Et si c’est le cas, comment pourrais-je être un acteur éclairé du changement que nous sommes appelés à construire, être force de propositions et d’actions, au niveau de ma sphère d’influence ?
Ce que j’aime sur ce blog, c’est la pertinence de ses articles dans l’analyse immédiate du contexte que nous sommes en train de vivre, comme de la qualité de chacune des interventions des commentateurs mais aussi, son acceptation de la libre expression, son humanité et le respect des opinions de tout un chacun.
Pourquoi alors une démarche intérieure n’y aurait-elle pas sa place ?
Merci de m’avoir permis de préciser par votre intervention, ma pensée.
Pour Vigneron
Bien vu.
Tout ça c’est de l’éthique en toc.
Des trucs pour gens crédules mais qui savent penser « pognon ».
( faut pas perdre le nord.) A croire que le pognon est le seul
critère de leur adaptation au monde…
Des bonimenteurs pour déboussolés, y’a là comme un signe
de mutuelle reconnaissance.
Il ne cherche pas, car il a trouvé…
Plaquer les quantas sur le truc, c’est comme les Tee-Shirt de la bonne Oprah.
( Mais la bonne Oprah est semble-t-il inoffensive…)
Y’a des jours où l’Union Rationaliste devient sympathique.
Mais bien sûr, pourquoi n’y avais-je pas pensé !
Diriger les feux de la rampe sur un pianiste populaire et lui tirer dessus !
Effet expiatoire garanti mais non durable.
[…] 18 août 2011 par François Leclerc […]