LE POIDS DE SON INDIGNATION

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Herman van Rompuy, président du Conseil européen, publie à l’instant un « point de vue » dans Le Monde intitulé : « Nous vivons une crise non pas de la zone euro mais de l’endettement public » où il écrit entre autres :

« Jeudi 21 juillet, les dirigeants de la zone euro se sont réunis à Bruxelles. Nous avions deux objectifs en vue : d’une part, garantir le financement du programme pour la Grèce et ramener l’endettement de ce pays à un niveau plus supportable, … nous avons baissé le taux d’intérêt sur les fonds publics que nous prêtons à la Grèce à un niveau proche de nos coûts de financement (c’est-à-dire entre 3,5 % et 4 %)… »

Je n’ignore pas que ce soit le cas, mais quel rapport entre ce geste et le fait que je l’aie réclamé avec une certaine véhémence à une époque où tout le monde s’accommodait très bien du fait que ces taux aient d’abord été fixés à un niveau exorbitant ? J’écrivais en effet dans ma chronique du Monde-Économie du 7 mars, intitulée, « Un mécanisme de stabilité punitif » :

« Comme les autres Etats de la zone euro se portaient garants de la dette grecque, le risque de défaut était en réalité nul, et la composante « prime de risque » du taux exigé de la Grèce aurait donc dû être, elle aussi, nulle ! Le taux élevé exigé signifiait donc que la composante « profit » du taux avait été gonflée de manière extravagante par les Etats prêteurs. Quelle en était la justification ? La seule imaginable – à l’exception d’un opportunisme cynique – est l’ignorance par les instances européennes des composantes d’un taux d’intérêt ».

Le but de ma charge était de faire honte aux puissances européennes prêteuses à la Grèce. A-t-elle été entendue ? Je n’en sais rien (la probabilité se situe quelque part entre 0 et 1) mais on aimerait bien parfois avoir une idée du poids de son indignation. Il n’y a pas de mal à prêcher dans le désert, mais on aimerait parfois savoir quel est le degré de désertification du désert en question.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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59 réponses à “LE POIDS DE SON INDIGNATION

  1. Avatar de Paul Tréhin
    Paul Tréhin

    Herman van Rompuy comme les autres dirigeants européens et plus largement mondiaux ne semblent pas avoir compris ni vouloir comprendre que derrière les analyses financières et le tableaux de chiffres, il y a de être humains et plus largement une planète…

    Même l’ONU a critiqué les politiques d’austérités comme étant improductives et dit même qu’elles assassinent
    Voici la démocratie, en faisant supporter aux plus faibles les coûts des erreurs des plus forts.

    Je viens de recevoir d’une des multiples associations Européennes, regroupées au sein de la Plate-Forme Sociale Européenne, associations se battant contre les discriminations de tous ordres et défendant plus d’équité dans la répartition des biens et services que produisent nos économies:
    La FEANTSA, Fédération européenne d’associations nationales travaillant avec les sans-abri
    http://www.feantsa.org/files/freshstart/Policy%20documents/Impact%20of%20Austerity%20Measures%20on%20Homeless%20Services_Policy%20Paper_fr.pdf

    Là on est au niveau des femmes et des hommes qui souffrent des mesures d’austérité, fort improprement appelées mesures de rigueur…

    Plusieurs autres associations ont aussi manifesté leur détresse face à l’abandon des personnes les plus démunies au travers du prétexte de politiques d’austérité et de réduction de la dette publique.
    Par ailleurs il faudrait rappeler à Monsieur Herman van Rompuy que les dettes privées ont elles aussi gravement augmenté en raison de la baisse de la part du travail dans la valeur ajoutée des entreprises en Europe et plus généralement dans les pays de l’OCDE. Moins de travail = moins de salaires, = moins de moyens don utilisation du crédit, compte tenu de la pression consumériste dans laquelle nous vivons, et dont ont d’ailleurs besoin les économies de type « capitaliste de marché »

    Enfin, la politique de réduction des impôts, dans presque tous les domaines, a autant sinon plus contribué à l’accroissement de la dette publique que ne l’ont fait des programmes sociaux nouveaux, ces derniers ne représentant qu’une partie des dettes publiques. N’oublions pas non plus qu’une grosse partie de l’accroissement de la dette publique a été causée par le renflouement des banques suite à leurs comportements spéculatifs éhontés, tout autant que ratés…

    Bien à vous.

    Paul T

  2. Avatar de Paul Tréhin
    Paul Tréhin

    Notons aussi que c’est la défaillance des politiques d’emploi voire même leur inexistence qui crée le chômage lequel engendre un double mécanisme d’accroissement de la dette publique: du côté des dépenses et du côté des recettes.

    Commençons par les recettes: moins de salaires versés entraine moins de cotisations sociales,lesquelles sont principalement calculées sur l’assiette des revenus du travail.

    Moins de salaires implique aussi moins de recettes fiscales directes et indirectes, autant de moins pour financer les politiques sociales et les investissements publics.

    Du côté des dépenses, le chômage entraine bien entendu le versement d’indemnités, même si ces dernières sont souvent insuffisantes et surtout limitées dans le temps.

    La « rigueur » voudrait au contraire des politiques d’austérité, que l’on emploie dans les services publics ces personnes sans emplois de manière à ce que leurs emplois stables apportent à l’économie et à la société en général une valeur ajoutée, surtout quand manquent dramatiquement les moyens d’agir dans presque tous les services publics.

    Sans oublier que le travail constitue bien autre chose qu’une source de revenu. Le travail reste encore pour la plupart des citoyens leur manière de savoir et de faire savoir qu’ils contribuent à la société dans laquelle elles et ils vivent.

    A ce propos, j’ai une protestation à faire contre l’usage du terme « inactif » pour les personnes à la retraite ou ne pouvant accéder au marché de l’emploi. Il y a en effet d’autres manières de contribuer à la vie de la société que par le travail salarié. Mais les adeptes des politiques d’austérité et de réduction de la dette publique n’en veulent rien entendre…

    Paul T.

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